Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, cette loi de finances rectificative vous est sans doute présentée pour souscrire à une tradition, mais plus certainement pour convenir entre nous de ce qu'est la réalité budgétaire de notre pays.
La tradition est connue. Que le peuple français décide de maintenir sa confiance à ceux qui exercent la lourde tâche de conduire le pays ou, comme ce fut le cas il y a quelques semaines, de les remplacer, toutes les majorités issues du suffrage universel ont fait le choix de présenter chacune, devant l'Assemblée nationale puis le Sénat, une loi de finances rectificative. Il n'y a donc pas lieu d'être surpris que ce nouveau Gouvernement décide à son tour de soumettre au Parlement, en espérant le soutien de la nouvelle majorité, une telle loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous nous inscrivons dans cette tradition, et je vois que M. Balkany y est sensible ; je suis moi-même sensible à ce que je devine être une approbation de la tradition parlementaire et républicaine. (Sourires.)
Il se trouve que la tradition rejoint la réalité budgétaire, dont nous avons fait état dans cette enceinte la semaine dernière quand nous avons examiné la loi de règlement pour 2011 et débattu de l'orientation de nos finances publiques.
Le débat que nous allons avoir à l'occasion de la présente loi de finances rectificative permettra sans doute de mieux cerner cette réalité, encore que chacun, me semble-t-il, peut d'ores et déjà parfaitement la connaître. La Cour des comptes, par son rapport, nous y a aidés, et le débat de la semaine dernière y a également contribué. Cette réalité est incontestable. Nous donnons acte à la précédente majorité de la réduction du déficit public de 1,9 point de PIB entre 2010 et 2011, de même que de la réduction du déficit budgétaire de près de 59 milliards d'euros sur la même période. Le rapport de la Cour des comptes comme les débats que nous avons eus permettent de comprendre ce qu'a été cette réduction et ce qu'en sont les éléments.
Une telle réduction a été qualifiée d'historique. Le mot convient : jamais notre pays n'a réduit d'un tel volume son déficit public. À un déficit historique devait évidemment correspondre une réduction qui ne le fût pas moins ! En 2010, le déficit public était de 7 points de PIB ; le réduire était une nécessité et l'avoir ramené à 5,2 points fut une bonne chose.
Toutefois, cette réduction conséquente s'explique – la Cour des comptes nous aide, de manière très instructive, à le comprendre –, pour 0,8 % de PIB, par des mesures exceptionnelles. Ainsi, il s'agissait, pour 0,4 point, de mettre fin aux dépenses dans le cadre du plan de relance : il était convenu, lors de l'adoption de celui-ci sous la majorité précédente, qu'il aurait un terme ; ce terme arrivé, il était normal que la dépense baisse. Cette dépense ne pourra baisser les années suivantes puisqu'elle n'est plus là. De même, pour 0,2 point de PIB, il s'agit de la fin d'équipements militaires. Là encore, une telle dépense n'est pas structurelle mais conjoncturelle : d'une année sur l'autre, nous n'aurons pas à constater telle ou telle dépense, parce que les équipements auront été réalisés. Pour 0,2 point de PIB encore, il s'agit de la fin de la réforme de la taxe professionnelle : là non plus, rien de structurel, tout est conjoncturel. Ainsi, pour 0,8 point de PIB, la réduction des dépenses ne sera pas rééditée, pour des raisons que personne ne peut contester.
Pour un autre demi-point de PIB, les dépenses ont également été réduites pour des raisons exceptionnelles, qui tiennent purement et simplement à la conjoncture, à savoir à l'élasticité des recettes à la croissance. Nous avons d'ailleurs eu ce débat, Pierre Moscovici et moi, avec nos prédécesseurs : ceux-ci espéraient une élasticité qui ne s'avère pas être celle constatée. Il faut en tenir compte, et le nier serait déraisonnable. En tout cas, rien, dans cette diminution, ne tient à l'action des pouvoirs publics, tout à la conjoncture.
Enfin, il y a eu 0,8 point de structurel, incontestablement. La Cour des comptes le dit et nous le reconnaissons bien volontiers : vous avez, mesdames et messieurs les députés de l'ancienne majorité, augmenté les impôts, et c'est pourquoi, sur 1,9 point de PIB de réduction, 0,8 point représente une amélioration structurelle. Vous avez sollicité les Français ; la chose était d'ailleurs prévisible, et vous vous y êtes résolus avec retard. Vous avez fini par donner à cette politique d'augmentation des impôts le nom qui convenait : vous avez cessé de biaiser et de nier la réalité en parlant de « réduction des dépenses fiscales ».
Enfin, s'agissant de la dépense, la Cour des comptes émet sur l'action menée l'année dernière un jugement très sévère, peut-être trop sévère, car la méthode d'analyse est à mes yeux d'une rigueur excessive. Quoi qu'il en soit, elle estime que l'évolution de la dépense publique n'a pas contribué à la réduction du déficit favorablement, mais négativement, pour 0,2 point de PIB.