Surtout, le renoncement à une imposition duale qu'offre le choix entre le prélèvement forfaitaire ou l'imposition au barème fait peser un risque majeur de délocalisation des capitaux à l'étranger, du fait de leur très grande mobilité.
À titre de comparaison, quand les revenus du capital sont taxés à hauteur de 26,5 % en Allemagne, leur taxation dépassera les 60 % en France. Vous ne pouvez nier cette distorsion, sauf à vous aveugler de vos doctrines.
Enfin, au travers de la taxation du capital au barème de l'impôt sur le revenu, ce PLF décourage l'investissement dans les entreprises au bénéfice de secteurs protégés, comme l'assurance-vie, les PEA ou l'immobilier. Mais ne croyez pas que je vous incite à aller puiser dans leurs ressources !
En tout cas, votre projet de loi de finances décourage en particulier les investissements en actions, qui permettent de nourrir les fonds propres, au moment même où le financement des entreprises par emprunt va être pénalisé.
Vous êtes dans le déni de réalité le plus total. Votre PLF en est l'illustration parfaite. Sans virage majeur avant la fin de l'année, nous devrons faire face en 2013 tout à la fois à la récession, à la montée du chômage, à la dégradation de la balance courante, à l'incapacité à atteindre un déficit de 3 % du PIB et à la montée des tensions sociales que vous aurez suscitées. Avec ce PLF, vous entraînez la France dans le sillon de la Grèce.
L'absence de réforme n'est pas une fatalité pour autant. Les Français ne sont pas inaptes à la réforme. Le dynamisme des Français installés à l'étranger et la réussite des groupes internationalisés montrent que la France peut relever les enjeux de la mondialisation.
M. François Hollande prétendait durant sa campagne « réenchanter le rêve français ». Quatre mois plus tard, nous nous trouvons à un point critique de la plus grande crise du capitalisme depuis les années 1930. Sans réformes courageuses, c'est un véritable cauchemar qui s'annonce.
Est-ce que c'est en s'arc-boutant sur un modèle fondé sur les structures de l'économie administrée des années 1970 que M. Hollande compte réenchanter le rêve français ? Vous êtes les seuls à y croire.
Et dire que M. Montebourg fustigeait ces derniers jours l'archaïsme de la direction du Trésor, l'accusant de recycler les mêmes politiques, les mêmes idées depuis vingt ans. Vous me pardonnerez cette expression, mais c'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité !
En fait, ce n'est pas tant la réduction de la dépense publique et l'augmentation des impôts que votre budget tente de concilier. C'est la conciliation de toutes les doctrines qui forment la majorité gouvernementale : un Front de Gauche qui tente de rameuter la rue contre le traité budgétaire et prône l'interdiction des licenciements et la hausse des salaires ; des écologistes viscéralement opposés à la rigueur budgétaire, à la règle d'or et au pacte de stabilité ; et une partie des socialistes arc-boutés sur la ligne des 3 % tandis que l'autre est plus accommodante. Vous aurez du travail pour trouver la synthèse entre ces chevaux qui tirent cet attelage à hue et à dia.
Monsieur le ministre, vous nous avez répété des centaines de fois, comme un mantra, une invocation : « le changement c'est maintenant ». Eh bien nous vous disons : c'est maintenant qu'il faut engager les réformes concernant le fonctionnement du marché du travail et l'État-providence. C'est maintenant qu'il faut créer un choc de compétitivité, qu'il faut diminuer le coût du travail et mettre sur la table le sujet du financement de la protection sociale par la TVA. Une augmentation de la TVA relancerait en outre la compétitivité sur les produits importés alors que le recours à la CSG ne serait qu'une pure amputation du pouvoir d'achat sans impact sur la compétitivité extérieure.
C'est maintenant qu'il faut entreprendre une réduction drastique de la dépense publique. Dans votre projet de loi, aucun effort sérieux d'économie n'a été accompli sur les 1 000 milliards de dépenses publiques annuelles en France. Nous sommes le seul grand pays européen à ne vouloir diminuer ni nos coûts de production, ni nos dépenses publiques. Vous savez bien que les 10 milliards d'euros de baisse que vous annoncez fièrement ne sont pas à proprement parler une réduction mais un ralentissement du rythme tendanciel d'accroissement des dépenses ; le président de la commission a également insisté sur ce point.
Le budget 2011, avec l'introduction de la norme zéro valeur, avait pourtant sonné le glas de la dépense publique supplémentaire justifiée par l'inflation, et pourtant la croissance n'était pas au rendez-vous. Le PLF 2012 avait également marqué une rupture en engageant une diminution stricte de 250 millions d'euros des dépenses du budget général.
Alors que la RGPP avait permis d'économiser au total 11 milliards d'euros, vous décidez de l'abandonner purement et simplement, sans proposer la moindre alternative. Vous mettez un coup d'arrêt au non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite alors que notre pays, qui compte 17 millions d'habitants de moins que l'Allemagne, dispose de 500 000 fonctionnaires de plus. Le niveau et la qualité de vie sont pourtant supérieurs en Allemagne.
Devant la Cour des comptes, François Hollande affirmait pourtant : « Le déficit structurel de la France s'élève aujourd'hui à 4 % du PIB contre 3,2 % en moyenne dans la zone euro et 0,8 % en Allemagne. Cette situation est le reflet d'un niveau plus élevé de dépenses publiques et de dispositifs fiscaux dérogatoires. »
Où est la cohérence de ces propos avec un PLF qui refuse de réduire les dépenses et qui fait reposer le redressement des comptes publics presque exclusivement sur les hausses d'impôts ?
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, les ménages ne seront bien sûr pas épargnés. C'est un véritable mensonge d'État que d'affirmer que seul un Français sur dix sera concerné par l'augmentation des impôts alors qu'en réalité neuf Français sur dix seront touchés, et parfois très gravement. Concrètement, l'impôt augmentera pour quelque 13 millions de foyers fiscaux sur les 17 millions qui paient l'impôt sur le revenu. Et je ne parle même pas des mesures que vous avez décidées au mois de juillet dernier concernant la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ou l'augmentation du forfait social.
L'abaissement généralisé à 10 000 euros du plafonnement global des niches fiscales n'a aucun sens. Où est la justice dans la réduction de l'avantage en impôts procuré, par exemple, à des jeunes parents pour la garde d'enfants à domicile ? Manifestement, monsieur le ministre, vous ignorez totalement la réalité des sommes que la plupart d'entre eux doivent débourser chaque mois pour payer une nounou au SMIC de 8 heures du matin à 19 heures le soir : environ 1 500 euros nets par mois auxquels il faut rajouter un peu plus de 500 euros de charges, pour pouvoir faire garder ses enfants et continuer à travailler ! C'est tout simplement impossible pour des familles qui croulent déjà sous le poids insupportable des dépenses familiales.
De surcroît, la suppression de la possibilité de déclarer au forfait un employé à domicile contribuera à accélérer la saturation de ce plafond de 10 000 euros, puisque la déclaration au réel augmente la part des cotisations patronales dans le calcul de la réduction d'impôt, dans la mesure où celles-ci ne sont plus assises sur le SMIC mais sur le salaire réel. Vous le savez, mais vous ne le dites pas assez fort.
Monsieur le ministre, ces jeunes parents contribuables ne cherchent pas à échapper à l'impôt en investissant dans une nounou ! Ils ne peuvent tout simplement pas faire autrement, compte tenu des 200 000 places d'accueil collectif qu'il manque à notre pays. C'est ceux-là que vous décidez aussi de sanctionner.
À l'inverse, certaines catégories de contribuables aisés cherchent bien à s'exonérer au maximum, notamment à travers les investissements relatifs à l'outre-mer ou les investissements SOFICA : ce sont ceux-là que vous choisissez d'exclure du plafonnement global, de façon totalement incompréhensible. Alors, s'il vous plaît, ne nous parlez pas de justice sociale ! Ou alors, donnez nous des explications sur ces catégories les plus fortunées que vous décidez de soutenir et d'exonérer.
Les mesures fiscales que vous nous présentez ne contribueront pas à la réduction des déficits publics car le rendement de ces nouveaux impôts sera probablement négatif. Au-delà de leur inefficacité, il faut parler de leurs effets pervers qui risquent d'affecter un peu plus notre croissance économique : je veux parler de la fuite de la ressource fiscale avec l'expatriation des talents français et des capitaux. Un Français qui quitte la France et n'y paie plus d'impôts génère un coût supplémentaire pour ceux qui y restent. Inévitablement, la surtaxation des hauts revenus affecte donc in fine les classes moyennes, les jeunes et les salariés dont la mobilité est beaucoup plus limitée. Depuis une vingtaine d'années, on estime que près de 10 000 contribuables ont quitté l'hexagone pour des raisons fiscales, pour un coût total de 250 milliards d'euros. Compte tenu du manque à gagner pour le Trésor et de l'appauvrissement de tout l'écosystème qu'entretenaient ces contribuables avant qu'ils ne partent, est-il bien raisonnable de vous obstiner dans cette voie ?
L'histoire montre également qu'une trop forte taxation des hauts revenus n'augmente pas les rentrées fiscales. En 1936, le Front populaire a instauré un taux supérieur de 40 % pour les contribuables de la tranche la plus élevée, et en 1981, les socialistes ont créé en France une tranche de 65 % assortie de majorations d'impôts applicables aux plus riches : dans les deux cas, ces mesures se sont traduites par une diminution de 20 % des rentrées fiscales des contribuables concernés. On se souvient de la fameuse phrase de François Mitterrand deux ans plus tard, qui s'adressait ainsi aux Français à la télévision : « Les experts nous ont trompés. » Il avouait par là son échec tout en trouvant un bouc émissaire.
Monsieur le ministre, ce constat est le même à l'étranger. En Grande-Bretagne, lorsque Gordon Brown décida d'augmenter la tranche supérieure d'imposition des revenus en la faisant passer de 40 à 50 %, les rentrées fiscales provenant des contribuables concernés ont chuté d'un tiers, aux environs de 36 milliards d'euros. Mais contrairement à nous, les Britanniques semblent avoir tiré les leçons de l'histoire. Prenons l'exemple inverse qui confirme cette réalité : aux Etats-Unis, à chaque fois que les taux d'imposition ont été abaissés, sous Reagan puis sous Clinton, les rentrées fiscales correspondantes ont augmenté.