Intervention de Alain Claeys

Séance en hémicycle du 16 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur le crédit impôt recherche. Il ne s'agit pas, ici, d'évoquer l'élargissement du crédit impôt recherche que nous examinerons en fin de seconde partie du présent projet de loi de finances, mais le crédit impôt recherche dans ses dispositions actuelles.

Le crédit impôt recherche existe depuis 2003. Il figure au programme 172 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il est inscrit au présent projet de budget pour une dépense fiscale de 3,350 milliards d'euros, soit plus du quart des crédits ouverts pour la part de cette mission consacrée à la recherche.

Un tel poids me semble justifier que l'on consacre au crédit d'impôt recherche une réflexion spécifique.

Autant le crédit d'impôt recherche est un soutien précieux à la recherche en entreprise, donc à la compétitivité de l'industrie de notre pays, autant le montant de la dépense fiscale justifie que l'on s'intéresse à la maîtrise du dispositif et aux risques que pourrait faire courir une croissance sans contrôle.

En 2008, lors de la réforme qui a simplifié le dispositif, avec l'instauration d'un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de recherche et développement jusqu'à 100 millions d'euros et de 5 % au-delà, les prévisions portaient sur une dépense annuelle en régime de croisière de 2,7 milliards d'euros. En 2011, elle aura été de plus de 3 milliards. La dépense pour 2013 est encore en progression, évaluée à 3,35 milliards.

Pourtant, ces chiffres sous-estiment encore le poids du crédit d'impôt recherche. La créance fiscale qu'il fait naître est en fait bien supérieure à la dépense inscrite. Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche lui-même, elle a atteint 4,15 milliards d'euros au titre de l'année 2008, 4,7 au titre de 2009 enfin, dernière estimation, 5,05 milliards d'euros au titre de l'année 2010.

Certes, cette évolution est d'abord due au succès du crédit d'impôt recherche. Au cours de la même période, le nombre d'entreprises qui y ont eu recours est passé de 13 400 à près de 18 000. Il reste que l'intégralité de la créance fiscale annuelle devra bien finir par apparaître au sein du projet de loi de finances. La présentation du budget pour 2014 devrait être ce moment de vérité.

Se pose donc à nous la question de l'espace à donner au crédit d'impôt recherche. La dépense fiscale ainsi créée peut-elle encore continuer à croître ? Sinon, à quel montant optimal devrait-elle être plafonnée ?

Les études sur l'efficacité du crédit d'impôt recherche sont difficiles à interpréter. Les plus abouties portent sur sa configuration d'avant 2008. Pour autant, elles indiquent un effet favorable de ce crédit d'impôt, que corroborent les indicateurs figurant au projet annuel de performances. En même temps, il apparaîtrait que son rendement serait de plus en plus faible au fur et à mesure de l'augmentation de son plafond. Des phénomènes d'optimisation fiscale ont aussi pu être repérés.

Le crédit d'impôt recherche a aussi pu être considéré comme un instrument de lutte contre les délocalisations. Les avis sont cependant partagés sur ce point. Si tel était le cas, serait-ce bien son rôle de venir atténuer une fiscalité des entreprises jugée trop élevée ?

L'enjeu est ailleurs, en effet. Au fur et à mesure de sa progression, le crédit d'impôt recherche finira par peser sur la recherche publique. Une fois l'intégralité de la créance fiscale budgétée, il sera possible de dire que l'effort de l'État en faveur de la recherche est non pas de 14 milliards d'euros mais de 19 milliards. Un tel montant pourra alors susciter des velléités d'économies. Faute de pouvoir maîtriser l'évolution des montants du crédit d'impôt recherche, c'est sur les dotations budgétaires à la recherche publique que ces économies risquent d'être recherchées. Il existe bel et bien un effet latent d'éviction de la recherche financée par la dotation budgétaire au profit de celle financée par la dépense fiscale.

Je souhaite donc que, indépendamment de l'extension du crédit d'impôt recherche à l'innovation, notre Assemblée engage une réflexion sur la fonction de ce crédit d'impôt, les conditions de son efficacité et les éventuelles limitations à apporter à la dépense qu'il génère.

Sans attendre, la commission des finances de notre Assemblée pourrait, elle aussi, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, demander à la Cour des comptes de réaliser une étude sur le crédit d'impôt recherche. À partir des conclusions de celle-ci, pourra s'engager un débat approfondi sur les diverses facettes de l'apport de ce crédit d'impôt et sur la place que celui-ci doit tenir au sein du financement de la recherche.

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