Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, la lutte contre la fraude et la grande délinquance financière est un enjeu crucial, tant du point de vue de la restauration de nos comptes publics que de celui de l’exigence morale.

Face aux limites de l’augmentation de l’impôt et de la baisse de la dépense publique, la lutte contre la fraude constitue une voie prometteuse. Un travail important a été mené grâce à ce projet de loi, mais aussi grâce à la loi de réglementation des activités bancaires.

Il doit permettre, d’une part, d’assurer l’égalité devant l’impôt. En période de crise moins que jamais, les plus aisés ne peuvent se soustraire à la solidarité nationale. D’autre part – comme je l’indiquais précédemment –, il s’agit d’ouvrir une troisième voie entre la hausse d’impôt et l’austérité. C’est pourquoi, il est essentiel que les dispositifs mis en place dans cette loi soient mis en oeuvre rapidement.

Les écologistes se félicitent des nombreuses avancées que comporte ce texte. Je ne rappellerai que certaines d’entre elles : le renforcement des moyens d’investigation de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la lutte pour la transparence des trusts – n’est-ce pas, madame Mazetier ? –, ces montages juridiques opaques par lesquels transitent 80 % des flux illicites au niveau mondial. Ces montages, par lesquels l’argent s’évapore et à travers lesquels trop d’entreprises tentent d’échapper à leurs responsabilités

Ainsi l’Erika avait-elle été affrétée par une société des îles Bahamas, appartenant à un trust géré par un cabinet juridique panaméen. La transparence, c’est mettre un terme à l’impunité des entreprises qui se dédouanent de leur responsabilité sociale et environnementale.

Autre grande avancée : la protection des lanceurs d’alerte, ces personnes qui permettent à l’administration d’avoir accès à des informations sur des cas de fraude fiscale, comme l’a fait courageusement Hervé Falciani, ancien informaticien de la banque HSBC. Un salarié qui décide, de manière désintéressée, de porter à la connaissance d’instances fiscales des données permettant de révéler une fraude fiscale sera maintenant protégé.

Enfin, nous espérons que cette lecture nous permettra de rétablir l’allongement de trois à six ans de la durée de prescription. C’est d’ailleurs l’objectif des deux seuls amendements déposés par le groupe écologiste. Je n’ai pas souhaité déposer à nouveau celui préconisant d’indiquer sur la feuille d’impôt que l’on ne détient pas de comptes à l’étranger.

S’il est facile d’« oublier » de déclarer un compte à l’étranger, il l’est moins de déclarer mensongèrement qu’on n’en a pas. Je précise, au passage, que l’ancien ministre du budget a invoqué cet argument – qui ne pèse peut-être pas lourd juridiquement – dans sa défense. Il a dit : « Je n’ai pas déclaré que je n’avais pas de compte à l’étranger. » Il y a donc une nuance sensible entre ces deux façons de faire. Mais je ne relancerai pas le débat en déposant à nouveau cet amendement.

Les premiers effets de cette loi se font déjà sentir. Sous la pression, sous la menace de sanctions graves, certaines personnes ont fait le choix de mettre fin à leurs pratiques d’évasion fiscale. Ainsi, le budget de notre pays sera-t-il allégé en 2014 de 2 milliards d’euros d’impôt ou de réduction de la dépense. Certes, le montant reste modeste au vu des dizaines de milliards qu’évoquait Yann Galut, mais c’est un premier pas qui devra être suivi d’autres.

Nous attendons avec impatience les propositions du Gouvernement qui seront soumises à notre Assemblée en fin d’année dans l’objectif, cette fois, de lutter et de mettre fin à ce qu’il est convenu de nommer pudiquement l’évasion fiscale et qui concerne les entreprises.

Les exemples sont malheureusement nombreux et nourrissent la presse quotidienne. Ikéa, grâce à des investissements défiscalisés et à des redevances versées en contrepartie de l’usage de la marque, a économisé 60 millions d’euros d’impôts en France en 2011. Les quatre grandes entreprises du numérique en France paient un peu moins de 1 % d’impôt, pour un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros et un bénéfice de 800 millions, soit un impôt de 37 millions d’euros. Starbucks n’aurait jamais payé d’impôts sur les bénéfices depuis son arrivée en France. En 2009, quand les entreprises du CAC 40 ont accepté de déclarer leurs bénéfices et impôts en France, un quart d’entre elles n’avaient pas payé d’impôts sur les bénéfices. J’ai le regret de devoir citer parmi elles de grandes entreprises françaises : Total, Danone, Essilor, Schneider, Suez Environnement, ArcelorMittal.

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