Intervention de professeur EM Mouhoud

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h00
Mission d'information sur les coûts de production en france

professeur EM Mouhoud :

Ce n'est pas nécessairement lié à leurs capacités financières.

Les regroupements d'intérêts d'entreprises, par exemple en faisant jouer un rôle de coordination aux centres techniques, sont également importants.

Je reviens un instant sur les comportements de marge : le moins que l'on puisse faire est de ne pas systématiquement utiliser les aides publiques pour attirer les entreprises. De considérables cadeaux fiscaux ou, dans certaines collectivités, en termes d'immobilisation ont été si bien consentis que des entreprises se sont servies avant de repartir. Pour les territoires, les questions fondamentales sont celles de la formation, de la qualification et de la logistique.

S'agissant des services, je vous renvoie à l'ouvrage publié en 2010 et intitulé Économie des services et développement des territoires. En France, 75% des emplois sont dans les services, 12% dans l'industrie, 7 % dans la construction et 4% dans l'agro-alimentaire. Sur ces 75%, 35% sont dans les services non marchands, environ 45% dans les services marchands (30% dans les services de logistique – issus de l'industrie et qui y demeurent très liés –, 12% dans les services de la connaissance – R&D, innovation, consulting, marketing… – et 25% dans le reste des services aux ménages). Environ 50% des activités de service sont intrinsèquement liées à l'industrie, dont 5 à 10 % sont des services supports très fragiles, « délocalisables » à merci. De surcroît, il n'y a pas de délais et il est désormais possible de fragmenter la chaîne de valeur pour de nombreuses activités de services. Nous savons où se produiront les chocs à venir. Une première moitié des zones d'emploi concernant les services n'est pas associée à d'autres activités, à la différence de la seconde qui est de ce fait relativement solide – c'est le cas dans les grandes agglomérations comme Lyon ou Paris, ainsi que dans des villes de taille moyenne.

Nous avons également montré dans le rapport en question que la fragilité ou la performance des territoires et des zones d'emploi s'explique par de très fortes complémentarités entre la spécialisation industrielle, celle des services et celle des services collectifs, dont 80 % sont des services publics. Dans les zones d'emploi qui parviennent à maintenir ou à développer des activités intégrant aussi de tels services, il faut prendre garde aux rationalisations budgétaires qui visent ces derniers.

Compte tenu de cette situation, on peut envisager une délocalisation de 5 à 10 % des emplois de services. Des services plus élaborés comme la R&D et l'innovation partent également, mais l'Ile-de-France continue néanmoins à être la première région d'Europe accueillant des investissements directs dans ce domaine.

Les investissements directs à l'étranger étant réalisés par l'intermédiaire de fusions-acquisitions, les délocalisations de R&D sont partiellement artificielles. En effet, le rachat d'une activité à l'étranger intègre la R&D et est comptabilisé comme un investissement direct dans la R&D à l'étranger.

De tels mouvements expliquent également les déplacements des centres de gravité de production depuis la France vers les pays émergeants en particulier. Depuis 2008, les grands groupes mondiaux ont ainsi créé plus d'emplois dans ces derniers que dans les pays industrialisés, en raison de la différence non pas des coûts mais de la demande.

Il est un peu plus difficile de délocaliser des services dans l'économie de la connaissance en raison de la possible imperfection du service final. Une société d'assurance qui a voulu délocaliser 400 emplois de gestionnaires de contrats est ainsi revenue sur sa décision lorsqu'elle s'est avisée qu'elle perdrait des parts de marché en raison de la mauvaise qualité des services qui seraient rendus à distance.

Enfin, sans doute serait-il utile de mettre en place un dispositif permettant de recueillir systématiquement des données statistiques sur la composition des coûts de production tout le long de la chaîne de valeur. Celles dont nous disposons, qu'il est d'ailleurs assez difficile d'obtenir tant elles sont stratégiques, résultent d'enquêtes réalisées seulement auprès d'échantillons d'entreprises.

Quoi qu'il en soit, nous observons qu'il existe deux types de secteurs. Ceux pour lesquels les coûts comptent : je songe à la production de biens de consommation pour lesquels les barrières à l'entrée sont très faibles – il faut bien sûr maîtriser les coûts par unité produite en favorisant l'innovation de procédés, veiller à la qualité, à la différenciation (innovation de produits) et à la traçabilité des produits, éventuellement à leur estampille « made in France ». Pour ceux dans lesquels l'innovation constitue le mode de concurrence dominant (électronique, informatique, téléphonie mobile), les baisses de coût, en l'occurrence, sont consécutives aux innovations et aux économies d'échelle. Ce n'est pas parce que le coût du travail est élevé que l'on ne parvient pas à fabriquer des biens nouveaux.

Nous devons avoir une vision à la fois sectorielle et géographique des problèmes – je songe aux zones d'emploi – afin de formuler des préconisations économiques qui rompent avec le passé et de pouvoir agir avant et non pas après les chocs économiques.

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