Je suis fier, parce que ce bébé – qui n'est pas encore totalement accouché – a déjà donné lieu à beaucoup de travail. Nous allons poursuivre ensemble ce travail, mes chers collègues, durant un certain de nombre de jours et, je le crains, un certain nombre de nuits.
Permettez-moi tout d'abord de dresser une appréciation d'ensemble sur le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons en discussion commune avec le projet de loi de finances initiale pour 2013. Ce texte fixe le cadre budgétaire de la législature, afin de réduire le déficit public à 3 % de notre PIB et d'atteindre l'équilibre structurel en 2016, sur la base d'hypothèses de croissance certes discutables, mais prudentes, au moins pour l'année 2013. Cette nécessité, vous l'avez dit, n'est pas dictée par Bruxelles ou je ne sais quel oukase des marchés financiers. C'est une priorité : il s'agit là de bon sens. Les règles prudentielles de bonne gestion sont seules capables de diminuer le stock de dette qui, comme cela a déjà été dit, nous a été légué en héritage par la précédente majorité. Dans ce cadre, notre projet de loi de finances prévoit les mesures nécessaires au respect de ce solde structurel et de ce solde effectif. Il finance les priorités du Gouvernement, c'est-à-dire la jeunesse, l'emploi, la sécurité et la justice, tout en réduisant significativement les dépenses non prioritaires. Vous l'avez détaillé avec précision, alors que certains membres de l'opposition se contentent d'énoncer des généralités.
Ce projet de loi réforme notre système fiscal selon deux objectifs : celui de la justice fiscale et celui de la préservation de la compétitivité des entreprises, particulièrement des plus petites d'entre elles. J'y reviendrai.
Quel est le contenu de ce projet de loi de programmation des finances publiques ? Il s'inscrit dans la lignée du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, dont il anticipe la mise en oeuvre. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir présenté un projet de loi de programmation des finances publiques conforme aux dispositions que nous avons adoptées en votant le projet de loi organique, dont vous avez ainsi anticipé l'adoption.
Ce projet de loi de programmation des finances publiques fixe un cap et permet d'améliorer la prévisibilité des décisions que nous prendrons pour atteindre nos objectifs, et ce pour la durée de la législature, à savoir les cinq prochaines années. Le déficit structurel est évalué en 2012 à 3,6 % du PIB. Il sera résorbé à l'horizon 2016 sous l'hypothèse d'une croissance de 0,8 % en 2013 puis de 2 % à compter de 2014.
L'effort consenti est double : il porte à la fois sur les dépenses et sur les recettes. Je sais, monsieur le président de la commission des finances, que vous êtes attaché à la notion de décomposition du solde, afin d'identifier ce qui relève d'un effort structurel sur les dépenses comme sur les recettes. Pour ce qui est des dépenses, l'effort structurel, calculé comme l'écart entre la dépense constatée et la dépense qui aurait été observée si elle avait crû au rythme de la croissance potentielle du PIB, serait de 0,3 % du PIB en 2013, puis de 0,4 % de PIB par an jusqu'en 2017. C'est du jamais vu, comparé aux différents textes budgétaires que vous avez votés ces dernières années, chers collègues de l'opposition ! L'ensemble des administrations publiques doit réaliser des économies importantes, à titre principal l'État et ses opérateurs, et, à titre subsidiaire, l'assurance maladie et les collectivités territoriales.
En ce qui concerne l'État, on peut dire, chers collègues, qu'il donne l'exemple ! La norme de dépenses de l'État implique la réalisation d'un effort structurel de 8 à 10 milliards d'euros d'économies annuelles. Elle comprend le gel en valeur des dépenses de l'État hors charges de la dette et des pensions, et augmentées du produit des impositions affectées aux opérateurs, pour la durée de la législature. J'observe que l'extension de la norme de dépense au produit de ces impositions, qui est proposée par le Gouvernement, doit permettre de mettre réellement à contribution les organismes chargés de missions de service public. Vous avez bien décrit, monsieur le ministre, comment, au cours de la dernière décennie – et particulièrement au cours des cinq dernières années – la ligne de fuite des dépenses de l'État passait par ces opérateurs.
Concernant la charge de la dette, le projet de loi de programmation des finances publiques est basé sur une prévision prudente de remontée des taux d'intérêts. Une telle remontée apparaît en effet inéluctable entre 2013 et 2017, tant le niveau atteint aujourd'hui est bas. La limitation de la croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie complète cet effort à hauteur de 0,2 % du PIB sur l'ensemble de la période de programmation. Enfin, le gel des concours de l'État aux collectivités territoriales, puis leur réduction de 1,5 % par an, concourent au même objectif et permettront de réaliser 2,3 milliards d'euros d'économies.
Voilà pour les dépenses. Concernant les recettes, la stratégie du Gouvernement consiste à concentrer les hausses de prélèvements obligatoires sur l'année 2013. L'effort structurel sera ainsi de 1,3 point de PIB dès l'an prochain. Le choix d'un effort fiscal plus important en 2013 s'explique par le fait que la France fait l'objet d'une procédure pour déficit excessif, et s'est engagée à ramener son déficit public à 3 % du PIB. En 2014, il faudra compenser par de nouvelles hausses d'impôts le manque à gagner lié à la disparition des mesures ponctuelles temporaires prévues par le projet de loi de finances pour 2013. En revanche, de 2015 à 2017, des baisses d'impôts seraient décidées pour un montant cumulé de 11 milliards d'euros, à la double condition que les prévisions macroéconomiques soient vérifiées et que les efforts d'économie anticipés soient réalisés. Cet objectif, en dépenses comme en recettes, est l'unique voie pour réduire le déficit public et inverser la courbe de la dette à l'horizon 2014. Cette trajectoire impose une grande responsabilité, car elle doit être mise en oeuvre de manière à financer les dépenses prioritaires du Gouvernement et à restaurer la justice fiscale. C'est à quoi vous vous attaquez, monsieur le ministre, par le projet de loi de finances pour 2013, sur lequel je reviendrai dans un instant.
Je me dois de dire que notre commission des finances a apporté quelques améliorations au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. L'effort structurel a été en effet intégré dans le corps du texte de loi, comme le prévoit le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. D'autre part, le mécanisme d'identification des écarts qui pourraient apparaître entre la loi de programmation des finances publiques et les lois de finances annuelles s'appuie sur les lois de règlement, ce qui augmente l'intérêt politique de ces dernières.
J'en viens maintenant, chers collègues, au projet de loi de finances pour 2013. Ce projet de loi de finances est d'abord, pour ce qui concerne les dépenses, marqué du sceau de la responsabilité. Les engagements du Président de la République seront tenus sans augmenter les dépenses de l'État hors charges d'intérêts et des pensions. La priorité est donnée à la jeunesse et à l'emploi.
L'emploi des jeunes, tout d'abord : dès 2013, 100 000 emplois d'avenir seront déployés dans les zones où le chômage des jeunes est le plus élevé, tandis que 2 000 recrutements en CDI sont prévus à Pôle Emploi afin d'améliorer les conditions d'accompagnement des demandeurs d'emploi – jeunes et moins jeunes. Quelque 30 000 jeunes de 16 à 25 ans auront la possibilité de réaliser en 2013 leur service civique, c'est-à-dire une mission d'intérêt général rémunérée qui leur mettra le pied à l'étrier. L'enseignement à l'école et à l'université sera nettement amélioré, ce qui participe toujours à la priorité donnée à la jeunesse et à l'emploi. La stabilisation des effectifs sur le quinquennat permettra de remplacer tous les départs à la retraite de professeurs en 2013, afin de donner à nos enfants une éducation de qualité, avec un encadrement permettant à chacun, professeurs comme élèves, de travailler dans la sérénité. Au total, 16 789 emplois auront été créés dans l'enseignement, si l'on inclut les mesures de la rentrée 2012 adoptées dans la loi de finances rectificative adoptée en juillet dernier. En outre, 6 000 emplois d'avenir professeur permettront à des jeunes de préparer les concours de l'enseignement dans de bonnes conditions économiques. Enfin, 1 000 emplois seront créés dans les universités en 2013, afin d'améliorer les conditions d'encadrement et d'accompagnement des étudiants, et de renouveler l'approche pédagogique de certaines filières.
La priorité est également donnée à la sécurité et à la justice. Les 580 emplois qui seront créés au sein de la mission « Justice » bénéficieront à la fois à l'administration pénitentiaire, au titre des ouvertures nettes de places dans les prisons, mais aussi à la justice judiciaire, et enfin, plus particulièrement, à la protection judiciaire de la jeunesse. Enfin, 480 emplois seront créés dans la police et la gendarmerie nationale, pour renforcer les effectifs des forces de sécurité dans les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires définies par le Gouvernement.
Les dépenses de l'État, hors charge de la dette et des pensions, seront stabilisées en valeur en 2013. Le renforcement des effectifs que j'évoquais à l'instant sera variable selon les marges de productivité identifiées par chacun des ministères concernés. Il ne s'agit pas là d'un rabot uniforme, froid et peu réfléchi comme a pu être le système de la RGPP que la précédente majorité avait mis en oeuvre.
La masse salariale est également contenue. Elle n'augmentera que de 0,5 % en valeur en 2013, soit de 385 millions, donc une progression inférieure à celle constatée dans votre loi de règlement pour 2010, laquelle laissait apparaître une augmentation de 575 millions d'euros.
L'ensemble des dépenses du budget général, hors charges de la dette et des pensions, baisse, en valeur, en 2013 – et je tiens à rassurer M. Goasguen que cela semblait inquiéter tout à l'heure – et la croissance tendancielle des dépenses sous le périmètre « 0 valeur » est d'environ 9 milliards d'euros. Cette maîtrise des dépenses permet également d'absorber la croissance significative du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne.
Tous les ministères, y compris les ministères prioritaires, sont mis à contribution et doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement à hauteur de 2,8 milliards d'euros et leurs dépenses d'intervention « pilotables » de 2 milliards d'euros environ. Les opérateurs de l'État seront contraints de participer à l'effort de redressement des comptes publics, y compris France Télévisions, à travers une baisse de leurs subventions pour charges de service public ou à travers le plafonnement de leurs taxes affectées. Leurs effectifs sont également en baisse de 1 303 équivalents temps plein, hors Pôle emploi et universités, lesquels demeurent prioritaires et bénéficient de créations de postes. Charge de la dette et des pensions comprise, l'ensemble des dépenses de l'État baissera de 1,4 % en volume, soit une économie de 5,4 milliards d'euros par rapport à une stabilisation en euros constants. Cet effort n'a jamais été atteint, ni même envisagé par la précédente majorité. Cette économie est notamment rendue possible parce que la France continue de profiter de très bonnes conditions de financement grâce au respect de ses engagements européens.
J'en viens au volet fiscal du projet de loi de finances pour 2013. Les hausses d'impôts sont concentrées sur l'année 2013, je vous l'accorde. Elles sont inévitables pour dégager immédiatement les ressources requises et atteindre ainsi les objectifs de solde prévus pour 2013. Après cette date, une stabilisation du niveau global des prélèvements obligatoires est prévue, ce qui n'empêchera pas de réfléchir à une évolution de leur structure. Le Gouvernement a clairement annoncé une telle évolution dans la loi de programmation, là où le précédent gouvernement prétendait rétablir les comptes par la réduction de la dépense, mais, en réalité, par l'augmentation des impôts, comme cela a été souligné, de 38 milliards d'euros entre 2011 et 2013. Ce volet fiscal du projet de loi de finances poursuit deux objectifs. Tout d'abord la justice fiscale : les mesures sur les ménages – 3,1 milliards en régime de croisière – sont effectivement concentrées sur les ménages les plus aisés. Ainsi, 90 % des hausses d'impôts pèseront sur les 10 % des ménages les plus aisés. Un couple avec deux enfants gagnant moins de 6 439 euros par mois ne paiera pas plus d'impôts du fait des mesures prévues par le présent projet de loi.