Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Mais nous considérons que la fraude fiscale, préoccupation forte de nos concitoyens, doit être combattue avec fermeté, et punie avec sévérité. Oui, le climat des affaires entretient et renforce la défiance de nos concitoyens vis-à-vis des responsables politiques.

Avec la crise, le chômage, la diminution du pouvoir d’achat, les Français n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Ils comprennent donc mal qu’un arsenal juridique plus fort ne soit pas déployé contre la fraude fiscale. Dans ce contexte, le projet de loi permet d’apporter un certain nombre d’avancées.

En ce sens, nous appelons de nos voeux la moralisation de la vie publique et le renforcement de la lutte contre la fraude, même si, reconnaissons-le, ces thèmes ne sont pas nouveaux.

La majorité précédente, rappelons-le – c’est à nous de le faire –, avait déjà pris des mesures très importantes dans cette direction. Elle avait ainsi créé une police fiscale dotée de pouvoirs de police judiciaire, obligé les banques établies en France à communiquer des informations, créé un fichier national des évadés fiscaux, renforcé la coopération intra-européenne contre les fraudes « carrousel » à la TVA.

Bien entendu, il nous apparaît essentiel de muscler encore la lutte contre la fraude fiscale et de faire preuve de la plus grande fermeté à l’encontre de ceux qui ont triché volontairement. Nous souhaitons que, dans le respect des droits fondamentaux, soient renforcés les moyens de la justice, de la police et de l’administration fiscale contre la fraude et les réseaux de blanchiment – vous y faisiez référence tout à l’heure, madame la ministre.

Il conviendrait par ailleurs d’adapter les procédures de lutte contre les fraudes patrimoniales et les fraudes à la TVA et de renforcer le régime répressif de la fraude fiscale.

Selon Bercy, la fraude fiscale représenterait un manque à gagner de 50 à 70 milliards d’euros par an pour l’État. C’est inacceptable. Or, la lutte contre cette fraude ne permet aujourd’hui de récupérer que 16 milliards par an, ce qui veut dire que nous avons devant nous de considérables marges de progression.

Nous devons donc faire mieux : nous devons garantir que plus personne ne passe entre les mailles du filet. De ce point de vue, le texte que vous nous proposez n’est pas assez ambitieux. Il nous paraît notamment crucial de ne pas laisser Bercy décider seul des suites à donner aux fraudes massives. Nous sommes ici au coeur d’un sujet important : le fameux « verrou de Bercy » évoqué par certains.

Nous le savons, la fraude fiscale, à la différence des autres délits, ne peut être poursuivie d’office par le procureur de la République, lequel ne peut déclencher l’action publique que si l’administration fiscale a préalablement déposé plainte.

Afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, il est indispensable que le procureur financier soit au moins informé des procédures transactionnelles et les valide, au-delà du pouvoir discrétionnaire du ministre – que nous ne contestons pas – et du rôle de la commission des infractions fiscales.

Je ne pense pas que le rapporteur y soit particulièrement opposé – je crois avoir bien lu et entendu ses déclarations récentes – mais, sur ce point, nos collèges sénateurs ont, eux, agi : ils ont adopté en commission des lois un amendement du rapporteur - socialiste, faut-il le rappeler ? - atteignant cet objectif. On était donc tout près de trouver une solution qui satisfasse l’ensemble des bancs de l’Assemblée.

Notre collègue Henri Emmanuelli avait lui-même soulevé ce problème lors de l’examen du texte en commission et souhaité que celui-ci nous permette de lutter contre la propension de notre administration à reculer devant les contentieux fiscaux les plus importants et à leur préférer les transactions. Il avait alors formulé une proposition simple que je reprends à mon compte : pourquoi ne pas instituer un montant à partir duquel nous pourrions transmettre au procureur les transactions, après avis de la commission concernée ?

Le mécanisme serait simple : lorsque le montant d’une affaire relevant du contentieux fiscal dépasserait un certain seuil, nous pourrions considérer qu’il n’appartient plus à l’administration de décider seule, mais que le procureur doit au moins être consulté pour avis, voire seulement pour information.

Cela me permet d’évoquer les amendements et sous-amendements que je défendrai au cours de la discussion. Voyez que la ténacité est au rendez-vous

Madame et monsieur les ministres, nous déplorons votre position sur ce point. Tout le monde aurait à y gagner. La représentation nationale – en la personne du président de la commission des finances et en celle du rapporteur général – serait, chaque année, informée des transactions concernées, et pourrait s’assurer du respect du seuil défini par la loi.

C’est pourquoi nous redéposons aujourd’hui un amendement en ce sens, comme nous l’avions fait en première lecture. Son rejet nous paraîtrait incompréhensible, car il est de nature à muscler l’arsenal que vous avez mis en place et dont on a souligné les avantages – je ne peux pas le dire autrement. Cela serait en contradiction avec les objectifs de transparence et d’indépendance de la justice que nous partageons tous.

L’indépendance de la justice doit être l’un des piliers de la lutte contre la fraude, afin que plus aucun citoyen ne puisse penser que certains seraient protégés – je pense notamment à la grande délinquance.

Les députés UDI soutiennent sans réserve, j’y insiste, l’objectif de lutte contre la fraude fiscale. La « République exemplaire », promise à de nombreuses reprises par le Président de la République, ne doit plus seulement être une promesse de campagne. Elle doit se traduire dans les faits, être une exigence absolue, partagée par tous les bancs de l’Assemblée : droite, gauche, et centre. Elle doit se nourrir également de l’apport de toutes les forces politiques. Telle est, en tout cas, la vision du groupe UDI.

C’est pourquoi j’espère que vous aurez à coeur, à l’occasion de cette nouvelle lecture, d’écouter à nouveau le groupe UDI. Nous tenterons de vous convaincre afin que ce texte, majeur pour notre démocratie, puisse recueillir l’assentiment le plus large possible de la représentation nationale, et en particulier de l’Assemblée nationale.

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