Intervention de Gérard Mathéron

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Gérard Mathéron :

Je répondrai d'abord à propos des produits phytosanitaires. Ceux-ci ont fait l'objet à la fois des plans Écophyto DOM et du plan Écophyto national. Or, on a constaté que, par rapport aux engagements qui avaient été pris par les différentes filières, la seule qui ait satisfait et même dépassé ses engagements est la filière banane, toutes filières françaises confondues. Non seulement les filières continentales n'ont pas réduit l'usage des pesticides, mais certaines l'ont même accru.

Ensuite, que faut-il faire concrètement ? Comme l'ont souligné mes collègues, il est possible de s'appuyer sur l'expérimentation « plate-forme » ou sur d'autres systèmes qui permettent de tester des innovations en dehors des laboratoires : expérimentations menées sur des fourrages chez des éleveurs pionniers, systèmes de cultures remplaçant les produits phytosanitaires, etc. Il y a des innovations sur lesquelles on peut s'adosser pour progresser. Mais les espaces RITA sont indispensables. C'est un peu comme dans une entreprise, lorsque l'on veut passer du prototype mis au point par le laboratoire à la présérie.

Les DOM possèdent, par ailleurs, des collections qui ont été évoquées par M. François Cot. Les organismes de recherche (INRA, CIRAD, etc.) entretiennent sur place toute la variabilité génétique disponible au plan international. Ces collections ont été ramenées dans les DOM, certes pour des raisons domiennes, mais aussi parce que, dans de nombreux pays, l'accès à la biodiversité est parfois contraint par des problèmes de sécurité.

Cette diversité génétique présente sur les territoires est pour nous un espace d'exploration. Les collections nous permettent, notamment, de développer des plates-formes pour travailler sur tout ce qui concerne l'hybridation ou la création variétale – et dans ce contexte, par exemple, d'étudier les résistances à telle ou telle pathologie chez les animaux ou les végétaux. Il est possible de tester dix variétés de banane par an ou dix variétés de canne à sucre par an. Et si l'on multiplie par dix la capacité de testage, on peut aller dix fois plus vite dans les retombées pratiques. C'est le moyen de changer d'échelle.

Il est utile pour nous, d'une part, de disposer d'espaces qui nous permettent de tester plus rapidement les innovations qui sont dans les cartons – en effet, beaucoup de choses existent au plan international ; d'autre part, de faire en sorte que cette capacité d'innovation soit sanctuarisée dans la loi.

Prenons l'exemple des groupements d'intérêt économique et environnemental, ou GIEE. Sans innovation, les producteurs auront beau se regrouper pendant cinquante ans, il n'y aura pas de changement de pratiques. D'où l'importance de suggérer à ces GIEE de contractualiser avec des espaces où l'innovation se crée, se teste ou peut être présente. Ce serait un facteur de richesse pour tout le monde. Les chercheurs, les instituts techniques seront incités à étudier, par exemple, pourquoi telle variété d'oignon qui réussit très bien à La Réunion ne réussit pas en Guadeloupe, et cela en allant faire des essais chez les producteurs. Mais l'expérimentation ne peut pas se faire ex nihilo, hors du contexte.

Ainsi, les connaissances mondiales et la diversité sont disponibles dans les DOM. Les coopérations « Inter-Dom » et les collaborations régionales qui sont mises en place par les DOM dans les zones d'influence où ils sont présents nous permettent d'avoir accès à de nombreuses informations et connaissances. Il faut maintenant tirer des applications pratiques de ces connaissances – sachant, bien entendu, que toute découverte n'est pas applicable partout.

En conclusion, il faut investir sur le changement d'échelle et faire en sorte qu'aucune initiative collective de production, aucune forme d'organisation de producteurs, quelle qu'elle soit, ne soit déconnectée de cette capacité d'innovation qui, selon moi, est présente partout et ne demande qu'à prospérer.

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