Intervention de Yves Jégo

Séance en hémicycle du 16 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Jégo :

Nous ne voterons pas le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre. Nous ne le voterons pas, et nous le regrettons, parce qu'il est fondé sur une triple erreur, qui aura sans doute, malheureusement, des conséquences funestes pour l'avenir de notre pays : une erreur politique, une erreur sociale et une erreur économique.

L'erreur politique, c'est d'avoir fait semblant de sous-estimer la crise depuis 2008, c'est d'avoir laissé croire aux Français que l'on pouvait augmenter le SMIC et les minima sociaux, recruter 60 000 fonctionnaires de plus dans l'éducation nationale, maintenir les services publics en tous lieux, augmenter tous les budgets et ramener la retraite à soixante ans sans aucune conséquence pour leur avenir et que seuls les riches allaient payer l'addition.

L'erreur politique, c'est d'avoir laissé croire à une partie de vos électeurs que vous alliez renégocier le traité européen et refuser tout net ce que nos collègues du Front de gauche appellent l'austérité européenne, qui nous oblige à tant d'efforts pour revenir aux 3 % de déficit et organiser la convergence avec le reste de l'Europe.

L'erreur politique, c'est d'avoir bercé nos compatriotes d'illusions en laissant croire qu'il suffisait de détricoter les mesures de la précédente majorité pour régler comme par miracle tous les problèmes du pays en oubliant que, depuis presque quarante ans, le fléau de la dette vient envahir l'avenir de bien sombres perspectives.

L'erreur politique, enfin, c'est d'avoir trompé tant et tant de Français, qui voient aujourd'hui leurs usines liquidées simplement parce que personne n'est capable d'expliquer clairement la stratégie de redressement productif qui devait éviter ou limiter les plans sociaux.

Vous payez d'ailleurs cash dans l'opinion publique la désillusion de ceux qui vous ont fait confiance et qui, aujourd'hui, sont, pour les plus optimistes, déçus et, pour les plus réalistes, atterrés par l'absence de perspectives ouvertes par les premiers mois de votre gestion alors que la France, il faut le rappeler, vous a donné en quelques années tous les pouvoirs.

Cette faute politique pourrait être pardonnable si elle ne s'accompagnait d'une faute sociale. L'erreur sociale a consisté, dès votre élection, dans un élan de déconstruction de tout ce qui avait été fait avant vous, à pratiquer une saignée sans précédent dans le pouvoir d'achat des classes moyennes de notre pays.

La suppression des avantages liés aux heures supplémentaires, dont les effets se font sentir dans près de 9 millions de familles ce mois-ci, aura été un marqueur sombre et violent du commencement de cette mandature.

Qui peut dire sérieusement ce soir dans notre hémicycle qu'il n'a pas été interpellé ces derniers jours par un ouvrier, un employé, un salarié furieux et dépité de constater la baisse significative et brutale de son salaire ?

Je veux parler ici, parce que je le lui ai promis, de ce chauffeur routier de quarante-huit ans que j'ai reçu il y a quelques heures dans ma permanence, cet employé que je connais depuis longtemps, qui travaille dur toute la semaine sur les routes d'Europe et revient le week-end s'occuper de sa famille, cet homme dont la vie professionnelle est difficile, qui accepte son sort avec courage pour offrir à ses enfants un meilleur avenir. Je veux que vous entendiez cet homme simple, qui m'a dit avoir voté pour l'actuel Président de la République, venu m'implorer de lui trouver un logement social, en larmes dans mon bureau parce que la baisse de 90 euros de son salaire ne lui permettait plus d'assumer les échéances de son pavillon et qu'il allait être obligé de le vendre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.). Il faut comprendre pourquoi nous parlons de saignée sociale. Vous ne pouvez pas ignorer ces réalités, mes chers collègues, à moins que vous n'ayez fermé définitivement vos permanences à tous ceux qui veulent vous rencontrer.

Comment puis-je lui expliquer, monsieur le ministre, qu'ici, au Parlement, dans la situation de notre pays, il existe une majorité assez cynique pour supprimer les avantages des heures supplémentaires des plus modestes tout en maintenant, sur ordre du Premier ministre, les oeuvres d'art hors du champ de l'ISF ? Vous avouerez que c'est totalement incompréhensible et inexplicable.

Votre budget est aussi fondé sur une erreur économique, et je ne répéterai pas tout ce qui a été déjà dénoncé. Nous souhaitions moins d'impôts et plus d'économies sur les dépenses de l'État. Vous faites exactement le contraire. Nous allons, hélas, vers une récession qui va entraîner bien des difficultés.

Vous avez tout à l'heure appelé à votre rescousse des citations. Permettez-moi de citer Chateaubriand : « ce n'est pas parce que je n'aime pas le monde qui vient que je ne le vois pas venir ». Il serait temps que vous écoutiez ceux qui vous disent de faire autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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