Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur le caractère un peu ubuesque de cette nouvelle lecture, parfaitement souligné par mes collègues Christian Eckert et Dominique Lefebvre.
Cette loi de règlement correspond au premier exercice sur lequel la nouvelle majorité a pu imprimer sa marque. Nous étudions donc aujourd’hui, en nouvelle lecture, les premiers résultats de la gestion de la nouvelle majorité. Et 2012 aura vu un tournant dans la politique budgétaire qui peut se résumer en trois points : réduction du déficit public, maîtrise de la dépense publique et redressement de la justice fiscale.
En premier lieu, il faut souligner que l’effort de réduction des déficits a été extrêmement significatif en 2012. Au regard des chiffres de l’exécution de l’année passée, personne, et surtout pas l’ancienne majorité au vu de ses résultats pendant dix ans, ne peut nier que c’est la première fois qu’un tel effort est fait : 1,1 point de baisse en structurel, 0,5 point en nominal. Le déficit public sera passé de 5,3 % du PIB en 2011 à 4,8 % en 2012.
Les chiffres en témoignent, ce résultat, nous y sommes parvenus par la maîtrise des dépenses publiques contrairement à ce que peut dire l’opposition. Si l’on se rapporte aux chiffres, l’effort que nous venons de mener se traduit par un retournement de tendance historique avec une baisse de 0,3 milliard d’euros des dépenses de l’État. Et l’ensemble des dépenses publiques, y compris celles de la Sécurité sociale et des collectivités locales, n’aura progressé en volume que de 0,7 % en 2012, un chiffre à comparer avec l’augmentation de plus 1,7 % des dépenses publiques que l’on a connue en moyenne au cours des cinq dernières années. La maîtrise des dépenses publiques n’est donc pas, pour la majorité, un slogan de campagne.
Côté recettes, et cela me semble le plus important, les objectifs de réduction des déficits publics auront été atteints par le rétablissement de la justice fiscale, inversant la tendance observée au cours de la précédente législature. Les recettes de l’impôt sur le revenu auront ainsi augmenté de 15,6 % grâce au renforcement de la progressivité de cet impôt. Bien sûr, il faudra continuer à le faire évoluer pour le rendre plus progressif, supprimer les niches fiscales dont il est encore truffé, continuer à le rapprocher de la CSG pour, enfin, fusionner ces deux impôts en un prélèvement à la source, mais un pas a été fait en 2012.
Toujours dans le souci de rétablir la justice fiscale, l’impôt de solidarité sur la fortune est le prélèvement qui a le plus augmenté, avec une hausse de 16 %, notamment grâce à la mise en place d’une contribution exceptionnelle sur les patrimoines les plus importants.
Les recettes nettes de l’impôt sur les sociétés auront enfin également augmenté, passant de 39,1 milliards d’euros en 2011 à 40,8 milliards en 2012.
Tous les impôts ont donc progressé, tous sauf un : la TICPE, la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques. Et pour cause ! Comme nous l’avons déjà souligné en première lecture, la baisse temporaire de trois centimes sur les carburants, mise en oeuvre de septembre à décembre 2012, aura coûté 400 millions d’euros à l’État. Elle aura donné un signal contradictoire à nos concitoyens sur la transition énergétique, et son efficacité sur le pouvoir d’achat des Français a été mise en doute par l’étude de la CLCV, puisqu’elle aurait en fait surtout permis aux raffineurs et aux distributeurs d’améliorer leurs marges sur le gazole de deux centimes, donc d’accroître leurs bénéfices déjà importants.
Mais, au-delà de cette baisse de la fiscalité énergétique, le principal constat que nous faisons est clair : l’effort budgétaire aura été très rigoureux en 2012, à la fois côté recettes et côté dépenses publiques, très rigoureux, et sans doute même trop rigoureux, car il aura nettement contribué à l’approfondissement de la crise. La croissance a, ainsi, été nulle en 2012 avec un effet négatif de la consolidation budgétaire estimé à 0,8 point de PIB par l’INSEE. Et les conséquences se poursuivent en 2013. Le PIB a reculé de 0,2 % au premier trimestre 2013, et, au total, nous devrions constater une diminution du PIB de 0,1 % sur l’ensemble de l’année.
Cette situation se traduit par une augmentation continue du chômage, estimé à 10,8 % au premier trimestre 2013, mais le plus inquiétant ce sont les chiffres du chômage de longue durée, qui montrent que la crise s’installe. Au cours de l’année 2012, le chômage de longue durée a progressé de 15 %, une augmentation deux fois plus rapide que celle du nombre du reste des chômeurs. Ainsi, 40 % des demandeurs d’emploi en France sont en inactivité depuis plus d’un an, une situation dramatique qui ne se réglera pas si nous poursuivons ces politiques de restrictions budgétaires sévères.
Le Président de la République nous dit que, désormais, la reprise est là, mais les prévisions sur le marché de l’emploi ne s’améliorent pas ; avec une prévision de croissance du FMI de - 0,2 %, en 2013, l’INSEE prévoit, en effet, que le chômage va continuer à augmenter pour atteindre 11,1 % à la fin de l’année 2013. L’investissement des entreprises, autre moteur interne, devrait, lui, continuer de reculer.
L’effet de la politique de réduction des déficits ne doit donc pas être sous-estimé. Comme nous l’avons souligné, en 2012, l’effet de ces politiques d’austérité a eu un impact de 0,8 point sur la croissance, et les restrictions budgétaires de 2013 auront certainement un effet encore plus important sur le PIB. La politique budgétaire menée en 2013 pourrait ainsi se traduire par deux points de croissance en moins. Dans un contexte où tous les États européens mènent ce type de politique, on le sait, les multiplicateurs budgétaires ont été largement sous-évalués, de l’aveu même du FMI. Résultat : chaque euro de dépense publique non effectué pèse pour plus d’un euro sur l’activité, avec les conséquences qui s’y attachent en termes de rentrées fiscales. C’est un véritable cercle vicieux puisque, du coup, les comptes publics ne se redressent pas autant qu’on le souhaiterait.
Dans cette situation, il serait irresponsable d’attendre un hypothétique retournement de la conjoncture. C’est le volontarisme et l’investissement qui permettront de préparer l’avenir et de relancer l’activité durablement avec des emplois pérennes et non délocalisables.
Le projet que nous vous proposons, monsieur le ministre, c’est de bâtir ensemble un nouveau modèle de développement, adapté aux défis environnementaux du vingt-et-unième siècle. Les groupes parlementaires écologistes au Sénat et à l’Assemblée vous ont conjointement fait des propositions très précises en ce sens pour le budget 2014.
Pour nous, le budget 2014 doit être ambitieux et cohérent. Il doit traduire un projet de reconquête de l’emploi et de protection de notre environnement.
Il doit donc être marqué par plusieurs orientations majeures.
La première d’entre elles, c’est l’augmentation du budget de la mission « écologie », qui doit traduire la priorité que le Gouvernement accorde aux objectifs environnementaux.
La deuxième, c’est la baisse de la TVA, notamment avec l’instauration d’un taux réduit à 5 % pour les actions et services de la transition écologique, comme la rénovation thermique de tous les logements, les transports en commun non aériens, l’eau, les déchets et le bois-énergie.
La troisième, c’est l’introduction d’une fiscalité écologique qui doit viser à encourager les économies d’énergie, à freiner l’artificialisation des sols et à pénaliser les comportements polluants. La mise en place d’une assiette carbone dans la TICPE et l’alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence en font partie. Ils devront être compensés intégralement pour les ménages par des crédits d’impôt et une baisse de la TVA. Mettre en place une nouvelle fiscalité écologique sur les ménages pour financer les crédits d’impôts accordés aux entreprises serait en effet contreproductif et incompréhensible, alors que notre but est d’accompagner les Français et de les inciter à changer leurs comportements, et nous avons le devoir de les accompagner dans le changement, non pas de les sanctionner.
Nous voterons donc, bien entendu, cette loi de règlement pour 2012, mais vous comprendrez notre exigence : il faut faire en sorte que le projet de loi de finances pour 2014 donne un nouveau souffle à la lutte contre le chômage et à la transition écologique.