Intervention de professeur EM Mouhoud

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h00
Mission d'information sur les coûts de production en france

professeur EM Mouhoud :

En effet ! Il n'est pas question de réduire la taille de ces entreprises, mais leur stratégie de délocalisation diffère de celle des fabricants : elle consiste non pas à délocaliser la fabrication de pièces avant de les faire revenir ou à importer des biens intermédiaires pour les assembler sur place, mais à sous-traiter l'ensemble des processus en vendant ensuite les produits comme s'ils avaient été fabriqués en France avec une stratégie de maquillage de marges.

De plus, la taille des PME nuit à la qualité des produits. Dans l'industrie lourde, le problème essentiel est celui de l'innovation, alors que dans l'industrie légère – où les barrières à l'entrée sont extrêmement faibles, mais où la compétition est importante sur le plan des prix et de la qualité – les stratégies de marques jouent un rôle fondamental. D'où l'importance de la question de la traçabilité. Une commission a été chargée de réfléchir à la garantie « made in France », mais cela ne suffit pas : il faut rétablir la loi visant à garantir la traçabilité de l'ensemble des éléments d'un produit afin d'éviter ces comportement de « free riding », de « passager clandestin », consistant à faire passer pour produit français un patchwork issu de sous-traitance internationale tous azimuts.

Comme cela ne se mesure pas par l'investissement direct, j'ai accompli un travail de grande ampleur dont les résultats figurent dans Changement technique et division internationale du travail, ouvrage paru aux Editions Economica. Je me suis intéressé à la nomenclature des activités de biens et de services. A partir d'une nomenclature en 600 produits en équilibre ressources-emplois (production, emploi, consommations intermédiaires, commerce extérieur) il a été possible d'en calculer les contenus dans les importations globales, en valeur ajoutée. Cela a permis de mettre en évidence l'hétérogénéité très forte de l'ampleur de la délocalisation dans les différentes branches de l'industrie.

Les enjeux concernant les PME sont donc importants, en ce qui concerne tant les banques de développement que leur taille – des propositions ont d'ailleurs été faites à ce propos. Si les entreprises françaises délocalisent tous les processus de production et réimportent le produit final dans le cadre de délocalisations verticales alors que leurs homologues, en Allemagne, contrôlent mieux le processus – elles ont procédé à des délocalisations bien avant –, c'est parce que la taille des entreprises distributrices et fabricantes est relativement comparable dans ce dernier pays. Cela, bien entendu, ne se décrète pas ; c'est lié à une histoire. Que ces entreprises soient de taille comparable les a poussées à coopérer. En Allemagne, un accord tacite a ainsi été passé entre les fabricants et les distributeurs afin que les seconds se fournissent à plus de 60% auprès des premiers, ce qui n'a pas été possible en France.

Et si nos PME n'atteignent pas une taille critique, c'est essentiellement en raison du phénomène de rachats d'entreprises.

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