Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, le rapport de la Cour des comptes n'aura finalement fait que mettre en lumière ce que nous savions déjà : l'héritage que nous avons aujourd'hui à assumer est fait de dettes, à peine cachées.
On nous a expliqué, au cours des années passées et encore aujourd'hui sur les bancs de l'opposition, que ces 15 milliards de déficit de la Sécurité sociale, et même 19 milliards en intégrant le fonds de solidarité vieillesse ; que ce déficit de l'ensemble des branches de la sécurité sociale, alors qu'on nous avait annoncé le rétablissement des comptes de la branche vieillesse ; que ces ponctions sur le FSV ; bref, que cette lourde dette résultait de la crise. Mais les chiffres sont implacables. Ils montrent que ce sont en réalité des choix stratégiques qui ont mené la Sécurité sociale vers un déficit sans cesse croissant, qui avait commencé avant même que la crise n'éclate.
Expliquer aujourd'hui que cette dette est celle de la crise est à la fois une hypocrisie et un mensonge. Nous avons aujourd'hui malheureusement à faire face à un déficit structurel, politique. Nous ne le pourrons qu'en mettant en place des politiques elles-mêmes structurelles. Dès ce projet de loi de finances rectificative, nous devons amorcer un changement de politique qui permette d'inscrire les comptes de la Sécurité sociale dans la voie du rétablissement.
Ce rétablissement, ainsi que cela a été dit par les deux ministres qui m'ont précédée, ne résulte pas d'une espèce d'obsession de l'équilibre budgétaire ou de l'état des comptes. Mais si nous voulons maintenir notre haut niveau de protection sociale, si nous voulons pérenniser un modèle social qui est appelé à répondre à des besoins croissants, si nous voulons continuer à répondre à l'exigence de justice qui existe dans notre pays, alors nous devons faire en sorte de garantir des ressources stables et pérennes à notre politique de protection sociale.
Cette exigence de justice, nous l'avons. En matière de protection sociale, nous avons d'emblée renoué avec la volonté d'apporter davantage à celles et ceux qui ont besoin d'être accompagnés et soutenus. Le quinquennat s'est ouvert en permettant à nouveau à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes, dans un certain nombre de conditions, de prendre leur retraite à 60 ans.
C'est une exigence de justice que de reconnaître ainsi le travail commencé tôt. C'en est une également que d'augmenter de 25 % l'allocation de rentrée scolaire que 3 millions de nos concitoyens vont percevoir dès la fin du mois d'août, ce qui constitue une avancée significative pour des familles modestes.
Nous avons la volonté de garantir la justice des prestations, ce qui suppose évidemment de garantir celle des contributions. Je suis étonnée d'entendre, venant des bancs de la droite, des injonctions à engager le rétablissement structurel des comptes, qui sont partis à vau-l'eau ces dernières années. En effet, jamais les prélèvements pesant sur le seul travail n'auront été aussi importants que les années passées. La politique de la droite aura été de multiplier les niches sociales, de concentrer sur les seuls revenus du travail, entendus au sens le plus étroit, l'ensemble des prélèvements de la protection sociale. Sont restés à l'écart les revenus du capital et ceux qui viennent en complément du salaire, comme la participation ou l'intéressement, qui ont plus que doublé au cours des dix dernières années alors que la masse salariale n'a augmenté que de 40 %.
Il y a donc une contradiction criante à expliquer sans cesse que nous devions, au nom de la compétitivité, alléger les prélèvements pesant sur le travail tout en mettant en place une politique d'exonération des revenus autres que ceux du travail (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
C'est de cette volonté de renouer avec plus de justice et de bon sens que résultent les mesures concernant par exemple la fin, je n'y reviens pas, de la TVA dite sociale, les prélèvements sociaux sur le capital, la fin des exonérations sur les heures supplémentaires et le relèvement à 20 % du forfait social – autant d'exonérations qui ont pesé lourd, très lourd au cours des dernières années dans le déficit de la Sécurité sociale.
Pour ce qui est du forfait social, j'insiste sur le fait que le Gouvernement a décidé de maintenir à 8 % le prélèvement sur la contribution des employeurs à la prévoyance, d'abord parce que cela constitue un instrument de justice et d'égalité entre les salariés et ensuite parce qu'il paraît nécessaire d'engager une réflexion plus large sur la nature des contrats de complémentaire santé et de prévoyance. Le système de taxation de ces contrats doit nous permettre d'inciter les organismes de prévoyance et complémentaires à proposer des offres responsables, qui favorisent le retour à l'équilibre de l'assurance maladie et qui encouragent des pratiques médicales plus vertueuses. Je pense notamment à la nécessité de lutter contre les dépassements, d'honoraires, qui passe aussi par l'évolution de la manière dont ces dépassements sont pris en charge dans les contrats.
J'insiste sur le fait que les mesures qui sont présentées aujourd'hui constituent un changement structurel important de notre protection sociale. En effet, contrairement à ce que j'entends parfois, le mode de financement de la protection sociale est évidemment un des éléments forts de notre politique, même si, nous aurons l'occasion de le voir lors du débat sur la loi de financement de la protection sociale à l'automne, nous devrons aussi engager des économies abandonnées au cours des dernières années.
Au-delà des mesures prises aujourd'hui, il nous faudra, et ce sera le travail des prochains mois, réfléchir à la façon de financer les politiques de protection sociale d'une manière à la fois juste et pérenne. Je tiens à dire de la manière la plus solennelle qu'il n'est pas question, contrairement à ce que j'entends parfois, d'envisager une augmentation de la CSG pour combler le déficit abyssal de la sécurité sociale, résultat de la politique incohérente et inconséquente de ces dernières années. Nous abandonnons l'augmentation de la TVA qui devait financer la protection sociale. Nous n'userons pas de mesures de cavalerie, de colmatage face à un déficit qui appelle des mesures structurelles, inscrites dans la durée. De telles mesures supposent une concertation avec les partenaires sociaux. Elle aura lieu dans le cadre du Haut conseil du financement de la protection sociale, dont nous allons faire un lieu de débat et d'échange alors que cette structure que vous avez créée ne s'est jamais réunie sous le précédent mandat, et que la TVA sociale a été décidée sans même que ses membres aient été invités à donner leur avis.
Enfin, au-delà du financement de la protection sociale, ce projet de loi prévoit d'annuler le droit de timbre qui avait été imposé par le précédent gouvernement pour entrer dans le dispositif de l'aide médicale d'État (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.). C'est une mesure absolument nécessaire, une exigence de santé publique. Je ne reviens pas sur les mots d'une violence inouïe que j'ai pu entendre dans la bouche de certains des membres de l'opposition, comme si certaines personnes avaient le droit d'être soignées et d'autres pas.