Intervention de Jean-Louis Peyraud

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Jean-Louis Peyraud, chargé de mission-direction scientifique « agriculture » de l'INRA, Institut national de la recherche agronomique :

Je rappellerai pour commencer la façon dont l'INRA aborde les thèmes de recherche dans ces régions avant d'aborder les relations entre la recherche et l'innovation, puis entre la recherche et le transfert et la formation.

L'INRA est présent en Guadeloupe depuis plus de 60 ans. L'Institut, de taille moyenne, emploie 200 agents permanents et une centaine d'agents temporaires. Il comprend cinq unités de recherche, dont plusieurs sont mixtes, en partenariat avec l'Université, et deux unités expérimentales.

À travers ses travaux sur l'agriculture de nos territoires – Guadeloupe, Guyane, Martinique – l'INRA témoigne de la présence de la Recherche française dans des biotopes et des écosystèmes particulièrement intéressants.

Nos travaux de recherche sont axés sur le développement d'une production locale. Suite au rapport de Mme Marion Guillou et aux chantiers mis en place pour développer la multi-performance, nous avons défini trois objectifs essentiels.

Le premier est de réduire le recours, en métropole comme dans les DOM, aux ressources peu ou non renouvelables et à la chimie – pesticides, vermifuges, antibiotiques. Sur ces approches intégrées, nos sites d'expérimentation sont plus en avance que ceux de métropole, notamment dans le domaine de la santé des animaux.

Le deuxième consiste à valoriser les ressources locales en développant l'utilisation des variétés et des races locales et, pour la production animale, la valorisation des coproduits.

Le troisième objectif vise à créer de la valeur ajoutée par la transformation et la compréhension des déterminants de la qualité des produits – légumes, fruits, tubercules, animaux – et en développant la transformation.

Nous portons un intérêt particulier à la prise en compte des spécificités locales en nous intéressant à l'ensemble des exploitations agricoles, depuis les grandes exploitations spécialisées jusqu'aux très petites exploitations familiales, souvent situées dans des milieux différents.

Nos principaux thèmes de recherche sont les suivants : la caractérisation des ressources génétiques et de la biodiversité, la protection intégrée contre les ennemis des cultures et les parasites des animaux, point sur lequel nous sommes très en avance, la mise au point de systèmes multi-espèces de cultures et de polycultures élevage, la caractérisation et la transformation des produits végétaux et des produits animaux et, en collaboration avec le CIRAD, la problématique du chlordécone.

La relation entre recherche, innovation, transmission et acceptabilité des innovations nous préoccupe particulièrement, d'autant qu'elle soulève des questions particulières dans les DOM du fait de la diversité du milieu, de sa complexité et de la très petite taille de certaines exploitations. Le dernier CIAG (Carrefour de l'innovation et de l'agriculture), qui s'est tenu à la fin 2011, a bien illustré ce point dans un exposé : depuis 10-15 ans, la recherche a proposé des solutions pour lutter de façon intégrée contre des nématodes dans les bananeraies, mais seules 10 % des petites exploitations de Martinique les ont adoptées.

Notre approche peut être définie en six points.

Nous entendons tout d'abord privilégier les échanges directs. C'est pourquoi, nous profitons des CIAG pour rencontrer les acteurs afin de leur présenter les productions de la recherche et entendre leurs réactions et leurs demandes.

Nous veillons, par ailleurs, à nouer des relations entre l'INRA et les RITA et nous participons aux travaux de Recherche et Développement en y amenant notre expertise. Nous y développons, de fait, le même type de partenariat que ceux adoptés en métropole. Après avoir développé nos relations avec les instituts techniques, nous poursuivons la même philosophie avec les RITA.

Nous cherchons à collaborer aussi au sein d'unités mixtes technologiques (UMT) qui ont fait leurs preuves en métropole dans plusieurs des différents champs disciplinaires de l'INRA. Avec nos partenaires, nous installons une UMT en Guadeloupe avec IKARE, chargée de travailler sur les aspects de valorisation des fourrages et des aliments non conventionnels pour les porcs et les ruminants, comme le CIRAD le fait avec ARMEFLHOR (Association réunionnaise pour la modernisation de l'économie fruitière, légumière et horticole) pour la protection intégrée des cultures.

Nous nous efforçons par ailleurs de mettre en place de nouvelles démarches. L'innovation top-down ne fonctionne pas toujours, ce qui nous amène à construire des projets de recherche en impliquant les partenaires en amont. Il s'agit d'élaborer des systèmes innovants répondant aux attentes, avant de procéder à une évaluation multicritères de l'innovation, par le biais d'expérimentations ou de modélisations ou encore d'enquêtes, afin d'apprécier, en vitesse de croisière, l'ensemble des performances du nouveau système – environnement, productivité, travail – et aussi d'évaluer la période de transition, car nous savons que la mise en place d'un système agro-écologique comporte le risque, dans sa première phase, d'une perte de production.

Nous développons également une plateforme d'ingénierie pour l'innovation, en relation avec le RITA, le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et les autres partenaires, en direction des petites exploitations. Ciblée sur la polyculture élevage, cette plateforme s'intéresse à des thèmes très variés comme la mise au point de granulés issus de sous-produits de la banane ou de « bio-alicaments » créés à partir de ressources végétales.

Nous conduisons enfin des actions très particulières comme la création de Feedipedia, qui est une base de données pour l'alimentation des animaux d'élevage, en association avec AgroParisTech, l'AFZ (Association française de zootechnie), le CIRAD et la FAO (Food and agriculture organization).

Qu'il s'agisse des enseignements, du transfert, du conseil au producteur, du développement de l'agro-écologie ou de celui de nouveaux systèmes, la notion de multi-performance va profondément modifier les contenus et les méthodes. L'INRA, même si ce n'est pas son premier métier, pourrait apporter son expertise en matière d'approches intégrées et de démarches systémiques, aider à équiper les acteurs de la formation et du développement de concepts, de références et d'outils d'aide à la décision, et, en lien avec la formation, participer au développement de simulateurs permettant d'approcher la notion de multi-performances (sous la forme, par exemple, de jeux vidéo « serious games »).

L'INRA propose en outre de nombreuses journées de formation et dispense une information – accessible sur son site Internet (trans FAIRE) – sur les produits de la recherche : si vous voulez obtenir des informations sur l'utilisation de la canne dans l'élevage de ruminants, vous y trouverez le livre de référence sur la question par exemple.

Sur les cinq unités de recherche de l'INRA, trois sont des UMR, en relation avec l'Université de Guadeloupe, qui permettent à des étudiants de préparer des masters. Les chercheurs sont impliqués dans la conception des modules de formation et les thématiques de la forêt de Guyane ou de l'agro-écologie dans ses rapports avec les systèmes tropicaux sont au coeur des formations.

Un projet me tient à coeur. Il serait intéressant, en France métropolitaine comme dans les DOM, d'utiliser les fermes expérimentales des lycées agricoles pour développer les contacts entre la recherche et le monde de la formation initiale, en organisant des séances de démonstration ou en développant un partenariat en recherche et développement lorsque cela est possible.

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