Je ne me fais pas plaisir, et laissez-moi continuer. Nous avons mené, en amont, un échange sérieux avec le Gouvernement et nous n’avons pas souhaité que l’urgence soit déclarée pour ce texte. Nous avions en effet la conviction, pour un certain nombre de sujets, notamment celui-ci, que nous aurions besoin de l’ensemble du débat parlementaire – en commission, en première lecture, au Sénat et en deuxième lecture. Nous étions également convaincus que l’aller-retour entre le Gouvernement et le débat parlementaire était nécessaire. De même, nous avions la conviction que ce qu’élaborait le Gouvernement devait, à chaque pas, être confronté à la discussion politique dans notre assemblée et à l’expertise que les uns et les autres peuvent apporter.
À ce moment du débat, un certain nombre de points inscrits par le Gouvernement dans le texte doivent donc être précisés. Mais, comme l’urgence n’a pas été déclarée pour ce texte, nous avons tout le temps de la discussion parlementaire pour le faire.
On nous dit qu’il faut un dispositif maîtrisé pour les finances publiques, et je suis d’accord. Je ne partage pas tout à fait les mêmes inquiétudes que mon collègue, Christophe Caresche, mais je porte la même attention que lui à cette question. Il est impossible pour la majorité de revendiquer un redressement des finances publiques et de ne pas porter cette attention non seulement à la GUL mais à n’importe quel autre sujet. On nous dit aussi qu’il faut faire attention à ce que l’effort demandé au locataire et au propriétaire pour financer ce dispositif ne soit pas trop important. Nous devons en effet y être attentifs et essayer de mesurer le niveau du risque. Certains encore nous disent qu’il s’agit d’une taxe. Certes, on peut discuter de la différence entre une assurance obligatoire et une taxe, mais que l’on crée une assurance obligatoire, en gestion privée, pour cette garantie universelle ou que l’on crée un système public avec, pour reprendre votre propos, une taxe : dans les deux cas de figure, pour les propriétaires et les locataires, il existe une nouvelle dépense obligatoire.
On peut être contre la garantie universelle, mais on ne peut pas s’arrêter, sauf à être dans une démarche purement idéologique, au fait que ce serait dans un cas une taxe et dans l’autre non, si le montant de la dépense est le même. Sortons des postures et allons au fond du débat ! Si l’on est, non pas pour des raisons seulement idéologiques, contre toute gestion publique et que l’on estime qu’il existe de vrais risques qu’une gestion privée nous permettrait de garantir mieux, sans que le coût en soit prohibitif, que l’on remplira le triple objectif que j’ai évoqué plus tôt et que l’on protégera les comptes publics, évoquons cette possibilité et convainquons le Gouvernement. Toutefois, pour ma part, cette voie ne me convainc pas. C’est pourquoi je suis favorable à l’article 8.
On nous dit enfin que ce n’est pas à la puissance publique d’assumer le risque. J’entends cet argument. Le logement est un bien public, comme l’a dit Mme la ministre, et c’est aussi un contrat entre deux personnes privées. Est-ce que la puissance publique doit assumer le risque d’un contrat entre deux personnes privées ? Ce débat n’est pas évident à trancher. Il n’est pas seulement technique, mais aussi philosophique : à quoi la puissance publique doit-elle répondre ? À quoi doit-elle servir ? Cependant, le logement est un bien public. Aussi le contrat privé diffère-t-il de celui qui existe dans le cas de l’achat d’une voiture ou du dernier costume à la mode. La question mérite d’être débattue, car elle est complexe. Mais, en toute hypothèse, penser que cette garantie universelle des loyers puisse exister sans que la puissance publique y participe, y compris financièrement, je n’y crois pas. Dans ce cas, la garantie ne serait que théorique pour ceux qui sont en CDD, pour ceux qui ont de faibles revenus, ceux qui sont jeunes ou qui vont de travail partiel en travail partiel, parce que la prime serait tellement élevée qu’ils ne pourraient tout simplement pas la payer. Dans le cas d’une gestion privée, il faudrait fixer un montant encadré, mais je crains que le monde de l’assurance ne nous réponde qu’il y est prêt mais que le risque doit alors être équilibré, puisqu’il ne pourrait être couvert par le montant défini.
Dans tous les cas de figure, si l’on est favorable à la garantie universelle des loyers et pour qu’elle couvre l’ensemble de ceux à qui elle s’adresse, la puissance publique aura à y participer. Je ne crois pas, et sans idéologie aucune, que le principe des assurances se résume à remplir une mission de service public. Il est possible de leur demander des services, voire de légiférer à ce sujet, mais il est un moment où elles vont regarder l’équilibre entre ce qui sera payé pour la couverture et le coût de celle-ci. Si l’on est favorable à cette garantie, il faudra, mes chers collègues, mettre les mains dans le cambouis en avançant argument après argument et essayer d’aboutir en deuxième lecture à un véritable dispositif. Cela est ambitieux et complexe, mais nous devons relever le défi.