Monsieur le président, madame la vice-présidente de la Commission européenne, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général du budget, chers collègues, merci de cette invitation, qui vient à un moment extrêmement important, au niveau européen comme au niveau national.
Au niveau européen, à la suite du Six-pack, du Two-pack et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous nous apprêtons à recevoir les propositions du président Herman Van Rompuy pour le Conseil européen de décembre, qui doit, d'une certaine manière, dessiner le deuxième âge de l'union économique et monétaire.
Au niveau national, la date que vous avez choisie vous permet, avant l'examen des lois de finances, de discuter de la façon dont la dimension européenne doit être intégrée dans le débat national et augure d'un changement d'époque.
Cette question renvoie, en France, à des débats très anciens. C'est ici, sous l'autorité de Pierre Bérégovoy, à l'occasion de la négociation du traité sur l'Union européenne qui a établi l'euro, que l'expression de « gouvernement économique » a été lancée. Il y a, depuis, une difficulté à exploiter tout le potentiel d'une telle expression et à sortir de certaines contradictions, comme à l'occasion du rendez-vous qui est le nôtre aujourd'hui.
Un « gouvernement économique » cela suppose qu'au-delà du pacte de stabilité, qui relève de la sanction, on crée les conditions d'une coordination ex ante. Et organiser une telle coordination, c'est accepter de parler ensemble de son budget avant même qu'il n'existe.
De ce point de vue, les propos tenus devant votre assemblée la semaine dernière par le Premier ministre, qui a dit combien la coordination devait être un outil et même le moyen de la croissance, éclairent d'une manière très particulière ce débat de méthode.
Les tentatives antérieures ont été brouillonnes, balbutiantes, mais nécessité fait loi et la crise nous oblige à aller de l'avant.
Mais je ne voudrais pas que nous nous trompions de discussion. En Europe, nous connaissons parfois la tentation de la subsidiarité : ceci est à toi, cela est à moi, ne touche pas à mes affaires et je ne toucherai pas aux tiennes. Dans le domaine qui nous concerne, ce n'est certainement pas la bonne méthode : mieux vaut avoir recours à ce que l'on appelle la « gouvernance multi-niveaux », qui implique que chacun fasse à son niveau ce qu'il doit faire, pour atteindre un objectif commun. Cela suppose une mobilisation à la fois du Parlement européen et des parlements nationaux : je vous en supplie, ne nous méprenons pas sur le rôle des uns et des autres !
Le semestre européen – expression sans doute malheureuse puisqu'il dure en réalité toute l'année – débute avec le Conseil européen de printemps, au cours duquel les chefs d'État et de gouvernement définissent ce que seront les grandes orientations politiques et économiques et font l'examen annuel de croissance sur la base des travaux de la Commission. Sur cette base, les parlements nationaux apportent ensuite leur contribution par la voix de leur gouvernement. La question de savoir comment les parlements nationaux sont associés à ce temps oblige à penser les deux espaces de débat politique, l'espace européen et l'espace national. Et c'est bien dans l'articulation de ces deux espaces que nous devons trouver un équilibre.
D'où la proposition de résolution du Parlement européen, issue de mon rapport sur le semestre européen, où nous revendiquons que le Parlement européen puisse voter en quasi co-décision sur l'examen annuel de croissance, avant le Conseil européen de printemps. En effet, si le débat sur la politique économique devait partir seulement des recommandations spécifiques par pays, à l'avant-dernière étape du semestre européen, nous perdrions toute capacité à penser l'espace européen comme un espace politique et économique complet, et à l'optimiser, ce qu'Alain Lamassoure a appelé de ses voeux.
D'où l'importance de nous inscrire dans le calendrier réel qui, cette année, commencera très concrètement le 28 novembre, lorsque la Commission adoptera l'examen annuel de la croissance. La première étape s'achèvera lors du Conseil européen de printemps des 14 et 15 mars, quand les chefs d'État et de gouvernement valideront la base à partir de laquelle les gouvernements élaboreront à la fois leurs programmes nationaux de réforme et leurs programmes de stabilité et de convergence.
C'est dans ce temps-là et en intégrant les deux espaces que nous devons progresser ensemble. C'est dans ce temps et ces espaces qu'il nous faut penser les outils que nous a donnés le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, en particulier à son article 13, relatif à la conférence interparlementaire.
Au Parlement européen, nous avons pensé que, dans la dimension européenne, il fallait intégrer trois commissions. La raison d'être de notre proposition de résolution est que nous pensons que le pilotage de la politique économique doit se faire dans un policy mix bien compris, reposant à la fois sur les politiques économiques et les politiques sociales, ces dernières ne pouvant être traitées comme un solde mais devant être prises en compte d'entrée de jeu, dans l'élaboration des propositions.
La commission des budgets du Parlement européen doit être bien évidemment associée car, son président l'a clairement dit, il est impossible de demander aux États membres de prendre des orientations dans le cadre d'une coordination de leurs politiques, sans que cela se traduise aussi dans le budget de l'Union, qui doit être un outil au service de la stratégie commune.
Si vous me permettez de porter un regard extérieur sur vos compétences, il me semble que deux préoccupations doivent animer les parlements nationaux lorsqu'ils débattent de ces questions et qu'il convient de bien les différencier afin d'exercer le contrôle démocratique là où il doit l'être. S'il s'agit de savoir quelles positions un parlement national peut adopter vis-à-vis de la coordination des politiques économiques, il faut aussi connaître les conditions d'association lorsque le mécanisme de solidarité est mobilisé à l'échelle européenne. On sait que certains parlements se sont arrogé des pouvoirs que d'autres n'ont pas, mais cette question doit être dissociée de celle de la coordination et de l'engagement des parlements nationaux et du parlement européen dans le cadre du semestre européen.
Enfin, je voudrais évoquer la question très importante de l'articulation entre les programmes européens et les programmes nationaux. Si nous pensons que le programme national de réforme et le programme de stabilité et de convergence sont les deux armes essentielles de la réforme structurelle et du sérieux budgétaire, il faut que chaque parlement, chaque gouvernement et chaque État s'organise afin de donner une visibilité sur la contribution de ces budgets à la réalisation des objectifs communs. C'est une vieille revendication, mais aujourd'hui encore, il est par exemple impossible de savoir comment on progresse vers l'objectif relatif à l'éducation de la stratégie de l'Union européenne et quelles dépenses sont engagées pour cela. Bien sûr, il est facile d'identifier ce qui va au programme Erasmus, mais ce qui nous fait défaut, c'est une vision globale des sommes engagées par chaque État membre, aux niveaux national et européen.
Je suis désolée de conclure sur un point qui pourrait paraître de méthode, mais nous savons bien que, dans ces domaines, la méthode compte tout autant que le contenu. Je me réjouis, encore une fois, de l'existence de ce débat, tout à fait essentiel. Je vous remercie.
(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)