Intervention de Pablo Zalda Bidegain

Séance en hémicycle du 15 octobre 2012 à 16h00
Débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances

Pablo Zalda Bidegain, vice-président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen :

Madame la présidente, madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, chers collègues du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Parlement européen, c'est pour moi un véritable honneur, en tant qu'Européen et qu'Espagnol, d'être aujourd'hui dans ce palais qui, depuis toujours, représente les grandes valeurs de la démocratie. (L'orateur poursuit en espagnol.)

C'est le quatrième anniversaire de la crise. Pour certains de nos partenaires économiques qui regardent notre situation de loin, l'Europe semble être un domino en équilibre précaire, susceptible de basculer et de provoquer par sa chute la perte de leur prospérité.

Pourtant, prise dans son ensemble, l'Union est bien loin d'être l'homme malade du monde globalisé. La dette, le déficit, la balance commerciale ne palissent pas de la comparaison avec d'autres grands ensembles. La balance commerciale de la zone euro est en effet équilibrée. Son déficit, pour 2012, est deux fois plus faible que celui du Japon ou des États-Unis.

Le temps écoulé depuis le début de la crise de la zone euro a permis d'établir un diagnostic économique des problèmes : la création de l'union monétaire ne s'est pas accompagnée d'un progrès suffisant en matière d'union politique.

Dans une zone monétaire, les politiques économiques et fiscales d'un État membre peuvent avoir des effets très importants sur les autres États membres.

Les négociateurs du traité de Maastricht en étaient pleinement conscients. Mais la réponse qu'ils ont donnée était faible et partielle. Faible parce que le pacte de stabilité et de croissance, en raison de ses imperfections, a perdu très rapidement de sa force. Partielle parce qu'on n'a décelé à Maastricht ni les risques qu'une union monétaire comportait pour la stabilité du système bancaire ni la nécessité d'une coordination pour lancer des politiques macro-économiques, résultat d'une intégration forte.

L'Union européenne commence à fournir des réponses à ces imperfections. Le semestre européen, justement, est l'une d'entre elles. Il donne à l'Union toute une série d'outils renforcés qui lui confèrent une influence notable pour l'orientation des politiques au niveau national.

L'examen annuel de la croissance permet à la Commission d'identifier les principaux défis pour le futur et de donner les orientations générales sur les politiques économiques qu'il conviendrait d'appliquer.

Les recommandations spécifiques faites aux pays, fondées sur l'analyse des programmes de stabilité et de réforme présentés par les gouvernements nationaux sur la situation économique et budgétaire, ainsi que les politiques économiques déjà en cours, complètent parfaitement ce plan et fournissent des indications extrêmement précises sur les mesures qu'il convient d'adopter.

Je voudrais être très clair. Toutes ces initiatives ne sont pas l'expression d'une volonté des institutions de l'Union de contrôler les États membres. Elles tiennent à la nécessité urgente de gérer en commun toutes les répercussions que pourraient avoir les politiques nationales pour la stabilité, particulièrement celle de la zone euro.

Tandis que les réformes en cours modifient profondément la gouvernance économique, donc les relations interinstitutionnelles, une question fondamentale, autour de laquelle se sont réunis les membres du Parlement européen, se pose : celle de la légitimité démocratique.

Le semestre européen n'est pas étranger à ce déficit démocratique. L'efficacité dans la prise de décision est toujours passée avant la légitimité démocratique. Comme vous le savez, ce sont les services de la Commission qui, avec l'examen annuel de la croissance, établissent, sans contrôle démocratique, les orientations sur la politique économique et budgétaire que les États doivent transposer, en vue de leur adoption par le Conseil.

Un grand nombre de députés des parlements nationaux qui, en ultime instance, votent les budgets qui reflètent les orientations décidées au niveau européen, ont dit qu'ils se sentaient relégués à de simples chambres d'enregistrement. C'est la raison pour laquelle le semestre européen est un outil qui contribue à améliorer la coordination du système de décision, dans un contexte de crise qui rend évidente l'interdépendance entre les États membres de la zone euro.

Mais cela n'est pas tout. Comment pouvons-nous garantir la légitimité démocratique de ces décisions ? En d'autres termes, comment pouvons-nous préserver la démocratie de la gouvernance économique, tandis que se dessinent les limites encore incertaines d'une citoyenneté européenne qui essaie d'émerger après avoir été reconnue par l'article 9 du traité de l'Union ?

Le cadre strictement national ne me semble pas pertinent pour cela. S'accrocher aujourd'hui à la souveraineté comme valeur absolue est, dans la pratique, difficilement concevable. Les interactions entre les États obligent à prendre en compte les facteurs extérieurs, que les États ne contrôlent pas complètement. Comment rétablir alors en Europe un cadre démocratique pour la gouvernance économique, qui garantisse le plein exercice d'une souveraineté partagée dans des domaines tels que la monnaie ou la discipline fiscale ?

Dans le système institutionnel de l'Union, l'obligation de répondre des décisions et des politiques appliquées au niveau européen revient à deux institutions qui jouissent d'une légitimité démocratique : le Parlement européen, qui représente l'ensemble des citoyens de l'Union, et le Conseil de l'Union européenne, qui représente les États membres – et, à travers eux, leurs citoyens.

Ce cadre a ses limites, tout d'abord parce que le traité ne prévoit pas un rôle spécifique pour le Parlement européen dans le pacte de stabilité et la coordination des politiques économiques. En deuxième lieu, parce que le Conseil de l'Union européenne, autorité ultime pour la prise de décisions dans ce domaine, n'est pas soumis à un contrôle démocratique direct.

Par ailleurs, il y a une certaine opacité dans la prise de décisions du Conseil, qui peut quelquefois encourager les dirigeants qui y ont participé à fuir leurs responsabilités en se défaussant sur leurs homologues européens ou sur les institutions européennes. Le citoyen, perdu, ne sait plus à qui demander des comptes.

Vers quelle structure devons-nous nous diriger ? La coopération entre les parlements nationaux, chargés de voter les lois budgétaires, et le Parlement européen, organe de contrôle démocratique des institutions européennes, est sans aucun doute un élément clé qui permettra aux citoyens européens d'exercer pleinement leur souveraineté.

La réunion d'aujourd'hui, qui se déroule en plein débat parlementaire sur la loi de finances de 2013, reflète une volonté très ferme de mettre en pratique cette collaboration – et je peux dire, au nom de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, que cela me réjouit.

Dans le cadre du semestre européen, le Parlement européen a adopté bien des initiatives afin de renforcer sa légitimité. Ces initiatives, qui peuvent être mises en pratique sans avoir besoin de modifier le traité, se matérialiseront l'année prochaine.

Après la publication de l'étude annuelle sur la croissance et avant le Conseil européen du printemps, se déroulera un dialogue économique avec le commissaire responsable des affaires économiques et monétaires, afin de lancer une réflexion sur les directives économiques proposées.

Deux rapports d'initiative propre ont déjà été adoptés pour traduire cette réflexion : l'un sur les aspects économiques et budgétaires, l'autre sur tous les thèmes relatifs à l'emploi. Parallèlement, une « semaine européenne » va être organisée durant le premier trimestre de l'année 2013, comme l'ont dit mes collègues, afin de réfléchir ensemble, avec tous les parlements nationaux, à tous les thèmes qui ressortiront de l'étude annuelle sur la croissance. Les conclusions de ces débats, ainsi que les rapports d'initiative adoptés, définiront alors la position du Parlement européen lors du Conseil européen du printemps, où l'étude annuelle sur la croissance sera analysée et adoptée.

À l'automne, le Parlement européen adoptera un rapport d'initiative qui fera un bilan du semestre 2013. Un débat sera également organisé avec les représentants des parlements nationaux, qui portera sur les recommandations adressées par le Conseil à chaque État, ainsi que sur leur traduction dans les lois de finances respectives. Cet aspect est très important pour tous les pays engagés dans un processus de déficit excessif ou soumis à un programme macroéconomique. Leur marge de manoeuvre est extrêmement réduite, alors que l'on exige d'énormes sacrifices de leurs citoyens. Un premier débat a eu lieu cette année, le 26 septembre dernier, devant la commission des affaires économiques et monétaires, débat auquel le président de la commission des finances du Sénat français, M. Philippe Marini, nous a fait l'honneur d'être présent.

Au moyen de ce rapport d'initiative et du débat avec les représentants des parlements nationaux, nous définirons le message que le Parlement transmettra à la Commission européenne, juste au moment où la Commission sera en train de rédiger l'étude annuelle sur la croissance, qui définira les principaux thèmes pour l'année à venir.

Cela étant, toutes ces réformes doivent s'accompagner du développement d'une conscience publique en ce qui concerne les affaires européennes. Mais l'opinion publique européenne ne peut pas surgir ex nihilo. Il faut absolument améliorer la façon dont les médias abordent les thèmes européens, mais aussi incorporer une dimension européenne dans l'enseignement, en particulier celui de l'histoire. Le prix Nobel de la paix attribué à l'Union européenne confirme l'importance de la construction européenne.

(L'orateur conclut en français.)

Tous les défis que j'ai évoqués sont devant nous. Il nous appartient de les relever, il en va de notre responsabilité face à l'histoire.

Raymond Aron a écrit : « l'homme d'action est celui qui garde le sens d'une tâche grandiose à travers les médiocrités quotidiennes. La communauté européenne (), ce n'est pas le thème pour l'enthousiasme d'un jour, c'est le thème final de l'effort qui donne un sens à une vie ou fixe un objectif à une génération. »

Aujourd'hui, j'espère que, comme moi, vous vous sentez des hommes et des femmes d'action.

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