Intervention de Gilbert Collard

Séance en hémicycle du 11 septembre 2013 à 15h00
Transparence de la vie publique — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Collard :

Chaque fois qu’une situation vous embarrasse, vous faites voter une loi, pour pouvoir dire que vous corrigez les erreurs que vous avez vous-mêmes commises ! L’intitulé même de ce texte – « relatif à la transparence de la vie publique » – vous dédouane, alors même que le douanier a pris l’un d’entre vous – Jérôme Cahuzac – la main dans le sac. Quand même, soyez un peu lucides ! Que le travail effectué pour améliorer la transparence de la vie publique soit de bonne volonté, je n’en disconviens pas, mais ayez au moins l’honnêteté de reconnaître qu’il trouve son origine dans un désastre moral – lequel nous concerne tous : députés d’hier ou d’aujourd’hui, d’ici ou d’ailleurs.

Bravo : vous en arrivez à nous faire la morale, alors que le point de départ du processus est un acte immoral. Chapeau ! Vous en arrivez à nous faire adopter un texte qui a une portée particulière. Il concerne une catégorie particulière de citoyens, et pas n’importe laquelle : celle des élus, de gens qui représentent la Nation, et qui ont pour mission fondamentale de représenter un contre-pouvoir. Or, qu’on le veuille ou non, vous allez limiter ce contre-pouvoir ! Quand on soumet un élu, un député, à des contrôles administratifs, on prend le risque de voir ce contrôle se pervertir. Là se trouve un danger pour nos libertés, pour l’exercice de notre contre-pouvoir. Nous pouvons, à n’importe quel moment, être victimes d’une perversion de ce contrôle. Cela peut arriver : personne, ici, ne peut jurer que cela n’arrivera pas.

Notre arsenal juridique comporte pourtant déjà tout ce qu’il faut pour réprimer ces agissements répréhensibles. Nous disposons des incriminations de corruption, de favoritisme, de prise illégale d’intérêt, d’abus de confiance : le code pénal est rempli de dispositions permettant de réprimer tous les comportements fautifs. Vous me direz que certaines de ces infractions ne sont punies que de cinq ans de prison. La peine de probation envisagée par Mme Taubira sera donc applicable : tout va bien, la vie est belle, il n’y a pas de quoi s’affoler !

Il y a encore plus grave. Je conclurai en évoquant, à ce sujet, deux points. Premièrement, vous incluez dans la définition du conflit d’intérêts une chose fantomatique, qui me fait peur : la notion d’apparence. Vous employez le verbe « paraître » : vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ? Nous serons observés non pas sur la réalité des faits, mais sur leur apparence. Franchement, c’est grave !

C’est d’autant plus grave que l’on voit se profiler ce que l’on appelle les « lanceurs d’alerte ». Rappelez-vous : comment les appelait-on, ces lanceurs d’alerte, au moment où la démocratie se mourait à Athènes ? Des sycophantes ! C’est eux qui causent la mort de la démocratie.

Ce n’est pas la peine de relire Aristophane pour s’en souvenir !

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