Nous abordons maintenant l’ultime examen de ces deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique puisqu’il revient à l’Assemblée nationale de les adopter définitivement.
Je ne reviendrai pas sur la genèse de ces textes, les membres du groupe RRDP, notamment par la voix de notre président Roger-Gérard Schwartzenberg, ayant eu l’occasion lors des lectures précédentes de dire haut et fort ce qu’ils en pensaient. Et l’opposition n’aura pas besoin non plus de m’applaudir à tout rompre pour masquer sa propre impéritie car elle aurait été très inspirée d’inscrire à l’ordre du jour, lorsqu’elle était majoritaire, le projet de loi adopté en conseil des ministres en 2010 suite au rapport de la commission Sauvé, ainsi que le ministre l’a rappelé. Ledit projet, permettez-moi de le dire, étant bien mieux rédigé que celui qui nous est soumis depuis quelques mois.
Est-il besoin de redire tout le mal que nous pensons de ces textes bancals, tellement mal ficelés que les deux chambres n’ont pu parvenir à un texte de compromis crédible ?
Si la question de la composition de la Haute autorité n’est plus d’actualité, nous n’en sommes pas pour autant satisfaits. Cette instance comptera neuf membres, comme celle prévue par le rapport Jospin, mais seulement deux personnalités qualifiées alors que le projet de 2010 en prévoyait six : deux désignées par le chef de l’État, deux par le président de l’Assemblée nationale et deux par le président du Sénat.
Cette marque de défiance envers le Parlement, en outre, n’est pas compatible avec le principe de séparation des pouvoirs. Confier le contrôle de l’action des parlementaires à une autorité administrative indépendante, théoriquement présente dans la sphère de l’action de l’exécutif, ne garantira pas son efficacité.
Je reprendrai le mot de Marc Dolez, qui avait déclaré dans cet hémicycle le 22 juillet dernier, applaudi d’ailleurs par la majorité comme l’opposition : « Ce n’est pas la déclaration de patrimoine qui garantit l’intégrité car elle n’empêche pas une déclaration mensongère. Ce qui garantit l’intégrité, c’est la transparence du contrôle de la déclaration. » Le Sénat, dans sa sagesse, avait prévu d’associer le bureau de l’Assemblée et le déontologue concernés à la procédure d’information.
Je rappellerai également que la commission présidée par Lionel Jospin, que j’évoquais à l’instant, écrivait dans son rapport en novembre 2012 : « La commission ne juge pas souhaitable d’amender le régime applicable aux déclarations de patrimoine qui doivent rester confidentielles. »
Quant au régime déclaratif, les positions adoptées par les deux assemblées sont assez différentes. Globalement, l’Assemblée était favorable à un régime lourd, tant s’agissant des obligations pesant sur les personnes assujetties que des sanctions dont elles seraient passibles en cas de déclaration incomplète ou mensongère, régime assorti de la désormais fameuse « consultation sans publication » et prévoyant une peine de 45 000 euros d’amende. Le Sénat avait supprimé cette peine, la considérant comme disproportionnée et impossible à mettre en oeuvre à l’heure d’internet, selon les termes de son rapporteur, notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur, dont nous partageons l’analyse. Le Sénat a donc préféré un régime déclaratif moins lourd et moins durement sanctionné, cependant assorti d’une publication des déclarations au Journal officiel. Cette position ne nous agrée pas non plus mais nous la trouvons moins hypocrite que celle adoptée par l’Assemblée nationale
Les députés RRDP défendaient le principe d’une publication uniquement en cas de déclaration incomplète ou mensongère. On nous a rétorqué que c’était un système punitif. L’est-il plus que celui que vous nous proposez, alors que des milliers d’élus, nationaux et locaux, seront soumis à un voyeurisme qui risque de dégénérer en véritable traque ?
Comme aucune des deux formules ne rencontre notre approbation, conformément à la règle de l’entonnoir en cette lecture définitive, nous n’avons déposé aucun amendement sur ce point. Considérons, avec d’autres, que cette affaire est désormais derrière nous.