Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 16 juillet 2012 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Mes chers collègues, le changement de majorité entraîne habituellement le dépôt et la discussion au Parlement d'un projet de loi de finances rectificative. Celui qui vous est proposé n'est pas de pur affichage. Il fallait sortir de l'impasse constatée par la Cour des comptes et remédier à l'insuffisance des rentrées fiscales relativement à celles envisagées par la loi de finances pour 2012 votée par la précédente majorité. Il est cependant rare qu'un tel texte contienne autant de dispositions intéressant directement la commission des affaires sociales, à savoir six sur les trente articles que compte le projet, et pour la plupart d'une grande portée.

Rarement le terme « rectificative » aura été aussi pertinent. Trois de ces dispositions reviennent en effet sur des choix contestables de la précédente législature : d'abord le régime des heures supplémentaires établi par la loi TEPA, puis les restrictions apportées en 2011 à l'aide médicale de l'État, enfin, et tout récemment, en pleine campagne électorale, l'instauration de la TVA dite sociale.

Les trois autres articles qui intéressent notre commission se tournent quant à eux vers l'avenir : ils constituent les premiers éléments d'une consolidation du financement de notre sécurité sociale. En effet, l'assujettissement aux contributions sociales des revenus immobiliers de source française des non-résidents, la hausse du taux des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions et la majoration du taux du forfait social constituent autant de nouvelles recettes pérennes, pour l'essentiel au profit de la branche vieillesse.

La première des orientations que le collectif budgétaire s'emploie à rectifier est l'exonération des heures supplémentaires. Dans son rapport d'application de cette disposition-phare de la loi TEPA, le gouvernement précédent avait reconnu, dès janvier 2009, qu'elle était dépourvue d'intérêt économique et même contre-productive : un gain de croissance de 0,15 % du PIB pour un coût s'élevant alors à 0,23 % du PIB, soit, à l'époque, 4,5 milliards d'euros ! 0,15 % d'un côté, 0,23 % de l'autre !

Depuis lors, cette appréciation a été confirmée par de nombreux travaux, ceux du Conseil des prélèvements obligatoires comme ceux du Comité d'évaluation des niches fiscales et sociales ou ceux du Comité d'évaluation des politiques publiques de notre Assemblée, sur le rapport de MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot.

La suppression du régime social des heures supplémentaires s'opérera sans dogmatisme, en ce sens que le régime bénéficiant aux entreprises de moins de vingt salariés sera maintenu. La loi TEPA avait porté de 10% à 25% le taux de la majoration des quatre premières heures supplémentaires hebdomadaires dans ces entreprises, qui y recourent proportionnellement davantage. Il en est tenu compte.

Deuxième choix que nous n'acceptons pas tant du point de vue des valeurs de la République que de celui de la santé publique et de ses conséquences économiques : le droit de timbre de 30 euros pour bénéficier de l'aide médicale d'État et l'accord préalable pour les hospitalisations coûteuses, instaurés par la loi de finances pour 2011. Le Président de la République s'était engagé à revenir sur ces dispositions manifestement contraires au principe de solidarité qui anime notre système de protection sociale. En effet, non seulement ces dispositions stigmatisent ouvertement les étrangers et s'attaquent aux plus vulnérables d'entre nous, mais elles vont à l'encontre de ce que doit être une politique de santé publique cohérente et ambitieuse, notamment en matière de lutte contre les maladies contagieuses. En retardant les traitements, les mesures qu'il vous est proposé d'abroger ont aussi pour effet d'augmenter leur coût. Je vous renvoie ici à deux rapports : celui des Inspections des affaires sociales et des finances, qui avait pourtant clairement écarté la création d'un droit de timbre, craignant que cela n'entraîne des renoncements aux soins et des reports de dépenses sur l'hôpital ; et celui de nos collègues Sirugue et Goasguen, qui relevaient la faiblesse de la fraude et démontraient que l'augmentation des crédits consommés au titre de l'aide médicale d'État s'expliquait notamment par leur meilleure mise en recouvrement par les hôpitaux. L'effet inflationniste sur la dépense s'est d'ailleurs immédiatement vérifié puisque les premiers chiffres de 2011 nous montrent que les dépenses d'aide médicale de l'État sont en augmentation de près de 5 % ; mais, dans cet ensemble, les dépenses de soins de ville baissent alors que les soins hospitaliers, financièrement les plus coûteux pour l'assurance maladie, augmentent de 7,2 %. L'agrément préalable avant hospitalisation coûteuse a été, lui aussi, d'effet limité, car il ne concernait qu'une minorité de cas. L'article 29 du projet de loi procède donc à l'abrogation de ces mesures et prévoit la disparition, au 31 décembre, du Fonds national de l'aide médicale d'État.

Troisième et dernière décision sur laquelle revient ce collectif budgétaire : la TVA dite « sociale ». En 2007, le gouvernement de M. Fillon avait eu la sagesse de renoncer à ce projet, qui fut finalement mis en place au début de cette année de façon assez hâtive, mais avec des effets reportés au 1er octobre. Il ne s'agit pas, pour nous, de contester la nécessité d'améliorer la structure du financement de notre protection sociale. Toutefois, la mesure adoptée par la précédente majorité est contestable à un double titre. Elle l'est d'abord dans ses bénéfices escomptés pour l'économie. La baisse des charges sur les entreprises est sans commune mesure avec le différentiel de coûts avec nos concurrents des pays émergents. Le principal résultat, compte tenu aussi de ce que souvent des produits français ne sont pas substituables aux produits importés, risquait, au contraire, d'être celui d'un surcoût relatif pour le consommateur. Ainsi, alors que la croissance est d'une faiblesse insigne, la TVA sociale risquait de l'affaiblir encore. La mesure est d'autre part injuste par ses conséquences sur les ménages les plus modestes, car la réduction des cotisations patronales d'allocations était compensée, à hauteur des quatre cinquièmes, par une majoration du taux normal de TVA. Je vous renvoie, sur ce point, à l'analyse présentée l'an dernier par le Conseil des prélèvements obligatoires, qui fait apparaître le caractère clairement régressif des impôts indirects et particulièrement de la TVA. La part de la fiscalité indirecte est beaucoup plus forte pour les ménages appartenant aux deux premiers déciles de revenus. Dans le même temps, la consommation des ménages appartenant aux deux derniers déciles est, en revanche, la moins sensible à la TVA. Ici aussi, la suppression du dispositif se fera sans dogmatisme : les aménagements techniques de l'affectation de la fraction de TVA précédemment déjà affectée aux régimes sociaux sont opportunément conservés et, surtout, la majoration de deux points du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, qui gageait une partie de la suppression des cotisations patronales, est conservée. Sur le produit de cette majoration, 400 millions d'euros permettront, dès 2012 et ensuite à titre pérenne, de financer l'augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire ; encore un engagement que le Gouvernement n'a pas tardé à respecter. Mais l'essentiel bénéficiera à la branche vieillesse, à hauteur de 2,6 milliards d'euros à partir de 2013.

Le collectif budgétaire qui nous est proposé ne se contente pas de regarder vers le passé. Il pose les premiers jalons du redressement de nos finances sociales et, au-delà, de la réforme du financement de la protection sociale, dans le prolongement du débat d'orientation sur les finances publiques et de la conférence sociale qui s'est tenue lundi et mardi de la semaine dernière. En effet, trois mesures nouvelles offrent des recettes pérennes et traduisent clairement la volonté du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité de résorber certaines de ces «niches » qui mitent le financement de notre protection sociale. Il est normal, dans le contexte actuel, de mettre davantage à contribution ces rémunérations ou gains qui échappent au prélèvement social de droit commun sur les salaires. Première mesure : l'assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers de source française des non-résidents. Je crois que cette mesure fait relativement consensus, je ne m'y attarde donc pas. Deuxième mesure : l'accroissement des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions. Je ferai la même observation que précédemment : il y a un relatif consensus. Troisième mesure, qui, elle ne fait plus consensus : l'augmentation du taux du forfait social. En proposant de porter ce taux de 8 % à 20 %, le Gouvernement suit une recommandation ancienne de la Cour des comptes qui estime, avec juste raison, que ces sommes doivent contribuer équitablement au financement de la solidarité. La taxation n'a cependant pas pour objectif de réduire l'assiette : l'écart avec les cotisations sociales de droit commun demeure important. Il convient de souligner que les contributions des employeurs au financement des prestations de prévoyance demeurent fixées à un taux de 8 %, ce qui permet de privilégier ce type de financement. Le produit de cette majoration s'élèvera à 2,3 milliards d'euros dès 2013, répartis pour moitié entre la branche vieillesse et le FSV.

C'est pour chacune de ces raisons que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

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