…pour éviter que dans x années nous ne constations un détournement de procédure car ce qui est vrai dans le domaine de la construction peut l’être aussi dans le domaine fiscal et porter de graves atteintes à des libertés individuelles par le détournement de cet objectif louable qu’est la lutte contre la fraude fiscale. S’agissant de cet article 1er, nous devons donc faire preuve, comme le Sénat, d’une grande prudence.
Vous le savez, mon groupe est très opposé à la création du parquet financier pour toute une série de raisons.
Tout d’abord, vous arguez de la nécessité d’une autonomie plus grande du parquet dans ce domaine. Cela signifie-t-il que le procureur de Paris ne dispose pas d’une telle autonomie ? Il l’a, y compris dans le domaine fiscal, y compris pour lutter contre la grande délinquance économique !
En outre, si vous aviez vraiment souhaité une autonomie complète, il aurait alors fallu créer une juridiction spécialisée comme en Espagne, en Italie ou dans d’autres pays. Tel est le bout du bout du raisonnement sur l’autonomie, or, vous vous arrêtez à mi-chemin. Je ne suis pas sûr que l’argument de l’autonomie soit probant.
Vous dites également que la lutte contre la fraude fiscale doit être incarnée et que lorsqu’un procureur en sera chargé, le fraudeur aura beaucoup plus conscience des risques qu’il prend. Cela signifie-t-il, par exemple, que la lutte contre le terrorisme doit aussi s’incarner sous les traits d’un procureur dans le cadre d’un parquet spécialisé ? Faudrait-il créer autant de procureurs spécialisés qu’il y a de sujets difficiles à traiter sur le plan judiciaire ? Je ne le crois pas, et cet argument ne tient pas.
Enfin, je crains que vous ignoriez toujours ce qu’est la réalité de la lutte contre la fraude fiscale. Les Groupes d’intervention régionaux – GIR – constituaient une bonne réponse. En effet, la fraude fiscale se découvre souvent au cours d’une enquête concernant des faits plus banals de carambouilles, d’escroqueries, d’abus de confiance. Les investigations que mène un parquet dans le cadre d’un GIR, en s’associant donc avec d’autres services, permettent alors de découvrir la fraude fiscale.
Je crains que la spécialisation du procureur de Paris, même si vous allez dire que cela ne concernera que les affaires les plus importantes, ne prive la puissance publique de moyens permettant de lutter réellement contre la fraude fiscale. Ces affaires étant souvent complexes et transversales, la spécialisation ne me semble pas une bonne chose.
En disant cela, madame la garde des sceaux, je ne répète ni plus ni moins que ce qu’ont dit tous les magistrats du parquet qui ont été auditionnés dans cette maison et au Sénat.