Et même si nos deux chambres n’ont pu se mettre d’accord en commission mixte paritaire, ce qui retarde quelque peu la mise en oeuvre des dispositions, il faut noter que la qualité de l’écoute, et des rapporteurs, et des ministres, ont permis des avancées notables.
Aux mesures qu’il contenait initialement – aggravation des peines en cas de fraude fiscale, création d’un délit de fraude fiscale en bande organisée, possibilité de recourir à tout type de preuve, y compris illicite – sont venues s’ajouter des mesures essentielles comme l’allongement du délai de prescription de trois à six ans, une meilleure protection des lanceurs d’alerte, ainsi que des mesures contre les trusts, ces entités juridiques qui permettent de dissimuler les bénéficiaires des placements offshores.
Nous saluons également comme des avancées le renforcement de l’efficacité des contrôles fiscaux inopinés, la possibilité offerte aux douanes de recourir à des experts, l’amélioration du contrôle des prix de transfert, par la modification des obligations de documentation incombant aux entreprises, l’extension de l’obligation de déclaration des valeurs supérieures à 10 000 euros, à l’or et aux cartes prépayées, l’introduction de l’échange automatique d’informations comme critère d’inscription des pays sur la liste des États et territoires non coopératifs.
Nous nous réjouissons également de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, tel celui sur la prévention de la fraude aux carrousels de TVA ou celui qui facilite les poursuites en matière de blanchiment. Ils permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction. Nous avons également eu la satisfaction de voir plusieurs des amendements de nos collègues sénateurs adoptés. La plupart reprenaient les préconisations de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France, conduite en 2012. C’est ainsi que des avancées ont été enregistrées en matière de sanction du blanchiment ou de lutte contre les logiciels dits « permissifs ».
Trois dispositions majeures – possibilité pour les associations de se constituer parties civiles, possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête, création du procureur de la République financier – sont rétablies et nous nous en réjouissons.
Si ces avancées sont consolidées dans le texte qui nous est proposé, nous n’approuvons pas l’initiative de la commission, qui a jugé bon de supprimer l’article qui ajoute la comptabilité analytique des implantations de l’entreprise dans chaque État ou territoire aux obligations de documentation qui incombent aux grandes entreprises afin de justifier de leur politique de prix de transfert dans le cadre de vérifications de comptabilité par l’administration fiscale. Nous ne sommes pas opposés à ce que nous réfléchissions ensemble a une meilleure rédaction de cet article en loi de finances, mais rien ne nous semble justifier sa suppression.
Cette remarque m’invite à évoquer les quelques insuffisances du texte et les initiatives qui peuvent être prises dans le cadre législatif. Dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, de nombreuses avancées doivent aujourd’hui s’inscrire dans le cadre européen et international. La capacité de coopération internationale se heurte toutefois à d’importants obstacles, dès lors que l’on franchit le stade des déclarations d’intention. D’une part, en effet, les multinationales et les acteurs financiers les plus puissants font pression sur les gouvernements afin de leur arracher des régimes fiscaux dérogatoires. D’autre part, la coopération internationale se heurte aux divergences entre les systèmes fiscaux nationaux qui sont la traduction de la concurrence fiscale, de sorte que l’on ne voit quelle issue nous pourrions trouver en dehors d’une harmonisation exigeante des normes fiscales européennes.