Le désendettement est une nécessité absolue et le retour du déficit à 3 % n'est ni inepte ni déraisonnable : parce qu'une dette élevée – le président de l'Assemblée est entièrement d'accord avec moi : nous en avons parlé – conduit à prélever lourdement sur les revenus d'activité pour servir les intérêts ; parce qu'elle favorise la rente au détriment du revenu des travailleurs et des entrepreneurs ; parce que la dette est l'ennemie de l'économie et creuse les inégalités. La dette place notre pays en situation de vulnérabilité face aux marchés, elle nous fait perdre de notre souveraineté. Le désendettement public n'est pas incompatible avec la croissance ; j'irai même plus loin : il en est la condition. C'est pourquoi nous avons refusé l'austérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant nos priorités, et nous avons pris nos responsabilités : ceux qui peuvent le plus contribueront le plus.
Il existe une stratégie alternative pour allier sérieux budgétaire et croissance, justice sociale et efficacité économique. Cette stratégie doit se déployer aux niveaux international, européen, national, mais servir un seul et même agenda de croissance pour les pays. Sa cohérence est construite, non sur le court terme, mais sur l'ensemble du mandat. C'est cette cohérence que je veux exposer, avant d'expliquer comment le projet de loi de finances pour 2013 y contribue.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter la stratégie en faveur de la croissance. Notre stratégie économique articule plusieurs leviers, internationaux, européens, nationaux, mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.
À l'international, notre démarche est claire : c'est le refus de l'austérité généralisée, la lutte contre les dérèglements de la finance, la relance de l'activité mondiale et européenne. Nous oeuvrons au redémarrage de l'économie mondiale pour tirer notre propre reprise. C'est le sens de l'action du Gouvernement au G8, au G20, au sein des institutions financières internationales et en Europe.
Vous le savez, l'économie mondiale peine à sortir de la crise financière qui l'a frappée il y a quatre ans et qui trouve son origine dans les dérèglements du système financier, dans les déséquilibres et les excès d'endettement qui les ont accompagnés. Cette crise est partie des États-Unis en 2008, elle a trouvé des prolongements en Europe à partir de 2010, avant de s'aggraver à l'été 2011 avec une série de chocs qui ont entraîné un brusque ralentissement mondial : je citerai la hausse des prix du pétrole et, surtout, l'intensification de la crise dans la zone euro.
Nous agissons, avec nos partenaires, pour faire repartir l'activité mondiale. Depuis le mois dernier, notre action dans les enceintes multilatérales – j'ai évoqué les assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale – a permis de peser sur la conduite des politiques économiques dans le monde et leur meilleure coordination, afin que la si nécessaire réduction des déficits et de la dette ne fasse pas obstacle à la croissance mondiale. Car si l'Europe reste notre principal débouché, le niveau des échanges mondiaux et l'activité économique de nos principaux partenaires sont des éléments déterminants pour le retour de la croissance et de l'emploi en France.
Dans le prolongement de l'action du Président de la République lors du G20 de Los Cabos, en juin, j'ai fait part à nos partenaires, à Tokyo, de notre grand intérêt pour le débat lancé par le FMI sur la nécessité de prévenir le ralentissement de l'économie mondiale par des politiques économiques adaptées. Cette prise de position est importante. C'est le sens de l'action européenne et internationale de la France depuis le mois de mai. C'est aussi le sens de notre politique économique, pour laquelle je n'ai demandé, à Tokyo, ni délai ni régime de faveur, car il en va, encore une fois, de notre crédibilité et de notre souveraineté budgétaire. C'est aussi le sens des demandes que nous adressons aux pays qui peuvent relancer et alimenter la croissance mondiale ; je pense en particulier à la Chine, mais aussi à l'Allemagne.
J'ai également insisté sur la nécessité de renforcer encore le moteur de croissance que constitue désormais le monde en développement, qui contribue lui aussi à notre propre expansion. Que l'on ne s'y trompe pas : nous ne parviendrons à une croissance soutenable et durable que si les fractures les plus grandes, celles qui frappent les pays en développement et leurs populations, sont réduites.
C'est pourquoi j'ai également souhaité, lors de ces réunions de Tokyo, donner une nouvelle impulsion à la mise en place d'une taxation internationale des transactions financières. C'est une contribution majeure pour lutter contre la spéculation financière et soutenir la croissance. Cela faisait des années que la France militait pour la création de cet instrument. Aujourd'hui, nous pouvons dire, et nous en sommes fiers, que nous l'avons fait.
Nos interdépendances européennes exigent par ailleurs que nous témoignions d'une insistance particulière, à Bruxelles, auprès de nos partenaires, pour garantir que la croissance occupe toute la place qu'elle mérite dans la construction européenne et pour faire reconnaître que l'austérité généralisée est une impasse. L'Europe, aujourd'hui – il nous faut tous en être conscients –, est l'épicentre de la crise mondiale. C'est paradoxal car, prise dans son ensemble, elle conserve des fondamentaux sains. La crise a prospéré ces dernières années faute de mécanismes de résolution rapides et efficaces, et d'une perspective politique pour l'avenir de l'Union.
Notre réponse doit dissiper les tensions qui secouent la zone euro et s'accompagner d'efforts au moins équivalents pour l'intégration et la croissance. Nous y travaillons d'arrache-pied. Le Conseil européen de cette semaine permettra de faire le point sur les progrès réalisés par la Grèce dans la mise en oeuvre de ses engagements, sur la situation dans la zone euro, sur les premières pistes proposées par le président Van Rompuy et les autres présidents des institutions européennes pour renforcer l'intégration communautaire.
Le prix Nobel qui a été attribué vendredi à l'Union européenne vient nous rappeler que le projet européen est avant tout un projet politique. La construction d'une communauté commençant par le volet économique était pour nos pères fondateurs une façon de créer, comme le disait Jean Monnet, des « solidarités de fait » menant à une union plus étroite entre les peuples. Mais ce prix – en tout cas, je conçois ainsi – n'est pas seulement une récompense pour le passé : il est un appel, une invitation à aller de l'avant, vers davantage d'intégration, au plan économique, social et enfin politique. C'est cette démarche qui nous permettra de sortir de la crise, de redessiner un espace de confiance en Europe, de recréer ainsi les conditions de la croissance.
Mesdames et messieurs les députés, nous pouvons être fiers de notre politique européenne. Je suis fier de la politique européenne conduite sous l'égide du Président de la République. La France est à l'avant-garde pour le bien commun de l'Europe, qui correspond à son propre bien. Sur tous les dossiers importants, de la supervision bancaire aux mécanismes de stabilité financière, en passant par la solidarité dans la zone euro, nous sommes non seulement moteurs mais également écoutés. J'expliquais hier, dans l'enceinte de cette assemblée, comment nous construisons un continuum entre nos initiatives économiques nationales et européennes, au service du même agenda de croissance. J'ajouterai simplement que nous assumons notre foi en l'Europe, notre participation au jeu communautaire, parce que c'est l'intérêt à long terme de notre pays.
Je n'oublie pas les leçons du passé, celles que l'histoire a léguées à la France et, d'ailleurs, à la gauche : la relance ne peut être qu'européenne. Ignorer le risque d'une sanction financière condamnerait les mesures de soutien à l'activité que nous prendrions isolément.
C'est pourquoi nous voulons, en France, répondre à l'urgence économique et sociale, et préparer activement le retour de la croissance. La croissance viendra non seulement de notre action internationale mais aussi et d'abord de notre politique nationale, que nous déployons en trois étapes.
Première étape : nous nous devions de répondre à l'urgence économique et sociale. C'est le sens du train de mesures que vous avez votées en juillet dernier visant à soutenir le pouvoir d'achat des ménages, c'est-à-dire la consommation, moteur historique de la croissance dans notre pays. Je pense à l'allocation de rentrée scolaire, au rétablissement de la retraite à soixante ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes, à l'encadrement des loyers en zone tendue, à la revalorisation du SMIC, à la baisse des prix du carburant, à l'abrogation de la hausse de la TVA programmée par la droite et qui aurait amputé le budget des ménages de 11 milliards d'euros, à la création de 150 000 emplois d'avenir. J'ai entendu certaines critiques mais, là encore, je défends ces choix. Ce sont des mesures justes, nécessaires, efficaces économiquement car elles permettent d'alimenter notre croissance, qui était en berne jusqu'à notre arrivée aux responsabilités. Nous avons, en juin, sauvé l'essentiel pour 2012.
La deuxième étape, c'est celle du projet de loi de finances, je vais y revenir, mais il était capital de lancer dans le même temps une troisième étape, celle des chantiers profonds, structurels, nécessaires pour poser les fondations d'une croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire.
Ces chantiers passent tout d'abord par une réforme du financement de l'économie, à laquelle je crois beaucoup. Outre-Rhin, chez notre grand partenaire allemand, c'est l'étroitesse des liens entre les entreprises et les banques régionales et de proximité qui les accompagnent et les soutiennent, qui fait leur force. Je présenterai demain, en Conseil des ministres, un projet de loi portant création de la Banque publique d'investissement.