Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 16 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le ministre, votre projet de budget est construit sur une base profondément déséquilibrée : très peu, trop peu de réductions de dépenses, ou plutôt des réductions apparentes, alors qu'elles sont nécessaires et mêmes essentielles, et, en revanche, une liste sans précédent de hausses de prélèvements obligatoires, pour un montant de 27 milliards d'euros.

Ce projet de budget ne règle malheureusement pas les deux problèmes principaux de notre pays que sont, d'une part, la compétitivité et l'emploi et, d'autre part, le pouvoir d'achat des familles.

Au contraire, le gourdin fiscal qui va s'abattre sur les ménages et les entreprises en raison des choix faits par le Gouvernement ne pourra que conduire notre pays à une explosion du chômage et à la récession, comme la plupart des experts le prédisent. Ce gourdin fiscal, vous l'avez choisi, en réalité, par facilité et par manque de courage. Ce courage, il vous l'aurait fallu – vous l'aviez, paraît-il, lorsque vous étiez dans l'opposition, mais vous ne l'avez plus dans la majorité –, pour engager des réformes ambitieuses, seules capables de permettre des économies et donc de préserver le portefeuille des Français. Monsieur le ministre, vous avez parlé, ainsi que le Premier ministre, d'un budget de courage ; c'est en réalité un budget d'austérité, un budget de récession. Vous avez refusé de faire des efforts sur l'État – Xavier Bertrand vient de le rappeler, la dépense n'est pas réduite, mais simplement stabilisée – et vous demandez aux Français de faire les efforts auxquels vous vous refusez.

Ce ne sont ainsi pas moins de 13 milliards d'euros d'impôts supplémentaires qui pèseront sur les ménages pour la seule année 2013, et ce sont 14 milliards d'euros de prélèvements qui mineront la compétitivité de nos entreprises.

Le Gouvernement, il est vrai, n'en est pas à son coup d'essai. Les mesures prises cet été contre les ménages, dans la loi de finances rectificative, avaient amorcé l'attaque contre le pouvoir d'achat des Français, et particulièrement celui des classes populaires et des classes moyennes.

Vous parlez régulièrement de 20 milliards d'impôts nouveaux. Ce n'est qu'une stratégie de communication, monsieur le ministre ! Votre gouvernement a en réalité décidé de créer 27 milliards d'impôts nouveaux. Vous voulez faire oublier les 7 milliards d'impôts que vous avez créés cet été !

La suppression des allégements de charges sur les heures supplémentaires et la fin de leur défiscalisation ont par exemple sonné le début du grand coup de sabre anti-salarial voulu par le Gouvernement. Pour vous, peu importent les conséquences. Peu importent les neuf millions de salariés modestes qui font des heures supplémentaires. Vous nous donniez des leçons, tout à l'heure, pour distinguer qui est riche et qui ne l'est pas. Je n'ai jamais vu un riche se faire payer des heures supplémentaires ! Mais neuf millions de salariés, notamment des fonctionnaires, ont payé dès le mois de septembre, sur leur feuille de salaire, le prix de votre politique. Il vous fallait absolument défaire ce qui avait été voté par la précédente majorité, quelles qu'en soient les conséquences pour nos concitoyens et les secteurs économiques en grande difficulté. Par ces mesures, monsieur le ministre, vous décidez d'écraser ces secteurs qui ont pourtant besoin de compétitivité et qui devraient être aujourd'hui soutenus par le gouvernement de la France.

Ces 9,5 millions de ménages représentent près de 40 % des salariés. Ils perdront au moins 450 euros de salaire par an. Quatre salariés sur dix qui faisaient régulièrement des heures supplémentaires étaient des ouvriers. Les fonctionnaires, comme je l'ai dit, sont aussi largement concernés.

Dans vos discours de campagne, vous prétendiez faire payer aux riches la facture des déficits. Le Premier ministre affirmait il y a encore quelques jours à la télévision, sans sourciller, que neuf salariés sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d'impôt. Plus personne ne vous croit ! Il est aujourd'hui démontré que ce ne sont que mensonges. Il vous faut maintenant, mesdames et messieurs les députés de la majorité, cesser de vous cacher derrière un bilan fantasmé, et assumer vos actes auprès des Français qui vous ont fait confiance pour gouverner et non pour commenter le bilan de vos prédécesseurs. Vous les avez déjà, en quelques semaines, déçus et trompés. Toutes les enquêtes d'opinion illustrent d'ailleurs que nos concitoyens ne sont pas dupes de vos fables. Le désenchantement est immense, profond, et même désespérant pour nos concitoyens, et encore plus pour les entrepreneurs de notre pays.

Vous avez également prétendu que seules les grandes entreprises seraient mises à contribution. C'est totalement faux : le mouvement des « pigeons » l'a parfaitement illustré. C'est une erreur, monsieur le ministre, de surtaxer le capital-risque, surtout au moment où les banques ne prêtent plus aux PME. En décidant de prendre le risque d'assécher les capitaux qui acceptent d'investir dans ces PME, vous les condamnez à mort, et leurs employés au chômage.

Pire encore, le Gouvernement revient chaque jour sur ses promesses. On nous promettait un grand choc de compétitivité de 40 milliards d'euros. Tout comme le changement, qui n'est plus pour maintenant mais pour demain ou après-demain, voilà que le choc de compétitivité, c'est fini ! Le rapport de M. Gallois, rappelé de sa retraite, est mis à la corbeille avant d'avoir existé. Le Premier ministre ne parle plus, depuis ce matin, que d'une simple « trajectoire de compétitivité ». Une fois de plus vous ne prenez pas la mesure de l'absolue nécessité de relancer la croissance en France.

Force est de constater que chaque mesure prise est un nouveau coup de canif porté au pouvoir d'achat des classes moyennes. Vous préservez celui des plus aisés, par exemple en refusant de toucher aux niches fiscales qui sont, dans le budget que vous nous présentez, exactement du même montant que dans le budget de l'an dernier, ou en décidant que les SOFICA et la niche Malraux seront préservées. Et ce alors que vous imposez plus encore les familles qui ont un bébé en crèche, qui ont besoin de soutien scolaire ou simplement d'une aide à domicile !

Vos impôts, monsieur le ministre, pleuvent de toutes parts ! En frappant aussi durement les classes moyennes et les classes populaires, le Gouvernement et les députés du groupe socialiste montrent une drôle de conception de l'effort juste que promettait le Président de la République. En vérité c'est juste un effort sans précédent, aussi injuste qu'inefficace, que vous imposez aux Français. Les députés du groupe UDI dressent ce constat, qui les attriste. En choisissant d'agir contre la compétitivité, le Gouvernement a condamné notre pays à la récession. Nous ne pouvons donc que nous opposer à ce budget, car ses conséquences seront, hélas, désastreuses pour la croissance, pour nos entreprises et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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