Madame la présidente, madame la vice-présidente de la Commission européenne, messieurs les ministres, mes chers collègues du Parlement européen et de l'Assemblée nationale, je voudrais tout d'abord vous dire ma satisfaction de voir ce débat enfin organisé. C'est une première, et il était temps, car nous évoquons là des matières qui touchent au coeur des prérogatives des parlements.
Je commencerai par une observation sur la méthode, avant d'aborder le fond.
Sur la méthode, vous savez que l'Assemblée a, à mon initiative, complété la loi organique sur les finances publiques afin d'y faire figurer le principe de tels débats. L'article 7 bis du texte de loi qui, voté par notre assemblée, va être transmis au Sénat, dispose que, dès qu'il y aura des procédures de dialogue économique et budgétaire entre les institutions européennes et le Gouvernement, des débats pourront être organisés, aux dates permettant la meilleure information du Parlement. Je précise tout de suite que si le texte voté évoque, pour des raisons constitutionnelles, la possibilité de débats parlementaires, il n'y a aucun doute, pour moi, quant au fait que ces débats devront avoir lieu.
J'ai également veillé à ce que ces débats soient mentionnés dans la résolution initiée par Christophe Caresche à la suite des travaux réalisés avec Pierre Lequiller sous la précédente législature sur la mise en oeuvre de l'article 13 du TSCG. Cette résolution, qui prévoit une conférence entre Parlement européen et parlements nationaux sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen, sera d'ailleurs inscrite, à ma demande, à l'ordre du jour de notre assemblée. Il est essentiel qu'aient lieu, avant cette conférence parlementaire, des débats au sein des parlements nationaux, afin de la préparer. Cette exigence est particulièrement forte pour notre assemblée, où les débats européens ont été rarissimes jusqu'à présent. Il faut non seulement décloisonner, cher Alain Lamassoure, mais aussi, comme je l'ai dit, préparer ces débats.
Par ailleurs, des débats de cette nature n'ont un sens que s'ils permettent au Parlement de faire valoir utilement son point de vue, ce qui implique qu'ils aient lieu aux moments opportuns – avant les grandes échéances, et non après. C'est pourquoi l'amendement inséré dans la loi organique, que Marietta Karamanli et moi-même avions déposé, vise les dates permettant la meilleure information du Parlement. C'est le cas en ce mois d'octobre où deux débats européens sont organisés cette semaine, parce que nous allons avoir, juste après, d'une part l'examen du budget, d'autre part la réunion du Conseil européen. Je remercie le Gouvernement d'avoir ainsi dégagé deux créneaux dans l'ordre du jour de l'Assemblée, même si je regrette la durée limitée de ces débats, qui réduit les prises de parole.
Je suis convaincue qu'une implication accrue du Parlement dans les processus européens est absolument essentielle, alors que, dans la crise que nous traversons, l'Union doit établir une vraie coordination des politiques économiques et budgétaires, après une décennie où l'on a fermé les yeux sur les dérives budgétaires de certains, voire leurs statistiques mensongères, et les déséquilibres macroéconomiques croissants dans la zone euro. À défaut, ce n'est plus de déficit démocratique de l'Europe qu'il faudra parler, mais de gouffre !
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je pense que nous devons trouver un moyen de nous organiser en amont, entre Parlement et Gouvernement, pour établir le plus tôt possible un calendrier prévisionnel des grandes échéances auxquelles un débat devra être organisé et obtenir l'engagement formel qu'il en sera tenu compte dans l'établissement de l'ordre du jour des assemblées. Nous devrons également discuter, bien évidemment, de la durée et de l'organisation de ces débats. J'aimerais que vous nous disiez, monsieur le ministre, ce que vous pensez de ces propositions.
Sur le fond, nous devons, bien sûr, absolument réduire la dette – Mme Reding a eu raison de le rappeler – afin de réduire les déficits publics. C'est là un engagement formel du Gouvernement, un engagement indispensable que je soutiens. Cela étant, la coordination budgétaire ne suffit pas, il nous faut aussi de la coordination économique – on l'a vu au sujet de la croissance, on ne peut se passer de la macroéconomie.
J'ai lu les recommandations adressées en juillet dernier par le Conseil de l'Union européenne aux États membres sur leurs programmes de réforme et de stabilité. Un fait m'a frappé : on retrouve peu ou prou, dans toutes ces recommandations, les mêmes formules, qu'elles soient adressées à des pays aujourd'hui en difficulté ou à ceux que l'on considère comme les bons élèves de la zone euro, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas ou la Finlande. Ainsi, il y a presque toujours un paragraphe sur le renforcement de la concurrence et l'ouverture des marchés des services et de certaines professions ; presque toujours, un autre sur la nécessité de prendre ou d'amplifier des mesures pour élever l'âge de départ à la retraite ; presque toujours encore, un autre sur celle de réformer le marché du travail – dans le sens de la flexibilité.
Bien sûr, nous devons achever le marché unique, notamment pour mettre fin aux inégalités énormes en matière de frais bancaires que l'on constate entre les pays – je rappelle que, sur ce point, la Commission européenne a publié en 2009 un rapport fort intéressant. Bien sûr, nous allons mener des réformes structurelles en France et assurer, avec les partenaires sociaux, la réforme du marché du travail – c'est en cours – ainsi que l'équilibre de nos régimes de retraites. Mais, de mon point de vue, il n'appartient pas à l'Union européenne de dicter par quels moyens on y parvient ; s'il est bien légitime qu'une obligation de résultats soit mise en oeuvre, il est plus discutable d'exiger une obligation de moyens.
Il y a surtout ce qui manque dans ces recommandations. J'ai porté un intérêt particulier aux textes adressés au Luxembourg et à l'Irlande, deux pays dont je considère qu'ils sont très loin de l'harmonisation fiscale qui serait nécessaire entre membres d'une même Union économique et monétaire. Les recommandations sont muettes sur la question : il est seulement demandé à l'Irlande d'appliquer les engagements qu'elle a pris précédemment, engagements qui, en matière d'impôt sur les sociétés, ne comprennent en rien l'exigence de se rapprocher des autres. Quant au Luxembourg, l'accent est mis exclusivement sur l'inévitable réforme des retraites et sur les salaires. Il faudra pourtant un jour que nous discutions – et surtout que nous obtenions des résultats, car nous discutons déjà depuis trente ans – de l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne, afin de mettre un terme au dumping fiscal et social, à mes yeux incompatible avec une véritable union économique et monétaire.
Finalement, ce qui ressort du texte de ces recommandations aux États membres, c'est l'impression d'un monolithisme univoque, pas réellement adapté aux spécificités de chacun, non plus qu'à la nécessité de corriger les déséquilibres macroéconomiques de la zone euro. Il me semble que nous devrions profiter du dialogue qui s'engage pour enrichir les méthodes de travail des uns et des autres – celles de notre parlement, mais aussi celles des institutions européennes. J'espère, monsieur le ministre, que vous ferez des propositions en ce sens à nos partenaires, afin de faire prévaloir, dans les documents préparés par les institutions européennes, des points de vue plus équilibrés entre stabilité et croissance, entre responsabilité et solidarité.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous évoquer les perspectives d'harmonisation des calendriers budgétaires nationaux avec ceux de l'Union ?