La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger sur les très graves événements de Trappes. Je veux, toutefois, avec tous les députés du groupe UMP, rendre tout d’abord hommage aux femmes et aux hommes de la police nationale qui font appliquer les lois de la République dans des conditions très difficiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur de nombreux bancs des groupes UDI, SRC et RRDP.)
Monsieur le Premier ministre, si je m’adresse à vous, c’est que ces événements inadmissibles dépassent le seul cadre de la sécurité. En effet, ils sont survenus après d’autres faits similaires dans la région lyonnaise et après l’agression perpétrée le 25 mai dernier contre un militaire à La Défense avec la volonté de tuer.
En 2009, sous la présidence d’André Gerin, apparenté au groupe communiste et, au-delà des clivages politiques, la mission d’information sur le voile a considéré que le voile intégral constituait une atteinte directe et inadmissible à la dignité de la personne et n’avait pas sa place en France. Comme le rappelle, à juste titre, Élisabeth Badinter, il n’a jamais existé dans notre civilisation et dans notre culture « d’habit du visage ». Le voile intégral est une rupture, une violation de la volonté du « vouloir vivre ensemble », la négation même de l’égalité homme-femme, d’où la loi votée à une très grande majorité le 20 octobre 2010.
Si nous cédons sur ce point, monsieur le Premier ministre, nous donnerons raison à ceux qui veulent appliquer leur loi intégriste, la charia, au mépris des lois de la République.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre un terme au poison des dérives communautaristes ?
« Bravo ! »applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Myard, les faits qui se sont déroulés à Trappes sont inadmissibles. La prise à partie d’un commissariat, celle de bâtiments publics et de mobiliers urbains sont des faits qui méritaient une réponse ferme de l’État.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Cette réponse nécessaire a été apportée, et aujourd’hui l’ordre a été rétabli dans cette ville
Nous avons évidemment suivi avec le Président de la République et le Premier ministre le déroulement de ces faits. Benoît Hamon, élu de cette ville était présent ainsi que votre collègue Jean-Philippe Mallé et le maire de Trappes que je veux saluer parce qu’ils représentent l’immense majorité des habitants de ces quartiers populaires qui n’acceptent pas cette violence.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe RRDP.
Je tiens à le rappeler parce qu’il est très important d’éviter tout amalgame.
Les habitants de ces quartiers populaires veulent vivre en sécurité et en tranquillité, ils nous l’ont dit.
Enfin, monsieur le député, la seule réponse dans ce domaine comme dans bien d’autres, c’est l’application de la loi. C’est l’application de la loi républicaine.
« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.
Dans ces moments difficiles pour notre pays – crise économique ou crise de confiance – il y a une seule réponse, c’est la loi. Pour vivre ensemble, et je tiens à le rappeler à chacun, il existe une valeur inestimable : la laïcité, laquelle s’applique grâce à la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La loi qui interdit le voile intégral est une loi émancipatrice ! Elle permet la libération de la femme et l’égalité entre la femme et l’homme ! Elle permet de se battre contre tous les fondamentalistes ! Alors, oui, c’est la loi, la laïcité et la République ! Tous partagent ces principes, monsieur le député !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur de nombreux bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Luc Drapeau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (« Bravo! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Pendant des années, madame la ministre de l’égalité des territoires, les politiques menées ont entraîné une inégalité profonde entre les territoires, engendrant un sentiment d’oubli, d’abandon, de relégation, pour reprendre les mots du Président de la République. La réforme de la carte judiciaire, la désertification médicale, le retrait des services publics ont profondément creusé cette inégalité territoriale, alors que nous avons besoin de la diversité des territoires, nécessaire à la cohésion de notre pays.
La création du ministère de l’égalité des territoires est une promesse de campagne du Président de la République. Pour la première fois, un Gouvernement fait de la lutte contre la fracture territoriale l’une de ses priorités en créant un ministère de plein exercice spécifiquement chargé de promouvoir l’égalité des territoires.
D’ores et déjà, des mesures ont été prises. Je pense à la couverture, en dix ans, de la France en très haut débit ou encore à la présence des services au public en milieu rural et urbain. Je pense également à la création des zones de sécurité prioritaire et à celle des emplois d’avenir en priorité dans les quartiers populaires et les zones de revitalisation rurale.
Ma question est simple : pouvez-vous nous présenter les réformes à venir destinées à assurer toujours plus d’égalité des territoires ?
Enfin, au moment où je m’apprête à quitter cet hémicycle, je voudrais affirmer, au-delà de cette question, toute la fierté d’avoir siégé au sein de cette assemblée. L’antiparlementarisme actuel est un danger pour notre démocratie. J’ai rencontré ici, comme j’en rencontre de longue date parmi les élus de la République au-delà de leurs sensibilités, des hommes et des femmes animés par l’intérêt souverain de la France et de ses citoyens. Affirmez mes amis, affirmons et faisons vivre ensemble chaque jour la devise de notre république : liberté, égalité, fraternité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, dont de nombreux députés se lèvent.
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Monsieur le député, je vous remercie à la fois d’avoir posé une telle question et d’avoir insisté sur cette valeur essentielle qu’est l’égalité des territoires.
Vous l’avez rappelé, le Gouvernement a déjà engagé nombre de chantiers en la matière, notamment pour le très haut débit, mais également concernant les services publics.
Sur le très haut débit, la couverture de l’ensemble du territoire en dix ans est une priorité, mais nous travaillons également sur les usages. Le rapport que me rendra Claudy Lebreton sur le sujet permettra de donner à l’ensemble des collectivités locales au plus près des territoires les moyens de développer ces nouveaux usages que permet le très haut débit.
L’un des chantiers absolument décisifs, et je fais référence notamment au territoire que vous avez représenté ici, c’est celui des services publics. Avec un nouveau maillage de services publics et la création des espaces publics de proximité, nous mettrons en oeuvre une vraie politique de services publics au plus près des citoyens.
En matière de santé, 50 millions d’euros supplémentaires ont d’ores et déjà été affectés, en lien avec Marisol Touraine, pour la création de maisons de santé, mais nous avons également travaillé avec Benoît Hamon à la mise en place de pôles de coopération économique sur le territoire, permettant de développer de la manière la plus harmonieuse possible les ressources à la fois humaines et économiques.
L’ensemble de ces sujets seront traités dans le cadre d’une nouvelle relation entre l’État et les collectivités locales. C’est tout le sens de l’annonce par le Premier ministre, lors du CIMAP du 17 juillet, de la création du commissariat général à l’égalité des territoires. Ce commissariat général permettra de créer un lien différent entre une politique pilotée nationalement et celle mise en oeuvre avec beaucoup d’énergie par l’ensemble des collectivités locales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Édouard Fritch, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
Permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de remercier le groupe UDI de m’avoir donné le temps de parole qui lui était accordé aujourd’hui.
Mes remerciements républicains vont ensuite au Premier ministre et au Gouvernement pour l’accueil réservé à la délégation polynésienne menée par le président de la Polynésie française. Mes remerciements vont également à M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, qui a facilité nos rencontres avec votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre.
Depuis le 6 mai dernier, un nouveau Gouvernement issu des urnes est aux responsabilités à Tahiti. Ce nouveau Gouvernement et sa majorité ont la rude tâche de redresser les finances et la situation économique et sociale de notre collectivité. Des mesures importantes d’économies dans le fonctionnement des pouvoirs publics ont déjà été adoptées, comme la réduction des indemnités des élus et du Gouvernement, la réduction du format du Gouvernement, la suppression des voitures de fonction. Les Polynésiens, dans leur ensemble, ont été appelés à participer par de nouvelles mesures fiscales votées le 13 juillet dernier par notre Assemblée, afin de redonner des marges de manoeuvre budgétaires pour relancer notre économie.
C’est dans ce cadre que nous avons élaboré un pacte de croissance, fondé sur la confiance et la responsabilité, pour lequel, au nom de la solidarité nationale, nous sollicitons l’accompagnement de l’État. Cet accompagnement est particulièrement attendu dans le domaine de la solidarité et de la santé.
D’un commun accord avec l’État, nous avons souhaité qu’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales soit organisée afin d’apporter son expertise sur la gouvernance de notre système de santé et le fonctionnement du régime de solidarité. Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer votre accord sur une telle mission et nous indiquer dans quels délais elle pourrait être organisée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le député, vous attirez l’attention du Gouvernement sur la situation du système de santé en Polynésie française. C’est un système très particulier puisqu’il y a dans ce territoire une direction générale de la santé spécifique ainsi d’ailleurs qu’une caisse sociale de prévoyance autonome.
En Polynésie française, le système de santé est effectivement confronté à de grands défis et à des difficultés d’organisation et de pilotage, mais il manque aussi du personnel d’encadrement et il est nécessaire de faire face à la forte augmentation des dépenses au cours des dernières années. C’est la raison pour laquelle le territoire souhaite qu’une mission de l’inspection générale des affaires sociales lui fasse des recommandations pour mettre en place une meilleure organisation.
J’ai le plaisir de vous confirmer que j’ai demandé à l’inspection générale des affaires sociales de mettre en place une telle mission, qui pourra débuter à partir de l’automne, pour que ses préconisations pour une amélioration de l’organisation du système et de l’encadrement et pour une meilleure réponse aux besoins de santé de la population puissent être mises en oeuvre rapidement, en particulier pour le centre hospitalier de la Polynésie française mais pas seulement. Je souhaite que des règles adaptées à la situation particulière de la Polynésie française permettant le retour à l’équilibre puissent être ainsi dégagées.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est très attentif à la situation sanitaire de la Polynésie française, et je suivrai avec attention les recommandations de cette mission d’inspection.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, depuis quelques jours, les chefs d’entreprise qui accueillent des apprentis nous interrogent. Les annonces contradictoires concernant la prime d’apprentissage ont de quoi les inquiéter. Dans le cadre du plan d’économies budgétaires annoncées par le Premier ministre, on a pu croire dans un premier temps que cet accompagnement des entreprises par l’État était purement et simplement supprimé.
Depuis lors, des précisions ont été apportées, concernant la limitation de la mesure aux entreprises de moins de dix salariés, et le bénéfice d’un crédit d’impôt pour les autres. Force est de constater que ces explications ne suffisent pas à dissiper les doutes et les interrogations.
Le Président de la République a placé à juste titre son mandat sous le signe de la jeunesse. C’est ce qui nous a amenés à voter ici les contrats de génération et les emplois d’avenir. Le Président a également rappelé à de multiples reprises qu’une des conditions de la confiance des acteurs économiques était la stabilité des règles. Les entreprises qui ont recours à l’apprentissage s’organisent en conséquence. Elles bénéficient d’aides publiques, certes, mais ces aides sont la contrepartie des efforts de formation déployés vis-à-vis des jeunes qu’elles accueillent.
Elles attendent, légitimement, d’être rassurées et confortées dans leur choix. Un choix qu’il s’agit de soutenir pour atteindre l’objectif de 500 000 apprentis avant la fin du quinquennat, alors qu’il n’y en a aujourd’hui que 440 000. Il ne s’agit pas ici d’entretenir une polémique mais de lever des doutes. Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles règles stables pour cette indemnité compensatrice de formation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la députée, vous vous interrogez sur les conditions dans lesquelles les entreprises seront aidées au titre de l’apprentissage.
Dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement a décidé de déployer davantage d’efforts en faveur de l’apprentissage, notre objectif étant de porter le nombre d’apprentis à 500 000 à l’horizon 2017. Nous avons raison, car près de 70 % des apprentis trouvent un emploi dans les six mois suivant leur formation.
Nous avons l’intention, à partir du mois de septembre, d’engager une concertation avec les acteurs sur les modalités de répartition de la taxe d’apprentissage, de manière que celle-ci aille davantage à l’aide directe à l’apprentissage. Par ailleurs, le Premier ministre, à l’occasion de la présentation du Plan d’investissements d’avenir, a indiqué qu’une grande partie des sommes investies dans les années à venir le seront en faveur de l’apprentissage. Enfin, il a été décidé, parce que l’État investit près de 3 milliards pour l’apprentissage et qu’un certain nombre d’aides se sont sédimentées, de réviser le dispositif pour le rendre plus efficient et mieux ciblé. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de supprimer l’indemnité compensatrice forfaitaire et de la remplacer par une aide distribuée par les régions.
Toutes les entreprises qui embaucheront des apprentis d’ici au 31 décembre pourront le faire dans des conditions absolument identiques. Par ailleurs, les dispositions que nous avons prises en liaison avec les régions permettront de maintenir l’effort en faveur de l’apprentissage, dont nous avons besoin pour aider les jeunes dans le retour à l’emploi. Nous le ferons dans des conditions plus ciblées et plus efficientes que par le passé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. David Douillet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, et j’y associe mon collègue yvelinois Jean-Frédéric Poisson.
À Trappes, jeudi dernier,…
…la police a tenté de faire respecter la loi de la République en demandant à contrôler l’identité d’une femme portant le voile intégral. Mme Benbassa, sénatrice et membre de votre majorité, ose accuser la police d’avoir provoqué les violences qui ont suivi…
…et explique qu’il faudrait éduquer cette même police.
Nous savons, et vous savez, que ces événements sont la conséquence de votre déni de réalité, ainsi que des signaux dangereux que vous envoyez depuis des mois. Je parle de ce message de laxisme que vous portez aux quatre coins de la France
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP
et que les discours de fermeté du ministre de l’intérieur, qui a d’ailleurs été le seul, à gauche, à voter le texte sur la burqa en 2010, ne parviennent pas à contredire.
Je parle également de votre dogmatisme, qui crée un fossé entre le travail de la police et celui de la justice et ne bénéficie qu’à ceux qui veulent piétiner la République. Dois-je rappeler que, le mois dernier, un manifestant a été condamné à de la prison ferme, alors que l’étrangleur de policier, le mari de la femme contrôlée à Trappes, est aujourd’hui libre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
On est bien là devant une justice qui dérape.
Madame la garde des sceaux, je vous le demande avec gravité : quelles mesures allez-vous prendre pour que les fonctionnaires de police puissent faire appliquer la loi de la République et empêcher l’explosion des zones de non-droit dans notre pays ? Quand cesserez-vous de flatter des clientèles électorales au détriment de la sécurité des Français ?
Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
En un mot, quand commencerez-vous à condamner véritablement, dans l’intérêt de la France et des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (« Taubira ! Taubira !» sur les bancs du groupe UMP.)
Chers collègues, c’est le Gouvernement qui choisit le ministre qui répond.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
Monsieur le député, en 2005, quand le pays a été gagné par des émeutes urbaines, dans tous les quartiers, ceux qui étaient dans l’opposition, et j’en faisais partie, ont eu une autre attitude : celle de la responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Parce que nous savons que, face à ces problèmes, qui durent depuis trop longtemps, il faut être capable de se rassembler, comme vous l’a rappelé le Premier ministre il y a quelques jours, et qu’il ne sert à rien de jeter les Français les uns contre les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il ne sert à rien de faire des amalgames entre ceux qui cassent et les habitants des quartiers populaires, entre l’immense majorité de nos compatriotes musulmans et ceux qui s’en prennent aux lois de la République. (Mêmes mouvements.)
Il ne sert à rien d’opposer la police et la justice, parce que nous avons besoin des deux pour que l’État de droit s’impose partout.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il est de notre responsabilité, monsieur le député, de faire en sorte que magistrats et forces de l’ordre travaillent ensemble, et c’est l’honneur de ce Gouvernement, contrairement à ce qui s’est produit par le passé, que la Garde des sceaux et le ministre de l’intérieur travaillent ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis fier que, sur toutes ces questions, grâce aux zones de sécurité prioritaire, grâce à la relation que j’ai avec Christiane Taubira, nous construisions une politique sérieuse, crédible et qui donne des résultats. Voilà, monsieur le député, la réponse républicaine dont notre pays a besoin.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Isabelle Bruneau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, conformément aux engagements de la majorité présidentielle, vous avez confirmé une nouvelle fois votre intention de faire de la jeunesse une priorité.
La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, adoptée par cette assemblée, a pour objectif de favoriser la réussite de tous les étudiants, quels que soient leur origine, leur milieu social et la filière qu’ils ont choisie. Cette loi vise à compenser les inégalités au lieu de les amplifier, comme cela est le cas. De fait, force est de constater que, depuis dix ans, nous assistons à une baisse du taux de réussite en licence et à un recul de l’accès aux études pour les jeunes issus de milieux modestes.
De plus, cette reproduction des inégalités scolaires – annonciatrices souvent des inégalités sociales futures – s’accentue avec la durée des études. En 2009, les enfants de cadres et de parents exerçant des professions intermédiaires réussissaient trois à quatre fois plus fréquemment des études longues en grande école que ceux d’ouvriers et d’employés – ils y sont d’ailleurs toujours surreprésentés par rapport à leur poids dans la population. Par ailleurs, les étudiants issus de milieux défavorisés, mais également ceux des classes moyennes, sont souvent contraints de travailler pour financer leurs études. Madame la ministre, une réforme sociale ambitieuse est indispensable. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les objectifs de cette réforme ainsi que ses bénéficiaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
À la demande du Président de la République et du Premier ministre, j’ai effectivement reçu la semaine dernière, après un an de dialogue, les organisations étudiantes afin de leur présenter la première étape d’une réforme ambitieuse relative aux aides accordées aux étudiants. Vous avez rappelé nos objectifs qui sont clairs : faciliter l’accès aux études supérieures à tous les jeunes, quels que soient leur milieu ou leur territoire d’origine ; favoriser la réussite d’un plus grand nombre, en particulier la réussite de ceux qui sont issus des milieux les plus modestes.
En 2012, j’ai commencé par résoudre l’impasse budgétaire qui m’avait été léguée – celle du dixième mois de bourse –, grâce à un abondement à hauteur de 140 millions d’euros. Pour la rentrée 2013-2014, des mesures sont prévues. La première concerne les 30 000 boursiers dont les revenus sont les plus faibles : ils verront leurs aides augmenter de 803 euros par mois. Une mesure supplémentaire s’adresse aux 55 000 étudiants qui ne perçoivent aucune aide financière aujourd’hui, mais bénéficient seulement d’une exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale : ils recevront une aide de 1 000 euros. J’ai également voulu prendre en compte les étudiants non boursiers, mais qui doivent subvenir seuls à leurs besoins, souvent à la suite d’une rupture familiale : ils seront désormais 7 000 à bénéficier d’une aide fortement revalorisée, d’un montant allant de 4 000 à 5 500 euros.
Enfin, pour préserver le pouvoir d’achat de tous les boursiers, toutes les bourses seront revalorisées de 1 %. Ce sont in fine près de 100 000 étudiants, soit plus d’un boursier sur sept, qui bénéficieront d’aides nouvelles de l’État, pour un montant de 116 millions d’euros dès cette rentrée, et de 200 millions d’euros à la rentrée 2014-2015. En augmentant ainsi, et de manière historique, les moyens alloués aux bourses étudiantes dans une période de réduction des déficits publics, nous choisissons de donner la priorité à la jeunesse, en conformité avec l’engagement du Président de la République et du Premier ministre.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Avant de poser ma question, je voudrais dire combien je regrette que le ministre de l’intérieur réponde par l’invective à un député
Protestations sur les bancs du groupe SRC
qui, comme nous, aurait souhaité une réponse de Mme la garde des sceaux.
Monsieur le Premier ministre, le chômage touche un jeune sur quatre dans notre pays. C’est un fléau qu’il faut combattre et un défi à relever : nous partageons cet objectif. L’apprentissage permet aux jeunes de se former et de s’insérer rapidement et durablement sur le marché du travail : 80 % des jeunes en alternance trouvent un emploi dans les six mois suivants l’obtention de leur diplôme. Le Président de la République et votre Gouvernement dites vouloir développer l’alternance : c’est pourquoi je n’imaginais pas que ce développement puisse passer par la suppression de l’une de ses aides les plus importantes.
En pleine campagne de signature des contrats d’apprentissage, vous avez décidé, sans concertation avec quiconque,…
… – en particulier avec les régions qui devront pourtant compenser votre désengagement –, de supprimer l’indemnité compensatrice de formation de 1 000 euros par apprenti.
Vous allez ainsi supprimer 550 millions d’euros d’aides, soit près de 20 % de l’enveloppe budgétaire dédiée à l’alternance. Le Gouvernement entend-il développer l’apprentissage ou faire disparaître cette voie de réussite et d’excellence pour les jeunes ? Face au rejet massif de cette décision par tous les acteurs du secteur – associations, syndicats, employeurs, apprentis et régions –, vous avez décidé, dans la précipitation, de recréer une aide pour les entreprises de moins de dix salariés. Vous excluez de ce fait les PME auxquelles cette indemnité permet de compenser partiellement le coût de formation des apprentis.
Pourquoi donner ce coup de rabot de 200 millions d’euros, alors que cette somme représente moins de 5 % des crédits engagés pour les emplois d’avenir et les contrats de génération qui, eux, au contraire de l’apprentissage, ne fonctionnent pas ? Cette décision nous prouve à nouveau que votre Gouvernement n’a aucun projet pragmatique pour lutter contre le chômage des jeunes. Pour le bien de ces jeunes et pour l’avenir de nos entreprises, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de revenir sur cette décision et de rétablir cette indemnité compensatrice dans toutes les entreprises.
Si ce que vous disiez, monsieur le député, était juste, vous auriez des raisons d’être inquiet, mais c’est faux.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Aussi voudrais-je reprendre très précisément les faits, afin que vous disposiez de toutes les informations et que vous puissiez transmettre aux acteurs concernés de votre circonscription les éléments dont ils ont besoin. Tout d’abord, l’État fait, en faveur de l’apprentissage, 3 milliards d’euros d’efforts.
Nous considérons qu’il est important que l’État et les collectivités territoriales parviennent à faire en sorte que ces aides soient mieux ciblées et plus efficaces et qu’il y ait davantage d’apprentis à pouvoir bénéficier de ces dispositifs. C’est pourquoi, dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, nous avons décidé d’augmenter très sensiblement le nombre d’apprentis qui seront formés, puisqu’il passera de 400 000 à quelque 500 000 à l’horizon 2017.
Notre objectif, contrairement à ce que sous-entendait votre question, n’est pas de faire moins, mais de faire beaucoup plus, en mobilisant mieux les aides et en les ciblant davantage. C’est pourquoi, en concertation avec les régions – auxquelles nous allons donner les ressources qu’elles ont perdues depuis la loi relative à la taxe professionnelle, afin de leur permettre de faire face à ces obligations –, toutes les entreprises qui voudront recruter des apprentis avant le 31 décembre 2013 pourront le faire dans des conditions identiques. Les dispositions que nous avons prises avec les régions permettront de maintenir un niveau d’aide très important en faveur de l’apprentissage, en faisant en sorte que ces aides soient mieux ciblées et mieux attribuées.
Par ailleurs, nous allons engager au mois de septembre une concertation afin de mieux affecter le produit de la taxe d’apprentissage. Les décisions annoncées par le Premier ministre à l’occasion du plan d’investissements d’avenir permettront d’investir davantage dans la formation, et notamment dans l’apprentissage.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, cette année encore, un Français sur deux ne pourra profiter pleinement de ses vacances d’été.
Pourtant, comme le souligne le Secours populaire français, pouvoir partir en vacances est l’une des fortes aspirations des familles. Cette petite parenthèse dans la vie, certaines cherchent à la préserver quitte à la raccourcir face à la violence de la crise économique, d’autres en sont privées. Ainsi, les ouvriers, les chômeurs et les familles monoparentales sont les plus exclus du droit aux vacances, un droit acquis par le mouvement social et établi par la loi, de celle de 1936 à la loi établissant la cinquième semaine de congés payés.
La précarité, la baisse du pouvoir d’achat des salaires et des allocations, l’augmentation du coût des séjours font que plus de 20 % de la population passe tous ses congés à domicile depuis au moins cinq ans, tandis que le nombre de jeunes partant en colonies ne cesse de diminuer. Adultes et enfants sont privés des bénéfices multiples apportés par le dépaysement.
Monsieur le Premier ministre, les politiques libérales menées en Europe sont porteuses de graves régressions sociales. La France peut s’y opposer et rouvrir le chemin de la croissance et du progrès social. Assurer le droit aux vacances pour tous et toutes suppose une relance des salaires : vous ne pouvez pas continuer de vous y opposer en bloquant le SMIC et les salaires des fonctionnaires alors que les revenus des plus grandes fortunes de France ne cessent de croître. Assurer le droit aux vacances suppose aussi que les communes et les associations d’éducation populaire disposent, au-delà d’une possible taxe sur l’hôtellerie de luxe, des dotations et des subventions nécessaires pour pouvoir assurer ce droit par leur offre de séjours collectifs. Vous ne pouvez pas continuer à baisser ces dépenses publiques utiles aux familles.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin changer de cap afin d’assurer un droit effectif aux vacances pour tous et toutes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.
Madame la députée, le temps libre, les loisirs, les vacances sont d’abord des moments indispensables dans la construction des jeunes, des enfants, à travers leur parcours d’autonomie. Vous l’avez rappelé : il existe des inégalités fortes dans les espaces de construction des vacances, et il est nécessaire d’agir collectivement, y compris les pouvoirs publics, pour permettre une diminution de ces inégalités.
Dans ce cadre, les accueils collectifs de mineurs jouent un rôle majeur : cet été, près de 30 000 accueils avec hébergement auront accueilli un million de jeunes Français, outre un million et demi accueillis dans les structures sans hébergement. La mobilisation repose sur la protection des mineurs, sur la qualité éducative et sur la mixité sociale.
C’est pourquoi nous avons lancé, avec les associations d’éducation populaire, les collectivités locales et les comités d’entreprise, le programme « Les colos, c’est bon pour grandir ! ». Il y a en effet aujourd’hui besoin de réinvestir l’ensemble des séjours de vacances. Vous avez évoqué la diminution des séjours classiques, mais les séjours thématiques, les accueils de scoutisme et les séjours sans hébergement sont en augmentation.
Nous avons besoin de réinventer l’ensemble des séjours de vacances en nous appuyant sur un travail collectif permettant à chacun d’être au rendez-vous de la réinvention de ces temps, non pas en étant tourné vers le passé, mais vers plus de mixité…
…plus de projets innovants, plus de vivre-ensemble, pour la satisfaction des familles et des enfants. C’est en ce sens que nous travaillons sur la priorité jeunesse et sur les loisirs pour tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, nous avons examiné, hier soir encore, les projets de loi sur la transparence de la vie publique, des textes construits à la hâte et dont on a compris qu’il avait d’abord pour but de détourner l’attention de l’affaire Cahuzac et de méthodes qui, il faut bien le reconnaître, nous ramènent aux pires pratiques des années Mitterrand.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
« Le président de la République c’est l’homme de la nation, ce n’est pas l’homme d’un parti, ce n’est pas l’homme d’un clan » : François Hollande s’exprimait en ces termes pendant la campagne présidentielle. Que reste-t-il de cette république exemplaire ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Lui, Président de la République, a nommé ministre du budget chargé de la lutte contre la fraude fiscale Jérôme Cahuzac, qui avait un compte caché en Suisse !
Lui, Président de la République, a reçu, il y a quelques jours, les journalistes à huis clos, à l’écart des Français.
Lui, Président de la République, se pose désormais en responsable de la majorité en recevant à l’Élysée les chefs de parti.
Lui, Président de la République fait nommer récemment son ancienne compagne, Ségolène Royal, à la vice-présidence de la BPI.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Enfin, lui, Président de la République, fait nommer, il y a quelques jours, Manuel Flam, le directeur de cabinet de Cécile Duflot, à la tête de la Société nationale immobilière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, vous devez la vérité aux Français ! Qui a été vraiment nommé ce poste-clef ? Le directeur de cabinet de Cécile Duflot avec des risques évidents de conflit d’intérêts puisqu’il va diriger le premier bailleur de France, l’ami personnel de Michel Sapin – ses liens avec plusieurs membres du Gouvernement n’étant un secret pour personne –, ou le responsable de la section socialiste de Châteauroux, c’est-à-dire un militant engagé que l’on va promouvoir, et c’est scandaleux, à un poste qui réclame pourtant du recul et de la neutralité ?
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous tenir vos promesses, quand allez-vous enfin mettre vos actes en conformité vos actes avec vos paroles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Vous connaissez la règle : c’est au Gouvernement de décider quel ministre répond.
Monsieur Fasquelle, il y avait évidemment dans votre question une intention plus que polémique, avec quelques approximations dans les exemples que vous avez donnés, notamment lorsque vous avez parlé de la nomination de Mme Royal au conseil d’administration de la Banque publique d’investissement, puisqu’il n’aurait pas dû vous échapper qu’elle y représente les régions.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il me semble difficile de parvenir à travestir cette réalité.
Mêmes mouvements.
En prenant de tels exemples, vous prenez aussi un grand risque, monsieur Fasquelle, car quand on a soutenu un Président de la République qui avait envisagé de nommer son fils à la tête de l’EPAD,
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs des groupes écologiste et RRDP
je pense qu’il vaut mieux rester modeste pour la suite des événements.
Le Président de la République, et c’est son honneur, a tiré les conséquences de l’affaire qui concerne M. Jérôme Cahuzac et qui a été une insulte à la République, et pour ce Gouvernement comme pour nous tous un traumatisme réel.
Nous avons pris des décisions, mais l’important est de savoir, monsieur Fasquelle, quelle est votre position sur les propositions que nous faisons s’agissant tant de la publication des déclarations d’intérêts et des patrimoines que de la création de la Haute autorité et de ses moyens d’investigation ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous ne pouvez pas à la fois poser une telle question et ne pas être au rendez-vous lorsqu’on veut imposer la transparence, c’est-à-dire de nouveaux droits pour les citoyens !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’université de La Réunion a traversé cette année une importante crise financière. Suite à son passage en début d’année en responsabilités en compétences élargies, elle a en effet voté un budget se fondant sur une dotation de l’État de 6,7 millions d’euros pour compenser les coûts transférés. En mars 2013, la dotation budgétaire effectivement actée par vos services s’élevait à 1,3 million d’euros.
Refusant cet état de fait, le président de l’université a entamé des négociations avec votre ministère pour obtenir une augmentation de la dotation budgétaire allouée afin notamment de compenser les surcoûts liés à l’insularité et à l’éloignement. Vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, l’importance que l’enseignement occupe dans l’outre-mer. Gage de la solidarité républicaine et condition sine qua non de notre développement économique, l’enseignement est une de nos trois priorités pour l’outre-mer, citées par vous, monsieur le Premier ministre, dans votre discours à Fort-de-France le 27 juin dernier, lorsque vous appeliez de vos voeux une économie du savoir pour nos territoires.
Le département de La Réunion occupe de manière constante, depuis que ce classement existe, le bas du tableau des universités selon leur taux d’insertion professionnelle à trente mois, presque toutes filières confondues. Malgré cela, il faut bien reconnaître l’implication de la société civile et des élus autour de cette université, tant il nous apparaît clairement à tous que l’avenir de notre jeunesse se jouera sur les bancs de l’école en général et de l’enseignement supérieur en particulier.
Le principe d’une compensation spécifique aux surcoûts ultramarins doit donc faire consensus tout en s’articulant avec les nécessaires efforts budgétaires de la nation, et ce d’autant plus que le contexte économique et géopolitique de nos territoires nous amènera bientôt à être en concurrence avec des puissances mondiales sur lesquelles la qualité de l’enseignement français reste l’un de nos principaux atouts.
Je souhaiterais par conséquent, madame la ministre, que vous nous exposiez l’état d’avancement des négociations budgétaires que vous menez avec l’université de La Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée Ericka Bareigts, je vous remercie de votre question parce que je crois que, plus que sur tout autre territoire, les départements d’outre-mer sont un territoire sur lequel l’économie de la connaissance doit être développé au service de la qualification et de l’insertion professionnelle des jeunes.
L’université de La Réunion a accédé aux responsabilités et compétences élargies le 1er janvier dernier. C’est l’opportunité de construire une politique de ressources humaines, de travailler avec les acteurs de l’écosystème local et l’État, pour mettre en place les partenariats que vous avez évoqués et qui sont indispensables au développement de ses ambitions à la fois pour la formation et pour la recherche.
En 2012, les rémunérations acquittées par l’État s’élevaient à plus de 65 millions d’euros. En 2013, un montant supplémentaire de 3 millions d’euros a été attribué à cette université, soit une hausse de près de 5 %. L’État a fait par ailleurs un effort exceptionnel qui tient compte des spécificités de ce territoire : la prise en charge de la hausse du taux de cotisation pour pension – le fameux CAS pension ; la création de dix emplois supplémentaires ; la titularisation de trente-quatre personnels contractuels qui ont été titularisés ; enfin, une dotation exceptionnelle de 273 000 euros.
Si les engagements réciproques conclus par le ministère et la présidence de l’université sont tenus, cet effort sera accentué en 2014 et 2015, et quarante-quatre emplois supplémentaires sont programmés. Le ministère soutient donc cette université de façon tout à fait significative. Cette exigence est d’autant plus importante que l’université de La Réunion connaît de fortes contraintes liées à son territoire. L’université pourra faire face à ses missions en s’appuyant sur les aides spécifiques et sur l’ingénierie et l’accompagnement du ministère. Cela contribuera à former, à qualifier et à insérer professionnellement les jeunes de l’île.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, une enquête épidémiologique sur les retombées du nuage radioactif de Tchernobyl a été réalisée à l’initiative de la collectivité territoriale de Corse, sous la direction du professeur Paolo Cremonese. Elle met en évidence une corrélation forte entre l’exposition aux radiations ionisantes issues du nuage de Tchernobyl et une prévalence augmentée dans des proportions significatives pour un certain nombre d’affections de la thyroïde.
Pour la première fois, une étude scientifique va dans le sens de ce que nous subodorons depuis longtemps. Nous devons donc en tirer des conséquences politiques, et ce d’autant plus que si à l’époque les institutions en charge de la protection des populations avaient dit la vérité, on aurait évité une partie de ces affections par un certain nombre de précautions élémentaires.
Le dommage a donc été aggravé par la faute : celle de la dissimulation pour ne pas dire de la manipulation. Il serait donc juste que la loi permette l’indemnisation du dommage. À ce titre, votre serviteur avait présenté avec Christiane Taubira, alors députée de la Guyane, à deux reprises, une proposition de loi tendant à introduire une présomption de causalité entre le fait d’avoir été exposé au rayonnement de Tchernobyl ou au rayonnement de tout autre accident nucléaire et le fait de présenter telle ou telle pathologie. Cette proposition avait été rejetée par l’Assemblée nationale au motif que l’on voulait bien couvrir les risques relatifs aux essais nucléaires, mais pas aux accidents nucléaires.
Aujourd’hui, le début de preuve est apporté. Aussi, monsieur le Premier ministre, je souhaite savoir si le Gouvernement compte légiférer pour que les victimes passées et futures des accidents nucléaires ne demeurent pas exclues de toute possibilité pratique d’indemnisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député Paul Giacobbi, je veux saluer votre engagement très fort, constant, ancien en faveur de la santé des personnes qui ont pu être exposées aux radiations ionisantes, et votre combat qui date déjà de plusieurs années.
En la matière, les débats sont passionnés mais les évidences scientifiques restent encore complexes à établir. Le nuage de Tchernobyl, qui a fait couler beaucoup d’encre, fait partie de ces événements dont il est difficile de mesurer l’impact réel malgré les nombreuses études réalisées. Celles-ci montrent de façon générale que, depuis une trentaine d’années, on assiste dans l’ensemble des pays développés à une augmentation du nombre de personnes atteintes par des cancers de la thyroïde.
L’étude italienne, en raison de ses données méthodologiques, ne permet pas d’établir un lien de cause à effet plus direct entre le nuage de Tchernobyl et le développement de ces cancers.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RRDP et UMP.
Pour autant, monsieur le député, je reste extrêmement attentive aux études scientifiques qui peuvent être menées.
Mêmes mouvements.
L’étude italienne que vous avez évoquée a été prise en considération par l’ensemble des organismes de recherche français, et en particulier par l’INVS qui considère que la méthodologie adoptée ne nous permet pas d’avancer
Monsieur le député, je reste très attentive à cette situation et je crois que les études scientifiques doivent nous permettre d’aller plus avant dans la recherche des causes de la maladie que nous constatons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, je veux revenir sur la catastrophe ferroviaire survenue à Brétigny-sur-Orge.
En préambule, permettez-moi d’avoir à nouveau une pensée émue pour les victimes et les familles qui sont dans la douleur d’avoir perdu un proche, mais aussi de souhaiter un prompt rétablissement aux nombreux blessés.
Mais à ce volet dramatique et douloureux se sont ajoutés des problèmes d’insécurité. Nous avons appris que quatre plaintes ont été déposées pour faits de vol, et l’hebdomadaire Le Point nous a révélé qu’un document confidentiel de la direction centrale des CRS faisait état de jets de projectiles et de vols sur les victimes du déraillement du train. La version officielle diffusée par les autorités politiques, policières et sanitaires n’en fait pas état.
Or le compte rendu des forces de l’ordre est sans ambiguïté. Je cite la synthèse de la direction centrale des CRS : « À leur arrivée, les effectifs de la CRS 37 devaient repousser des individus, venus des quartiers voisins, qui gênaient la progression des véhicules de secours en leur jetant des projectiles. » Et l’article poursuit : « Certains de ces fauteurs de troubles avaient réussi à s’emparer d’effets personnels éparpillés sur le sol ou sur les victimes. »
Pourtant, les ministres présents sur place ont démenti à l’unisson tout caillassage sur les forces de secours et vol sur les victimes. Ainsi, sur i>Télé, le ministre des transports déclarait ne pas avoir eu connaissance « de victimes dépouillées », faisant simplement état « d’actes isolés » et « de pompiers qui, par petits groupes, ont été accueillis de façon un peu rude ».
En revanche, dès le vendredi, le syndicat de police Alliance a fait état de scènes de pillage avec un groupe de jeunes qui « aurait dépouillé les victimes ». Ce fut démenti avec virulence par de nombreux responsables socialistes ou ministres. Aujourd’hui, la synthèse de la DCCRS publiée par Le Point semble bel et bien donner raison au syndicat.
Ma question est donc simple : pourquoi, au plus haut niveau de l’État, y a-t-il eu la volonté de nous cacher la vérité ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’une insécurité de plus en plus grande règne dans notre pays, qui est une des premières préoccupations de nos concitoyens ?
Monsieur le député, gardons le sens de la mesure et, permettez-moi de vous le dire, de la décence. Il n’y a pas eu de scènes de pillage, ni de caillassage d’envergure,…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…ni de détroussage des victimes, comme cela a pu être dit le soir de la catastrophe. Et il n’y a pas de vérité cachée comme on le prétend.
Il y a bien eu un certain nombre d’incidents,
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP
que personne ne minimise, et qui sont évidemment inadmissibles, et il faut toujours être particulièrement sévère à l’égard de ceux qui abusent et profitent de la faiblesse et de la détresse des autres. Il y a eu des jets de projectiles au moment de la mise en place du périmètre de sécurité, et il y a eu, sans doute, des vols. Des plaintes ont été déposées,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
quatre plaintes, qui sont instruites par le parquet d’Évry. Par exemple, le téléphone portable d’un médecin du SAMU a été dérobé. Cinq interpellations ont eu lieu.
Mais je ne laisserai jamais croire, comme cela a été dit, que des hordes sauvages se sont livrées à des exactions de masse.
Ce qui s’est passé, cet accident, que vous avez évoqué en commençant votre question, est un drame, et je vais vous répondre très franchement et très honnêtement, monsieur le député. On ne peut pas accepter qu’on salisse, comme on l’a vu avec les questions de votre groupe, en permanence.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
À Brétigny, la République a fait face, la nation s’est rassemblée dans la douleur. Les services de secours, les forces de l’ordre ont été remarquables. La population de Brétigny et les jeunes aussi. Alors, moi, monsieur le député, je vous laisse salir, et nous, nous célébrons les vrais héros de la République, ceux qui étaient présents là-bas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances, et j’y associe notre rapporteur général Christian Eckert.
Je veux aujourd’hui appeler votre attention sur les pratiques scandaleuses de racket au crédit d’impôt compétitivité emploi. Il s’agit des pressions exercées par des grands groupes, mais pas seulement, sur les TPE, PME et PMI, pour capter le CICE. Dans nos départements, nous rencontrons régulièrement des chefs d’entreprise qui peuvent témoigner de ces pratiques mais qui craignent le retour de bâton, le rapport de force étant déséquilibré.
Le médiateur inter-entreprises Pierre Pelouzet a affirmé avoir déjà constaté des tentatives de la part de grands groupes de délester de leur crédit d’impôt les PME travaillant pour eux, en réclamant des remises sur les prix. Certaines fédérations professionnelles se sont fait l’écho de l’émergence d’une pratique : des entreprises prendraient prétexte du CICE dont bénéficient leurs fournisseurs pour exiger de manière unilatérale une révision à la baisse du tarif négocié.
Ce sont des pratiques scandaleuses, qui rognent la liberté d’entreprise et exploitent une situation supposée de faiblesse et de dépendance des fournisseurs à l’égard de leurs clients. Une dizaine de grands groupes connus feraient pression auprès de leurs sous-traitants, mais ils ne sont pas les seuls, et ces pratiques pourraient inspirer ceux qui préfèrent la captation au travail, le racket à l’effort et la rente au mérite. La confiscation du CICE par un acheteur abusant de sa position de force constitue un détournement de l’effort financier consenti par l’État pour le redressement économique de notre pays et pour l’emploi.
Sachant votre engagement en faveur des PME et du CICE, je souhaite connaître les mesures que vous comptez prendre pour mettre fin au trouble à l’ordre public économique causé par de telles pratiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Tout d’abord, monsieur le député, quelques nouvelles du CICE : ça marche. Ce sont 20 milliards d’euros de baisse du coût du travail pour les entreprises. Ce sont déjà 830 millions d’euros de préfinancement de la part de la Banque publique d’investissement et 160 dossiers de préfinancement déposés chaque jour. Voilà une mesure qui produit ses effets !
Vous m’interrogez sur d’éventuels détournements, fraudes, abus, un éventuel racket. Pourquoi pas ?
Première chose, il n’est pas illégitime qu’une entreprise baisse ses prix quand elle bénéficie d’un CICE. Ce n’est pas illogique quand il s’agit de compétitivité. Ce qui, en revanche, est anormal, c’est qu’une entreprise plus importante abuse de sa position dominante pour faire en sorte que ses propres fournisseurs lui restituent leur CICE, et c’est de cela que vous parlez.
Le médiateur a noté quelques cas. Ils ne sont, à mon sens, pas légion. La loi a prévu des sanctions lourdes, qui peuvent aller jusqu’à deux millions d’euros d’amende et à la restitution des sommes perçues, et, en effet, nous allons mettre l’accent sur la répression de ces abus.
C’est la raison pour laquelle la Direction de la répression des fraudes adressera à tous ses réseaux des informations sur ce qu’il est possible de faire dans ce cas de figure. C’est aussi la raison pour laquelle les 160 enquêteurs de ce qu’on appelle les brigades LME seront mobilisés pour combattre ces abus. C’est également la raison pour laquelle j’écris aujourd’hui à toutes les fédérations professionnelles pour qu’elles me signalent ces abus.
Je veux vous le dire, monsieur le député : c’est une grande mesure pour la compétitivité, c’est une mesure qui peut aider à la baisse des prix, c’est une mesure qui ne saurait faire l’objet d’abus ou de racket, et nous combattrons ceux-ci avec la plus grande fermeté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Non, monsieur Valls, contrôler votre action au nom du peuple français, comme l’a fait il y a un instant notre collègue Yves Albarello, ce n’est pas salir le service public ! Ce n’est pas salir les forces de l’ordre !
Souffrez que nous contrôlions votre action. Manifestement, elle en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre de l’écologie, permettez-moi de citer François Hollande : « la transition que je propose est un choix de développement, une conception du monde. »
En effet, cette question n’est pas accessoire. Mais de quelle conception du monde s’agit-il ? La France participe à la relance du nucléaire au Japon, en même temps que le Gouvernement organise son déclin en France. J’étais au Japon, où l’on m’a rappelé les propos de François Hollande, soulignant qu’en France, rien ne change. Ici, vous nous dites que tout change : qui croire ?
Quel est votre choix de développement ? À cause de vos décisions, combien d’emplois en moins en France ? Combien d’impôts en plus, sous couvert de fiscalité écologique, pour dissimuler votre pente naturelle au matraquage fiscal ? Vous fermerez Fessenheim, ce dont vous vous flattez : pouvez-vous donner une raison objective de le faire ?
Accepterez-vous que ce site rentable soit repris, comme vous le proposez pour d’autres ? Voulez-vous même que cela soit une obligation ? Quel en sera le coût : 10 milliards, un peu plus, un peu moins ? Et qui paiera ? Le contribuable ! Toujours des impôts en plus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Vous avez confirmé votre engagement de ramener la part du nucléaire dans le mix énergétique français à 50 % en 2025. Combien de tranches fermées ? Lesquelles ? Pour quel coût et combien d’emplois perdus ? Monsieur le ministre, nous ne sommes pas moins exigeants que vous, en matière de sûreté et de développement des énergies renouvelables. Mais, monsieur le ministre de l’écologie, à qui dites-vous la vérité ? Aux Japonais et aux industriels, à qui vous dites que vous faites semblant, ou à vos alliés, à force de concessions ruineuses et dangereuses ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Effectivement, monsieur Mariton, vous étiez au Japon au mois de juillet. Mais qu’avez-vous déclaré à votre retour ? Que vous étiez interpellé par la catastrophe de Fukushima et par ses conséquences pour ses populations !
Vous reprenez un débat un peu ancien qui a été tranché par l’élection présidentielle.
Je le redis ici avec fermeté : les engagements pris par le Président de la République concernant la fermeture du site nucléaire de Fessenheim seront tenus.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Cet engagement, c’est celui d’une fermeture d’ici à la fin de l’année 2016.
Cet engagement, c’est de ramener la part du nucléaire dans notre mix énergétique de 75% à 50% à l’horizon 2025.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Le mandat est donc clair. Il m’appartient, dans le cadre de mes responsabilités, de le concrétiser, de l’expliquer, et de le mettre en oeuvre. Il reviendra à votre assemblée, le moment venu, de débattre des dispositions législatives qui rendront possibles la fermeture du site, dans le cadre d’un programme compatible avec l’objectif du 31 décembre 2016.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je salue le travail du délégué interministériel, qu’il effectue en lien avec les collectivités locales, les instances économiques, le monde social, afin d’élaborer une stratégie de reconversion en faveur du développement, de l’emploi, et pour la croissance des territoires concernés.
Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.
Permettez-moi enfin d’ajouter que la fermeture du site ancien de Fessenheim concourt non seulement à la réduction de notre dépendance, mais s’inscrit dans le cadre plus vaste de la transition énergétique, qui préservera la compétitivité des entreprises, qui redonnera du pouvoir d’achat aux Français, et qui créera des emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut, pour mener cette transition énergétique, du courage et de l’ambition. C’est ce dont vous avez manqué tout le temps, parce que vous l’avez différée tout le temps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce courage, nous l’aurons !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.
Madame la ministre, la crise du logement a bien des visages. Le déficit de constructions est le réacteur de cette crise. Il fait grossir les rangs des mal-logés et rend impossible la vie des locataires. Le budget alloué au logement est devenu, au fil des années, un boulet pour beaucoup de Français. Cette crise de l’offre entraîne aussi de nombreux abus, qui pourrissent parfois la vie de nos concitoyens confrontés à la jungle immobilière, en particulier les plus jeunes et les plus fragiles.
Le déficit de construction de logement alimente aussi la hausse des prix. Ce qui est rare est cher : depuis plus de dix ans, les prix des logements se sont envolés, qu’il s’agisse des loyers ou des prix à l’achat. Le prix du logement, donc son coût, se sont profondément déconnectés de l’évolution générale des prix et des salaires. On aboutit ainsi à une situation explosive : le logement est trop cher pour beaucoup de Français. Il est trop cher et insatisfaisant et le projet de loi dont la commission des affaires économiques commence l’examen aujourd’hui a l’ambition d’enrayer pour la première fois le laisser-faire, qui a permis l’explosion des loyers et des prix d’acquisition. Il ne s’agit pas de recourir à une mesure de blocage des prix, mais de contrôle des loyers.
Cette mesure d’encadrement des loyers concerne tous les locataires du parc privé en mobilité, et s’inscrit dans le cadre d’une politique sociale du logement. Cette mesure a toujours eu des adversaires, qui emploient tout une batterie d’arguments classiques, portant sur son inanité, ses effets pervers, ses dangers… Ils citent souvent la formule suivante : « le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace pour détruire une ville, à l’exception d’un bombardement. » Cette maxime libérale est due à un économiste, M. Lindbeck. Pouvez-vous, madame la ministre, le démentir ?
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Monsieur le député, je vous remercie d’avoir posé très nettement, en conclusion, les termes du débat politique. Quelle est la préoccupation que traduit le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ALUR, dont l’examen en commission des affaires économiques commencera cet après-midi, notamment son volet concernant l’encadrement des loyers ?
Il s’agit de dire et de redire que le logement est un bien de première nécessité, et de donner accès à nos concitoyens à un logement compatible avec leurs revenus, alors qu’un ménage sur cinq dans le parc privé consacre plus de 40% de ses ressources à se loger : c’est déterminant.
Je sais qu’il y a, sur ces bancs, de très nombreux combattants du droit au logement. Je sais qu’il est venu, le temps de la régulation, celui qui mettra fin à l’exagération de la spéculation. Je sais, monsieur le député, que cela dérange : c’est d’ailleurs visible ! À certains députés siégeant sur les bancs de la droite, je dis qu’ils peuvent bien s’attaquer à nous, à ceux qui défendent le droit au logement. Mais je leur dis aussi, au nom de toutes celles et de tous ceux qui ne sont pas dans cette salle et qui ont du mal à se loger, que leurs attaques insidieuses ne porteront pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les parlementaires, je suis heureuse de compter sur votre soutien. Je suis heureuse de ce projet de loi, qui remettra le logement au centre du pacte républicain et social. Je vous en remercie.
Je dis également à ceux qui essaieront d’y faire échec que je ne suis pas en tungstène, mais que je serai solide. Comme disent les Malouins : « qui qu’en groigne » !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.
Dans les explications de vote, la parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.
Cette loi n’est pas anodine, et les dynamiques territoriales qu’elle met en oeuvre toucheront tous les Français dans leur vie quotidienne. Dans la continuité du groupe écologiste du Sénat, celui de l’Assemblée a pour ambition de transformer réellement et efficacement nos collectivités pour adapter la France aux réalités d’aujourd’hui, entre centralités urbaines et richesses rurales, dans une vision régionale forte, avec la volonté de simplifier les strates administratives et de revoir le rôle des collectivités.
Le renforcement de la démocratie est une nécessité permanente, et le suffrage universel direct pour toutes les élections une exigence des écologistes, soucieux de lier les citoyens au projet de leur territoire et aux élus appelés à le porter.
La décision d’imposer le suffrage universel direct aux élections de 2020 est une avancée notable que nous saluons, et nous remercions le Gouvernement de nous avoir écoutés.
Grâce à une collaboration fructueuse, nous avons pu, ensemble, améliorer et renforcer les délégations possibles de l’État vers les territoires, inscrits à l’article 2. La région, notamment, se voit confortée en tant que chef de file sur des enjeux majeurs de cette France de la diversité : les langues régionales, réaffirmées, les enjeux climat-énergie qui doivent être relevés au niveau local pour une meilleure efficacité, l’enseignement supérieur et la recherche.
la vision proposée pour les métropoles, des métropoles de fait et non une métropolisation destructrice, est couplée avec ces « pôles ruraux garants des équilibres des territoires », garantie d’une France des territoires.
Les débats sur la métropole de Paris ont permis des avancées que nous saluons d’autant plus que le statu quo n’était plus acceptable. Notre groupe n’a cependant pas voté cet article car, comme nous l’a très bien expliqué Denis Baupin, divers points mériteraient d’être améliorés, qu’il s’agisse de l’intégration des départements dans la métropole, de l’équilibre entre les EPCI actuels et la future métropole ou d’une meilleure répartition des rôles entre la région Île-de-France et la métropole, en particulier sur la politique du logement.
Rappelons que certains de nos amendements ont permis d’avancer,…
Oui !
…notamment celui relatif à la circulation dans Paris, soutenu par tous les élus parisiens, ce qui témoigne des attentes de ceux qui veulent assumer localement leurs responsabilités.
La métropole de Lyon apporte des réponses à un certain nombre d’interrogations et offre une perspective intéressante que nous aurions aimé voir appliquée à des territoires comme l’Alsace ou le pays Basque.
Quant à la métropole Aix-Marseille-Provence qui, il faut bien le reconnaître, a été décidée et bloquée dès le Sénat, nous regrettons qu’il ait été impossible de l’enrichir.
Cependant, les dispositions essentielles sont lancées. Ce territoire, qui n’a pas su se mobiliser collectivement autour d’atouts remarquables dont chaque commune porte une part qu’il faut protéger, dispose à présent d’une feuille de route, d’un horizon collectif, d’une ambition, celle de devenir ce territoire remarquable, ce territoire de référence auquel faisait allusion Mme la ministre, en termes de transition écologique, de gouvernance moderne et apaisée.
Ce territoire a tout pour réussir. Vous nous en donnez en tout cas les moyens grâce à la mission de préfiguration que vous avez instituée autour du préfet Laurent Théry, grâce à ce débat public sur lequel vous vous êtes engagée et qui permettra aux citoyens du territoire de s’emparer du projet, de l’enrichir, et d’évoquer ses attentes auprès de la future gouvernance.
Ce faisant, vous permettez à tous, qu’ils soient élus ou citoyens, de construire ensemble l’avenir de notre métropole Aix-Marseille-Provence.
Fort de toutes ces avancées, le groupe écologiste votera cette loi, dans une vision constructive et en vue des prochaines étapes, qu’il s’agisse des prochaines lectures devant le Sénat ou l’Assemblée nationale, ou des deux autres volets de la loi de décentralisation.
Nous devons avancer et construire ensemble ce processus engagé depuis trente ans. Nous serons au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Ces dernières années, la France a pris du retard pour son organisation urbaine.
Certes, le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur avait émis, en 2009, des recommandations qui allaient dans le bons sens, mais la montagne avait quelque peu accouché d’une souris. En particulier, le conseiller territorial ne répondait pas à cette évolution territoriale.
Le fait urbain est bien là, c’est une réalité. 80 % des Français vivent en ville et 95 % de nos concitoyens sont sous l’influence d’un pôle urbain.
Parallèlement, la ruralité est essentielle pour assurer l’homogénéité de notre nation, où le conseil général joue un rôle majeur et où l’idée même de supprimer le conseil départemental apparaît incongrue aux radicaux de gauche.
L’objectif de ce premier texte est de commencer à clarifier les compétences et de tenter d’alléger le processus de décision, tout en créant des métropoles, plus particulièrement à Lyon, Paris et Marseille.
Les radicaux de gauche voteront ce texte qui va dans le bon sens, d’autant que de nombreux amendements que nous avions déposés ont été adoptés.
L’affirmation d’un chef de file est une réponse intelligente au rétablissement de la clause générale de compétence, si nécessaire pour traduire une volonté collective d’investissement public. La conférence territoriale de l’action publique devra trouver sa place dans la coordination et le dialogue entre les collectivités pour une action concertée et efficace. La région conserve un rôle majeur et il faudra bien un jour se poser la question de leur plus grande homogénéité quant à leur territoire et leur nombre d’habitants.
Reste l’affirmation des grandes métropoles.
J’ai rappelé dans la discussion générale nos réserves sur le projet marseillais, pas assez abouti à nos yeux, ainsi que sur l’équilibre trouvé avec le Grand Paris et la région Île-de-France.
J’ai surtout eu l’occasion de dire tout le bien que nous pensions du travail préalable réalisé par Gérard Collomb et Michel Mercier dans le cadre de la création de la métropole de Lyon, qui sera la seule des trois, au 1er janvier 2015, à devenir une collectivité territoriale à statut particulier, Paris et Marseille restant des EPCI.
Les objectifs affichés sont clairs : rendre plus lisible l’action des collectivités vis-à-vis des citoyens, en fusionnant une partie du conseil général et de la communauté urbaine de Lyon et en simplifiant, par conséquent, l’organisation administrative. Il s’agit également de mieux articuler les politiques publiques qui sont menées.
C’est une grande avancée que cette métropolisation.
Nous regrettons à cet égard que l’on ait instruit les modalités électives au détour d’un amendement car il faut mener chaque chose en son temps. Prévoir dès à présent qu’il y aura deux sortes d’élus, les uns représentant les communes, les autres élus au suffrage universel direct, nous apparaît quelque peu prématuré.
C’est donc une première étape dans la volonté du Gouvernement de poursuivre le travail débuté avec les lois Defferre de 1982. Moderniser l’action publique locale, répondre aux nombreux défis de la proximité chère à nos concitoyens, telles sont les priorités qui nous amènent à vous soutenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Dans la torpeur de l’été, le Gouvernement a usé d’un véritable coup de force pour bouleverser radicalement l’organisation territoriale de notre pays.
En effet, en commission des lois, les dispositions concernant la
métropole du Grand Paris ont été dévoilées à minuit moins le quart. En pleine discussion du texte, l’élection au suffrage universel direct de toutes les métropoles de France a été imposée dans un amendement tombé du ciel. Une fois de plus, le Parlement est le grand perdant de ce simulacre de démocratie.
Votre projet est un déni de démocratie, en ce qu’il porte atteinte au pluralisme politique des territoires. Au sein des intercommunalités que vous voulez supprimer, les élus locaux, de toutes sensibilités politiques, ont appris à travailler ensemble, au service de l’intérêt général. La concentration des pouvoirs dans les métropoles asséchera ce pluralisme. De même que quarante-trois pétitionnaires socialistes ont décidé du sort de l’Ile-de-France, seul un groupe d’élus dirigera la métropole, et les autres sensibilités feront de la figuration au conseil métropolitain.
Cette méthode ne correspond pas à l’enjeu. En Île-de-France, à Lyon, à Marseille, la métropole deviendra le seul lieu de pouvoir et de décision. Les communautés d’agglomération et de communes, construites sur des projets et des dynamiques de territoire, lieux d’innovation et d’expérimentation, seront balayées, liquidées. La commune, reconnue par la République comme le lieu fondamental de la démocratie, notre « maison commune », sera vidée de ses compétences et dépérira. C’est la fin des maires bâtisseurs, élus sur des projets forts, et qui valorisaient leur territoire. Le maire sera réduit à la gestion de la plainte sociale et deviendra un simple rouage de l’État.
C’est donc un projet profondément réactionnaire et recentralisateur que vous nous soumettez.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Réactionnaire car il signe le retour des grandes provinces d’ancien régime, avec leurs régimes juridiques spécifiques qui briseront l’unité de notre République.
Recentralisateur car les conseils de territoire et les communes deviendront des échelons déconcentrés, sans autonomie budgétaire, exécutant les décisions prises par les monstres technocratiques que seront les métropoles.
Toutes les décisions structurantes seront prises par quelques grands notables conseillés par une armée de technocrates. Nous voici à mille lieues de l’esprit progressiste de la décentralisation de 1982. Même la capitale va perdre son statut. La commune de Paris va sombrer dans cette tempête centralisatrice, contrairement à sa devise, car reléguée au simple rang de conseil de territoire. Les départements eux-mêmes auront vécu.
Cette recentralisation conservatrice entraînera une planification dirigiste en matière d’urbanisme, d’aménagement, de logement et de développement durable. Avec la création de zones d’aménagement concerté et les programmes d’intérêt général, les métropoles pourront décider de manière autoritaire des grands projets d’équipement et d’implantation de logements. Les villes populaires et les terres agricoles sont les principales cibles de ces implantations.
Votre projet n’apporte aucun outil pour s’attaquer aux inégalités territoriales, criantes en Île-de-France comme ailleurs. La sélection des territoires, gangrène de nos villes, va se poursuivre. La réforme de la fiscalité pour répartir les richesses dans les grandes agglomérations est la grande absente de ce projet. C’est la justice territoriale qui manque à l’appel.
Le Gouvernement a cru pouvoir donner le change en instaurant par surprise l’élection au suffrage universel direct des métropoles en 2020. Mais la plupart des décisions stratégiques métropolitaines seront alors déjà prises. Et c’est le flou le plus total sur le mode de scrutin, le nombre d’élus et les circonscriptions électorales.
Pourquoi ces conseillers élus dans sept ans seraient-ils plus légitimes que les maires élus en place aujourd’hui, comme les 109 maires sur 119 qui se sont opposés à la métropole Aix-Marseille ? Élue au suffrage universel, c’est bien une nouvelle collectivité qui va venir s’ajouter au millefeuille.
Nous exigeons de soumettre la question à la consultation des citoyens par voie référendaire. C’est l’esprit de la Constitution. Nous ne comprenons pas pourquoi vous y êtes opposée, madame la ministre.
Votre projet de loi n’a pas fini de faire du bruit. Loin de réduire la fracture territoriale qui gangrène notre pays, votre projet de loi les accentuera. Ce monstre bureaucratique que vous avez créé démultipliera les erreurs du passé.
C’est pourquoi, mes chers collègues, les députés communistes et du Front de gauche voteront résolument contre votre projet.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
« La gauche fait confiance aux élus et la droite s’en méfie. La gauche leur propose des contrats et la droite leur impose des décrets ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce constat, formulé par François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, le 3 mars 2012, à Dijon,…
…s’est vérifié tout au long des débats qui se sont tenus la semaine dernière dans cet hémicycle.
Et pour cause. À vous écouter, mes chers collègues de l’opposition, il y a trop d’élus, l’administration territoriale est trop coûteuse (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), irresponsable, inefficace, et vous êtes nombreux à brandir comme unique proposition et comme unique réponse aux enjeux de la simplification le rétablissement de feu le conseiller territorial. Nous n’avons en tout cas entendu de votre part aucune autre proposition
Avec le premier texte de ce triptyque législatif, et dans la grande tradition des réformes décentralisatrices portées par la gauche, le Gouvernement et la majorité se proposent de rétablir le lien de confiance qui doit nécessairement unir l’État et les collectivités.
Notre conviction, c’est que les territoires sont des lieux de démocratie et de dynamisme qui sont des atouts majeurs à l’heure du redressement de notre pays. C’est là que se trouvent les leviers pour l’investissement, l’innovation, la formation et l’emploi.
Notre conviction, c’est que la réalité territoriale en France n’est pas uniforme et qu’elle appelle la mise en place d’un principe de spécificité, comme le propose ce projet de loi. Pour être efficace, l’action publique ne saurait être identique en Alsace et en Bretagne, à Lyon et à Marseille. L’unité de la République ne s’en trouve en rien menacée.
Notre conviction, c’est que les collectivités sont capables de coopérer efficacement et de contractualiser pour s’organiser. Notre conviction, enfin, c’est que, pour lutter contre la défiance vis-à-vis des institutions et répondre au mieux et au plus près des besoins des Français, il faut clarifier, moderniser et simplifier les structures,…
…ce à quoi ce texte contribue très largement.
Nous créons tout d’abord un Haut Conseil des territoires, nouveau cadre de dialogue entre les acteurs publics nationaux et locaux : une instance indispensable au moment où nous nous apprêtons à franchir un pas décisif en matière de non-cumul des mandats.
Nous mettons en place des conférences territoriales de l’action publique pour mieux coordonner les politiques publiques locales. Nous consacrons le fait urbain à travers l’affirmation des métropoles, qu’il s’agisse des grandes aires urbaines au rayonnement international que sont Paris, Lyon et Marseille, ou de métropoles majeures pour l’équilibre du territoire, comme Lille, Strasbourg ou Rennes.
Enfin, nous mettons en place des pôles d’équilibre et de coordination territoriaux pour davantage d’organisation au sein des territoires et en particulier dans le monde rural. Grâce au travail des députés socialistes, ce texte évite l’écueil d’une opposition stérile entre urbains et ruraux. Plutôt que d’ériger des barrières et d’entretenir des crispations qui font le lit des populismes, nous faisons le pari de la complémentarité.
Au terme de cette première lecture, je tiens tout particulièrement à remercier, au nom du groupe SRC, notre collègue Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois, et les rapporteurs des commissions saisies pour avis pour l’excellent travail qu’ils ont fourni tout au long de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je tiens également à vous rendre hommage, mesdames les ministres, pour votre patience, votre écoute et votre sens du dialogue avec les députés de la majorité comme de l’opposition.
Pour la deuxième lecture, je forme le voeu que nos collègues sénateurs prennent en compte toutes les améliorations introduites par l’Assemblée nationale, tant en commission des lois qu’en séance.
Mes chers collègues, ce texte n’est pas uniquement un message de confiance adressé aux élus locaux et à l’intelligence des territoires. C’est d’abord et avant tout une réponse aux enjeux de modernisation de l’action publique pour mieux répondre aux besoins des Français.
Je veux, à ce sujet, m’attarder quelques instants sur la création des métropoles, en m’étonnant encore que certains puissent voir dans le renforcement de l’intercommunalité la mort de la commune. Les maires, eux, ont compris depuis longtemps que la coopération et la mutualisation sont le gage de moyens renforcés pour agir.
Je m’étonne surtout que certains, empêtrés dans les immobilismes et les conservatismes, feignent d’ignorer les besoins de structuration urbaine.
Qui peut prétendre qu’il soit inutile de renforcer les outils de cohésion sociale et de lutte contre les inégalités sociales et de lutte contre les inégalités dans nos grandes agglomérations ? Qui peut affirmer ici qu’il n’existe aucun problème d’accès au logement, aux transports, aux services dans nos territoires urbains, et en particulier en Île-de-France ? Comment justifier le statu quo autrement que par la préservation de quelques bastions électoraux ?
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Enfin, au nom de quel idéal peut-on refuser aux citoyens de se prononcer clairement sur un projet politique métropolitain à travers un mode de scrutin original qui associe représentation des communes et suffrage universel direct ?
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, le parti socialiste gouverne mal, mais se défend bien. Du moins le croit-il. Alors que l’urgence est économique et sociale, la priorité du Gouvernement est politicienne.
Plutôt que de lutter contre le chômage, il supprime le conseiller territorial, seul moyen de mettre de la cohérence entre les départements et les régions dans notre pays où il y a déjà trop d’élus territoriaux. Mais il faut bien satisfaire les clientèles et rassasier les appétits des alliés encombrants ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Plutôt que de réformer réellement l’éducation, il crée un mode de scrutin baroque pour les élections cantonales, auquel personne ne comprend rien.
Plutôt que de réformer les retraites, il crée une nouvelle catégorie d’élus dans les métropoles, à côté des représentants des communes. C’est, en fait, le retour inattendu au double collège, que le parti socialiste avait naguère inventé en Algérie sous la IVe République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plutôt que de sauver l’hôpital ruiné par les 35 heures, il réforme le mode de scrutin des élections sénatoriales, comme s’il n’y avait rien de mieux à faire en ce moment !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Plutôt que de s’attaquer à la violence et à l’insécurité, il tripatouille les modes de scrutin pour les conseillers de Paris.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Mes chers collègues, dans ce projet de loi, il y a l’apparence, mais il y a surtout la réalité.
L’apparence, c’est celle d’un texte obscur, bouffi de truismes, saturé de redondances, gargarisé de lieux communs, bref, le contraire de la loi claire, écrite en français, que nous aimons élaborer.
C’est un texte qui, certes, prétend vouloir affirmer les métropoles. Fort bien. Mais pourquoi n’avez-vous pas voté la loi du 16 décembre 2010 qui créait le premier cadre légal pour les métropoles depuis la loi de 1966 sur les communautés urbaines, qu’avait voulue le général de Gaulle ?
C’est un texte hypocrite, mes chers collègues, car vous exonérez des règles du cumul des mandats que vous venez de voter les élus métropolitains. Un président de métropole pourrait très bien être aussi président de région !
C’est un texte ni fait ni à faire, car il traite par raccroc des compétences des régions, alors que nous pensions que c’était l’objet d’un futur projet de loi.
Voilà pour l’apparence.
Pour ce qui est de la réalité, ce texte est le produit de coups de force législatifs de la part du Gouvernement. Des dispositions capitales n’ont cessé d’être ajoutées au fil de l’eau par le Gouvernement. C’est le contraire d’une bonne méthode d’élaboration de la loi.
La réalité, c’est que le Gouvernement met en coupe réglée les collectivités territoriales.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Pendant tout un quinquennat, nous avons entendu les indignations vertueuses, les voeux votés par les conseils municipaux, généraux, régionaux, dénonçant la recentralisation et l’étranglement budgétaire. Alors que nous avons sauvegardé pendant cinq ans les dotations pour les collectivités locales, vous allez les baisser de 10 % en 2014 et 2015. La loi Peillon impose des charges indues aux collectivités. Alors, je vous en prie, un peu de cohérence !
La réalité, mes chers collègues, c’est que M. Valls, avec ses ciseaux, redécoupe, dans l’opacité la plus totale, l’ensemble des cantons, pour la première fois depuis leur création, pour bien servir les copains !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La réalité, avec texte, c’est que M. Valls va édicter par ordonnance le mode de scrutin des nouveaux élus métropolitains que vous avez créés subrepticement, par amendement gouvernemental, en pleine discussion.
La réalité, c’est l’absence totale d’étude d’impact budgétaire et juridique pour Paris, Lyon et Marseille. La réalité, c’est que les élus ne sont pas écoutés. La réalité, c’est que vous pavez le chemin de la suppression des communes sans poser le débat, sans annoncer vos intentions. La réalité, à Paris, c’est que vous créez dans l’improvisation un monstre institutionnel dont vous n’avez peut-être pas perçu toutes les incidences.
Mes chers collègues, parce que nous refusons la caporalisation du Parlement, parce que nous aspirons à une réforme territoriale démocratique qui clarifie les compétences et fasse baisser la pression fiscale pour les contribuables, parce que nous refusons l’abandon des territoires ruraux, et malgré l’estime que nous vous portons, mesdames les ministres, le groupe UMP votera résolument contre ce projet de loi.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, le contexte économique, les difficultés sociales, tout ce que nous vivons aujourd’hui aurait dû nous conduire à un grand débat national sur l’aménagement du territoire. Au cours de notre histoire, l’aménagement du territoire s’est invité à plusieurs reprises, apportant le renouvellement, la réoxygénation d’un modèle qui a besoin de s’adapter aux enjeux, aux difficultés, aux opportunités que l’économie, l’emploi et toute une série de problèmes devraient nous amener à considérer.
Malheureusement, en dépit de son titre « modernisation de l’action publique », le texte constitue selon nous un rendez-vous manqué. Le vrai rendez-vous, qui n’aurait pas dû l’être, c’est celui de la modernisation. Aucun de nous sur ces bancs n’est favorable à une situation figée ni au statu quo, et tout le monde souhaite au contraire faire de l’aménagement du territoire un outil au service de notre développement. Hélas, ce n’est manifestement pas le cas, et d’abord pour des raisons de méthode. Comment peut-on nourrir une ambition d’aménagement du territoire quand on le découpe en petits morceaux, ce qui fragmente le problème ? Nous avons traité la semaine dernière des métropoles, nous traiterons dans quelques mois des régions et l’année prochaine de l’égalité des territoires, on nous annonce la création d’un commissariat à l’égalité des territoires, nous avons traité il y a quelques mois du sort des conseillers départementaux et notre collègue Sauvadet a soulevé le problème de l’incohérence du texte en matière de représentation du monde rural et des métropoles, nous avons traité de manière séparée du cumul des mandats
Comment peut-on avoir une vision, une cohérence, une dynamique, un optimisme en matière d’aménagement du territoire quand on scinde et sépare, quand on dilue le débat sur un an entre toute une série de sujets ? Le vrai enjeu, chers collègues, c’est d’articuler nos métropoles avec nos zones à faible densité, avec nos villes moyennes et avec l’ensemble de nos collectivités. Il n’y a pas d’avenir si on traite l’un en opposition avec l’autre. C’est pourtant un peu ce que l’on a fait et nos débats s’en sont ressentis. On oppose le sort des métropoles à celui de nos territoires ; ce n’est pas ce que la plupart d’entre nous considèrent comme une ambition territoriale. Il y avait sans doute une voie, une méthode, consistant à ne pas empiler sur le millefeuille territorial la clause de compétence générale.
Il y avait une situation qui valait ce qu’elle valait, consistant à maintenir pour l’instant la plupart de nos collectivités sur la base des notions de compétence et de spécialisation. Cela évitait le grand risque que fait courir le texte, c’est-à-dire la conjonction d’un millefeuille territorial que le texte ne réforme pas et de la clause de compétence générale, ce qui aboutit à une matrice extrêmement complexe. On maintient toutes les collectivités, on permet à tout le monde de tout faire et pour coordonner le tout on ajoute encore quelques éléments, comme les conférences territoriales de l’action publique ou le Haut Conseil des territoires. C’est un peu un aveu d’échec : quand on n’arrive pas à rationaliser, on crée des structures de coordination. Si on n’arrive pas à fusionner A et B, on crée une entité C qui essaiera d’extraire de A et B quelque chose de cohérent. Je crois donc que les conférences territoriales et le Haut Conseil des territoires signent par eux-mêmes l’aveu d’échec de la recherche de cohérence qu’aurait mérité le grand débat sur l’aménagement des territoires.
Le sort des métropoles en est malheureusement un peu le témoin, en premier lieu celle du Grand Paris. Que sera-t-elle ? Une assemblée de près de cinq cents élus, qui seront des élus supplémentaires puisqu’on n’a supprimé ni les départements ni les régions et créé des conseils de territoires à la place des intercommunalités !
On maintient, bien entendu, les communes, et on ajoute les conférences territoriales de l’action publique. Il en résulte une métropole du Grand Paris qui n’est qu’un des périmètres, et pas forcément celui du grand Paris. Nous devrons demain alerter les uns et les autres à ce sujet. Ceux qui imaginent que la métropole du Grand Paris coïncide avec le Grand Paris se trompent, car le Grand Paris, c’est aussi la région et l’ensemble du schéma de mobilité promu il y a quelques années. Le Grand Paris ne sera donc pas la métropole du Grand Paris. C’est la raison pour laquelle, face au non-dit et à la confusion, la grande majorité du groupe UDI votera contre le texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 540 Nombre de suffrages exprimés: 529 Majorité absolue: 265 Pour l’adoption: 294 contre: 235 (L’ensemble du projet de loi est adopté.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
La fin d’une première lecture n’est pas le moment d’un discours, mais je souhaite adresser mes remerciements au rapporteur, Olivier Dussopt, ainsi qu’à l’ensemble des rapporteurs pour avis et à tous les députés qui ont été présents, y compris de l’opposition. En dépit de l’estime que je vous porte, monsieur Gaymard, j’ai trouvé vos propos d’aujourd’hui plus durs que ceux que vous avez tenus dans la nuit de vendredi à samedi.
Sourires.
Merci à tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Vous aurez beau avoir tout fait hier, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, pour essayer benoîtement de nous amener à vos vues sur deux textes qui représentent selon vous la vertu que vous prétendez incarner, vous n’y êtes pas davantage parvenus qu’en première lecture. Les textes comme l’ambition que vous faites valoir masquent une formidable méprise et une grossière hypocrisie. La formidable méprise consiste à faire croire qu’en présentant ces deux projets de loi vous allez donner corps à un engagement présidentiel supplémentaire, comme si tout cela reposait sur la seule traçabilité d’un programme présidentiel ! Or la réalité, pour reprendre les termes employés par notre collègue Hervé Gaymard tout à l’heure, est bien différente. La réalité, c’est que le sparadrap de l’affaire Cahuzac colle aux basques du président Hollande !
Empêtrés dans le scandale des scandales, fruit de la première année de la nouvelle législature et du nouveau gouvernement, vous avez eu, mesdames et messieurs les députés de la majorité, la suprême arrogance et l’énorme culot de jeter le discrédit auquel s’attendaient les Français sur l’ensemble des élus de la nation, faute d’avoir le courage de nettoyer vos écuries et de vous intéresser à ce qui a fait le scandale de l’affaire Cahuzac au lieur de semer le discrédit et le trouble sur l’ensemble de la représentation nationale !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Et vous nous parlez de transparence, comme si vous y étiez favorables et nous non ! Et vous nous parlez de moralisation, comme si vous aviez des leçons à nous donner en la matière !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, d’évoquer un souvenir. Dans les années 1990, c’est vous qui aviez prévu que les campagnes électorales pourraient être financées par les entreprises, légalisant ainsi les pratiques de l’affaire Urba-Gracco qui vous avaient valu tant de déboires. Et c’est nous, contrairement à ce que vous dites, qui avons mis un terme au financement de la vie politique par les entreprises !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Dès lors, les leçons de vertu, monsieur le ministre, monsieur le président rapporteur, à d’autres et surtout pas maintenant ! Quelle était l’ambition du texte et qu’en reste-t-il ? Il voulait mettre un terme à tous les abus. La démonstration a été faite qu’un tel texte n’aurait pas empêché M. Cahuzac de mentir ni le Gouvernement d’être dans la situation dans laquelle il se trouve. Le texte est le fruit d’un désaccord profond entre le Gouvernement et sa majorité. Il est le fruit d’arrangements de dernière minute hier après-midi, utilisant l’article 88 de notre règlement, entre la majorité de l’Assemblée Nationale, pas même au complet, et ce qui reste d’une majorité disparate au Sénat.
Vous avez donc voulu faire l’impasse, mesdames et messieurs les députés de la majorité, après l’échec de la CMP dont vous êtes les maîtres d’oeuvre, sur ces différences afin de vous parer de toutes les vertus et mettre en place une usine à gaz insupportable qui ne fera qu’aggraver la défiance de nos concitoyens à l’égard de la vie publique. Tout ça pour ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C’est là que se trouve votre responsabilité, et que se trouve celle de l’opposition : dénoncer. Vous auriez pu donner à la Haute Autorité tout son pouvoir en ne vous empêtrant pas dans la publication, qui n’en sera pas une et qui ne créera que du mécontentement, du patrimoine des élus. Vous auriez pu éviter également de lancer la machine infernale qui, avec le non-cumul des mandats puis la modification du mode de scrutin pour les élections législatives, fera de l’élu national de demain un apparatchik de plus, c’est-à-dire un élu national au rabais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C’est de tout cela que nous ne voulons pas. Nous voulons la transparence, pas le sauvetage des apparences. Vous passez votre temps à sauver les apparences faute d’avoir le courage d’affronter la réalité. Le groupe UMP est favorable à la transparence et à la moralisation, mais les vraies, celles qui donnent enfin aux Français une haute idée de leurs élus et non celles que vous préparez qui leur donnera des élus au rabais ! Nous sommes pour la République de la transparence, non pour celle des apparatchiks, c’est pourquoi nous voterons de manière massive et déterminée contre les deux projets de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après une lecture au Sénat puis un examen en CMP, nos certitudes sur le texte n’ont pas changé. Je voudrais vous les rappeler par trois questions. À la première question : « Fallait-il un projet de loi améliorant la transparence de la vie publique ? », nous répondons « oui » sans ambiguïté.
Il était temps de mettre fin à un certain nombre de situations dont la démocratie s’accommodait mal. Il était temps de mettre de l’ordre entre les fonctions publiques électives et certaines activités professionnelles privées. C’est pourquoi nous approuvons sans réserve certaines dispositions du texte, ainsi que l’extension des contrôles sur le patrimoine des pouvoirs exécutifs locaux ou encore la publication de la réserve parlementaire. En revanche, à la deuxième question : « Ce projet de loi protège-t-il la démocratie d’affaires comme celles concernant M. Cahuzac ? », nous répondons « non », sans hésiter. Nous ne sommes pas dupes : les multiples dérives d’un ministre qui a jeté le discrédit sur l’ensemble des élus ne nous prémunissent en rien d’une nouvelle affaire.
Nous continuons de penser que la publication du patrimoine ne permettra pas de restaurer une confiance ébréchée entre nos concitoyens et leurs représentants, sa consultation pas davantage. À l’évidence, le vrai sujet n’est pas l’exhibition du patrimoine mais bien le contrôle de son évolution.
En optant pour la publication, vous avez fait le choix, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, d’entretenir le voyeurisme, l’antiparlementarisme et même le populisme. Enfin, à la troisième question « le texte contient-il de graves défauts ? », la réponse est malheureusement « oui ». Mon collègue Hervé Morin l’a encore indiqué hier soir, il en contient au moins trois, qui sont majeurs. Le premier touche bien évidemment à la consultation du patrimoine. Sur ce point, vous n’êtes pas allés au bout de votre logique. Soit l’on considère que la question est l’évolution du patrimoine et des moyens de contrôle de la Haute Autorité, et dans ce cas la publication est inutile. Soit l’on décide d’aller vers la publication du patrimoine, et dans ce cas il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout.
Cela impliquerait d’ailleurs que l’on soumette les candidats aux mêmes obligations de déclarations que les élus. Vous avez refusé nos amendements sur le sujet et renforcerez de ce fait l’inégalité déjà existante dans l’accès aux fonctions électives publiques.
La deuxième faute – une faute grave – consiste en la mise en place des fameux lanceurs d’alertes, qui apparaissent bien plus comme des délateurs en puissance que comme des défenseurs du bien commun.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Comment pourraient-ils ne pas être influencés, comment leur action ne serait-elle pas détournée au service des candidats en campagne ? Source de déstabilisation et de pressions de tout genre, ces lanceurs d’alertes représentent un véritable danger pour notre démocratie. Comme je l’avais dit lors de la précédente explication de vote, c’est une version modernisée de la loi des suspects.
Mêmes mouvements.
Enfin, le troisième défaut est l’impossibilité pour un parlementaire de commencer à exercer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. La nécessité de concevoir ainsi une disposition aussi générale et absolue que l’interdiction de toute activité nouvelle est extrêmement discutable.
Plutôt que de prévenir efficacement tout conflit d’intérêts, il y a fort à craindre qu’une telle disposition ne soit préjudiciable, à terme, à l’oxygénation et au renouvellement de la classe politique, que nos collègues socialistes n’ont pourtant cessé de défendre.
Ce texte aurait également pu être l’occasion de remédier à la profonde iniquité qui existe au sein de cette assemblée entre ceux qui, à l’issue de leur mandat, ont la certitude de retrouver leur poste et leur fonction, car ils appartiennent à la fonction publique,…
Nous regrettons que vous n’ayez pas saisi cette occasion en acceptant notre proposition de rendre obligatoire la démission des fonctionnaires devenus députés à l’issue de leur premier mandat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que ce texte, s’il est nécessaire et utile en son principe, ne restaurera pas la confiance de nos concitoyens envers les élus, pas plus qu’il ne redonnera du crédit à la parole publique.
D’une part, parce que le ventre de l’antiparlementarisme n’est jamais assez nourri. D’autre part, parce que la confiance repose d’abord et essentiellement sur la capacité des élus à respecter les engagements pris durant une campagne électorale !
Vous l’avez compris, si l’intention était louable, ce texte restera inscrit comme une occasion ratée. C’est la raison pour laquelle une majorité importante du groupe UDI s’abstiendra.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à voter en deuxième lecture sur ce projet de loi tant attendu sur la transparence de la vie politique, j’ai envie de dire « enfin ! ».
Cela fait des années, en effet, que nous sommes quelques-uns et quelques-unes, sur ces bancs, à nous battre pour que les exigences citoyennes légitimes qui s’expriment sur les rapports entre argent et politique, sur la place des lobbies et l’indépendance des élus et de leurs collaborateurs, sur la moralisation des financements des partis, soient entendues et traduites dans la loi par des mesures concrètes : c’est ce que nous faisons avec ce texte. À cet égard, la transparence sur la réserve parlementaire, pour laquelle nous nous battons depuis de nombreuses années et qui a enfin été inscrite dans la loi par les sénateurs, est un progrès.
Si j’ai envie de dire « enfin ! », c’est aussi parce que le large débat qui a eu lieu dans la société et dans notre hémicycle a permis de faire le tour des questions et d’aboutir à un équilibre, certes imparfait aux yeux des écologistes, mais constituant tout de même un progrès par rapport à la situation qui prévalait jusqu’à présent. Notre exercice de ce jour n’est qu’une étape dans l’examen de ce texte, puisqu’une nouvelle navette sénatoriale, suivie probablement d’un examen en troisième lecture, sera nécessaire.
Pardonnez la métaphore, mais elle est d’actualité : décidément, l’accouchement de la transparence en politique est long – et pour certains, apparemment, douloureux.
Sourires.
Mais l’essentiel, c’est qu’une nouvelle législation voie le jour. On s’en approche, on y sera bientôt. Si la première lecture du texte à l’Assemblée aura été avant tout marquée par des reculs que nous avions déplorés par rapport aux intentions initiales du Gouvernement et aux objectifs du Président de la République, et si l’épisode du Sénat aura été l’occasion d’une incompréhensible volte-face du groupe centriste, la deuxième lecture que nous concluons aujourd’hui aura apporté quelques avancées.
D’abord, parce que les débats ont été plus sereins qu’en première lecture. Bien sûr, on n’a pas échappé à quelques excès – dont M. Demilly vient de nous donner un nouvel exemple –, notamment à la comparaison insupportable entre lanceurs d’alerte et délateurs.
On mesure bien, ces derniers jours, la prudence dont chacun devrait faire preuve en employant ce genre de qualificatifs qui renvoient à des épisodes sombres de notre histoire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Un lanceur d’alerte s’exprime à visage découvert, pas sous le sceau de l’anonymat. La protection qui lui est accordée va de pair avec sa prise de risque et sa responsabilité.
Et lorsqu’on voit le sort judiciaire réservé à certains organes de presse qui sont des lanceurs d’alertes utiles, pour ne pas dire indispensables à la démocratie, laissez-moi vous dire que pour les écologistes, oui, les lanceurs d’alertes doivent être protégés. Je note d’ailleurs que, si l’UMP et l’UDI accusent la justice de laxisme à longueur de questions au Gouvernement, il est un domaine où les mêmes prônent le laxisme et, comme par hasard, c’est celui de la tricherie des candidats aux élections et de la délinquance financière.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ce sont les propos de M. Demilly qui sont scandaleux, lui pour qui ce ne sont pas les délinquants financiers qui constituent un danger pour la démocratie, mais les lanceurs d’alerte ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
Au-delà de ces excès, nous notons quelques évolutions positives, notamment sur les déclarations d’intérêt. Par ailleurs, même si la fable – car c’en est une, on ne manquera pas de le vérifier prochainement – de la publication non publiable des patrimoines est maintenue, la peine de prison pour les publications de déclarations de patrimoine a été retirée, preuve que cette mesure suscitait un malaise. C’est un premier pas, insuffisant à nos yeux, puisqu’il reste une peine d’amende de 45 000 euros, mais constituant tout de même une petite avancée dans le bon sens. Nous ne désespérons pas de vous convaincre, en troisième lecture, de la sagesse qui consisterait tout simplement à revenir au texte initial du Gouvernement, sur lequel le Président de la République s’était engagé publiquement à plusieurs reprises.
Nous nous réjouissons également de ce que les étrangers auront à nouveau le droit d’être membres de partis politiques français. Cette interdiction introduite au Sénat posait de réels problèmes constitutionnels et opérationnels, et était franchement absurde.
C’est vous et vos amis qui l’aviez introduite ! Vous avez la majorité !
Nous en sommes donc là : sur le bon chemin, mais parfois encore au milieu du gué. Les réticences sont fortes – on s’y attendait. Des conservatismes s’expriment – on n’en est pas surpris. Mais ce qui nous motive et nous rassure, c’est que malgré ces résistances et ces conservatismes, le texte qui nous est soumis aujourd’hui en seconde lecture est meilleur qu’il y a trois semaines, en première lecture. Nous le voterons donc bien volontiers, en nous disant que, finalement, ces allers et retours, s’ils contribuent à améliorer le texte, ont peut-être du bon, et que le texte final, que nous voterons sans doute en septembre, sera peut-être enfin totalement satisfaisant. Soyez convaincus, en tout cas, que les écologistes agiront en ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Bien que vous soyez un excellent juriste, monsieur le ministre, je me demande si votre travail ne s’apparenterait pas à celui de Pénélope : faire, défaire et recommencer sans cesse la même tapisserie – législative, en ce qui vous concerne. Rédigés à la hâte après la démission de Jérôme Cahuzac, ces projets de loi ont été fortement amendés et réécrits par la commission des lois avant d’être modifiés par le Sénat, puis rétablis dans leur rédaction précédente.
Les radicaux de gauche ont toujours été attentifs à la déontologie de la vie publique : dépôt d’une proposition de loi en ce sens dès 1978 ; signature avec les députés socialistes d’une proposition de loi organique en 1994 ; présentation par le PRG à la commission Sauvé, en 2010, de dix mesures déontologiques, dont le renforcement du contrôle des déclarations de patrimoine.
Sur ce dernier point et sur d’autres, vos textes coïncident donc avec nos préoccupations : mieux contrôler et sanctionner les manquements. Mais à côté de certains points positifs, vos projets nous paraissent présenter plusieurs inconvénients, à commencer par l’origine du texte, qui le fait apparaître comme un texte de circonstance
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Un membre du Gouvernement est mis en examen et, étrangement, le Gouvernement présente des projets de loi qui ciblent essentiellement les parlementaires, ce qui n’est pas d’une extrême logique.
Bref, à partir de la défaillance d’un ministre, et non d’un député ou d’un sénateur, on légifère principalement sur le cas des parlementaires, présentés pratiquement comme tous corruptibles, sinon corrompus.
Pour des esprits peu indulgents, cela pourrait s’analyser comme une tentative de diversion visant à détourner l’attention en la reportant de l’exécutif vers le législatif.
Surtout, cette démarche comporte un risque important, celui de contribuer à l’antiparlementarisme, étranger à la culture républicaine. Il n’est pas nécessaire que la gauche participe à l’antiparlementarisme, l’extrême droite y suffit largement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Notre majorité préfère, évidemment, Jaurès à Barrès et à son livre Leurs Figures, caricature très excessive de la vie parlementaire.
Autre inconvénient : la composition de la Haute Autorité,qui gagnerait à être de haut niveau. L’instance actuelle comporte, parmi les magistrats qui y siègent, les trois plus hauts magistrats de l’État, qui dirigent respectivement le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, c’est-à-dire l’élite juridictionnelle de notre pays.
L’autorité de déontologie proposée par le rapport Jospin comportait, elle aussi, ces trois hauts magistrats. En revanche, la nouvelle haute autorité ne les comprendra plus : les six magistrats qui y siégeront seront d’un rang moins élevé et pourront même, selon le texte, être en activité ou honoraires – ce qui, dans le second cas, n’est pas vraiment le gage d’un dynamisme trépidant !
Sourires.
Enfin, il est indispensable que les déclarations de patrimoine soient mieux contrôlées et, sur ce point, votre texte mérite d’être approuvé. Mais doivent-elles pour autant être publiées ? Telle n’est pas la règle retenue par la loi du 11 mars 1988, actuellement en vigueur. En son rapport, la commission Jospin écrivait : « La commission ne juge pas souhaitable d’amender le régime applicable aux déclarations de patrimoine, qui doivent rester confidentielles. »
Finalement, ce projet de loi organique affirme que les déclarations de situation patrimoniale seront consultables, mais que le fait de publier ou de divulguer tout ou partie de ces déclarations sera passible des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal – celles punissant le délit d’ « atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui ».
Pourtant, cette garantie est largement illusoire. D’une part, depuis hier soir, seule persiste la peine d’amende, qui est moins dissuasive ; d’autre part, les informations ainsi obtenues risquent souvent d’être diffusées sous la forme de tracts anonymes ou via Internet. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je crains que les controverses sur ces informations privées n’envahissent la vie politique, nous orientent vers une « démocratie paparazzi », comme l’a très bien dit le président de notre assemblée, et renforcent la tendance à l’État-spectacle, où le profil remplace le projet, et l’image le message. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En dépit de l’estime que nous avons pour votre action personnelle, monsieur le ministre, notre groupe votera en grande majorité contre ces textes,
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
qui lui paraissent comporter plusieurs dispositions inappropriées et des risques de dérives. Il le fera à regret, mais en considérant qu’il y va de la démocratie parlementaire, qui est le centre vital de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RRDP ainsi que des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la réforme soumise à notre approbation en deuxième lecture contient des règles novatrices visant à garantir un exercice impartial des charges publiques par les élus et, plus largement, les responsables publics. La mise en place de dispositifs de prévention, de contrôle et de sanction constitue indéniablement une avancée.
La définition, pour la première fois dans notre droit, de la notion de conflit d’intérêts, et les différentes obligations prescrites aux responsables publics – renforcement des incompatibilités ; obligation de déport ; durcissement et extension des règles relatives au pantouflage – permettront d’empêcher l’enrichissement personnel et de préserver l’intérêt général.
Ensuite, la généralisation et la précision du contenu des déclarations d’intérêts et de patrimoine favoriseront l’efficacité des dispositifs proposés. À cet égard, nous sommes satisfaits du rétablissement par notre assemblée de la consultation du patrimoine des élus, afin de concilier nécessaire transparence et respect de la vie privée. Les déclarations d’intérêts et de patrimoine ne permettent pas, en elles-mêmes, de garantir l’exercice impartial des charges publiques. Seule l’efficacité du contrôle exercé par la Haute Autorité peut apporter cette garantie.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons pleinement le renforcement des moyens de la Haute Autorité : contrôle systématique des déclarations lors de leur dépôt ; pouvoir d’injonction élargi à l’ensemble des responsables publics ; prérogatives fiscales consolidées, ou encore autonomie financière – même si nous continuerons de regretter qu’elle ne soit pas dotée de moyens d’enquête propres, comme c’est le cas de plusieurs hautes autorités administratives indépendantes.
La question des pouvoirs et des moyens dévolus à la Haute Autorité est à cet égard centrale. Sans les moyens humains et financiers adéquats, sa mission serait immanquablement vouée à l’échec. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons pris acte avec satisfaction de l’engagement ferme du Gouvernement de la doter des moyens nécessaires.
Nous sommes par ailleurs favorables tant à la consolidation de la protection des lanceurs d’enquête qu’aux dispositions permettant de répondre aux problèmes posés par les micro-partis, tout en préservant le pluralisme politique.
En définitive, les députés du Front de gauche approuvent cette réforme, qui apporte de véritables progrès en matière de lutte contre les conflits d’intérêts et permet de restaurer le lien de confiance entre le peuple et ses représentants, ce qui passe aussi, nécessairement, par une plus grande transparence de la vie publique.
Pour toutes ces raisons, et confirmant leur vote de première lecture, les députés du Front de gauche voteront les deux projets de loi
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Axelle Lemaire, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la démocratie avance par à-coups, par saccades, parfois par crises. Prétendre le contraire, c’est pécher au mieux par naïveté, au pire par hypocrisie.
Le vote d’aujourd’hui sur les deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique s’inscrit dans ce mouvement de conquête : avec ces textes, une nouvelle étape est franchie vers plus de transparence, donc vers une démocratie plus responsable.
La réforme ne vise aucunement à jeter l’opprobre sur les élus
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
On nous dit que les parlementaires seraient affaiblis par les dispositions concernant leur patrimoine, leur déclaration d’intérêts et le régime de leurs incompatibilités. Mais c’est tout le contraire ! « Aimer un être, c’est le rendre transparent », aurait dit Jean Racine.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est parce que nous aimons passionnément la démocratie, parce que l’antiparlementarisme et le populisme gagnent du terrain en France, que nous sommes amenés à légiférer sur cette question
Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ne nous y trompons pas : c’est dans les pays où la transparence et la probité sont le plus imposées par la loi – en Europe du Nord, par exemple – que le sentiment de confiance des citoyens envers leurs élus est le plus développé. Là où les femmes et les hommes politiques rendent compte de leur mandat sans aucune concession, la démocratie est stabilisée et la corruption moins endémique.
On nous reproche de réagir aux événements, mais la lente histoire de la transparence en France s’est construite sur une actualité appelant toujours la réaction rapide du législateur : souvenons-nous de la loi fondatrice du 11 mars 1988, votée en réaction à l’affaire Luchaire, de la loi Rocard de 1990, votée à la suite de l’affaire Urba,
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP
de la loi Sapin en 1993, votée en réaction aux affaires Carignon, Longuet et Roussin (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Non, la lutte pour le progrès démocratique n’est pas un long fleuve tranquille. Dans cette histoire de la transparence, la gauche est à l’origine de la grande majorité des lois progressistes.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Même lorsque la gauche se trouvait dans l’opposition, elle a contribué plus qu’activement à la rédaction de ces lois
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Dans ces conditions, comment ne pas regretter l’attitude illisible d’une opposition divisée, qui n’hésite pas à parler de « guillotine » quand nous évoquons la probité.
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Allez comprendre, et allez expliquer aux Français comment il est possible de s’opposer au contrôle de l’enrichissement personnel
La publicité des patrimoines est une impérieuse nécessité, à concilier avec le respect de la vie privée et de la vie familiale. La solution trouvée par le rapporteur, en accord avec le Gouvernement, constitue un juste équilibre que le groupe socialiste salue.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ces déclarations de patrimoine doivent aussi faire l’objet d’un contrôle accru, ce que permet le texte, puisque la création de la Haute Autorité, l’élargissement de son collège, la clarification de son statut d’autorité administrative indépendante, et sa collaboration avec l’administration fiscale, qui en devient le véritable bras armé, lui conféreront des moyens sans aucune mesure avec ceux de la commission qu’elle remplace.
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mes chers collègues, veuillez retrouver votre calme pour permettre à Mme Lemaire de conclure. (Mêmes mouvements.) L’orateur est libre de ses propos.
Au-delà de cette question des patrimoines, qui décidément vous dérange, halte à la paresse historique et intellectuelle ! Lisez ces textes pour en constater les avancées ! Réforme du financement politique et plafonnement des dons individuels à 7 500 euros par an pour tous les partis politiques.,
Huées sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
S’il vous plaît, mes chers collègues, je sais bien que le temps est orageux, mais tout de même !
…assimilation des cotisations aux dons : tout cela donne un coup d’arrêt aux scandales politico-financiers du quinquennat précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La protection des « lanceurs d’alerte » – autre innovation du texte – met la France au diapason des démocraties les plus avancées, en protégeant ceux qui dénoncent la fraude, comme l’a fait par exemple le Royaume-Uni, par son Public Interest Disclosure Act dès 1998.
Nous disons aussi « Halte au brouillard ! » pour lever le voile sur la réserve parlementaire,
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
jadis source de tous les calculs électoralistes et de toutes les iniquités, et dont l’affectation figurera désormais en annexe au projet de loi de règlement voté lors de chaque exercice budgétaire.
Ces textes permettent de lever le voile, y compris sur la publication des déclarations d’intérêt, d’en finir avec les conflits d’intérêt, de renforcer les incompatibilités parlementaires, d’octroyer un droit de saisine aux associations anti-corruption
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP
et de proscrire toute fonction rémunérée aux membres du Conseil constitutionnel. Adieu les conférences grassement rémunérées à Londres, Montréal ou Las Vegas, alors que l’on devrait siéger pour examiner la conformité d’une loi française à la Constitution. (Huées sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Vous l’avez compris, mes chers collègues, l’attentisme, le conservatisme – c’est-à-dire la conservation des privilèges – sont d’un côté, qui n’est pas le nôtre
« Cahuzac ! Cahuzac ! » sur les bancs du groupe UMP – « Kadhafi ! Kadhafi ! » sur les bancs du groupe SRC.
S’il vous plaît mes chers collègues ! Regardez le spectacle que vous donnez ! Je vous demande de retrouver votre calme. Madame Lemaire, veuillez conclure d’un mot.
Oui, la démocratie avance par à-coups, par saccades, par crises, mais laissez-moi vous dire que l’essentiel est qu’elle avance
De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste – Huées sur les bancs du groupe UMP.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 527 Nombre de suffrages exprimés: 496 Majorité absolue: 249 Pour l’adoption: 299 contre: 197 (Le projet de loi organique est adopté.)
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 524 Nombre de suffrages exprimés: 497 Majorité absolue: 249 Pour l’adoption: 299 contre: 198 (Le projet de loi est adopté.)
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Le Gouvernement a informé le Président de l’Assemblée nationale qu’il retirait de l’ordre du jour du mercredi 24 juillet la nouvelle lecture des projets de loi sur la lutte contre la fraude fiscale et sur le procureur de la République financier. La proposition de loi du Sénat fixant le nombre et la répartition des sièges de conseillers de Paris est ajoutée à l’ordre du jour de l’après-midi et du soir du jeudi 25 juillet.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons adopter transpose onze instruments européens ou internationaux relatifs au droit pénal et de natures diverses puisqu’ils incluent des directives ou des décisions-cadres de l’Union européenne, des conventions du Conseil de l’Europe ou des Nations unies, et même une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Il marque une étape importante dans la construction d’une Europe de la justice. C’est en effet la première loi de transposition de directives dans le domaine pénal, ce qui est l’une des premières conséquences concrètes du traité de Lisbonne dans ce domaine.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi tel qu’il avait été modifié à l’issue de sa première lecture à l’Assemblée nationale. Je me concentrerai plutôt sur les ajouts opérés par la commission mixte paritaire, qui sont nombreux.
Avant cela, je souhaite revenir sur le sens global de l’adoption d’un tel projet. Le droit pénal, qui était traditionnellement considéré comme le symbole de la souveraineté nationale, devient l’un des domaines les plus directement concernés par l’internationalisation du droit.
Deux raisons expliquent ce phénomène : la globalisation croissante des activités, y compris celles qui sont prohibées, et l’universalisation croissante des droits des individus.
Cela étant souligné, j’en viens maintenant au travail mené au sein de la commission mixte paritaire.
Je tiens tout d’abord à souligner l’état d’esprit très constructif dans lequel nous avons travaillé, le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Alain Richard, et moi-même, sur ce texte. Si les divergences entre les textes adoptés par les deux assemblées étaient en nombre limité, elles étaient toutefois significatives. Je me réjouis donc que nous soyons parvenus à un accord sur tous les sujets restant en discussion.
Les ajouts proposés par la commission mixte paritaire portent, en premier lieu, sur la lutte contre l’esclavage et la servitude. Pour les préparer, nous avons eu recours à une méthode inhabituelle, pour ne pas dire inédite, justifiée par l’importance des enjeux. Un groupe de travail commun à nos deux assemblées a été créé, en concertation avec la garde des sceaux, qui est très sensible à ces sujets. Il a mené une dizaine d’auditions auprès de hauts magistrats, d’universitaires, d’associations spécialisées dans la lutte contre l’esclavage. Ces auditions étaient ouvertes à tous les commissaires aux lois qui souhaitaient y participer. Il en est sorti quatre dispositions.
La première, qui figure à l’article 2 bis, a pour objet de créer un crime de réduction en esclavage et un crime d’exploitation de personnes réduites en esclavage. Cette définition pénale de l’esclavage est nécessaire : les textes internationaux incluant l’esclavage parmi les finalités de la traite des êtres humains, il faut, pour s’y conformer, définir cette notion dans le code pénal, afin de respecter le principe de légalité des délits et des peines
La définition retenue est celle qui figure dans les deux seuls instruments internationaux définissant l’esclavage, à savoir la convention de Genève relative à l’esclavage de 1926 et la convention supplémentaire du 7 septembre 1956. Aux termes de ces textes, l’esclavage est l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exerce l’un des attributs de la propriété. En d’autres termes, l’esclavage est la réification d’une personne, le fait de la traiter comme si elle était un objet. C’est la définition classique de l’esclavage, dont les formes contemporaines, parfois qualifiées de « modernes », seront plutôt réprimées au titre du délit de réduction en servitude.
Ce premier crime s’accompagne d’un second, l’exploitation d’une personne réduite en esclavage, qui correspond à la séquestration, la commission d’une infraction sexuelle ou la soumission à du travail forcé d’une telle personne, dès lors que l’auteur connaît sa condition.
Ces deux crimes sont punis de vingt ans de réclusion criminelle, trente ans en cas de circonstances aggravantes.
Contrairement aux idées reçues, même cette forme ancienne, extrême, de l’esclavage est malheureusement présente sur notre territoire. L’un des hauts magistrats que nous avons auditionné, qui est premier avocat général à la Cour de cassation, nous a ainsi montré la photo d’une victime vendue par un réseau de trafiquants d’êtres humains qui avait un « code-barres » tatoué dans le dos. Ce trafic aboutissait en France.
La deuxième disposition issue des travaux du groupe de travail a pour objet de créer le délit de réduction en servitude, qui vient compléter celui de travail forcé, voté conforme par nos deux assemblées. Elle figure au 4° de l’article 1er du projet de loi.
La création de ce délit est nécessaire pour plusieurs raisons, parmi lesquelles, comme pour l’esclavage, le fait que les textes internationaux définissant la traite des êtres humains incluent la servitude parmi les finalités de la traite. Rappelons également que la France a été condamnée à deux reprises, à sept ans d’intervalle, par la Cour européenne des droits de l’homme au motif qu’elle ne réprimait pas efficacement les comportements relevant de la servitude. Plus précisément, la CEDH a considéré que notre pays n’avait pas sanctionné effectivement de tels actes.
La définition proposée est conforme à la définition internationale de la servitude, en particulier à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui la définit comme une forme de travail forcé aggravé. Les éléments constitutifs supplémentaires par rapport au travail forcé sont les suivants : en premier lieu, la vulnérabilité ou l’état de dépendance de la victime, qui permettront de prendre en compte, par exemple, le fait que celle-ci soit en séjour irrégulier, éloignée de son pays et de ses parents, sans ressources, non scolarisée, etc. ; en second lieu, le caractère habituel de l’infraction, qui exige une exploitation durable de la victime.
Les peines prévues sont de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. En cas de circonstance aggravante, elles sont de quinze ans de réclusion criminelle et 400 000 euros, et de vingt ans et 500 000 euros s’il y a cumul de circonstances aggravantes.
Les deux dernières dispositions issues des réflexions du groupe de travail sur l’esclavage et la servitude opèrent des modifications de coordination à l’article 2 du projet de loi afin de tirer les conséquences de la création des infractions de travail forcé, de réduction en servitude et de réduction en esclavage. Elles complètent cet article afin, d’une part, d’autoriser les associations dont l’objet statutaire inclut la lutte contre l’esclavage à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne ces infractions et, d’autre part, de faciliter l’indemnisation des victimes de ces trois infractions, en les ajoutant à la liste de celles qui sont mentionnées par l’article 706-3 du code de procédure pénale.
Cet ajout permettra aux victimes ou à leurs ayants droit d’obtenir une réparation intégrale de leur préjudice en adressant une demande d’indemnisation à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions du tribunal de grande instance compétent.
Les ajouts de la commission mixte paritaire concernent, en deuxième lieu, l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État. L’article 17 bis du projet de loi, que l’Assemblée nationale avait ajouté et que le Sénat avait supprimé, a pour objet d’abroger le délit d’offense au chef de l’État. Le compromis auquel la CMP est parvenue consiste à rétablir cet article, en accompagnant l’abrogation de ce délit, qui est donc acquise, de la mise en place d’un mécanisme alternatif de protection en tous points comparable au droit commun applicable aux fonctions gouvernementales ou parlementaires. Il s’agit, en d’autres termes, de ne faire ni plus ni moins
Le délit d’offense au chef de l’État, héritier du crime de lèse-majesté de l’Ancien Régime, n’a plus sa place dans une démocratie moderne. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme nous l’a rappelé récemment en condamnant la France à ce titre pour violation de la liberté d’expression. L’offense aux chefs d’État étrangers a d’ailleurs déjà été abrogée pour ce même motif par la loi du 9 mars 2004 et, je le rappelle, le Président de la République lui-même s’est félicité de cette abrogation lors de sa conférence de presse du 16 mars dernier. Cela constitue donc également une avancée pour notre république.
Il convient cependant de compléter cette abrogation par la mise en place d’un mécanisme alternatif de protection du chef de l’État, comme l’avait proposé M. Alain Richard à la commission des lois du Sénat. À cette fin, le texte issu de la CMP prévoit que la diffamation contre le Président de la République sera punie de la même peine que celle qui vise, à raison de leurs fonctions, un membre du Gouvernement, un parlementaire ou un fonctionnaire, à savoir une amende de 45 000 euros.
Par ailleurs, le régime d’engagement des poursuites est précisé. Il est identique à celui qui est prévu pour les parlementaires : les poursuites seront subordonnées à une plainte de l’intéressé. À cette occasion, dans un souci de clarification et de simplification, le régime d’engagement des poursuites prévu pour les ministres, qui faisait intervenir le garde des sceaux, est fusionné avec celui qui est applicable aux parlementaires.
En troisième lieu, il vous est proposé de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 14 juin 2013 qui a annulé les dispositions prévoyant que la décision de la chambre d’instruction statuant sur une demande d’extension des effets d’un mandat d’arrêt européen est « sans recours ». Je rappelle que la question prioritaire de constitutionnalité ayant donné lieu à cette décision a conduit le Conseil à adresser pour la première fois une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
Enfin, je souhaite dire un mot sur les dispositions relatives aux pouvoirs du membre national d’Eurojust. Sur ce point, madame la garde des sceaux, j’ai accepté, en tant que rapporteure, que l’on s’en tienne au texte adopté par le Sénat, qui correspondait à la rédaction initiale du projet de loi. Le membre français d’Eurojust sera par conséquent doté d’un pouvoir non pas de décision, mais uniquement de proposition.
Je tiens cependant à rappeler que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture n’était nullement, comme cela a pu être dit, une anticipation de la proposition de règlement visant à créer un parquet européen – la Commission européenne l’a d’ailleurs présenté le 17 juillet dernier –, mais une transposition fidèle de la décision du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust.
En conclusion, c’est un texte substantiellement enrichi par les travaux parlementaires qui vous est soumis. Ces apports démontrent que, même sur un texte de transposition, le Parlement conserve une marge de manoeuvre significative si ses membres ont la volonté politique d’exercer leurs prérogatives. Avec la contribution du Gouvernement et de Mme la garde des sceaux, nous avons pu mener ce travail inédit de définition et de réécriture du droit en CMP. Je vous remercie infiniment de votre confiance.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.
Madame la rapporteure, vous avez eu raison de vous réjouir de la qualité du travail qui a été élaboré par les deux chambres sous votre propre impulsion et celle de M. Alain Richard, remarquables rapporteurs de ce texte, un texte pourtant difficile et complexe. Il transpose en effet dans notre législation pénale plusieurs instruments juridiques de l’Union européenne et adapte notre législation à plusieurs instruments internationaux et européens, notamment des conventions et des protocoles. Des matières très diverses sont concernées puisque, avec cette transposition, non seulement nous modifions le code pénal et le code de procédure pénale, mais nous touchons aussi à la matière du droit international, en particulier du droit humanitaire international.
Pour ce qui concerne le droit pénal matériel, nous transposons notamment la directive concernant la lutte contre la traite des êtres humains, la convention sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes ainsi que la directive relative à la lutte contre les abus sexuels perpétrés sur les enfants et la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
En matière procédurale, l’interprétation et la traduction des pièces principales de procédure deviennent obligatoires. Nous introduisons également le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires lorsque la personne mise en cause était absente lors du jugement et pour les décisions judiciaires privatives de liberté.
Enfin, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, nous renforçons Eurojust. Il y a d’ailleurs eu des discussions entre les deux chambres sur la forme et le niveau de ce renforcement.
Vous avez accompli un travail de très grande qualité ; le texte s’est considérablement enrichi au cours de la navette. Par ailleurs, vous avez fait preuve d’originalité en mettant en place un groupe de travail commun aux deux assemblées. J’avais annoncé ici même, à la tribune de l’Assemblée, et confirmé au Sénat, que les services de la Chancellerie seraient à votre disposition pour tous les éléments juridiques et techniques nécessaires. Vous avez procédé à des auditions qui ont été d’une grande richesse. Le résultat en est aujourd’hui l’accord sur un certain nombre de dispositions qui faisaient encore l’objet de divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Au premier rang de ces divergences, il y avait la définition et l’incrimination de l’esclavage et de la servitude, dont les concepts figuraient dans l’instrument juridique européen et en droit international, mais qui n’existaient pas encore dans notre droit pénal.
Nous avons eu des échanges qui ont fait apparaître la difficulté d’élaborer dans un délai bref une définition acceptable et couvrant suffisamment le champ des incriminations concernées, mais aussi les sanctions qui pouvaient être envisagées.
Vous avez donc choisi, après la première lecture dans chacune des deux chambres, de vous donner un peu de temps. Ce temps a été très bien utilisé, puisque le groupe de travail s’est réuni à deux reprises à la Chancellerie et a procédé à des auditions. Des définitions et des incriminations en sont sorties, qui permettront de couvrir tout le champ que nous envisagions et que nous n’avions pas défini de façon assez précise lors de la première lecture. Ainsi, les délits et crimes relatifs au travail forcé, à la servitude et à l’esclavage sont dorénavant définis dans notre code pénal, de même que leurs sanctions.
Vous avez choisi de retenir quatre niveaux de gravité.
L’un existe déjà dans notre code : ce sont les conditions indignes de travail et d’hébergement, punis de cinq ans d’emprisonnement.
Vous avez également introduit une définition et une incrimination du travail forcé faisant l’objet de menaces, de violences et de contraintes, qui sera puni de sept ans d’emprisonnement. Des circonstances aggravantes peuvent s’ajouter, notamment lorsque le travail forcé concerne des personnes mineures.
Vous avez créé, en outre, une nouvelle incrimination en ce qui concerne la réduction en servitude, qui est en fait une aggravation du travail forcé. Ce délit sera puni de dix ans de réclusion – quinze en cas de circonstances aggravantes. Cette réduction en servitude s’apprécie aussi au regard du préjudice subi par des personnes dont la vulnérabilité est reconnue, mais aussi sur lesquelles le travail forcé s’exerce de façon habituelle.
Vous avez par ailleurs défini et introduit un nouveau crime, la réduction en esclavage, établi à partir du moment où s’exerce au moins un attribut du droit de propriété sur une personne, laquelle cesse d’être un sujet de droit et devient un objet. L’exploitation de la réduction en esclavage est une incrimination distincte que votre groupe de travail – et vous avez été la première à le souhaiter – a introduite. Ces deux incriminations sont punies de vingt ans de réclusion criminelle, avec des circonstances aggravantes – notamment lorsqu’une personne réduite en esclavage fait en plus l’objet d’exploitation, d’agressions sexuelles, de séquestration et de réduction au travail forcé – la portant à trente ans.
Vous avez donc produit un travail d’élaboration qui enrichit considérablement notre code pénal. Je vous le dis franchement : cela constitue un véritable exploit. En effet, même si vous vous êtes donné plus de temps que d’habitude au regard du calendrier parlementaire, vous avez, en un mois, procédé à des auditions et réussi à définir de nouvelles incriminations et une échelle des peines qui soient parfaitement cohérentes, non seulement avec notre droit pénal actuel, mais aussi avec les engagements internationaux de la France, puisqu’elles s’articulent parfaitement avec la définition contenue dans la convention internationale de 1926 de la Société des nations, qui définit l’esclavage et qu’a reprise l’Organisation des Nations unies en 1956.
D’autres sujets ont été tranchés à l’occasion de ce temps de travail entre les deux assemblées en vue de la préparation de cette commission mixte paritaire.
L’un d’entre eux est celui d’Eurojust. Comme vous l’avez dit, il y a eu, au départ, une divergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Vous avez choisi de faire droit à la proposition du Sénat, c’est-à-dire de conférer au membre national d’Eurojust un pouvoir de proposition. Cela me semble, en effet, plus conforme à l’état de notre droit, à notre architecture judiciaire et aux missions du ministère public, mais aussi aux règles constitutionnelles.
Vous nous dites que cette disposition, que vous aviez introduite à l’Assemblée – je me souviens d’ailleurs que nous avions eu des échanges extrêmement nourris sur ce point –, n’est pas une préfiguration du parquet européen. Je vous ai répondu en première lecture que nous étions en train de travailler à l’élaboration de ce parquet européen. J’ai le plaisir de vous dire aujourd’hui que nous avons bien avancé depuis la dernière fois, qui n’est d’ailleurs pas si lointaine, puisque c’était le 16 mai. Sur l’initiative de la France et de l’Allemagne, un projet a été soumis à la Commission. Nous avons réussi à entraîner à notre suite plusieurs pays européens. Il existe aujourd’hui un groupe informel qui s’est enrichi d’autres pays. Nous en sommes à quatorze participants, la Finlande nous ayant rejoints jeudi dernier lors du conseil des ministres européens à Vilnius. Nous avançons donc bel et bien sur le parquet européen.
Le renforcement d’Eurojust va incontestablement contribuer à établir un socle solide sur lequel sera érigé le parquet européen. Le travail que vos assemblées effectuent en ce moment sera donc d’une extrême utilité dans la mesure où il permettra à ce parquet européen de reposer sur des fondations qui augurent d’une capacité en matière de procédure, d’enquête et de décision. Il lui conférera aussi de l’efficacité. Dans un premier temps, bien sûr, il s’agira de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne, mais, dans un second temps, il jouira d’un certain nombre de prérogatives en matière pénale qui donneront vraiment du corps à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, établi dans le cadre du programme de Stockholm et que l’Union européenne est en train de consolider.
Il restait aussi la question de l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État, que l’Assemblée nationale avait abrogé et que le Sénat avait rétabli. Nous avons en effet considéré qu’il n’y avait pas lieu de priver totalement le chef de l’État d’une protection juridique en cas d’injures et de diffamation. Autant nous considérons que ce délit est effectivement désuet, autant nous estimons que, parce que le chef de l’État, dans toute démocratie, est exposé, il doit pouvoir se défendre lorsqu’il fait l’objet d’injures et de diffamation.
Vous avez d’ailleurs rappelé que, dans notre droit, la procédure consiste à saisir le procureur de la République par l’intermédiaire du garde des sceaux. Cette procédure vaut également pour les membres du Gouvernement. Cela étant, le procureur conserve toute sa liberté d’appréciation ; le garde des sceaux n’a qu’une compétence liée. Au demeurant, cette procédure est elle aussi désuète ; il n’y a pas lieu de la conserver.
Vous avez donc maintenu le choix de l’Assemblée nationale quant à l’abrogation de ce délit d’offense au chef de l’État. En revanche, vous avez choisi – et je crois que vous avez vraiment bien fait – d’évoluer vers une procédure ordinaire, celle qui vaut aussi pour les parlementaires et qui consiste à saisir directement le procureur de la République. Le chef de l’État ne bénéficie donc pas d’un régime spécial. Il est traité de la même façon que les parlementaires et les membres du Gouvernement – ainsi, d’ailleurs, que tout fonctionnaire, c’est-à-dire de toute personne exerçant une fonction publique et dépositaire de l’autorité publique.
Deux autres sujets demeuraient en discussion. L’un d’entre eux, que vous avez abordé, est extrêmement important. Je tiens d’abord à vous remercier pour le travail que vous avez fait et pour la manière dont vous avez introduit dans le texte les dispositions qui visent à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité qui contestait l’élargissement d’un mandat européen à des incriminations qui ne faisaient pas partie de la première demande. Cette contestation visait l’absence de voie de recours.
Le Conseil constitutionnel a d’abord interrogé la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir ce qu’entendait la décision-cadre s’agissant des délais brefs, lesquels avaient conduit, lors de la transposition des directives européennes dans notre droit, à supprimer la possibilité de se pourvoir en cassation.
La réponse de la Cour de justice est parvenue fin mai. Le Conseil constitutionnel, pour sa part, s’est prononcé le 14 juin. La Cour de justice a rappelé son attachement au respect de délais brefs, tout en précisant que cela ne supposait pas l’interdiction de toute voie de recours. Le Conseil constitutionnel en a tiré les conséquences en considérant que l’absence de voie de recours était contraire à la Constitution. Sa décision étant d’application immédiate, il nous faut, depuis le 14 juin, rétablir la possibilité de se pourvoir en cassation dans les cas visés. C’est ce que vous avez fait ; nous vous en remercions.
Reste un dernier point, qui est l’objet de l’amendement que nous vous présentons. Il est exceptionnel, même si la procédure est tout à fait prévue par le règlement, que le Gouvernement présente un amendement au texte d’une CMP, mais nous sommes dans une situation exceptionnelle.
Je le dis très clairement pour éclairer et informer les parlementaires : cet amendement vise à prévenir un vide juridique qui risque de survenir au début du mois de septembre 2013. Les services de la Chancellerie se sont rendu compte récemment que, à l’occasion de la transposition de directives européennes concernant un système de contrôle préventif et simplifié sur les armes modernes, le délit de port et de transport d’armes de sixième catégorie – il s’agit essentiellement d’armes blanches – a été involontairement supprimé.
Si nous ne remédions pas à cette malfaçon, le 6 septembre 2013, avec l’entrée en vigueur de ces dispositions transposées, les personnes détenant des armes blanches ne seront plus considérées comme étant en situation délictueuse.
Nous vous soumettons cet amendement parce que nous n’avons pas d’autre véhicule législatif pour rétablir ce délit. Cela n’est d’ailleurs pas choquant en soi, puisqu’il s’agit justement ici de transposer des instruments juridiques européens. Au demeurant, les armes en question permettent de commettre des atteintes aux personnes et aux biens. Elles servent aussi dans les violences conjugales, notamment celles visant les femmes. Il y a donc bien, si l’on se donne la peine de chercher la justification de la présence de cet amendement dans ce véhicule législatif, une double pertinence.
Le travail que vous avez effectué – je le répète une dernière fois – a été d’une très grande qualité et d’une grande densité. Il est également extrêmement original. Il serait bien qu’il fasse école, à défaut de faire jurisprudence. En effet, nous n’avons pas fait une transposition mécanique et automatique, sans nous interroger sur la portée des textes que nous transposons.
Nous avons été confrontés à une difficulté particulière avec la définition de l’esclavage et de la servitude. La capacité d’échange et de réflexion commune des députés et des sénateurs, dans le cadre du groupe de travail, a produit un résultat de très grande qualité, et cela dans un délai relativement contraint. C’est là une prouesse qu’il faut saluer : le Parlement sait en accomplir et, quand elles sont aussi admirables et utiles, il est bon que le Gouvernement le dise solennellement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, le temps qui m’est imparti suffira largement pour expliquer pourquoi le groupe UMP votera sans aucune difficulté ce texte, issu des travaux très utiles et positifs de la commission mixte paritaire.
Je veux d’abord dire mon regret de nous voir si peu nombreux dans l’hémicycle, alors que nous ne sommes pas un vendredi après-midi et que les questions d’actualité viennent juste de se terminer. L’importance de ce projet de loi – autant par le nombre de textes qu’il regroupe, onze, que par la valeur de chacun d’entre eux – aurait mérité que nos collègues fassent l’effort d’être présents.
Je voudrais souligner les aspects de fond, comme de forme, du travail auquel s’est livré notre assemblée et auquel le Sénat a apporté une contribution précieuse. Nous avions à faire entrer dans notre droit positif des textes importants, issus eux-mêmes d’une élaboration intergouvernementale très poussée. Pour certains d’entre eux, Lisbonne est passé par là – si vous me permettez l’expression – et les parlements nationaux ont pu apporter en amont des améliorations appréciables.
Évoquer les violences faites aux femmes, les formes nouvelles de l’esclavage ou les mariages contraints n’est pas anodin ; il ne s’agissait pas pour nous de transposer mécaniquement des dispositions européennes, mais bel et bien de transférer le droit positif européen en y ajoutant, autant que nous le jugions nécessaire, des dispositions qui puissent nous armer dans le combat que le Parlement, de façon fort heureusement unanime, mène sur la plupart de ces questions.
Nous tenions à donner du sens, donc une définition, à l’esclavage et à la servitude, afin que la portée des infractions, crimes et délits puisse en être justement appréciée. Je salue cette volonté qui était la nôtre et qu’un instant nous avons crue mise en difficulté par nos collègues sénateurs.
Je voudrais rendre ici un hommage à Marietta Karamanli qui, plus que les rapporteurs « ordinaires », s’est montrée déterminée et convaincue. Son travail d’analyse nous a permis d’adopter en première lecture des définitions et, après la lecture au Sénat, de ne pas perdre confiance. Si l’on peut objecter que son travail était parfois lacunaire dans certains aspects de droit positif, la persévérance de la rapporteure a compté.
Sur la forme, ce qui a été mis en place après les lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat et après la CMP est novateur et inspirant pour l’avenir. Je voudrais une fois de plus saluer l’effort accompli par les rapporteurs Marietta Karamani et Alain Richard, dont le travail en amont nous a valu des auditions intéressantes et nous a permis de faire oeuvre de législateur de façon très pertinente en CMP.
Je veux aussi saluer l’initiative du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas qui, souhaitant donner une plus grande part à la dimension européenne des questions soumises à notre réflexion, a créé dès le début de la législature une veille européenne, à laquelle participent un député de la majorité et un député de l’opposition. C’est cette heureuse initiative qui nous a permis de travailler ainsi et de parvenir à un tel résultat.
J’abuserai du temps qui m’est donné pour commenter l’ajout de dernière minute auquel le Gouvernement a procédé. Pour que ce texte ne coure aucun risque constitutionnel, je veux dire tout l’accord de mon groupe. Nos débats doivent faire foi. Pour notre part, nous ne voyons là aucun cavalier législatif, dans la mesure où la lacune qu’il s’agit de combler par cette disposition provient d’une erreur commise lors d’une semblable transposition de directive européenne. Le dire, l’écrire, s’avérera utile le jour où, à n’en pas douter, quelqu’un voudra en faire une question prioritaire de constitutionnalité.
Pour une fois, notre commission a disposé du temps et de la sérénité nécessaires pour travailler. Le résultat est à la hauteur de nos ambitions. Parce qu’il le faut et parce que ces dispositions feront avancer dans notre pays les causes qu’ensemble, nous défendons, c’est sans aucune difficulté que le groupe UMP votera ce texte de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, après une première lecture à l’Assemblée puis au Sénat, après la réunion de la commission mixte paritaire, nous sommes de nouveau invités à nous prononcer sur un projet de loi essentiel, puisqu’il vise à adapter notre législation pénale aux normes européennes et internationales.
Convenons-en, notre travail législatif en matière de transposition est toujours quelque peu contraint, tant par l’urgence – un certain nombre de textes, notamment la directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains, auraient dû faire l’objet déjà d’une transposition – que par les risques de sanctions financières.
Ces circonstances ne doivent en aucun cas nous empêcher de jouer pleinement notre rôle de parlementaires car, si nous sommes tenus de procéder à des transpositions exhaustives et fidèles, nous disposons aussi d’une certaine marge de manoeuvre. Nous devons donc voir cet exercice non comme une contrainte mais plutôt comme une chance, comme une étape primordiale et nécessaire vers la construction d’un avenir communautaire, solide et solidaire.
Avant tout, permettez-moi de rappeler que le présent projet de loi est issu de travaux lancés sous la précédente législature par la chancellerie de l’époque. Au niveau communautaire, le programme de Stockholm présente lui aussi de réelles avancées depuis plusieurs années.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir aboutir un travail qui conduira nécessairement à un renforcement de l’intégration européenne et nous réjouir de constater qu’il demeure encore possible de trouver un consensus lorsque les dogmes et les attitudes partisanes laissent place au bon sens et à la construction d’un avenir commun, au service de tous et des générations à venir.
Les adaptations du droit communautaire en droit interne, leitmotiv de ce texte, sont bien sûr indispensables. Je n’entrerai pas dans le détail de mesures, qui, je le répète, ont fait l’objet d’un large consensus. L’adoption de ces directives communautaires nous permettra de franchir une étape importante vers la construction d’un espace pénal européen, qui, depuis 1992 et le traité de Maastricht, se concrétise un peu plus chaque jour.
Avec ce texte, c’est la protection des droits de l’homme qui est mise en avant et que nous nous devons de défendre. L’harmonisation de la politique pénale dans l’Union européenne reste un des grands chantiers engagés entre États membres, qui méritent de voir une conclusion rapide, positive et constructive.
Dans un contexte d’internationalisation de la criminalité organisée, il apparaît désormais comme un impératif absolu d’adopter des normes internationales capables de faire face à de nouveaux enjeux. Sur ce point, le projet de loi comporte des dispositions essentielles dans le domaine de la coopération judiciaire de l’Union européenne : je pense notamment au renforcement de l’efficacité opérationnelle d’Eurojust, qui s’inscrit dans la perspective de la création d’un parquet européen.
Si nous sommes en avance par rapport à nos voisins européens sur certaines questions, comme la protection et l’aide judiciaire, d’autres éléments de notre système pénal méritent d’être améliorés. Voilà pourquoi nous nous devons d’aller toujours plus loin dans le sens de l’harmonisation et de la coopération, non seulement dans l’objectif de construction d’un espace communautaire un peu plus abouti chaque jour, mais aussi dans l’intérêt de nos concitoyens, qui voient ainsi leurs droits renforcés et pérennisés.
Enfin, au-delà de la question de la transposition technique proprement dite, à chaque fois un casse-tête juridique, rappelons que la France s’est fixé comme horizon indépassable le chiffre de 1% de directives non transposées. Il en va de notre crédibilité, de notre volonté de participation, d’intégration et d’harmonisation. On ne peut prétendre exercer un leadership politique en Europe en restant un mauvais élève en matière de transposition. Nous devons donc encourager les initiatives qui vont dans le sens d’une amélioration, à l’instar des mesures prises en 2011, notamment la réservation d’un créneau parlementaire, afin d’éviter que de tels retards ne se reproduisent ou ne s’aggravent.
Ce projet de loi comporte des dispositions déterminantes pour l’avenir de notre droit pénal, que nous nous devons d’adopter, en vertu de notre devoir de coopération loyale avec les États membres. Parce que la construction européenne ne doit pas se faire sans nous et que des questions aussi primordiales que la justice et la sécurité des personnes et des plus fragiles doivent être, dans ce contexte d’internationalisation, plus que jamais au coeur de nos politiques, les députés du groupe UDI voteront en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et SRC.
Sourires.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, chers collègues, le texte que nous sommes appelés à voter est consacré à la justice, une justice que l’on peut caractériser d’universelle, ou du moins à prétention universelle, puisqu’elle concerne des droits humains reconnus par des conventions internationales et des textes européens qui lient la France et engagent sa responsabilité.
L’exercice demandé au législateur était particulier – non pas créer le droit ex nihilo mais transposer dans notre droit interne, en particulier dans le code pénal et le code de procédure pénale, des obligations négociées avec des États tiers. C’est la première fois que le législateur national contribue ainsi à développer un corpus de droits procéduraux et substantiels, tendant à créer un espace pénal européen. On pourrait croire que la marge de manoeuvre ainsi laissée est étroite, et nous oblige à sacrifier la conception pénaliste française sur l’autel de la diplomatie judiciaire et de l’harmonisation européenne des droits.
Or la transposition à laquelle nous nous sommes livrés a révélé à quel point de telles craintes ne sont pas justifiées : au contraire, l’Europe nous donne ici l’occasion de mieux protéger les victimes, de mieux appréhender les auteurs de crimes, de mieux coopérer pour lutter contre des actes qui relèvent, de plus en plus souvent, de la criminalité organisée au niveau transnational.
Il faut le dire, le législateur est resté souverain, mais c’est l’Europe, en particulier le Conseil de l’Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui nous a montré le chemin. Le texte en discussion a ainsi le mérite de nous rappeler qui nous sommes : des Européens.
Quel autre continent peut se prévaloir d’une telle coopération juridique et judiciaire ? C’est parce que nous partageons la même vision d’un idéal de justice que nous avons choisi, peuples européens, d’établir des standards communs de sauvegarde des droits de l’homme et de nous donner les moyens de les faire respecter.
Nous sommes des Européens donc, nous sommes également des défenseurs de la liberté. Avec l’introduction par l’Assemblée nationale et le Sénat d’un crime d’esclavage dans le code pénal, ainsi que des délits de servitude et de travail forcé, c’est bien la liberté que nous défendons, celle de l’humanité, celle de se posséder soi-même, de vivre affranchi, sans l’oppression d’un maître ou d’un tyran.
Même en 2013, aucun pays n’est préservé des comportements esclavagistes, et ce sont vingt-sept millions de personnes dans le monde qui subiraient aujourd’hui la servitude moderne, selon un rapport récent du Département d’État américain. En France, on compterait 3 000 à 5 000 esclaves. Nous apportons donc une réponse pénale à la détresse silencieuse de ces esclaves modernes, le plus souvent des femmes, des fillettes, employées de maison, gardiennes d’enfants, cuisinières ou servantes, souvent venues d’ailleurs avec la promesse d’un avenir meilleur et réduites à l’état de chose au pays des droits de l’homme.
Vous avez rappelé, madame la ministre, le travail effectué par le groupe que nous avons constitué avec les sénateurs. Je souhaite ici expliquer les raisons qui nous ont poussés à créer ce crime d’esclavage, car on ne crée pas un nouveau crime à la légère. Le code pénal en comprend déjà cent vingt-trois. En fallait-il un de plus ?
Il me semble que nous avions d’abord le devoir, dans un souci de responsabilité, d’efficacité et d’humanité mais aussi par obligation constitutionnelle, de mettre en lumière un phénomène ignoré par la société mais aussi par le droit.
En effet, il s’agit bien d’un phénomène plus important que ce qu’indiquent les statistiques, car il est difficile de recenser les cas d’esclavage. La plupart sont reportés par des voisins ayant aperçu une ombre descendre les poubelles, des passants, des commerçants, les parents d’enfants scolarisés avec les enfants des employeurs ou encore des professionnels qui sont soit des associations, soit des urgentistes, soit des travailleurs sociaux.
Face à cette réalité, notre droit était insuffisant et, compte tenu de l’héritage historique de notre pays, il était important de clarifier la notion d’esclavage, de la définir en dépassant la notion, de crime contre l’humanité, en quelque sorte sacralisée, et, sans pour autant remettre en cause cet héritage, de préciser un terme dont l’usage n’est pas sans écho dans notre inconscient collectif, à tel point qu’on en fait un usage presque « naturel ».
Il fallait également nous conformer à nos obligations internationales, liées notamment à la convention de Genève qui oblige les parties à « poursuivre la suppression complète de l’esclavage sous toutes ses formes, d’une manière progressive et aussitôt que possible » : « aussitôt », or cette convention date de 1926 !
La France a été condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment le 11 octobre dernier, pour ne pas avoir mis en place « un cadre législatif et administratif permettant de lutter contre la servitude et le travail forcé », sur le fondement de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude ».
Le besoin de droit se faisait enfin sentir parce qu’il fallait combler un vide juridique. Réalité complexe par nature, l’esclavage en effet ne se résume pas à l’addition des éléments qui le constituent : charge exorbitante de travail sans repos, absence ou insuffisance de rémunération, rétention des documents d’identité, menaces, brimades, insultes, maltraitantes physiques, violences sexuelles, contrôle des liens personnels, conditions de vie discriminatoires au sein du foyer, privation de liberté d’aller et venir, isolement. Au-delà du fait qu’il est difficile d’apporter la preuve de ces éléments constitutifs, ils ne suffisent pas à définir l’esclavage, qui renvoie à la condition d’une personne dont on porte atteinte à la dignité et à la liberté. Il faut d’ailleurs noter ici que la notion de traite, transposée dans notre droit interne, ne recouvrait pas la notion d’esclavage, ne serait-ce que parce que la traite implique le plus souvent le déplacement et que l’esclavage est moins le fait de mafias ou de bandes criminelles organisées que la traite. La traite, c’est le commerce ; l’esclavage, c’est l’exploitation mais pas toujours la marchandisation.
Nous nous sommes inspirés d’exemples étrangers, l’Italie et le Royaume-Uni ayant introduit dans leur droit interne des définitions distinctes pour désigner l’esclavage, la servitude et le travail forcé, ainsi que l’exige la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, cependant qu’en droit français, les victimes devaient jusqu’alors se plier à de multiples contorsions pour arriver à qualifier certains éléments ignorés par les textes.
Nous avons donc fait le choix de la gradation, avec la création d’un crime – l’esclavage – et de deux délits – la servitude et le travail forcé. Nous avons, ce faisant été guidés par un souci de responsabilité – il s’agissait de mettre la France en conformité avec ses obligations internationales – mais également par un souci d’efficacité, les poursuites pénales étant, je l’ai dit, souvent difficiles à faire aboutir. Les magistrats devant faire face à un contentieux de masse en correctionnelle, il était important de leur donner les moyens de juger. Nous avons donc fait de la servitude un délit et non un crime, ainsi que le proposait un amendement déposé en première lecture à l’Assemblée nationale.
En recherchant l’efficacité, nous suivons aussi la jurisprudence de la CEDH, qui énonce que l’objectif poursuivi par les dispositions pénales doit être celui de la protection efficace des victimes contre les agissements d’esclavage et de servitude. Pour cela, il faut des sanctions dissuasives, ce qui explique notre choix d’une gradation.
Un mot de nos obligations constitutionnelles, qui exigeaient que les crimes d’esclavage et de servitude ne soient pas simplement visés comme éléments constitutifs de la traite, mais aussi clairement définis.
Dans un souci d’humanité et conformément aux demandes de la Cour européenne des droits de l’homme, nous avons considéré la vulnérabilité de la victime comme une circonstance aggravante de l’esclavage, de même que la servitude est considérée comme une circonstance aggravante du travail forcé. D’ailleurs – j’ouvre ici une parenthèse – il serait bon qu’au moment de réformer le droit d’asile en France cette notion de vulnérabilité des demandeurs soit mieux prise en compte.
Je voudrais à présent insister sur le rôle fort utile des acteurs de la société civile dans l’identification des phénomènes d’esclavage. Cela va des signalements à la préparation des auditions et des audiences, en passant par la constitution de dossiers administratifs, les démarches d’hébergement, l’accompagnement dans l’accès aux soins et le suivi sanitaire, l’aide alimentaire pour les enfants, l’aide à l’insertion professionnelle, le soutien matériel et psychologique, toutes choses d’autant plus importantes que les plaignants, déjà fragilisés, doivent affronter un véritable parcours du combattant pour faire valoir leurs droits.
C’est la raison pour laquelle, par voie d’amendement, nous avons estimé utile de donner aux associations reconnues d’utilité publique la possibilité de se porter partie civile. Nous avons également permis aux victimes d’être indemnisées, au même titre que les victimes de la traite.
Nous attendons désormais beaucoup des circulaires, qui émaneront de la Chancellerie et du ministère de l’intérieur car un véritable travail d’information et de sensibilisation des acteurs doit être entrepris.
Voici donc un texte de dialogue. Dialogue d’abord entre les juges constitutionnel et communautaire – vous l’avez évoqué, madame la ministre ; dialogue ensuite entre les autorités judiciaires des États membres de l’Union européenne, grâce à Eurojust ; dialogue enfin entre nos assemblées.
Je salue ici le travail accompli en commun avec les sénateurs, à l’initiative de Mme la rapporteure, afin de déterminer la définition qui serait retenue pour le crime d’esclavage. Porté avec sagesse par le Gouvernement, avec prudence par le Sénat, avec fougue par l’Assemblée nationale, voici donc un beau texte, qui a recueilli l’unanimité en première lecture dans cet hémicycle et lors de son dernier examen en commission mixte paritaire. Ces moments sont finalement assez rares, où le droit rencontre la politique et où la politique rencontre le droit, trop rares pour que nous n’ayons pas le devoir de les saisir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France contient deux chapitres qui intéressent particulièrement l’égalité entre les femmes et les hommes : le chapitre 1er , qui transpose la directive du Parlement et du Conseil européen d’avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains ; le chapitre XI, qui permet de ratifier la convention d’Istanbul, relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
L’esclavage est aboli en France depuis 1848, mais des formes nouvelles d’esclavage et de servitude existent et la condamnation de la France par la Cour de justice européenne a rendu nécessaire un travail de définition juridique.
Lors de la première lecture de ce texte, vous nous aviez alertés, madame la ministre, sur la nécessité de sécuriser les définitions avancées sous forme d’amendements par la commission. Depuis, un travail approfondi a été mené, et je veux saluer ici l’engagement de Marietta Karamanli et d’Alain Richard, qui ont conduit un travail particulièrement constructif et passionnant en CMP. C’est une première qui mérite d’être soulignée.
Comme la définition du harcèlement, apportée au début de la présente législature, ces précisions permettront de juger de faits graves, en matière de droits humains en général et de droits des femmes en particulier. C’est pourquoi, pour la Délégation aux droits des femmes de cette assemblée, ce texte est d’une particulière importance. Il faut en effet insister sur le fait que, pour la première fois, l’esclavage constitue une incrimination pénale, ce qui va permettre de mettre des mots sur des situations, au lieu des subterfuges utilisés jusque-là.
Notre travail prend également tout son sens dans le cadre des objectifs portés par la convention d’Istanbul signée par la France. Adapter cette dernière dans le droit français constitue une nouvelle étape pour faire vivre les engagements pris par notre pays en la matière. Cette convention stipule, en son article 3, que les violences faites aux femmes sont une « forme de discrimination » et « désignent tous les actes de violence fondés sur le genre ».
Faut-il rappeler que les femmes sont exposées à des formes graves de violence du fait même qu’elles sont femmes ? Harcèlement sexuel, mariage forcé, viol, esclavage domestique, servitude, traite, prostitution. Le reconnaître, ce n’est pas nier une quelconque différence biologique, c’est au contraire se donner tous les moyens d’agir.
Je relève d’ailleurs avec satisfaction la cohérence de l’action menée par ce Gouvernement. En effet, tandis que nous transposons ces mesures la ministre des droits des Femmes a déposé en conseil des ministres son projet de loi visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce texte devrait arriver à la rentrée devant nos assemblées.
En matière de processus législatif, cette cohérence nous permettra aussi d’avancer demain plus efficacement pour lutter contre une des formes de violence faites aux femmes – la traite – qui existe dans notre pays, du fait notamment des mafias de la prostitution.
Engagée au sein de la Délégation aux droits des femmes, appuyée sur ces nouvelles définitions, une proposition de loi visant à mettre fin au système prostitueur sera soumise au Parlement d’ici la fin de l’année. Elle nous permettra de lutter juridiquement contre cette forme de traite, alors que 90 % des femmes qui subissent la prostitution en sont victimes.
La mobilisation pour lutter contre les violences faites aux femmes doit être une mobilisation de tous les instants, et je souhaite que notre pays continue à prendre des positions courageuses contre la traite.
Car la France est regardée. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons, avec Axelle Lemaire, souhaité créer un groupe d’étude intitulé « Genre et droits des femmes à l’international ». Parce que, sans exception, les associations et les ONG que nous rencontrons nous disent combien la diplomatie des droits des femmes, la diplomatie parlementaire et une France en première ligne sur le sujet sont fondamentales pour que les choses changent dans un monde où l’égalité entre femmes et hommes est un combat jamais terminé, jamais gagné, face à des forces réactionnaires et conservatrices.
À l’ONU, M. Ban Ki-moon a fait de l’autonomie des femmes une de ses priorités, comme il nous l’a répété lors de son passage à l’Assemblée. Il est aussi, plus généralement, engagé dans la renégociation des objectifs du millénaire. Nous devons être attentifs aux grands rendez-vous tels que la conférence de Pékin et la conférence du Caire.
Réaffirmer ces droits reste novateur en termes d’égalité. Mais cette mobilisation, et ce sera ma conclusion, se joue aussi au niveau européen. L’Union européenne nous permet de progresser lorsqu’elle nous demande de transposer des textes. Notre droit a souvent évolué, en termes d’égalité, grâce à ces transpositions. Mais, face aux grands rendez-vous, et je le dis aux ministres qui nous représentent au Conseil des ministres européen, l’Europe doit parler d’une seule voix. Tel n’est pas le cas s’agissant du droit des femmes, ce qui affaiblit notre capacité d’intervention.
Ce texte n’est pas anodin ; c’est une avancée tout à fait majeure pour l’égalité des femmes et des hommes. Je remercie tous ceux, et en particulier toutes celles, qui s’y sont fortement impliqués.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, vice-président de la commission mixte paritaire.
Je tenais, madame la présidente, à apporter ma pierre à ce concert mérité de louanges sur le processus législatif suivi par ce texte dont je veux voir l’apport essentiel lié au timing dont a pu profiter la commission des lois. Ce texte a, en effet, été étudié en commission le 21 février à l’Assemblée nationale. Il a été transmis au Sénat trois mois plus tard pour être étudié, deux mois après, en commission mixte paritaire. Nous aboutissons donc à ce résultat que chacun, ici, loue : un travail intelligent, fructueux et fécond qui nous permettra d’aboutir à un consensus.
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire au Gouvernement, je saisis l’opportunité qui m’est donnée pour dire que nous légiférons bien quand nous avons le temps de le faire. Considérant que nous sommes en fin de session, je pense que cela pourra peut-être servir de référence pour le début de l’année prochaine, année au cours de laquelle nous aurons à étudier un certain nombre de textes.
Je voudrais aussi dire à Mme la rapporteure à quel point elle a fait l’admiration de la commission des lois. En effet, la transposition n’est pas une matière facile. L’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, titre du projet de loi, est par essence une matière aride. L’investissement a été total. Cela a été noté par tous les membres de la commission mixte paritaire, la semaine dernière, lorsque nous avons à nouveau débattu de ce texte. Les avancées que contiennent les dispositions que nous étudions doivent beaucoup au travail personnel de la rapporteure. Je tenais à ce que cela soit dit.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisie.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1 .
Je serai brève puisque j’ai défendu cet amendement lorsque je me suis exprimée de cette tribune. Il s’agit simplement de rétablir le délit de port ou transport d’arme de la sixième catégorie. Cette incrimination donne lieu à 4 000 condamnations par an, dont 400 incarcérations. C’est un vrai délit. On ne pouvait, de plus, pas risquer de voir ce vide juridique surgir début septembre, ce qui nous aurait mis en difficulté.
Compte tenu de l’importance du sujet exposé tout à l’heure à la tribune, il me semble que l’on ne peut donner qu’un avis favorable à cet amendement.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure et que je confirme que nous voterons cet amendement avec détermination.
Je tenais surtout à m’exprimer pour faire écho à une formule qu’a employée notre collègue Axelle Lemaire, ce que je ne veux pas lui reprocher, mais à laquelle je souhaiterais que nous renoncions tous : celle d’esclavage moderne ou de servitude moderne.
Je pense que nous utilisons cette formule de manière commune et trop rapide, ce qui pourrait prêter à triste conséquence en donnant le sentiment qu’il y a on ne sait quoi de moderne dans l’esclavage ou dans la servitude. Or, il n’y a rien de moderne, mais quelque chose de dramatique pour tous les temps dans la servitude et dans l’esclavage.
Je propose, en conséquence, que nous parlions de « formes actuelles ou contemporaines de l’esclavage ou de la servitude » et que nous renoncions à cette facilité de langage nous amenant à parler de manière quelque peu erronée de servitude ou d’esclavage moderne. Ce serait utile à notre consensus de bon aloi.
Deux précautions valant mieux qu’une, je demanderai au représentant du groupe UDI de s’exprimer aussi clairement et explicitement sur cet amendement que le député Geoffroy. Je ne pense pas que nous risquions une saisine du Conseil constitutionnelle ou une question prioritaire de constitutionnalité concernant particulièrement cette mesure. Toutefois, connaissant la référence que constituent les débats parlementaires en cas de saisine du Conseil constitutionnel, j’aimerais que M. Tuaiva reconnaisse clairement l’utilité reconnue de cet amendement.
Nous soutiendrons évidemment nous aussi le Gouvernement et notre ministre en la matière.
L’amendement no 1 est adopté à l’unanimité.
Je ne suis saisie d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.
L’ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, vous êtes réunis une seconde fois pour adopter le projet de loi de règlement de 2012. Le ministre du budget, retenu par les travaux relatifs au texte sur la retraite, m’a demandé d’introduire son propos lors de cette nouvelle lecture et d’en profiter pour caractériser la situation budgétaire de notre pays et la stratégie de finances publiques du Gouvernement au regard de ce qui a été accompli depuis un peu plus d’un an.
L’opposition, sans doute oublieuse de la situation des finances publiques qu’elle a laissée au pays après avoir été pendant dix ans dans la majorité, s’exprime avec beaucoup de véhémence sur notre situation budgétaire. C’est bien évidemment son droit le plus absolu. Elle est dans son rôle. Je souhaite, néanmoins, que l’on regarde la réalité en face : derrière la sécheresse des chiffres, il y a une réalité politique et budgétaire.
Cette réalité, c’est que ce Gouvernement a engagé, dès l’été 2012, le rétablissement des comptes publics. Il l’a fait, il le fait avec courage, détermination et sérieux. Les résultats de l’année 2012, que le ministre du budget a eu l’occasion de présenter devant votre commission des finances le 12 juin dernier, le montrent avec beaucoup de clarté et de force. Parce que le sérieux budgétaire, c’est d’abord la transparence, nous en sommes convaincus : on ne peut être sérieux sans être transparent.
En 2012, et je pense que nous pouvons tous nous en féliciter, car il y va de la parole de l’État emprunteur, les comptes de l’État ont été certifiés pour la septième année consécutive par la Cour des comptes. La France est le seul État de la zone euro à faire certifier ses comptes et l’un des rares au monde. Le 28 mai, le Premier président de la Cour des comptes a, devant vous, mesdames et messieurs les députés, souligné l’importance des progrès accomplis. Le nombre de réserves substantielles a été réduit de sept à cinq, résultat des efforts du Gouvernement pour une transparence accrue.
De même, des améliorations notables ont été réalisées sur la qualité des comptes de la Sécurité sociale.
Les comptes de la branche famille ont été certifiés pour la première fois, la Cour ayant refusé la certification l’an dernier. Les comptes des branches maladie, retraite et recouvrement ont également été certifiés, avec un nombre de réserves en baisse : quatre pour la branche maladie, contre cinq l’an dernier, six pour la branche recouvrement, contre huit l’an dernier.
Le Gouvernement ne peut que se réjouir des améliorations qui auront été apportées en 2012. Que les administrations qui en sont chargées en soient remerciées.
C’est un engagement, il faut que les progrès se poursuivent dans les années qui viennent. L’année 2012 a été marquée par l’adoption à une très large majorité de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. C’est désormais sous le regard du Haut conseil des finances publiques que le Gouvernement élabore les lois de finances, et c’est avec l’oeil de cette institution indépendante qu’il adopte les budgets. Il s’agit là, nous en sommes convaincus, d’une modernisation en profondeur de la gouvernance des finances publiques. Le projet de loi de règlement est ainsi la première loi financière à être examinée par le Haut conseil des finances publiques. Celui-ci a notamment été saisi du nouvel article liminaire, qui retrace les soldes structurels et nominaux de l’ensemble des administrations publiques. Outre la transparence accrue qu’a introduite la loi organique du 17 décembre 2012, celle-ci, à travers cet article liminaire, permet d’éclairer le Parlement et, à travers lui, les Français sur la situation structurelle des finances publiques, au-delà des aléas de la conjoncture. Il s’agit là d’un progrès considérable, nous y reviendrons.
On entend ici ou là des propos sur le manque d’information du Parlement sur la situation des finances publiques. Ces critiques, avouons-le, sont assez paradoxales et injustes. Depuis le début de l’année, il y a eu quatre auditions en commission des finances à l’Assemblée, trois au Sénat sur la situation des finances publiques, et nous avons discuté en avril du programme de stabilité. Nous avons donc largement eu le temps de discuter de la situation des comptes et, ainsi qu’il vous l’a indiqué, le ministre du budget sera toujours disponible pour votre commission des finances.
Toutes les informations demandées par les commissions des finances ont été fournies par le Gouvernement. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nous a demandé des informations, nous lui avons fourni toutes celles qui étaient disponibles. Les services de la DGFIP se sont même mobilisés de façon exceptionnelle, et je leur rends hommage, afin de pouvoir lui fournir les données d’exécution fin mai en vue de l’audition sur le projet de loi de règlement.
Les prévisions de finances publiques ont été actualisées à l’occasion du programme de stabilité. Ainsi, le niveau du déficit a été porté de 3 à 3,7 %. Plus précisément pour l’année 2013, dans le programme de stabilité, les prévisions de recettes fiscales ont été revues de plus de 8 milliards, celles des administrations de sécurité sociale de plus de 3 milliards au titre de la révision à la baisse de la masse salariale 2013. Les droits de mutation à titre onéreux ont également été revus à la baisse de près de 2 milliards compte tenu de la baisse des transactions immobilières. Au total, les recettes publiques ont été revues à la baisse de 14 milliards, soit 0,7 point de PIB, ce qui explique le passage d’un déficit public de 3 % en loi de finances initiale à 3,7 % dans le programme de stabilité. L’objectif de dépense est en effet resté inchangé. Le déficit public a été revu à la baisse de 3 à 3,7 %, du fait de la dégradation de la conjoncture qui pèse sur les recettes publiques.
Oui, il existe des risques sur ces prévisions de recettes. La Cour estime qu’ils peuvent aller jusqu’à 0,3 point de PIB si la croissance s’élève à 0,1 %, 0,5 point si elle est en baisse de 0,3 %. La Cour estime que le déficit public pourrait atteindre 4 %. Le Gouvernement partage son analyse sur la fourchette des risques.
Mais la Cour dit aussi que les incertitudes restent grandes. À ce stade, un grand nombre d’impôts importants ne sont pas connus : l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés. D’autres sont très erratiques, comme la TVA, qui, un mois, plonge et le suivant se redresse : la situation mensuelle budgétaire fin avril, publiée le 7 juin, faisait apparaître un rendement très en deçà des prévisions, en baisse de 2,3 % par rapport à fin avril 2012. Néanmoins, les résultats de mai sont bien meilleurs, puisque, à la fin du mois, les recettes de TVA sont en progression de 1,5 %.
Nous y verrons plus clair en septembre mais, oui, l’aléa baissier existe et je confirme ce chiffre de la Cour. Néanmoins, cette fourchette est un ordre de grandeur tout à fait commun à ce moment de l’année en période de conjoncture dégradée. Le Premier président de la Cour, devant la commission des finances de votre assemblée, a même indiqué que les risques de dépassement des déficits prévus étaient comparables à ceux des années précédentes.
Ces aléas sont en effet normaux, et totalement assumés par le Gouvernement, pourrais-je ajouter. En effet, le solde nominal n’est pas un bon outil de pilotage des finances publiques puisqu’il ne permet pas de lisser les variations de la conjoncture. Se fixer des cibles nominales de déficit public, c’est mener des politiques procycliques, qui, en période de faible croissance, aboutissent à amplifier la crise et qui, en période de forte croissance, aboutissent à dégrader la position structurelle. C’est tout l’esprit du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance : remplacer ce mode de pilotage nominal par un pilotage structurel des finances publiques. Nos objectifs structurels, nous les tenons et nous les maintenons. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission nous a accordé un délai de deux ans pour ramener notre déficit public sous le seuil des 3 %.
Si la Cour indique que des risques pèsent sur les recettes en 2013, elle souligne que l’effort structurel programmé par le Gouvernement « devrait être réalisé », tout en indiquant clairement que ce sont les objectifs structurels qu’il faut viser, et non nominaux – la dépense est tenue.
Dans ce contexte, il est difficile de comprendre que l’opposition nous demande une « réactivité aiguë ». N’avez-vous donc rien appris ? N’avez-vous donc pas appris que c’était une mauvaise façon de piloter les finances publiques que d’ajuster en permanence ? Vous avez fait quinze collectifs et les finances publiques n’ont jamais été autant dégradées !
Si nous ne faisons pas de collectif, c’est parce que nous ne souhaitons pas ajuster la trajectoire, ajouter l’austérité à la récession, nous souhaitons laisser jouer les stabilisateurs automatiques. C’est tout l’esprit de ce traité, la mise en place d’un pilotage structurel des finances publiques. Ce traité, le Président que vous souteniez a commencé à le négocier, et vous l’avez voté.
Surtout, que voulez-vous aujourd’hui ? Vous nous dites qu’il faut ajuster la trajectoire, être réactif. Où est la cohérence ? On ne peut pas souhaiter avoir un pilotage structurel des finances publiques, une trajectoire structurelle des comptes publics et réagir à chaque mauvaise ou bonne nouvelle sur les encaissements de recettes. C’est absurde. Pourquoi avoir voté le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et la loi organique du 17 décembre si c’est pour modifier cette trajectoire tous les trois mois ?
Vous nous dites qu’il manquerait 20 milliards dans les comptes de l’État.
C’est un chiffre et il serait intéressant de savoir comment vous le calculez. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes. Le plus important serait de savoir ce que vous proposez pour récupérer ces 20 milliards en cours d’année.
Est-ce par des économies de 20 milliards ? Cela doit être un exercice particulièrement stimulant sur le plan intellectuel de se réunir et de chercher 20 milliards d’économies pour les six prochains mois ! Pour mémoire, la RGPP a rapporté 2,5 milliards par an. Vous feriez donc huit fois la RGPP en six mois ?
Tout cela nous paraît intéressant mais, les Français le savent, ce n’est pas sérieux. Dites la vérité aux Français : vous nous demandez d’augmenter les impôts, ce que vous avez fait avec les plans Fillon, mais, en même temps, vous nous accusez de faire du matraquage fiscal. Expliquez-nous mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, où est la cohérence.
La réalité, c’est que nous n’augmenterons pas les impôts cette année pour corriger les aléas qui, comme chaque année, existent. C’est d’ailleurs ce qu’a dit le Premier président de la Cour des comptes : « Il n’y a pas lieu d’envisager des mesures de rééquilibrage en cours d’année ». Je vous rassure, nous ne ferons pas non plus comme la majorité d’hier, baisser les impôts des plus riches alors que la situation des finances publiques était désastreuse.
Le sérieux budgétaire, c’est la réduction des déficits. On entend ici ou là des propos absurdes.
Le Gouvernement laisserait filer les déficits. Là encore, étonnement de ma part. C’est absurde : en 2012, le déficit nominal a été réduit de 0,5 point et le déficit structurel de 1,1 point. L’ajustement structurel total est globalement en ligne avec les objectifs de la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ajustement de 1,2. La Cour des comptes a qualifié un tel ajustement de très significatif, et pour cause. La dernière fois qu’un tel effort a été réalisé, c’était au milieu des années 1990, pour la qualification à l’euro.
Que ceux qui auraient la mémoire courte se rappellent que, de 2006 à 2011, le déficit structurel s’est dégradé de 2 points de PIB. Qu’on ne vienne pas ici nous faire le procès d’une dérive des comptes publics depuis mai 2012. En 2011, le déficit structurel était encore supérieur à 5 % du PIB.
En 2012, nous avons ainsi ramené le solde structurel au niveau qu’il avait atteint en 2007.
Certains nous parlent de la crise qu’ils auraient affrontée mais, là encore, ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes. Le Premier président vous a signalé le jeudi 27 juin qu’en 2010, plus des deux tiers du déficit public étaient indépendants de la crise et présentaient un caractère structurel et que le déficit structurel était alors d’environ 6 % du PIB. Et certains disent que nous n’en faisons pas assez alors que nous allons, en 2013, le ramener sous les 3 % !
Si le déficit diminue, c’est parce que, dans un contexte économique difficile, nous avons entrepris de très gros efforts structurels. En 2013, l’effort structurel sera de près de 2 points de PIB, permettant de ramener le déficit structurel à son niveau de 2000. En 2014, nous réaliserons un effort structurel d’un point de PIB, reposant à 70 % sur des économies en dépenses qui vont vous être détaillées.
Une fois de plus, écoutons le Premier président de la Cour des comptes,…
…qui, dans sa sagesse, soulignait le jeudi 27 juin lors de son audition : « Notre pays a commencé à redresser sa crédibilité en matière de finances publiques, après une dizaine d’années de non-respect de ses engagements ».
Elle est là, la vérité : ce Gouvernement est celui du sérieux budgétaire, du rétablissement des comptes, après dix ans de laxisme, de ce que M. Balladur qualifiait lui-même dans une interview récente d’indifférence aux déficits. Oui, le sérieux budgétaire, c’est également la maîtrise des dépenses, et, sur ce point également, on entend ici ou là des propos absurdes.
Revenons aux résultats de 2012. Nous avons réalisé une baisse historique des dépenses de l’État, y compris dette et pensions, de 0,3 milliard. Pour ce faire, la gestion 2012 a été exemplaire : nous avons mis en place un surgel de 1,5 milliard d’euros dès le mois de juillet 2012, et les crédits mis en réserve n’ont pas été dégelés en cours d’année, à l’exception des crédits nécessaires à la couverture des dépenses urgentes : bourses et retraites. Nous avons également maîtrisé l’évolution des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM exécuté ayant été finalement inférieur de près de 1 milliard à l’objectif voté par la précédente majorité.
Au final, les dépenses publiques, hors éléments exceptionnels, ont progressé en 2012 de 0,7 % en volume, contre 0,9 % en 2011 et plus de 1,7 % ces cinq dernières années.
Dans ce contexte, il est un peu difficile de comprendre les accusations de laxisme : que cela soit pour les dépenses de l’État ou pour celles de l’assurance maladie, ce Gouvernement a fait mieux que les objectifs que s’était fixés le Gouvernement précédent. La réalité des chiffres, c’est que ce Gouvernement est celui du sérieux budgétaire.
Pour l’année 2013, la dépense de l’État est parfaitement maîtrisée, contrairement à ce que peut indiquer le président Carrez, qui estime le dérapage à 5 milliards.
Comme chaque année, il y a des risques pour le budget de l’État, et cette année également, mais du même niveau que l’an dernier : les risques ont été maîtrisés. Et, la Cour le dit, ces risques sont globalement maîtrisables. Nous avons mis en place la même gestion exemplaire que l’an dernier avec un surgel de 2 milliards dès le début de la gestion et l’absence de dégel des crédits. La Cour n’exprime pas d’inquiétude à ce sujet ; cette gestion permettra de résorber les risques, notre méthode a fait ses preuves en 2012.
Le seul risque serait un nouveau budget rectificatif européen. Si celui-ci est de 1,8 milliard, risque maximal identifié par la Cour, nous ne pourrons alors pas l’absorber en gestion, compte tenu de son montant. Mais quelle serait l’origine de cet éventuel budget rectificatif ? Le rabotage permanent des crédits que vous avez orchestré et que nous devons à présent compenser ! Si encore ce rabotage avait permis de maîtriser la dépense publique quand vous étiez en responsabilité, mais même pas !
Sur l’assurance maladie, le comité d’alerte a récemment estimé qu’il n’y avait pas de risque pour la tenue des dépenses, bien au contraire ; je pense que nous serons en mesure de sous-exécuter l’objectif cette année encore.
Pour l’année 2014, nous avons construit un budget de l’État particulièrement ambitieux, puisqu’il permet de présenter 9 milliards d’économies…
…par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses, et ce grâce à la baisse de 1,5 milliard des dépenses hors dette et pensions. C’est d’ailleurs la première fois qu’un budget est construit sur une base aussi ambitieuse. C’est historique.
Ce résultat a été atteint grâce à une nouvelle méthode de discussion budgétaire, basée sur un échange approfondi sur les objectifs des politiques publiques. La lettre de cadrage a été signée le 8 mars 2013, deux mois plus tôt que les années précédentes, ce qui a permis à chaque ministre de disposer en amont d’un objectif global d’économies. Ont été ensuite tenues, à l’initiative du ministre du budget, des réunions d’économies structurelles avec chaque ministre, qui ont permis de tracer les grandes lignes des réformes à conduire afin d’atteindre les objectifs de maîtrise de la dépense. La procédure classique de réunions budgétaires a permis de décliner les orientations que nous avions retenues entre ministres. Enfin, le Premier ministre a adressé à chaque ministre, le 24 juin, une lettre fixant le plafond de son autorisation de dépenses et d’emplois.
Les 9 milliards d’économies présentées dans ce budget reposent sur un juste partage de l’effort. Les dotations de l’État aux collectivités territoriales baissent de 1,5 milliard par rapport à 2013. Les modalités de répartition de cette baisse ont fait l’objet de nombreux échanges – douze réunions – avec le comité des finances locales et les associations d’élus, afin que cette répartition soit équitable, en fonction du dynamisme de ressources disponibles et de la rigidité des dépenses de chaque niveau de collectivité.
L’effort de maîtrise de la dépense des opérateurs, engagé à l’occasion du budget 2013, est amplifié. En effet, les opérateurs de l’État représentent une part importante de l’action publique, avec notamment plus de 430 000 emplois. Ils bénéficient également de nombreuses taxes affectées. Le rapport de l’inspection générale des finances sur l’État et ses agences, publié en septembre 2012, établit que, à périmètre constant, les effectifs des opérateurs ont crû de 6 % depuis 2007, et leurs moyens financiers provenant de crédits budgétaires ou de taxes affectées, de 15 %.
Le budget 2014 repose sur une inflexion importante de cette tendance, puisque les moyens affectés à ces agences sont, hors Pôle emploi et universités, diminués de 4 %. À titre d’exemple, cette baisse concerne, conformément aux recommandations de la mission MAP relative aux aides aux entreprises, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat ou encore les centres techniques industriels et les centres professionnels de développement économique.
Le budget 2014 marque ainsi les priorités du Gouvernement pour l’emploi, la solidarité, le logement, l’enseignement, la justice et la sécurité. Pour autant, l’ensemble des ministères et des opérateurs, qu’ils portent des missions prioritaires ou non, contribue à la réalisation des économies. Les dépenses de fonctionnement seront en baisse de 2 % par rapport à 2013. Par exemple, les dépenses de fonctionnement des administrations financières seront réduites de 52 millions d’euros ; les dépenses d’entretien immobilier de l’État seront rationalisées et ainsi réduites de 34 millions par rapport à 2013. La masse salariale sera quant à elle quasi stabilisée par rapport à 2012, grâce à des réductions de postes importantes permettant de financer nos priorités, avec comme objectif la stabilité des effectifs sur la durée de la législature.
Ainsi, le budget 2014 prévoit la suppression de 14 400 postes, dont 1 242 dans les opérateurs, dans les secteurs non prioritaires, portant à 28 001 le nombre de suppressions depuis le début du quinquennat, dont 2 545 dans les opérateurs. Tandis que la révision générale des politiques publiques se concentrait sur l’État, avec une logique de non-remplacement aveugle d’un départ à la retraite sur deux, les effectifs des opérateurs ont crû de 6 %. Le Gouvernement a donc entrepris d’infléchir cette tendance et d’associer étroitement les opérateurs à la maîtrise des effectifs publics. Les programmes ministériels de modernisation et de simplification, mis en place dans le cadre de la MAP, permettront de préciser la répartition des baisses d’effectifs, avec une projection à moyen terme des ressources humaines des ministères.
Ce budget portera les priorités du Gouvernement tout en contribuant de façon significative, à hauteur de 9 milliards, au rétablissement des comptes publics. Des emplois seront créés dans les secteurs prioritaires de l’enseignement, de la sécurité et de la justice. Plus précisément, sont prévues en 2014 : 9 984 créations d’emplois dans l’enseignement ; 405 dans la police et la gendarmerie ; 590 pour les justices judiciaire et administrative. Fin 2014, au total, 28 768 emplois auront été créés, correspondant à ces priorités, tout en stabilisant l’emploi public.
Enfin, les moyens de la politique de l’emploi sont augmentés de 1,2 milliard par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques. Ces moyens supplémentaires permettront de financer 110 000 contrats aidés non marchands supplémentaires en 2014 par rapport à la trajectoire du budget triennal, soit 340 000 au total, permettant une stabilisation du flux de création par rapport à la loi de finances 2013 ; 150 000 emplois d’avenir auront été créés d’ici la fin 2014 et 100 000 contrats de génération auront été signés, conformément aux engagements du Gouvernement.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes de cette programmation, une programmation de sérieux budgétaire. Sérieux budgétaire parce que la dépense est maîtrisée, avec des objectifs ambitieux, historiques. Sérieux budgétaire également parce que nous maintenons sereinement notre cap de retour à l’équilibre structurel des finances publiques. C’est la raison pour laquelle nous ne présenterons pas de collectif budgétaire.
C’est par une citation de Montaigne, qui sort certes un peu de son contexte, que sera conclue cette intervention : « Il y a plus de peine à garder l’argent qu’à l’acquérir. »
Sourires.
Montaigne a été un très bon maire de Bordeaux : les comptes étaient équilibrés !
Cette phrase me semble résumer les deux maux dont souffre, en matière de finances publiques, notre pays : l’indifférence aux déficits et, quand l’indifférence s’estompe, la préférence nationale pour l’impôt.
Avec le ministre du budget, ce Gouvernement sera celui du rétablissement des comptes publics, et ce rétablissement, nous le ferons par la maîtrise de la dépense. Nous vaincrons cette espèce de malédiction qui veut que les déficits succèdent aux déficits et que les dépenses s’accumulent sans remise en cause. Le budget que nous vous présenterons dans trois mois sera historique en matière d’économies et de maîtrise de la dépense. Je vous remercie les uns et les autres pour votre attention soutenue et je vous invite à confirmer le vote de la première lecture, en adoptant, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de règlement pour l’année 2012.
J’espère avoir porté avec ferveur et conviction les propos du ministre du budget, M. Cazeneuve, que j’ai bien volontiers remplacé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je serai très bref car Mme la ministre a parfaitement décrit l’état d’esprit du Gouvernement et de la majorité dans la préparation du budget 2014, qui occupera une partie de nos jours et de nos nuits après la pause estivale, et car elle a pointé la responsabilité des uns et des autres dans la situation budgétaire de notre pays.
Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner le projet de loi de règlement du budget, donc l’approbation des comptes de l’année 2012. Nous sommes en nouvelle lecture. Initialement, ce projet de loi comportait neuf articles et, pour la première fois depuis l’adoption de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, un article liminaire, soit au total dix articles. Au cours de l’examen en première lecture, le 2 juillet dernier, notre assemblée a examiné huit amendements, et sept amendements rédactionnels ou de précision ont été adoptés, modifiant trois articles. Le texte transmis au Sénat comprenait donc lui aussi dix articles.
Au Sénat, la commission des finances a adopté le projet de loi sans le modifier, mais le lendemain, le 4 juillet, l’ensemble du texte a été rejeté en séance publique. Le 16 juillet, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait pas parvenir à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion : elle a alors conclu à l’échec de ses travaux. Une telle conclusion était inévitable dès lors que – et ce de façon assez surprenante – les votes qui avaient conduit au rejet du projet de loi de règlement au Sénat répondaient à des préoccupations différentes voire opposées.
S’agissant du contenu de ce projet, je vous renvoie à mon rapport de première lecture, dont j’ai la prétention de dire qu’il est très détaillé. En l’absence d’amendements, la commission des finances a adopté l’article liminaire ainsi que les articles 1er à 9, soit le projet de loi dans son ensemble, identique au projet de loi adopté en première lecture. Il va donc de soi que je vous demanderai, au nom de la commission, de faire de même. Toutefois, je crains que nos collègues sénateurs ne conservent en deuxième lecture la même attitude…
…et que nous n’ayons rendez-vous jeudi, si j’en crois le programme établi en fin de matinée, pour procéder à la troisième lecture de ce projet de loi de règlement. Au-delà du vote du Sénat, qu’il nous faut respecter, se pose la question du sens politique et des conséquences juridiques d’un éventuel rejet de ce projet de loi très particulier qu’est celui de règlement. Je rappelle en effet que celui-ci se borne, pour huit articles sur dix, à constater la réalité des dépenses et des ressources du budget de l’État ou des administrations publiques dans leur ensemble en 2012. L’année 2012 a été une année électorale : aussi les six premiers mois de gestion…
–
j’arrondis –… ont relevé de la responsabilité de l’actuelle opposition et les six mois suivants de celle de l’actuelle majorité. Les affreux cumulards qui subsistent encore sur ces bancs (Sourires)…
…savent que l’adoption d’un projet de loi de règlement équivaut à peu près à l’adoption du compte administratif présenté dans les collectivités territoriales.
Je suis un affreux cumulard, chers collègues…
Qui suis-je pour juger ? Et qui êtes-vous vous-mêmes pour juger ? (Sourires.)
Les deux autres articles sont des dispositions de contrôle dont l’enjeu n’est pas majeur, même si les dispositions proposées sont utiles et nécessaires. Il n’y a donc quasiment aucune marge politique de manoeuvre sur les articles principaux du projet de loi de règlement, y compris sur son article liminaire, à l’exception d’une éventuelle correction d’une erreur matérielle ou d’une erreur de chiffre. Madame la ministre, vous avez également utilement rappelé que la Cour des comptes a certifié les comptes de l’année 2012, ce qui évite toute autre suspicion.
Dans l’article 41 de la LOLF, il est uniquement prévu que le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée, avant le vote par celle-ci en première lecture du projet de loi de règlement de l’année précédente. Il est écrit « avant le vote » et même pas « avant l’approbation » du projet de loi de règlement. La LOLF s’est en revanche bien gardée de préciser quelles conséquences juridiques pourraient s’imposer si le projet de loi de règlement venait à ne pas être adopté. Une chose est certaine : la réalité des chiffres des dépenses et des recettes ne peut pas être modifiée.
En revanche, c’est probablement la question de la concomitance de la discussion du projet de loi de règlement et du débat d’orientation des finances publiques, qui, lui, ne fait pas l’objet d’un vote, qui a été posée par la majorité de sénateurs qui ont rejeté le projet de loi de règlement. Je dois rappeler ici l’intervention utile et charpentée de notre collègue François Cornut-Gentille, qui a développé un certain nombre d’idées, de propositions et de remarques relatives à l’organisation de nos travaux autour de cette adoption concomitante, en quelque sorte, du projet de loi de règlement et du débat d’orientation des finances publiques.
L’inconvénient majeur est d’occulter l’analyse des comptes de l’année précédente, qui pourrait pourtant nous être utile à tous afin d’élaborer au mieux le budget de l’année suivante, et de devoir nous retrouver trois fois – malgré le plaisir que nous avons à être ensemble (Sourires) – pour dire in fine les mêmes choses que lors de la première lecture, quant à l’absence de marge de manoeuvre politique sur un texte qui est un pur constat financier voire comptable.
Dans cette perspective, peut-être faudrait-il réfléchir à un découplage de ces deux sujets, tout en conservant le chaînage vertueux de la LOLF : examiner tout d’abord le passé, qui fait l’objet de la loi de règlement, pour éclairer l’avenir, soit le débat d’orientation. Cela n’aurait pas nécessairement lieu le même jour, puisque cela conduit à une situation relativement étrange. Tout le monde sait en effet que les comptes de l’année 2012 ont été certifiés – qui plus est sur la gestion d’une année politiquement partagée –, mais nous nous retrouvons à nous voir refuser le constat des comptes qui, lui seul, permet l’amorce de l’étude du budget de l’année suivante.
Je n’entrerai pas dans d’autres débats, puisque Mme la ministre a parfaitement redit quel était l’état d’esprit du Gouvernement et de sa majorité dans l’élaboration d’un budget équilibré, avec des économies de dépenses qui sont extrêmement bien documentées, et le retour à un équilibre des comptes publics. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, dans l’enthousiasme de cette fraîche soirée d’été, à adopter ce texte après les interventions qui viendront compléter notre point de vue.
Les lois de règlement ont deux mérites principaux. Le premier mérite est de permettre à notre assemblée de tirer les enseignements des budgets passés. Nous avons longuement discuté de ce projet en première lecture. Annie Girardin avait alors développé plusieurs points : je n’y reviendrai pas. L’autre objectif des lois de règlement est d’approuver ou de rejeter les orientations budgétaires et la politique économique du Gouvernement. Notre assemblée les avait approuvées ; le Sénat les a rejetées : c’est donc sur ces orientations budgétaires que je voudrais revenir.
Tout d’abord, la structure et les objectifs initiaux du budget 2012 reviennent à la précédente majorité. L’effort structurel portait sur 1,1 point de PIB en recettes et 0,3 point de PIB en dépenses. Quel a été in fine le résultat ? Un effort structurel de 1,1 point de PIB en recettes et de 0,1 point de PIB en dépenses, c’est-à-dire des résultats assez proches de ceux visés par l’ancienne majorité – et, en tout état de cause, un même effort structurel en recettes. Début 2012, l’ancienne majorité affirmait que le budget était équilibré. Désormais, celle-ci considère que le budget est mauvais et elle accuse le Gouvernement de « matraquage fiscal ». Avouez que c’est étonnant
D’autres, au contraire, reprochent à l’actuelle majorité de ne pas s’être plus distinguée des objectifs initiaux de l’ancien Gouvernement. Il est toujours aisé, a posteriori, de savoir ce qu’il aurait été mieux de faire ou de ne pas faire. En revanche, il est généralement plus compliqué de ne pas tomber dans l’analyse anachronique d’une situation passée. Nous ne devons jamais perdre de vue les conditions dans lesquelles le Gouvernement actuel a établi les troisièmes et quatrièmes collectifs budgétaires de 2012 : un déficit élevé, des marchés financiers inquiets, une spéculation sur la fin de la zone euro, un doute quant à la capacité réelle de la France à entamer des réformes, enfin, la peur liée à l’arrivée aux responsabilités de la gauche.
Au regard des faits, et uniquement des faits, il est toujours surprenant que les conservateurs s’arrogent un capital de crédibilité supérieur aux autres, alors même que leurs résultats sont mauvais : 7,5 % de déficit public en 2009 ; 7,1 % en 2010 – et l’on parle ici des administrations publiques, pas de partis politiques…
La situation était extrêmement dégradée : il a fallu agir vite, très vite. Il a été décidé de maintenir, coûte que coûte, une réduction du déficit structurel supérieure à 1 point de PIB – objectif auquel nous sommes parvenus. La spéculation d’éclatement de la zone euro s’est évanouie. La dette française a cessé d’être attaquée. Les taux d’intérêt sur la dette ont drastiquement baissé. Bien entendu, l’action du Gouvernement, approuvée par sa majorité, n’est pas la seule à avoir contribué à ce regain de confiance. Mais imaginez un seul instant que le Gouvernement ait décidé de faire autrement, qu’il ait décidé de laisser filer le déficit comme l’ont fait ses prédécesseurs, la situation économique serait-elle meilleure aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. Cela ne signifie pas toutefois que nous devrions conserver cette stratégie à l’avenir – j’y reviendrai.
D’ailleurs, au-delà de cette continuité apparente que certains nous reprochent, la nouvelle majorité a introduit une vraie rupture. Ce changement, c’est la définition de priorités, pas uniquement dans les paroles, mais également par des actes, concrétisés grâce aux orientations budgétaires. L’ancienne majorité avait pris pour méthode de couper les dépenses de façon uniforme – forte d’une justification idéologique qui voudrait que les dépenses soient intrinsèquement mauvaises. Ce n’est pas notre vision. La dépense peut être bénéfique, à condition qu’elle soit maîtrisée et qu’elle réponde à des objectifs et à des besoins réels. En période d’efforts budgétaires, fixer des priorités est plus indispensable encore : pour décider, pour agir, en résumé, pour gouverner.
Pour autant, les orientations pour la fin 2013 et pour 2014, doivent-elles être les mêmes ? S’agissant de la définition des priorités et de la création de marges de manoeuvre budgétaire, la réponse est oui. D’ailleurs, le Gouvernement a souhaité élargir le champ des domaines prioritaires à l’emploi, à la solidarité et au logement. Nous aurons l’occasion de discuter de ces choix et des moyens qui leur sont associés lors du prochain PLF.
En revanche, pour ce qui est de la politique économique en général, il nous faut changer de cap. Le Gouvernement semble d’ailleurs s’engager dans cette voie, ce qui est salutaire. Quels doivent être les aménagements de cette politique économique ? Premièrement, les ajustements budgétaires ne doivent plus se faire au détriment de la croissance. Il est aisé de s’en prendre à la politique monétaire européenne pour expliquer le manque de croissance. Mais la BCE a fait des efforts considérables et il n’est pas certain que sa politique puisse devenir beaucoup plus « hétérodoxe » qu’elle ne l’est déjà. En outre, au vu des bulles créées par la réserve fédérale américaine, il n’est même pas certain que ce serait une bonne chose.
En revanche, la politique budgétaire menée dans l’ensemble des pays européens doit être ajustée. En particulier, il est nécessaire que les efforts structurels portent sur une diminution des dépenses, et non pas sur une augmentation des recettes. Les députés du groupe RRDP avaient d’ailleurs mis en garde le Gouvernement à ce sujet lors du dernier projet de loi de finances.
En outre, les coupes budgétaires ne doivent pas porter sur les dépenses qui peuvent être le plus facilement diminuées, mais elles doivent intervenir là où ces dépenses sont le moins efficaces – cela suppose du temps.
C’est pourquoi il est nécessaire d’adapter le rythme de réduction du déficit public, en particulier pour 2013, alors que les prévisions de croissance – et partant les recettes des administrations publiques – sont à la baisse. L’adaptation du rythme de consolidation budgétaire est une bonne chose, comme viennent de l’entériner les ministres des finances du G20. Mais il ne faudrait pas que le déficit en 2013 dévie trop de la trajectoire actée dans le programme de stabilité. Dans le cas contraire, l’effet base en 2014 risquerait d’être difficile à rattraper sans une forte augmentation des recettes.
En 2014, précisément, le Gouvernement est décidé à faire reposer les efforts de maîtrise budgétaire sur les dépenses. Nous pouvons nous en réjouir, même si aujourd’hui – et ce malgré les premiers éléments budgétaires qui nous ont été communiqués – nous avons quelques inquiétudes quant aux mesures prises pour réduire les « mauvaises » dépenses – c’est-à-dire celles qui sont inefficaces – et sécuriser les bonnes.
Les rapports d’évaluation de la MAP sont publiés au compte-gouttes et il ne semble pas que les administrations centrales mettent beaucoup d’ardeur à engager de véritables réformes organisationnelles, seules à même de dégager des économies substantielles et durables. Ces réformes ne doivent pas seulement se faire là où des économies sont attendues pour financer les priorités gouvernementales. Il nous semble indispensable que des réformes profondes soient aussi conduites là où les budgets sont renforcés ou préservés. Cela est vrai pour Pôle emploi, comme pour l’éducation nationale ou pour la politique du logement. Les meilleures réformes sont souvent celles qui se font avec un budget en hausse. Nous aurions tort de ne pas saisir les opportunités là où des marges de manoeuvre ont été créées.
Malheureusement – mais peut-être pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des informations complémentaires –, il ne semble pas que les réformes les plus conséquentes soient menées là où l’on réinjecte le plus de moyens financiers.
L’autre inquiétude que nous avions évoquée en première lecture est suscitée par le flou qui existe autour de la politique d’investissement. L’investissement n’apparaissait pas comme l’une des priorités budgétaires du Gouvernement, ce que nous regrettions. Dans son rapport sur la gestion budgétaire de l’État en 2012, la Cour des comptes mettait en garde contre le redéploiement de crédits issus du programme des investissements d’avenir vers des postes de dépenses sans lien avec les objectifs du programme.
Le Premier ministre a depuis lors apporté des réponses : 12 milliards d’euros supplémentaires viendront abonder le financement du programme des investissements d’avenir et huit grands domaines d’intervention seront concernés, parmi lesquels la recherche et l’innovation, la transition énergétique ou l’économie numérique. Ces investissements encouragent les partenariats entre le public et le privé, notamment s’agissant du financement. Toutefois, l’effet de levier attendu sur l’investissement privé ne pourra être pleinement satisfait que si le message et la volonté du Gouvernement sont lisibles et univoques.
De manière générale, il est nécessaire que le projet de loi de finances, qui sera présenté en septembre, soit le plus clair possible. Les orientations prises devront être exposées avec cohérence par rapport à ce qui a déjà été réalisé. Si cela n’était pas le cas, nos concitoyens risqueraient de ne pas comprendre l’action gouvernementale et de la rejeter. La concertation est nécessaire pour mener des réformes durables, mais elle tend à brouiller les messages. Le projet de loi de finances offrira l’occasion de consolider les initiatives prises ou annoncées depuis un an. Ce sera en effet la première loi de finances dont l’actuel Gouvernement aura maîtrisé toutes les étapes de fabrication. Nous en espérons donc beaucoup et nous serons vigilants. Dans cette attente, les députés du groupe RRDP sont bien évidemment favorables à ce projet de loi de règlement.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, j’espère que chacune et chacun d’entre vous a conscience de vivre, avec cette séance de deuxième lecture du projet de loi de règlement et d’arrêté des comptes de l’État pour l’exercice 2012, un moment historique.
Aussi loin que je sois remonté, c’est-à-dire depuis au moins quinze ans, je n’ai pas trouvé trace d’un échec d’une commission mixte paritaire sur le règlement du budget, donc d’une deuxième lecture. Il doit y avoir une raison extrêmement grave – dont j’attends que l’opposition me donne son explication –, mais je vais y revenir.
Non seulement c’est un moment historique, mais en plus cette séance est tout à fait surréaliste… Je rappelle que ce texte n’a fait l’objet que de huit amendements en première lecture à l’Assemblée – le rapporteur général en a parlé –, dont sept rédactionnels, et d’aucun au Sénat, et qu’il n’y en a pas plus en seconde lecture.
J’ajoute que les comptes qui nous sont présentés ont été certifiés par la Cour des comptes, pour la septième année consécutive, avec une levée de réserves que mes précédentes fonctions de conseiller-maître à la Cour me permettent de qualifier d’historique. Cela montre bien que les comptes sont à la fois justes et sincères.
Le rapporteur général a évoqué le rejet du texte, et j’ai lu les comptes rendus du Sénat : quelle ne fut pas ma surprise de me rendre compte que chacun des dix articles avait été successivement adopté, et puis que l’ensemble du texte avait été rejeté. Il s’agit donc bien d’une situation surréaliste puisqu’il n’y a pas objet à un deuxième débat, pas d’amendements, pas de désaccord sur les chiffres.
En fait, nous avons assisté à une conjonction de volontés politiques contraires au Sénat : d’une part, celle du groupe CRC, qui s’est abstenu par désaccord avec la politique poursuivie, et si un des membres du groupe GDR était présent aujourd’hui, je lui aurais volontiers demandé lequel des trois chiffres – total des dépenses, total des recettes et solde – leur posait problème, et si c’était le solde, quel niveau ils auraient souhaité ; quant à la droite, UMP et UDI confondues, nous assistons de sa part à une tentative malheureuse de diversion et de confusion sur la discussion budgétaire.
Cela renvoie, mon cher collègue, à votre échec, à la situation dans laquelle vous et les vôtres avez laissé les finances publiques du pays, ce qui sera votre responsabilité historique.
Je rappelle les critiques générales de la droite sur ce projet de loi de règlement.
La première porte sur la transparence, alors que l’ensemble des débats apportent la preuve d’une totale transparence – et s’il faut revenir jeudi en troisième lecture, nous le ferons parce que nous n’avons rien à cacher. Je rappelle que le Gouvernement a révisé les prévisions macroéconomiques en juin, puis les adaptées pour le projet de loi de finances pour 2013, et révisées dans le cadre du programme de stabilité. Le groupe SRC n’a donc pas peur d’un nouveau débat !
La deuxième critique porte sur la sincérité des comptes : la réponse se trouve dans leur certification par la Cour des comptes.
Quant aux résultats pour 2012, cela vous gêne-t-il que nous ayons atteint, malgré une conjoncture bien plus dégradée que ce que vous aviez prévu, l’objectif d’effort structurel fixé ? Vous parlez à ce sujet, monsieur le président de la commission des finances, d’un matraquage fiscal, mais dois-je vous rappeler que 30 milliards d’impôts supplémentaires ont été votés de 2007 à 2012, alors que vous étiez rapporteur général, et que les ministres de l’époque prévoyaient cette année-là, dans le programme de stabilité présenté à la Commission européenne, encore 20 milliards de plus pour amener le taux de prélèvements obligatoires à 45,8 % du PIB ? Dois-je aussi rappeler qu’en 2012, les deux tiers des quelque 22 milliards d’impôts supplémentaires ont été votés sous votre majorité ?
Une troisième critique porte sur l’exécution du budget en 2013. Là encore, je suis au regret de constater que le novice que je suis à la commission des finances doit à chaque fois rappeler à son président, alors celui-ci était déjà commissaire, ce que disait en 1999 le président Marini au Sénat : « la loi de règlement est un exercice comptable qui n’appelle pas de commentaires particuliers, son adoption ne valant pas pour autant approbation de la politique budgétaire du Gouvernement. » Il avait invité à l’époque la commission des finances du Sénat à adopter le projet de loi de règlement voté par l’Assemblée.
Je tiens à rappeler qu’une loi de finances est un acte d’autorisation budgétaire, ce qui n’a rien à voir avec la notion de vérité des comptes qui relève, elle, des règles de la comptabilité générale. Vous avez même été jusqu’à dire en première lecture, monsieur le président Carrez, qu’il fallait faire des lois de finances rectificatives sans pour autant baisser les dépenses ou augmenter les recettes… On se demande vraiment alors à quoi cela sert, c’est tout à fait inutile.
Ça sert à prouver la sincérité des comptes, monsieur le membre de la Cour des comptes détaché à l’Assemblée nationale !
En conclusion, je souligne qu’il y a quelque indécence de la part de la droite, qui n’a pas encore réalisé son devoir d’inventaire sur la politique budgétaire qu’elle a suivie de juin 2002 à juin 2012. Les choix faits depuis, tant sur la trajectoire de redressement des finances publiques et sur l’engagement de la réforme fiscale, que sur la modernisation de l’action publique et la baisse des dépenses publiques, s’inscrivent dans une logique qui prévaut aujourd’hui au plan international : je rappelle que le G20 de vendredi dernier a clairement affirmé que la priorité était aujourd’hui au soutien à la croissance et à la création d’emplois, et pas à l’austérité. Nous nous retrouverons dans cet hémicycle à l’automne, avec un projet de loi de finances pour 2014 qui s’inscrira dans une trajectoire de redressement des finances publiques préparant la croissance et donc préservant l’emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, j’ai trouvé que l’orateur précédent, inscrit pourtant dans cette discussion générale par le groupe socialiste, n’avait pas été très aimable avec vous puisqu’il regrette, au-delà de l’enjeu du projet de loi de règlement, une certaine confusion dans la discussion. Pourtant votre propos assez complet, en tout cas sur un plan général, n’était pas inintéressant. Il avait une portée beaucoup plus large que ce seul texte, et un peu d’articulation et de mise en cohérence aurait été utile à cet égard, mais je n’aurais pas été aussi sévère que l’orateur socialiste sur la forme. Sur le fond, j’ai trouvé que votre propos, madame la ministre, exprimait une forme de satisfaction tranquille… qui contrevient à la réalité des choses, à la réalité de l’exécution du budget 2012, à celle du budget 2013 pour ce que nous en savons, et à la réalité des perspectives de 2014. Peut-être l’arrivée à l’instant du ministre du budget amènera-t-elle le Gouvernement à davantage de modestie,…
Sourires.
…mais je n’en suis pas sûr car vous me semblez bien solidaires l’un et l’autre dans une analyse qui manque singulièrement de lucidité.
Madame la ministre, s’agissant de l’exécution 2012, vous avez beaucoup cité la Cour des comptes. C’est toujours intéressant, mais je vous rappelle qu’elle a fait explicitement le constat que l’amélioration du déficit cette année-là était « modeste en comparaison de l’exercice précédent », et c’est bien un des problèmes dans lesquels vous nous avez précipités. Certes, et je l’ai dit avec ma liberté à moi dans la législature précédente comme je le redis aujourd’hui, on peut trouver que l’amélioration de la situation financière alors engagée avait été trop lente, que le Gouvernement d’hier avait parfois eu la main excessivement lourde en termes d’augmentation de la fiscalité et l’audace un peu restreinte en termes d’économies de dépenses, mais la Cour des comptes a constaté que cet effort, même s’il était insuffisant, vous l’avez ralenti. Les chiffres sont clairs : amélioration du déficit de 14 milliards en 2011, et de seulement trois milliards et demi en 2012.
Et puis 2012, je dois, hélas, le rappeler, a été l’année des augmentations d’impôts : 22 milliards. Le début de l’année avait-il été parfait à cet égard ? La réponse est non. Mais la fin de l’année a malheureusement aggravé les choses considérablement, et à un moment où il n’y avait plus la possibilité de continuer à augmenter les impôts. On voit ainsi dès 2012 apparaître à la fois dans les données comptables et dans les comportements sociaux et politiques ce qui se poursuit cette année et continuera sans doute encore en 2014 : des rendements décroissants et des problèmes nouveaux de consentement à l’impôt, quand ils ne sont pas purement et simplement de l’ordre de la révolte fiscale.
De plus, on a vu en 2012 une augmentation de dépenses mal dessinée et mal orientée, avec ce qui est le péché originel de votre législature : le choix, vous l’avez bien expliqué, madame la ministre, de rompre avec la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, alors que le choix d’alors n’était pas aveugle. On pourrait reprocher à la politique de l’époque qu’une trop grande part des sommes ainsi dégagées avait ensuite été consacrée à des dépenses catégorielles, mais vous avez fait le choix de privilégier des recrutements dans des secteurs parfois contestables et qui ne sont pas toujours réalisables au niveau adéquat. Nous sommes donc, depuis juin 2012, devant le choix du Gouvernement de satisfaire ses clientèles électorales. La réalité est là : vous ne menez pas une politique budgétaire, mais une politique de finances publiques qui vise à vous créer le moins de difficultés possible avec Bruxelles, et qui est surtout destinée à satisfaire une certain nombre de clientèles électorales dont vous jugez pour notre pays la satisfaction prioritaire. Peut-être aurez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, l’intelligence ou tout simplement le bon sens politique de corriger cette erreur initiale au fil des budgets à venir. Je le souhaite, mais vous n’en avez pas donné l’indice jusqu’à présent.
Madame la ministre, vous avez aussi évoqué l’exécution de l’année 2013. J’ai fait plusieurs remarques, début juillet, au ministre du budget, qui n’y a pas tout à fait répondu. Je les répète donc, d’autant plus que vous avez abondamment cité la Cour des comptes, madame la ministre : dans ses critiques, la Cour des comptes note sa difficulté à accéder à l’analyse de l’exécution budgétaire 2013. Ses critiques, monsieur le ministre, sont sévères : accès ni aux prévisions d’exécution budgétaire de la direction générale du Trésor, ni aux prévisions d’exécution de la direction du budget, ni même à l’information des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels. Cela fait tout de même beaucoup – ou plus exactement peu ! – pour des éléments d’information auxquels la Cour des comptes avait le droit d’avoir accès. Je constate qu’elle s’était félicitée d’avoir eu en 2012 un meilleur accès que précédemment aux modalités de l’exécution budgétaire et que, hélas, en 2013, cela s’est dégradé.
L’année 2013 marque aussi la poursuite, hélas encore, de l’augmentation des impôts, à hauteur de 24 milliards. Vous avez évoqué, madame la ministre, les années antérieures, mais on doit bien constater un manque d’ambition de l’exécutif s’agissant de l’évolution de l’ONDAM.
Et puis venons-en à une question que le président de la commission des finances a souvent évoquée : celle du collectif budgétaire. Il ne s’agit pas de notre part, président de la commission ou groupe UMP, d’une quelconque bigoterie budgétaire : il s’agit simplement d’un souci de sincérité des finances publiques. Vous répondez en évoquant le programme de stabilité, mais celui-ci ne vaut pas loi de finances. Le ministre du budget avait eu une expression très ambiguë en commission qui semblait laisser penser qu’il fallait se donner la discipline de l’absence de collectif pour ne pas augmenter les impôts, faute de quoi on serait forcé de le faire. Mais vous pourriez avoir la vertu de ne pas les augmenter – je veux dire pas davantage encore que ce que vous avez programmé – tout en ajustant le droit budgétaire à la réalité du contexte de notre pays, à l’évolution du cadre économique que vous avez vous-même reconnue et aux données que vous avez transmises à Bruxelles. Il vous est peut-être possible de faire preuve d’autant de sincérité à l égard des Français qu’à l’égard des autorités européennes.
En 2014, hélas, l’augmentation des prélèvements s’est poursuivie. Nous avions entendu votre prédécesseur, monsieur le ministre, nous dire qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts. Nous avons même entendu le Président de la République le dire, parfois en employant la restriction mentale, formule rhétorique très pratiquée par l’actuel exécutif, du type : pas d’augmentation d’impôts…
…pour le moment ou pour la suite de l’année. Chacun a compris alors que le pire était à craindre pour un peu plus tard.
Je n’augmente pas les impôts, sous-entendu : aujourd’hui et demain, nous verrons bien. C’est ce que le Président de la République a avoué à plusieurs reprises : une augmentation d’impôts qui s’annonce injuste, avec en particulier l’augmentation du quotient familial. Manifestement, vous avez beaucoup contre la famille : le quotient familial et, si je lis bien la presse, les intentions malignes de Mme Touraine et du Gouvernement dans la mise en cause des droits familiaux s’agissant du calcul des retraites.
Sur bien des terrains, de bien des manières, les familles ont beaucoup à craindre et déjà beaucoup à regretter de la majorité et du Gouvernement actuels.
Venons-en à la fiscalité locale et à cette affaire d’augmentation à venir des droits de mutation. Qui imaginait cela ? Qui attendait cela ? Dans l’état actuel du marché de l’immobilier, est-ce une décision bien raisonnable ? Faut-il à ce point encourager l’augmentation de la recette locale et des impôts locaux ?
Vous nous honorez de votre présence madame la ministre de la décentralisation et monsieur le ministre du budget, il serait intéressant que vous nous expliquiez, d’un point de vue budgétaire et en termes de stratégie des collectivités locales, si cette augmentation des droits de mutation était vraiment une si bonne idée.
Nous restons hélas, en 2014, avec une stratégie très insuffisante en matière d’économies. Le Gouvernement a évoqué un effort sur les opérateurs, c’est intéressant, plutôt nouveau et indice d’une bonne évolution. Chacun aura cependant entendu votre propos, madame la ministre, et remarqué cet extraordinaire talent avec lequel vous semblez concentrer l’effort sur les opérateurs qui sont le plus éloignés de vos clientèles.
Lors de la discussion budgétaire de 2012, nous avions cité des exemples sur lesquels vous pourriez prospérer ou plus exactement faire des économies. De quoi nous parle-t-on principalement aujourd’hui ? De ceux qui sont le plus en rapport avec le milieu économique, avec la vie économique de notre pays : les chambres de commerce et d’industries ou les centres techniques industriels.
Oui, je conclus. Vous avez beaucoup insisté, disais-je, sur les ajustements structurels. Je vous rappelle cette vérité d’évidence : c’est l’ensemble des déficits et de la dette ainsi accumulée que notre pays devra un jour rembourser qu’elle soit structurelle ou conjoncturelle.
Quelle est votre politique budgétaire car, au fond, on a le sentiment que vous tenez un discours de vertu relative quand vous êtes devant la commission des finances et dans des débats strictement budgétaires et que, devant le reste de votre majorité, c’est hélas la logique de la dépense et le dérapage de l’impôt qui demeurent les points cardinaux de votre politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, madame la ministre, depuis votre arrivée au pouvoir, force est de constater qu’aucun texte budgétaire n’aura échappé au rejet de votre majorité totalement disloquée au Sénat. Monsieur Lefebvre, il aurait fallu que vous remontiez plus loin dans vos recherches, jusqu’en 1985, pour trouver une nouvelle lecture de la loi de règlement. Depuis 1985, il n’y en a pas eu. Ce doit être un effet du changement. Les députés du groupe UDI soutiennent les sénateurs qui, dans leur sagesse, se sont opposés à un texte qui ne fait en réalité que prendre acte des dégâts causés à notre pays par la politique du Gouvernement.
Que dire de l’année 2012, sinon qu’elle fut celle d’une forte désillusion pour des millions de Français et de Françaises ? Ce Gouvernement, chacun le sait, a multiplié les renoncements.
Le premier renoncement concerne le déficit et les chiffres du déficit. Alors que vous aviez annoncé qu’il serait réduit à 4,5 % du PIB, il a été de 4,8 %. Certes, partant d’un taux de 5,3 %, vous l’avez réduit de 0,5 %, mais vous devez à la majorité précédente une partie de ces résultats.
Je regrette que Mme Escoffier soit partie parce que, concernant la dette structurelle, je voulais la renvoyer au document de la Cour des comptes auquel elle avait fait référence. Pour ma part, j’adore cette lecture. En page 7 de ce document, il est écrit que l’effort de réduction de la dette structurelle a été significatif – 1,1 % de PIB – mais seulement du fait de l’importance des mesures de hausse des prélèvements obligatoires. S’il n’y avait pas eu ce matraquage fiscal, il n’y aurait pas eu cette baisse significative de la dette structurelle. C’est mieux de l’entendre de la bouche de Didier Migaud que de celle d’un député de l’opposition.
Il y a renoncement sur les prévisions de croissance : François Hollande promettait 0,5 % de croissance, celle-ci aura finalement été nulle.
Il y a renoncement aux économies sur la dépense publique car ce n’est pas à vous que l’on doit la majeure partie de la réduction des dépenses publiques mais bien à la majorité précédente. Citons encore Didier Migaud : « La Cour constate en la matière qu’une part de ces économies repose sur l’effet en 2013 des mesures prises sous la législature précédente dans le cadre de la RGPP, en particulier des réductions d’effectifs opérées en 2012. »
Il y a renoncement sur la compétitivité : vous avez préféré votre boîte à outils à l’arsenal proposé par Louis Gallois.
Il y a renoncement sur le pouvoir d’achat, puisque celui-ci a enregistré une baisse historique de 0,9 % en 2012. Il est vrai que le chômage avait augmenté – un million de chômeurs supplémentaires – pendant la précédente législature. Vous le dites souvent et je vous en donne acte. Cela résulte, il est vrai, de deux crises et certainement de mesures que nous n’avons pas su prendre pour améliorer la compétitivité des entreprises…
…alors que le groupe UDI auquel j’appartiens avait été force de proposition. Mais l’heure n’est plus seulement à faire un inventaire, il s’agit de répondre à ceux qui sont frappés par le drame du chômage.
En une seule année, le nombre de chômeurs a augmenté de 400 000. Loin de baisser grâce à vous, il s’est envolé. Le groupe UDI n’aura pourtant pas cessé de vous dire que votre boîte à outils n’était pas à la hauteur de la crise et qu’il ne fallait pas vous y accrocher. Vous n’avez toujours pas défini de cap et, comme dit le Premier ministre : « on verra à la fin de l’année. »
Nous ne voulons pas attendre la fin de l’année puisque le 9 septembre prochain nous avons rendez-vous avec le Président de la République qui, le 9 septembre 2012, s’était donné une année pour inverser la courbe du chômage. Rendez-vous donc le 9 septembre prochain, date à laquelle vous devrez répondre des résultats de votre politique. J’ai été un peu surpris d’entendre ce matin annoncer 100 000 formations pour des emplois non pourvus.
On voit bien que tout cela va servir à masquer une augmentation du chômage ou à commencer à amorcer sa diminution. La ficelle est un peu grosse.
Monsieur le ministre, par idéologie, vous avez refusé la TVA compétitivité. Dans vos rangs, tout le monde estimait que la TVA ne devait pas augmenter pour ne pas alimenter l’inflation. Vous avez finalement l’intention d’appliquer nos propositions et d’augmenter la TVA de 0,4 point. Dommage que le rapporteur général soit parti, lui qui demandait une augmentation de 0,8 point, voire un peu plus. Il est étonnant que ce qui était critiquable soit devenu souhaitable
Vous avez donc décidé de considérer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi comme une recette miracle. Vous savez très bien que, même s’il est important, cet outil n’est pas à la hauteur des enjeux. Certains le disent clairement, notamment le rapporteur général. Lors de la séance de questions, notre collègue Grandguillaume a expliqué qu’il y avait une mainmise de certains grands groupes industriels sur le CICE, ce qui montre qu’il y a matière à s’interroger.
Vous avez également fait preuve de dogmatisme en infligeant une sanction aux 9,5 millions de salariés qui faisaient des heures supplémentaires et qui voient leurs salaires se réduire et leurs impôts augmenter.
Nous avons eu raison de ne pas croire le Premier ministre lorsqu’il disait, la main sur le coeur, que neuf Français sur dix seraient épargnés par les hausses d’impôt.
« Les classes populaires et les classes moyennes seront épargnées », disait-il. « Mon Gouvernement ne sacrifiera pas le pouvoir d’achat des Français, notamment des plus modestes. » Vous connaissez la réponse, je vous l’ai donnée.
Le pouvoir d’achat baisse. Celui des 9,5 millions de salariés qui effectuaient des heures supplémentaires et qui perdent en moyenne 500 euros par an ou celui des 10 millions de salariés qui subissent de plein fouet l’augmentation du forfait social. Celui des 16 millions de foyers frappés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu et des familles qui paieront plus d’impôts à la suite de la remise en cause du quotient familial. Celui des retraités qui se sont vu appliquer une double peine : 0,3 % d’imposition supplémentaire et baisse de la retraite complémentaire. On invente pour eux un nouveau mot – on désindexe – que ceux de ma circonscription ne comprennent pas : ça baisse, disent-ils. Celui des 2,5 millions de travailleurs indépendants dont les cotisations sociales sont augmentées de plus d’un milliard d’euros.
Il est vrai qu’il est plus facile d’augmenter les impôts que de s’attaquer aux réformes de fond, notamment à la réduction des dépenses publiques. J’aimerais que l’on s’arrête une seconde sur cette baisse des dépenses publiques. Vous n’aimez pas que je vous en parle, monsieur le ministre, mais je suis tenace.
Vous êtes surtout de mauvaise foi !
Les dépenses publiques sont passées de 1 150 milliards d’euros en 2011 à 1 180 milliards, toutes dépenses confondues. La différence c’est 30 milliards !
Vous qui n’avez que le mot transparence à la bouche, vous pouvez le dire comme vous voulez, les chiffres ont la tête dure. Ces dépenses ont augmenté de 30 milliards d’euros. Votre collègue, Mme Escoffier, nous a dit tout à l’heure qu’un effort de 9 milliards serait fait en 2013. Faisons un peu de calcul mental : si c’est le cas, avec une dérive naturelle de 30 milliards, cela veut dire qu’à la fin de l’année il faut s’attendre encore à 20 milliards de dépenses complémentaires.
D’ailleurs, les résultats que vous revendiquez s’expliquent par un artifice grossier, selon le rapporteur général dont les propos sont toujours très sensés : vous n’intégrez pas les dépenses exceptionnelles dans vos calculs. À nos yeux, vous n’avez donc pas fait le choix courageux d’une diminution des dépenses publiques.
La politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été balayée d’un revers de main, alors que la modernisation de l’action publique n’a pas encore trouvé sa traduction concrète, hormis le fait que nous ayons perdu un ministre en ligne. Vous avez d’ailleurs reconnu que la RGPP avait permis de faire 12 milliards d’euros d’économies en cinq ans, ce dont je vous donne acte.
Près de 30 milliards d’impôts supplémentaires en 2013 : voilà la facture pour les ménages et les entreprises qui payent cher cette politique. J’ajoute, à la suite d’Hervé Mariton, que nous attendons beaucoup de 2014. Quand le Président de la République prend la parole, j’écoute et je regarde. Nous n’augmenterons pas les impôts en 2014, avait-il dit. Or, j’ai constaté le 14 juillet qu’il était un peu moins sûr.
Nous les augmenterons si c’est nécessaire et dans la justice, a-t-il dit.
Nous prenons acte et nous ferons le bilan ensemble.
Le groupe UDI vous alerte solennellement, monsieur le ministre : si vous faites le choix d’augmenter encore les prélèvements obligatoires, la croissance ne reviendra pas. Malgré la baisse des prévisions de croissance et le dérapage annoncé du déficit, le Gouvernement essaie de dissimuler la réalité budgétaire en refusant de présenter ce collectif budgétaire. Vous vous en êtes expliqué mais nous ne sommes pas d’accord avec votre vision.
Notre volonté n’est pas de chercher la polémique stérile. Vous le savez et vous ne pouvez pas nous en faire le reproche car nous avons voté pour les emplois d’avenir et la sécurisation de l’emploi. S’agissant des contrats de génération, nous vous avons fait des propositions que vous n’avez pas retenues, ce qui nous a conduits à nous abstenir sur ce texte.
Jean-Louis Borloo vous a récemment proposé un programme de redressement national sur lequel le Premier ministre avait consulté l’ensemble des formations politiques. Aucune de nos dix décisions n’a été retenue à ce jour.
Les résultats, à un moment où il faut bien commencer à vous juger et à évaluer votre politique, ne sont pas au rendez-vous.
Le groupe UDI votera contre ce projet de loi de règlement pour vous signifier notre opposition à la politique que vous conduisez. Il est grand temps de fixer un nouveau cap, d’essayer d’enrayer le déclin industriel…
Et non, monsieur Lefebvre. Il est grand temps d’arrêter de prétendre baisser les dépenses publiques…
…lorsque, tous organismes confondus, elles passent de 1150 à 1180 milliards d’euros. Comment financerez-vous le CICE et la transition écologique ? C’est sur cela que nous vous attendons et surtout que les Français vous attendent.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur le caractère un peu ubuesque de cette nouvelle lecture, parfaitement souligné par mes collègues Christian Eckert et Dominique Lefebvre.
Cette loi de règlement correspond au premier exercice sur lequel la nouvelle majorité a pu imprimer sa marque. Nous étudions donc aujourd’hui, en nouvelle lecture, les premiers résultats de la gestion de la nouvelle majorité. Et 2012 aura vu un tournant dans la politique budgétaire qui peut se résumer en trois points : réduction du déficit public, maîtrise de la dépense publique et redressement de la justice fiscale.
En premier lieu, il faut souligner que l’effort de réduction des déficits a été extrêmement significatif en 2012. Au regard des chiffres de l’exécution de l’année passée, personne, et surtout pas l’ancienne majorité au vu de ses résultats pendant dix ans, ne peut nier que c’est la première fois qu’un tel effort est fait : 1,1 point de baisse en structurel, 0,5 point en nominal. Le déficit public sera passé de 5,3 % du PIB en 2011 à 4,8 % en 2012.
Les chiffres en témoignent, ce résultat, nous y sommes parvenus par la maîtrise des dépenses publiques contrairement à ce que peut dire l’opposition. Si l’on se rapporte aux chiffres, l’effort que nous venons de mener se traduit par un retournement de tendance historique avec une baisse de 0,3 milliard d’euros des dépenses de l’État. Et l’ensemble des dépenses publiques, y compris celles de la Sécurité sociale et des collectivités locales, n’aura progressé en volume que de 0,7 % en 2012, un chiffre à comparer avec l’augmentation de plus 1,7 % des dépenses publiques que l’on a connue en moyenne au cours des cinq dernières années. La maîtrise des dépenses publiques n’est donc pas, pour la majorité, un slogan de campagne.
Côté recettes, et cela me semble le plus important, les objectifs de réduction des déficits publics auront été atteints par le rétablissement de la justice fiscale, inversant la tendance observée au cours de la précédente législature. Les recettes de l’impôt sur le revenu auront ainsi augmenté de 15,6 % grâce au renforcement de la progressivité de cet impôt. Bien sûr, il faudra continuer à le faire évoluer pour le rendre plus progressif, supprimer les niches fiscales dont il est encore truffé, continuer à le rapprocher de la CSG pour, enfin, fusionner ces deux impôts en un prélèvement à la source, mais un pas a été fait en 2012.
Toujours dans le souci de rétablir la justice fiscale, l’impôt de solidarité sur la fortune est le prélèvement qui a le plus augmenté, avec une hausse de 16 %, notamment grâce à la mise en place d’une contribution exceptionnelle sur les patrimoines les plus importants.
Les recettes nettes de l’impôt sur les sociétés auront enfin également augmenté, passant de 39,1 milliards d’euros en 2011 à 40,8 milliards en 2012.
Tous les impôts ont donc progressé, tous sauf un : la TICPE, la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques. Et pour cause ! Comme nous l’avons déjà souligné en première lecture, la baisse temporaire de trois centimes sur les carburants, mise en oeuvre de septembre à décembre 2012, aura coûté 400 millions d’euros à l’État. Elle aura donné un signal contradictoire à nos concitoyens sur la transition énergétique, et son efficacité sur le pouvoir d’achat des Français a été mise en doute par l’étude de la CLCV, puisqu’elle aurait en fait surtout permis aux raffineurs et aux distributeurs d’améliorer leurs marges sur le gazole de deux centimes, donc d’accroître leurs bénéfices déjà importants.
Mais, au-delà de cette baisse de la fiscalité énergétique, le principal constat que nous faisons est clair : l’effort budgétaire aura été très rigoureux en 2012, à la fois côté recettes et côté dépenses publiques, très rigoureux, et sans doute même trop rigoureux, car il aura nettement contribué à l’approfondissement de la crise. La croissance a, ainsi, été nulle en 2012 avec un effet négatif de la consolidation budgétaire estimé à 0,8 point de PIB par l’INSEE. Et les conséquences se poursuivent en 2013. Le PIB a reculé de 0,2 % au premier trimestre 2013, et, au total, nous devrions constater une diminution du PIB de 0,1 % sur l’ensemble de l’année.
Cette situation se traduit par une augmentation continue du chômage, estimé à 10,8 % au premier trimestre 2013, mais le plus inquiétant ce sont les chiffres du chômage de longue durée, qui montrent que la crise s’installe. Au cours de l’année 2012, le chômage de longue durée a progressé de 15 %, une augmentation deux fois plus rapide que celle du nombre du reste des chômeurs. Ainsi, 40 % des demandeurs d’emploi en France sont en inactivité depuis plus d’un an, une situation dramatique qui ne se réglera pas si nous poursuivons ces politiques de restrictions budgétaires sévères.
Le Président de la République nous dit que, désormais, la reprise est là, mais les prévisions sur le marché de l’emploi ne s’améliorent pas ; avec une prévision de croissance du FMI de - 0,2 %, en 2013, l’INSEE prévoit, en effet, que le chômage va continuer à augmenter pour atteindre 11,1 % à la fin de l’année 2013. L’investissement des entreprises, autre moteur interne, devrait, lui, continuer de reculer.
L’effet de la politique de réduction des déficits ne doit donc pas être sous-estimé. Comme nous l’avons souligné, en 2012, l’effet de ces politiques d’austérité a eu un impact de 0,8 point sur la croissance, et les restrictions budgétaires de 2013 auront certainement un effet encore plus important sur le PIB. La politique budgétaire menée en 2013 pourrait ainsi se traduire par deux points de croissance en moins. Dans un contexte où tous les États européens mènent ce type de politique, on le sait, les multiplicateurs budgétaires ont été largement sous-évalués, de l’aveu même du FMI. Résultat : chaque euro de dépense publique non effectué pèse pour plus d’un euro sur l’activité, avec les conséquences qui s’y attachent en termes de rentrées fiscales. C’est un véritable cercle vicieux puisque, du coup, les comptes publics ne se redressent pas autant qu’on le souhaiterait.
Dans cette situation, il serait irresponsable d’attendre un hypothétique retournement de la conjoncture. C’est le volontarisme et l’investissement qui permettront de préparer l’avenir et de relancer l’activité durablement avec des emplois pérennes et non délocalisables.
Le projet que nous vous proposons, monsieur le ministre, c’est de bâtir ensemble un nouveau modèle de développement, adapté aux défis environnementaux du vingt-et-unième siècle. Les groupes parlementaires écologistes au Sénat et à l’Assemblée vous ont conjointement fait des propositions très précises en ce sens pour le budget 2014.
Pour nous, le budget 2014 doit être ambitieux et cohérent. Il doit traduire un projet de reconquête de l’emploi et de protection de notre environnement.
Il doit donc être marqué par plusieurs orientations majeures.
La première d’entre elles, c’est l’augmentation du budget de la mission « écologie », qui doit traduire la priorité que le Gouvernement accorde aux objectifs environnementaux.
La deuxième, c’est la baisse de la TVA, notamment avec l’instauration d’un taux réduit à 5 % pour les actions et services de la transition écologique, comme la rénovation thermique de tous les logements, les transports en commun non aériens, l’eau, les déchets et le bois-énergie.
La troisième, c’est l’introduction d’une fiscalité écologique qui doit viser à encourager les économies d’énergie, à freiner l’artificialisation des sols et à pénaliser les comportements polluants. La mise en place d’une assiette carbone dans la TICPE et l’alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence en font partie. Ils devront être compensés intégralement pour les ménages par des crédits d’impôt et une baisse de la TVA. Mettre en place une nouvelle fiscalité écologique sur les ménages pour financer les crédits d’impôts accordés aux entreprises serait en effet contreproductif et incompréhensible, alors que notre but est d’accompagner les Français et de les inciter à changer leurs comportements, et nous avons le devoir de les accompagner dans le changement, non pas de les sanctionner.
Nous voterons donc, bien entendu, cette loi de règlement pour 2012, mais vous comprendrez notre exigence : il faut faire en sorte que le projet de loi de finances pour 2014 donne un nouveau souffle à la lutte contre le chômage et à la transition écologique.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y a un an à peine, nous avons trouvé la France dans un bien piteux état. La dette atteignait des sommets. Nul ici, malgré son expérience, ne peut se représenter ce que sont 1 800 milliards d’euros. Cela représente tout de même 90 % du PIB de la France !
Bien sûr la conjoncture était mauvaise, mais elle l’était depuis plusieurs années. Elle s’est aggravée à la fin de l’année 2011 et en 2012. La dégradation rapide et généralisée de la zone euro nous touche tous, et continue d’influer sur l’économie des pays européens. Toutefois, nous sommes loin d’être les plus touchés.
Ne nous leurrons pas, il n’y avait pas que la crise. Cet endettement faramineux était aussi le symbole des dérives d’un système politique boiteux. Oui, chers collègues, car les années où la droite était au pouvoir ont été celles des dépenses, des promesses, et des cadeaux au plus riches.
Aujourd’hui, certains concitoyens me demandent où est passé tel projet de gare, où est passée telle autoroute, et je dois leur expliquer que ces projets n’ont jamais existé, car en réalité ils n’ont jamais eu de financement ! Peu importe aujourd’hui de rechercher des coupables, mais j’invite mes collègues à un travail de rétrospective. Je n’ose toutefois les inviter à l’introspection.
Je relisais il y a quelque temps le rapport daté du 30 septembre 2003 du rapporteur général, M. Gilles Carrez, également sur une loi de règlement. En fait de rapport, il s’agissait plutôt d’un réquisitoire : « L’année 2002, du fait de l’alternance politique, ne pouvait qu’être une année de transition, mais, au-delà même de l’héritage budgétaire des choix politiques passés, le Gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de réajuster à la hausse les crédits. »
À lire cela, cette année 2002, vous ne l’avez pas assumée, mes chers collègues, année qui aboutit à une dégradation de 1,5 point de PIB. Eh bien, nous, contrairement à vous, cette année 2012, nous l’assumons.
II y a un an, nous avons dû agir et agir vite. On nous annonçait alors un scénario à l’espagnole, puis les taux d’intérêt à long terme allaient s’envoler. Nous avons dû retrousser nos manches. Et c’est ce que nous avons fait. Il y a un an, le rendez-vous était connu, notre pays était à un moment crucial dans la conduite du redressement de ses finances publiques. Après plusieurs années de douce irresponsabilité, notre pays a engagé l’indispensable réduction de ses déficits publics.
Les premiers résultats ont été obtenus : la moitié du chemin, commencé en 2011, certes, a bien été parcourue.
J’entends revenir le discours de la relance du déficit ou du fléchissement de notre politique de bonne gestion au nom de l’emploi. C’est une fausse route. En effet, les efforts ne doivent en aucune manière être relâchés. La seconde moitié du chemin reste à parcourir. Cela impliquera, en 2014 et 2015, d’importantes réformes qui devront concerner tous les acteurs publics, et permettre de résorber en priorité les déficits des régimes de sécurité sociale.
Cet appel à un retour à l’équilibre structurel des comptes publics ne s’impose pas au nom du seul principe, pourtant évident, de l’équilibre. Il vise à assurer la souveraineté de notre pays, la compétitivité de son économie, et la cohésion sociale.
L’année 2012 a connu un effort très significatif de redressement des comptes : l’effort structurel, c’est-à-dire la somme des mesures nouvelles en recettes et de maîtrise des dépenses, a représenté 1,1 point de PIB. Pour y parvenir, nous avons agi, mais pas en recourant à de simples pansements, en menant de véritables réformes. Permettez-moi de revenir sur l’une des saillies de M. Mariton, tout à l’heure, complétée par M. Vigier, il y a quelques minutes, sur notre incapacité à maîtriser les dépenses salariales pour, prétendait-il, satisfaire notre clientèle électorale. C’est une antienne habituelle de la droite : la gauche, ce serait une gestion irresponsable de la masse salariale. Sauf, monsieur Mariton, qu’il s’agit, au mieux, d’une mauvaise lecture, au pire, d’un mensonge. C’est faux, en effet, parce que la masse salariale a connu une augmentation modérée, en 2012 : 340 millions d’euros, soit 0,1 %. Elle s’était accrue de 800 millions d’euros en 2009 et de 968 millions d’euros en 2010. Ainsi avons-nous largement encadré les dépenses publiques, sans verser pour autant dans l’austérité.
Il y a des mesures importantes, et permettez au rapporteur spécial des budgets du travail et de l’emploi d’évoquer celles prises dans l’urgence pour l’emploi : les emplois d’avenir, les contrats de génération, le maintien et l’encouragement des emplois aidés, mais aussi le pacte de compétitivité, particulièrement important.
Le Gouvernement a engagé de nombreuses réformes structurelles pour juguler la crise. Ceux qui croient au mythe de Sisyphe devraient y regarder de plus près. Ceux qui nous accusent d’être flous se trompent. Nous savons où nous allons : vers moins de déficit, plus de croissance et plus d’équilibre. Alors oui, portés par cette méthode, par cette volonté, mais face à l’immensité de la tâche du redressement de notre pays, je crois que nous pouvons rendre Sisyphe heureux.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, déclarait le 27 juin dernier, devant la commission des finances : « La France se situe à un moment crucial dans la conduite du redressement de ses finances publiques. Elle a engagé depuis 2011 » – j’insiste : 2011 – « l’indispensable réduction de ses déficits publics. Les premiers résultats ont été obtenus. La moitié du chemin a bien été parcourue. »
Concernant le reste du chemin à réaliser, quelles propositions faites-vous ? Quel constat pouvons-nous dresser aujourd’hui ?
Depuis le mois de mai 2012, le déficit s’est creusé d’encore trois milliards d’euros, atteignant le montant de 72,6 milliards d’euros à la fin du mois de mai 2013, contre 69,6 milliards d’euros à la fin du mois de mai 2012, selon les chiffres publiés le 9 juillet dernier. Cet écart se justifie, selon le Gouvernement, par des éléments non récurrents : perception au début de l’année 2012 de 2,6 milliards d’euros de recettes liées à l’attribution des licences 4G, contribution de la France à une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement pour 1,6 milliard d’euros et dotation de 3,3 milliards d’euros au mécanisme européen de stabilité. Mais il s’explique aussi, et surtout, par la faiblesse des rentrées fiscales, en retrait par rapport aux attentes.
La Cour des comptes prévoit un déficit supérieur à 4 % du produit intérieur brut.
Par ailleurs, les dépenses ont augmenté de 10 milliards d’euros, soit 6,2 %, pour atteindre 169,4 milliards d’euros, avec notamment une hausse des dépenses de personnel de 2,4 % d’une année sur l’autre à périmètre constant.
Voilà le constat que vous nous conduisez à dresser. Tous les jours, une nouvelle dépense est annoncée. Cela a déjà été rappelé par différents intervenants : vous annoncez tous les jours une dépense, à croire qu’il nous reste encore beaucoup d’argent à dépenser ! Pour que ce constat soit exhaustif, je ne voudrais surtout pas oublier de rappeler que, pour la première fois depuis trente ans, le pouvoir d’achat a baissé. Il a diminué de 0,9% depuis que vous êtes au pouvoir.
Dans ce contexte, l’agence de notation Fitch Ratings a annoncé le 12 juillet que la France perdait sa note AAA. Je n’ai jamais considéré les agences de notation comme la référence ultime pour juger les politiques conduites par les États, et encore moins par le nôtre.
« La dégradation de note financière est pourtant grave, à deux titres. Elle traduit le décrochage de la France par rapport à l’Allemagne : nous ne figurons même plus dans la même catégorie, puisque l’Allemagne a gardé son triple A, alors que nous l’avons perdu. De plus, cette dégradation de la note de la France est assortie d’une perspective négative. Elle risque en outre de renchérir le coût de nos emprunts pour l’année à venir.
Tout écart de taux d’intérêt aurait donc pour conséquence d’alourdir la charge des intérêts d’emprunts et donc, forcément, de déséquilibrer davantage le déficit budgétaire. Ce sont les Français qui risquent de payer les conséquences de cette dégradation. C’est une politique qui a été dégradée, ce n’est pas la France ! »
Je viens de citer longuement quelqu’un que vous connaissez bien : il s’agit d’une déclaration de François Hollande, qui date du 14 janvier 2012. Il était alors candidat à la partielle du parti socialiste, destinée à choisir le candidat de ce parti aux élections présidentielles.
Il était candidat aux primaires, c’est vrai : il ne s’agissait pas d’une élection partielle. Il n’en reste pas moins que ce sont les termes de sa déclaration. Je ne voulais pas alourdir ce débat avec des considérations personnelles, mais simplement rappeler ce que François Hollande a dit à cette époque. Vous conviendrez que nous sommes beaucoup plus modestes, et beaucoup plus indulgents.
La réalité, c’est que si les taux augmentent ne serait-ce que de 1%, cela aurait pour conséquence d’augmenter les charges de deux milliards d’euros supplémentaires par année. Voilà la réalité ! Vous parlez sans cesse de transparence, vous vous en faites les chantres, mais j’attends toujours de vous voir mettre les réalités budgétaires en conformité avec la réalité d’aujourd’hui.
Vous parlez toujours du déficit structurel : c’est facile de nous donner des leçons sur ce thème ! Je préférerais que l’on nous donne une approximation définitive du déficit, compte tenu du taux de croissance et de l’évolution des dépenses – avec les nouvelles dépenses que vous annoncez chaque jour –, compte tenu également de l’explosion du chômage dans notre pays. Il manque à l’UNÉDIC 4,7 milliards d’euros pour cette année : un exemple parmi tant d’autres ! Nous ne sommes pas dans la réalité : vous pouvez bien parler de transparence, mais elle ne se retrouve pas dans votre politique budgétaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
Madame la présidente, je m’exprimerai très brièvement, puisque ce texte est déjà passé devant cette Assemblée, et puisque la discussion générale de ce soir a repris un très grand nombre des éléments qui ont été évoqués à l’occasion du débat en première lecture.
Je remercie l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés, de tous les bancs de cette assemblée, et qui ont apporté une contribution utile au débat sur la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012. Je remercie notamment les orateurs de tous les groupes la majorité, qui ont, par leurs réflexions, montré quel est le chemin dans lequel nous sommes engagés.
Ils ont montré notre volonté : volonté d’assurer le redressement de nos comptes par un effort de rigueur et de maîtrise de la dépense, volonté d’une fiscalité juste, volonté de maintenir la trajectoire de diminution des déficits dans laquelle nous nous sommes engagés, et qui doit être poursuivie. J’ai bien pris note des interrogations que suscite cette politique de finances publiques, exprimées par un certain nombre d’orateurs, y compris au sein de la majorité. J’ai notamment entendu Mme Sas indiquer qu’il faut se préoccuper constamment de maintenir l’équilibre entre le rétablissement des comptes et la croissance. Nous gardons cette préoccupation à l’esprit, et nous l’aurons toujours à l’esprit au moment où nous présenterons à votre assemblée la loi de finances pour l’année 2014.
J’entends maintenant répondre, en quelques mots, aux orateurs de l’opposition, qui ont exprimé leurs doutes, leurs interrogations, à propos de certaines orientations de notre politique. Compte tenu du bilan de la précédente majorité en matière de déficit et de compétitivité, on pouvait légitimement s’attendre à ce que la critique soit d’autant plus modérée que ce bilan est lourd. Je vois bien, pourtant, que la bonne foi est rarement au rendez-vous. Je crois qu’il est très important, au moment de débattre de ces questions de finances publiques, de dépasser ces postures, ces manières…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…qui conduisent l’opposition à critiquer le Gouvernement sans discernement, en oubliant ce qui s’est passé lorsqu’elle était majoritaire.
Parce que vous n’agissiez pas ainsi quand vous étiez dans l’opposition, sans doute ?
Je veux vous donner des éléments très précis, pour vous montrer que l’on peut aborder les questions de finances publiques tous ensemble, par-delà les différences politiques qui nous séparent. Dès le départ, il faut respecter une exigence d’honnêteté intellectuelle et de rigueur à l’égard des chiffres.
D’abord, vous indiquez que si l’année 2012 a été en fin de compte moins mauvaise qu’elle aurait pu l’être, c’est grâce aux efforts de la précédente majorité. Vous prétendez dans le même temps que si le déficit a été plus important que prévu, c’est à cause des errements de la nouvelle majorité. Sur ce point, j’apporterai quelques éléments de correction, sur lesquels nous pourrons tomber d’accord ; bien que vous siégiez à la droite de cet hémicycle, vous connaissez ces chiffres aussi bien que moi. Vous avez donc parfaitement à l’esprit le contenu du rapport de la Cour des comptes, réalisé à notre demande et rendu en juillet 2012. Ce rapport contient des éléments assez précis sur les conditions de l’élaboration de la loi de finances pour 2012.
Que dit ce rapport ? D’abord, qu’il y avait une impasse de 2 milliards d’euros sur les dépenses. Cela rendait difficile à atteindre l’objectif de déficit que le précédent Gouvernement s’était assigné, à hauteur de 4,5% du PIB. Nous avons d’ailleurs fait en sorte, en gelant 1,5 milliards d’euros de crédits qui n’ont ensuite pas été dégelés, d’éviter cette impasse, d’éviter le dérapage des dépenses.
J’insiste sur un deuxième point : il existe un décalage entre le déficit prévu par les lois de finances rectificatives, soit 4,5% du PIB, et le déficit effectivement constaté, de 4,8% du PIB. Voilà ce que je comprends de votre raisonnement : vous nous dites que malgré nos efforts pour éviter le dérapage des dépenses – alors que la Cour des comptes avait signalé qu’elles pouvaient déraper –, si le déficit est supérieur de 0,3 % à notre objectif, c’est de notre faute.
Laissez-moi donc rappeler pourquoi le déficit est supérieur de 0,3 % à l’objectif de 4,5% dont vous parlez. Ce n’est pas le fruit du hasard : plusieurs éléments expliquent cela. Premier élément : nous avons dû prendre des mesures concernant la banque Dexia, à une hauteur très significative. Je pense que personne, sur les bancs de l’opposition, n’aura l’audace, l’outrance, de considérer que les problèmes de Dexia sont apparus avec l’alternance ! Non, ils existaient préalablement, ils étaient déjà lourds, et n’avaient pas été traités suffisamment à temps pour nous épargner la tâche de nous en occuper au moment où nous sommes arrivés aux responsabilités. Cela représente beaucoup dans le déficit.
Deuxièmement, vous avez mené une certaine politique en matière de budget de l’Union européenne, dont j’ai mesuré toute la portée, tout l’impact, dans mes précédentes fonctions au Gouvernement. En novembre 2010, le précédent Président de la République, ainsi que les chefs d’État et de Gouvernement conservateurs de l’époque, ont signé une lettre destinée au président de la Commission européenne lui disant : « nous faisons des efforts budgétaires, il n’y a donc pas de raison que nous continuions à allouer à l’Union européenne les crédits de paiement dont elle a besoin pour financer ses politiques correspondant aux budgets sur lesquels nous sommes tombés d’accord. » Monsieur Mariton, je tiens cette lettre à votre disposition. Puisque vous aimez les textes, je ne doute pas que vous la citerez au bon moment, lorsque d’autres débats auront lieu sur ces questions.
Cela veut dire que, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, la France – avec d’autres gouvernements – a décidé de ne pas tenir ses engagements budgétaires à l’égard de la Commission européenne. C’est ce qu’elle a fait : elle n’a pas tenu ses engagements, elle n’a pas alloué les crédits de paiements. Cela vous a d’ailleurs conduits – non pas vous personnellement, mais un certain nombre de vos collègues – à poser beaucoup de questions à l’actuel Gouvernement au mois de novembre dernier au sujet du programme Erasmus, des fonds structurels, demandant pourquoi les financements nécessaires n’étaient pas réunis. Vous oubliiez alors – peut-être même ne le saviez-vous pas – que si nous en étions là, c’est parce que les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union européenne avaient été sciemment rabotés !
Ces deux éléments rassemblés, la contribution de la France au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne et les fonds consacrés à la banque Dexia, expliquent une grande partie de l’écart de 0,3 % entre les prévisions de déficit et le déficit effectivement réalisé. Je trouve donc qu’il y a une forme de malhonnêteté intellectuelle dans vos reproches. Nous devrions nous interdire une telle attitude, quelle que soit notre appartenance politique. Ces questions sont trop anxiogènes pour les Français : nous devons leur restituer, avec pédagogie et transparence, la réalité. Il y a une forme de malhonnêteté, lorsque l’on examine les raisons pour lesquelles le déficit est passé de 4,5 % à 4,8% du PIB, à ne pas dire ce que je viens de dire. Voilà le premier élément sur lequel je voulais dire quelques mots.
Deuxième élément, à propos des impôts : vous avez raison, MM. Mariton et Vigier, de dire que les hauts taux tuent les totaux. À partir d’un certain moment, le produit fiscal n’est plus élastique à l’augmentation des taux, ce qu’explique la situation économique, la récession, ou même peut-être l’excès de pression fiscale. C’est vrai, mais il n’est pas juste, au regard de la trajectoire des prélèvements obligatoires de notre pays au cours des dernières années, d’imputer cela à cette majorité. C’est encore moins juste au regard des engagements pris par le précédent Président de la République et des conditions dans lesquelles le précédent Gouvernement a dessiné, en avril 2012, c’est-à-dire quelques semaines avant son départ, la trajectoire de finances publiques dans laquelle notre pays s’engageait.
Je veux vous donner des éléments précis, incontestables : Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République sur un engagement, celui de diminuer de 0,4 % du PIB la pression fiscale au cours de son quinquennat. La réalité, c’est qu’au cours de son quinquennat, les prélèvements qui pèsent sur les Français ont augmenté de plus de 30 milliards d’euros. Le décalage entre sa promesse et les hausses de prélèvements obligatoires qu’il a effectuées représente 100 milliards d’euros !
Vous avez augmenté les prélèvements obligatoires de 20 milliards d’euros en 2011 et de 13 milliards en 2012. Nous en avons ajouté 7 milliards. Lorsque nous ajoutons 7 milliards d’euros de prélèvements, c’est scandaleux, mais quand vous en ajoutez 13 milliards, c’est normal : j’ai un peu de mal à comprendre ce raisonnement !
Quand je dis « vous », je ne m’adresse pas uniquement à vous, monsieur Mariton. D’autres orateurs de l’opposition se sont exprimés : il y a eu Mme Dalloz et M. Vigier, qui ont dit des choses plus approximatives, plus à l’emporte-pièce, moins nuancées que vous – bien que je n’aie pas trouvé que vos propos étaient corrélés à la réalité que montrent les chiffres.
Pour ce qui concerne la fiscalité, les chiffres que je viens de vous donner sont les bons, et vous le savez. Nous n’avons pas, comme l’a dit M. Vigier, ajouté 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2013. Nous avons procédé à une hausse de 20 milliards d’euros : 10 milliards d’euros sur les ménages, et 10 milliards d’euros sur les entreprises.
Vous nous dites que le Président de la République est ambigu, qu’il ne dit jamais les choses à propos des impôts. Mais les choses sont dites : elles figurent dans le programme de stabilité. En avril 2012, M. Baroin et Mme Pécresse ont présenté devant la commission des finances un programme de stabilité. À l’occasion de la présentation de ce programme de stabilité, l’objectif de prélèvements obligatoires a été annoncé à 45,8 % du PIB, c’est-à-dire 0,4% de plus que l’année précédente. En 2014, nous n’allons l’augmenter que de 0,2% du PIB, c’est-à-dire d’un montant compris entre 4 et 6 milliards d’euros. Sur ces 6 milliards, comme je vous l’ai déjà dit en commission des finances, il y aura les niches sociales, la lutte contre la fraude fiscale, et les mesures que nous tirerons du rapport de l’Inspection générale des finances – et des travaux de votre assemblée – sur les prix de transfert. Il s’agit là de mesures qui ne portent pas uniquement sur les taux : ce sont aussi des mesures positives, sur lesquelles d’ailleurs nous pourrions parfois tomber d’accord.
Par conséquent, quand vous dites que nous entretenons l’opacité, le flou, sur la trajectoire de finances publiques et plus particulièrement sur la trajectoire de prélèvements obligatoires, ce n’est pas juste ! En effet, notre stratégie de prélèvements obligatoires figure dans le programme de stabilité. Vous pourrez constater une adéquation parfaite entre notre action et le programme de stabilité.
Je conclurai en évoquant un dernier point, celui de la transparence. La transparence, ça compte, c’est important !
C’est pourquoi j’ai beaucoup de mal à entendre que le Gouvernement refuserait de faire la transparence sur les chiffres.
Non, ce n’est pas ce qu’a dit la Cour des comptes ! Je me suis d’ailleurs entretenu personnellement de ce sujet avec le premier président de la Cour des comptes – que je ne voudrais pas compromettre. D’ailleurs, le premier président de la Cour des comptes, lorsqu’il est venu s’exprimer devant vous, a dit exactement la même chose à propos de la trajectoire de finances publiques pour l’année 2013 et des comptes pour l’année 2012 que ce que je vous avais indiqué quelques semaines auparavant. Je vous ai donné l’évolution des recettes fiscales pour 2013, devant la commission des finances, quelques jours avant la venue du premier président de la Cour des comptes. À cette occasion, je vous ai indiqué que nous connaissions des problèmes en matière de TVA, qu’il était difficile d’évaluer à leur juste mesure. En effet, l’évolution cumulée de la TVA au cours des premiers mois de l’année était assez erratique : nous ne savions donc pas exactement ce qu’il en était. En mars et en avril elle a été négative, puis est redevenue positive en mai.
Ce que vous dites, madame Dalloz, à propos des déficits qui augmentent, est faux ! Laissez-moi vous donner les chiffres du déficit – à vous de vérifier si ce que je dis est juste ou pas.
Le déficit s’élevait à 5,3 % en 2011, à 4,5 % en 2012. La Cour des comptes, dont vous citez souvent le Premier président, est venue affirmer devant votre commission qu’il était fort probable qu’en 2013, le déficit tournerait autour de 4 %, soit 0,5 % de moins qu’en 2012.
Non, de l’ordre de 4 %. Je vous l’assure aujourd’hui : le déficit, à la fin de l’année 2013, sera inférieur à celui de fin 2012. Comment pouvez-vous dès lors prétendre devant la représentation nationale, madame Dalloz, messieurs les orateurs de l’opposition, que les déficits augmentent alors qu’ils diminuent ou que la situation des comptes se dégrade alors que vous avez augmenté le déficit structurel de 2 % quand vous étiez aux affaires et que rares ont été les années où le déficit fut de 4 % !
Rappelons qu’il était en 2010 supérieur à 7 % et qu’il a fallu attendre 2011, comme l’a reconnu très honnêtement M. Mariton, pour que vous réalisiez enfin, après près de neuf ans au pouvoir, la gravité de la situation et que vous preniez des mesures.
Vous dites que la dépense publique était maîtrisée à l’époque où vous étiez aux responsabilités et qu’elle ne l’est plus aujourd’hui, soit. Mais regardons d’un peu plus près les taux d’évolution de la dépense publique. Elle a augmenté en moyenne, au cours des dix dernières années, d’un peu plus de 2 %. En 2012, son évolution était de 0,9 % ; elle sera de 0,5 % en 2014. Quant au budget 2014 que nous présenterons, il permettra, pour la première fois depuis le début de la Ve République, que les dépenses de l’État diminuent de 1,5 milliard d’euros. Pour aboutir à un tel résultat, il faut absorber le tendanciel d’augmentation des dépenses de l’État et aller au-delà !
Cela signifie que le niveau des économies réalisées est très nettement supérieur à celui des dernières années.
Madame Dalloz, ces chiffres sont incontestables, M. Mariton les a d’ailleurs cités lui-même. La révision générale des politiques publiques représente 12 milliards d’économie nets.
Si vous enlevez 2 milliards de redistribution de mesures catégorielles, il en reste 10. Vous divisez par cinq, la durée d’un quinquennat, et vous obtenez 2 milliards par an. Quand vous économisez 2 milliards nets par an, c’est le nirvana, mais cela ne l’est plus quand on économise 10 milliards par an. Expliquez-moi votre logique ! Je ne vous comprends pas et j’ai du mal à croire qu’il y ait la moindre once d’honnêteté intellectuelle dans votre raisonnement.
J’en ai fini de mes explications. Comme nous n’aurons pas l’occasion de parler finances publiques avant la fin de l’été, je vous souhaite d’excellentes vacances et je serai heureux de vous retrouver sur ces sujets qui vous passionnent au moment de débattre de la loi de finances pour 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant les articles du projet de loi, dans le texte précédemment adopté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat.
Les articles liminaire, 1er,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont successivement adoptés.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Discussion du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron