La situation était extrêmement dégradée : il a fallu agir vite, très vite. Il a été décidé de maintenir, coûte que coûte, une réduction du déficit structurel supérieure à 1 point de PIB – objectif auquel nous sommes parvenus. La spéculation d’éclatement de la zone euro s’est évanouie. La dette française a cessé d’être attaquée. Les taux d’intérêt sur la dette ont drastiquement baissé. Bien entendu, l’action du Gouvernement, approuvée par sa majorité, n’est pas la seule à avoir contribué à ce regain de confiance. Mais imaginez un seul instant que le Gouvernement ait décidé de faire autrement, qu’il ait décidé de laisser filer le déficit comme l’ont fait ses prédécesseurs, la situation économique serait-elle meilleure aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. Cela ne signifie pas toutefois que nous devrions conserver cette stratégie à l’avenir – j’y reviendrai.
D’ailleurs, au-delà de cette continuité apparente que certains nous reprochent, la nouvelle majorité a introduit une vraie rupture. Ce changement, c’est la définition de priorités, pas uniquement dans les paroles, mais également par des actes, concrétisés grâce aux orientations budgétaires. L’ancienne majorité avait pris pour méthode de couper les dépenses de façon uniforme – forte d’une justification idéologique qui voudrait que les dépenses soient intrinsèquement mauvaises. Ce n’est pas notre vision. La dépense peut être bénéfique, à condition qu’elle soit maîtrisée et qu’elle réponde à des objectifs et à des besoins réels. En période d’efforts budgétaires, fixer des priorités est plus indispensable encore : pour décider, pour agir, en résumé, pour gouverner.
Pour autant, les orientations pour la fin 2013 et pour 2014, doivent-elles être les mêmes ? S’agissant de la définition des priorités et de la création de marges de manoeuvre budgétaire, la réponse est oui. D’ailleurs, le Gouvernement a souhaité élargir le champ des domaines prioritaires à l’emploi, à la solidarité et au logement. Nous aurons l’occasion de discuter de ces choix et des moyens qui leur sont associés lors du prochain PLF.
En revanche, pour ce qui est de la politique économique en général, il nous faut changer de cap. Le Gouvernement semble d’ailleurs s’engager dans cette voie, ce qui est salutaire. Quels doivent être les aménagements de cette politique économique ? Premièrement, les ajustements budgétaires ne doivent plus se faire au détriment de la croissance. Il est aisé de s’en prendre à la politique monétaire européenne pour expliquer le manque de croissance. Mais la BCE a fait des efforts considérables et il n’est pas certain que sa politique puisse devenir beaucoup plus « hétérodoxe » qu’elle ne l’est déjà. En outre, au vu des bulles créées par la réserve fédérale américaine, il n’est même pas certain que ce serait une bonne chose.
En revanche, la politique budgétaire menée dans l’ensemble des pays européens doit être ajustée. En particulier, il est nécessaire que les efforts structurels portent sur une diminution des dépenses, et non pas sur une augmentation des recettes. Les députés du groupe RRDP avaient d’ailleurs mis en garde le Gouvernement à ce sujet lors du dernier projet de loi de finances.
En outre, les coupes budgétaires ne doivent pas porter sur les dépenses qui peuvent être le plus facilement diminuées, mais elles doivent intervenir là où ces dépenses sont le moins efficaces – cela suppose du temps.
C’est pourquoi il est nécessaire d’adapter le rythme de réduction du déficit public, en particulier pour 2013, alors que les prévisions de croissance – et partant les recettes des administrations publiques – sont à la baisse. L’adaptation du rythme de consolidation budgétaire est une bonne chose, comme viennent de l’entériner les ministres des finances du G20. Mais il ne faudrait pas que le déficit en 2013 dévie trop de la trajectoire actée dans le programme de stabilité. Dans le cas contraire, l’effet base en 2014 risquerait d’être difficile à rattraper sans une forte augmentation des recettes.
En 2014, précisément, le Gouvernement est décidé à faire reposer les efforts de maîtrise budgétaire sur les dépenses. Nous pouvons nous en réjouir, même si aujourd’hui – et ce malgré les premiers éléments budgétaires qui nous ont été communiqués – nous avons quelques inquiétudes quant aux mesures prises pour réduire les « mauvaises » dépenses – c’est-à-dire celles qui sont inefficaces – et sécuriser les bonnes.
Les rapports d’évaluation de la MAP sont publiés au compte-gouttes et il ne semble pas que les administrations centrales mettent beaucoup d’ardeur à engager de véritables réformes organisationnelles, seules à même de dégager des économies substantielles et durables. Ces réformes ne doivent pas seulement se faire là où des économies sont attendues pour financer les priorités gouvernementales. Il nous semble indispensable que des réformes profondes soient aussi conduites là où les budgets sont renforcés ou préservés. Cela est vrai pour Pôle emploi, comme pour l’éducation nationale ou pour la politique du logement. Les meilleures réformes sont souvent celles qui se font avec un budget en hausse. Nous aurions tort de ne pas saisir les opportunités là où des marges de manoeuvre ont été créées.
Malheureusement – mais peut-être pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des informations complémentaires –, il ne semble pas que les réformes les plus conséquentes soient menées là où l’on réinjecte le plus de moyens financiers.
L’autre inquiétude que nous avions évoquée en première lecture est suscitée par le flou qui existe autour de la politique d’investissement. L’investissement n’apparaissait pas comme l’une des priorités budgétaires du Gouvernement, ce que nous regrettions. Dans son rapport sur la gestion budgétaire de l’État en 2012, la Cour des comptes mettait en garde contre le redéploiement de crédits issus du programme des investissements d’avenir vers des postes de dépenses sans lien avec les objectifs du programme.
Le Premier ministre a depuis lors apporté des réponses : 12 milliards d’euros supplémentaires viendront abonder le financement du programme des investissements d’avenir et huit grands domaines d’intervention seront concernés, parmi lesquels la recherche et l’innovation, la transition énergétique ou l’économie numérique. Ces investissements encouragent les partenariats entre le public et le privé, notamment s’agissant du financement. Toutefois, l’effet de levier attendu sur l’investissement privé ne pourra être pleinement satisfait que si le message et la volonté du Gouvernement sont lisibles et univoques.
De manière générale, il est nécessaire que le projet de loi de finances, qui sera présenté en septembre, soit le plus clair possible. Les orientations prises devront être exposées avec cohérence par rapport à ce qui a déjà été réalisé. Si cela n’était pas le cas, nos concitoyens risqueraient de ne pas comprendre l’action gouvernementale et de la rejeter. La concertation est nécessaire pour mener des réformes durables, mais elle tend à brouiller les messages. Le projet de loi de finances offrira l’occasion de consolider les initiatives prises ou annoncées depuis un an. Ce sera en effet la première loi de finances dont l’actuel Gouvernement aura maîtrisé toutes les étapes de fabrication. Nous en espérons donc beaucoup et nous serons vigilants. Dans cette attente, les députés du groupe RRDP sont bien évidemment favorables à ce projet de loi de règlement.