…mais je n’en suis pas sûr car vous me semblez bien solidaires l’un et l’autre dans une analyse qui manque singulièrement de lucidité.
Madame la ministre, s’agissant de l’exécution 2012, vous avez beaucoup cité la Cour des comptes. C’est toujours intéressant, mais je vous rappelle qu’elle a fait explicitement le constat que l’amélioration du déficit cette année-là était « modeste en comparaison de l’exercice précédent », et c’est bien un des problèmes dans lesquels vous nous avez précipités. Certes, et je l’ai dit avec ma liberté à moi dans la législature précédente comme je le redis aujourd’hui, on peut trouver que l’amélioration de la situation financière alors engagée avait été trop lente, que le Gouvernement d’hier avait parfois eu la main excessivement lourde en termes d’augmentation de la fiscalité et l’audace un peu restreinte en termes d’économies de dépenses, mais la Cour des comptes a constaté que cet effort, même s’il était insuffisant, vous l’avez ralenti. Les chiffres sont clairs : amélioration du déficit de 14 milliards en 2011, et de seulement trois milliards et demi en 2012.
Et puis 2012, je dois, hélas, le rappeler, a été l’année des augmentations d’impôts : 22 milliards. Le début de l’année avait-il été parfait à cet égard ? La réponse est non. Mais la fin de l’année a malheureusement aggravé les choses considérablement, et à un moment où il n’y avait plus la possibilité de continuer à augmenter les impôts. On voit ainsi dès 2012 apparaître à la fois dans les données comptables et dans les comportements sociaux et politiques ce qui se poursuit cette année et continuera sans doute encore en 2014 : des rendements décroissants et des problèmes nouveaux de consentement à l’impôt, quand ils ne sont pas purement et simplement de l’ordre de la révolte fiscale.
De plus, on a vu en 2012 une augmentation de dépenses mal dessinée et mal orientée, avec ce qui est le péché originel de votre législature : le choix, vous l’avez bien expliqué, madame la ministre, de rompre avec la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, alors que le choix d’alors n’était pas aveugle. On pourrait reprocher à la politique de l’époque qu’une trop grande part des sommes ainsi dégagées avait ensuite été consacrée à des dépenses catégorielles, mais vous avez fait le choix de privilégier des recrutements dans des secteurs parfois contestables et qui ne sont pas toujours réalisables au niveau adéquat. Nous sommes donc, depuis juin 2012, devant le choix du Gouvernement de satisfaire ses clientèles électorales. La réalité est là : vous ne menez pas une politique budgétaire, mais une politique de finances publiques qui vise à vous créer le moins de difficultés possible avec Bruxelles, et qui est surtout destinée à satisfaire une certain nombre de clientèles électorales dont vous jugez pour notre pays la satisfaction prioritaire. Peut-être aurez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, l’intelligence ou tout simplement le bon sens politique de corriger cette erreur initiale au fil des budgets à venir. Je le souhaite, mais vous n’en avez pas donné l’indice jusqu’à présent.
Madame la ministre, vous avez aussi évoqué l’exécution de l’année 2013. J’ai fait plusieurs remarques, début juillet, au ministre du budget, qui n’y a pas tout à fait répondu. Je les répète donc, d’autant plus que vous avez abondamment cité la Cour des comptes, madame la ministre : dans ses critiques, la Cour des comptes note sa difficulté à accéder à l’analyse de l’exécution budgétaire 2013. Ses critiques, monsieur le ministre, sont sévères : accès ni aux prévisions d’exécution budgétaire de la direction générale du Trésor, ni aux prévisions d’exécution de la direction du budget, ni même à l’information des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels. Cela fait tout de même beaucoup – ou plus exactement peu ! – pour des éléments d’information auxquels la Cour des comptes avait le droit d’avoir accès. Je constate qu’elle s’était félicitée d’avoir eu en 2012 un meilleur accès que précédemment aux modalités de l’exécution budgétaire et que, hélas, en 2013, cela s’est dégradé.
L’année 2013 marque aussi la poursuite, hélas encore, de l’augmentation des impôts, à hauteur de 24 milliards. Vous avez évoqué, madame la ministre, les années antérieures, mais on doit bien constater un manque d’ambition de l’exécutif s’agissant de l’évolution de l’ONDAM.
Et puis venons-en à une question que le président de la commission des finances a souvent évoquée : celle du collectif budgétaire. Il ne s’agit pas de notre part, président de la commission ou groupe UMP, d’une quelconque bigoterie budgétaire : il s’agit simplement d’un souci de sincérité des finances publiques. Vous répondez en évoquant le programme de stabilité, mais celui-ci ne vaut pas loi de finances. Le ministre du budget avait eu une expression très ambiguë en commission qui semblait laisser penser qu’il fallait se donner la discipline de l’absence de collectif pour ne pas augmenter les impôts, faute de quoi on serait forcé de le faire. Mais vous pourriez avoir la vertu de ne pas les augmenter – je veux dire pas davantage encore que ce que vous avez programmé – tout en ajustant le droit budgétaire à la réalité du contexte de notre pays, à l’évolution du cadre économique que vous avez vous-même reconnue et aux données que vous avez transmises à Bruxelles. Il vous est peut-être possible de faire preuve d’autant de sincérité à l égard des Français qu’à l’égard des autorités européennes.
En 2014, hélas, l’augmentation des prélèvements s’est poursuivie. Nous avions entendu votre prédécesseur, monsieur le ministre, nous dire qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts. Nous avons même entendu le Président de la République le dire, parfois en employant la restriction mentale, formule rhétorique très pratiquée par l’actuel exécutif, du type : pas d’augmentation d’impôts…