Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, avec ce projet de loi, je revis les débats sur la refiscalisation des heures supplémentaires. Nous répétions à longueur de séance qu’elle ne relancerait pas l’emploi, réduirait le pouvoir d’achat des salariés, fragiliserait les petites entreprises, mais nous provoquions sarcasmes et sourires dans vos rangs, madame la ministre, rangs dopés par vos certitudes de majorité fraîchement élue et sûre d’elle. Un an après, Thierry Mandon avoue que ces mesures n’étaient pas appropriées, inspirant ainsi le Président de la République qui, dimanche soir, n’a pas dit autre chose. Cela n’a pas servi de leçon !

Pendant le débat ALUR, nous avons opposé notre bon sens à vos utopies, notre pragmatisme à vos illusions, la vie réelle à l’idéologie, sans résultat, enfermés que vous êtes dans les mêmes certitudes, mais la tension grandissante sur le secteur du logement dans notre pays vient moins de la situation des rapports locatifs que de l’échec de la politique du logement.

Peut-on croire que la chute de construction de logements à 330 000 par an au lieu des 500 000 promis par François Hollande détende le marché de la location ? Peut-on sérieusement croire que vos lois Duflot 1, 2 et 3 donnent les bons gages, les bons signes aux investisseurs institutionnels ou particuliers pour qu’ils s’engagent avec confiance dans la construction de logements locatifs ? Non, et votre projet de loi n’en prend pas le chemin.

Il stigmatise et oppose une nouvelle fois des Français à d’autres Français. Il stigmatise une catégorie de Français, les propriétaires, une profession, les agents immobiliers, que vous voulez mettre au pas. Ne les stigmatise-t-on pas, quand on les accuse de n’être mus que par l’appât du gain ? Peut-on condamner ainsi toute une branche professionnelle ? Les comportements minoritaires inacceptables avaient d’ailleurs été identifiés et vous avez repris les propositions du projet de loi Lefebvre, qui les avaient ciblés, mais ces comportements minoritaires sont pour vous le prétexte pour changer le modèle économique de cette profession, sans souci des conséquences en termes d’emploi, pour l’enfermer dans des procédures codifiées, jusqu’à la façon de faire un état des lieux !

Plus contreproductive encore, votre volonté de faire entrer le logement locatif privé dans la sphère de l’économie administrée. Comment pouvez-vous vous en défendre quand vous encadrez pour longtemps les loyers et que vous augmentez avec tant d’imagination les charges obligatoires des propriétaires ? Entre charges obligatoires et produits encadrés, vous fixez le revenu maximum autorisé pour un propriétaire, sur la base d’une observation des loyers sur un périmètre donné vous autorisant à déterminer un loyer médian de référence qui ne tient aucun compte dans un même immeuble des différences d’équipement ou de situation.

Avec l’encadrement des loyers, quel intérêt pour un propriétaire d’améliorer le confort de son logement s’il ne peut ensuite appliquer que l’IRL ? Vous découragez l’investissement locatif et vous signez la dégradation progressive du parc locatif privé existant.

Vous voulez aussi administrer la question des impayés de loyer, qui ne représentent que 2 % à 2,5 % des loyers, régulés en quelque sorte dans la très grande majorité des cas par les cautionnements qui prolongent les solidarités familiales ou sociales. Ces solidarités, la garantie universelle des loyers veut les renvoyer au rang des archaïsmes détestables.

Vous créez une agence publique, une construction administrative budgétivore, qu’on espère efficace en dédommagement des propriétaires mais qu’on devine timorée pour recouvrir les loyers impayés auprès des locataires défaillants. Vous emmenez ainsi le secteur locatif dans une trajectoire déresponsabilisante avec, à terme, une augmentation de la sinistralité, donc des cotisations. Bref, l’air de rien, vous créez un nouvel impôt pour financer une posture idéologique.

Au final, c’est une loi qui augmente de manière démesurée et caricaturale les devoirs et contraintes des propriétaires et les droits des locataires. Mais, non sans cynisme, vous tenterez sans doute de convaincre les propriétaires que toutes les contraintes et charges imposées le sont pour leur bien. Je ne suis pas certain que l’argument fasse mouche.

Votre projet de loi est aussi en totale contradiction avec l’affichage d’une volonté de simplification administrative et normative. Votre projet accumule ainsi documents types en tous genres, allant, écoutez bien, jusqu’à l’état des lieux type qui sera défini par décret en Conseil d’État.

Madame la ministre, l’appui que nous apportons à vos propositions relatives à la lutte contre l’habitat indigne, aux copropriétés dégradées, à l’évolution des règles de gestion des copropriétés ne peut compenser notre opposition totale à la façon dont vous imaginez l’évolution des rapports entre propriétaires et locataires et aux menaces que vous faites peser sur le parc locatif privé.

Vous avez décrété l’état d’urgence pour le logement. Nous partageons ce diagnostic de l’urgence. Nous vous en attribuons la responsabilité et nous dénonçons votre stratégie pour la corriger. Elle est dommageable pour notre pays et pour les Français. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte. Nous espérons seulement que, comme pour la défiscalisation des heures supplémentaires, l’un d’entre vous pourra déclarer dans quelque temps « nous nous sommes sans doute trompés ».

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