Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fraude fiscale et la grande délinquance financière mettent en cause la légitimité de l’impôt et sapent donc l’un des fondements de notre république. Lutter contre la fraude fiscale est à la fois un impératif social, une exigence démocratique et une nécessité économique, surtout dans cette période de crise des finances publiques. Je suis donc d’accord avec notre collègue Philippe Vigier, qui appelait au rassemblement sur tous les bancs de nos deux assemblées. Je constate que ce n’est pas encore tout à fait le cas, je le regrette et j’espère que nous y parviendrons au terme de cette nouvelle lecture.

Comme mes prédécesseurs, je veux saluer la grande convergence de vues qui s’est exprimée entre notre assemblée et le Sénat. Elle s’est traduite par un nombre important d’articles votés conformes – plus de la moitié – et par des ajouts de nos collègues sénateurs qui enrichissent le texte et le confortent, notamment en matière de renforcement des moyens d’action des administrations fiscales et douanières. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui engrange donc ces acquis.

Mais le Sénat a aussi fortement restreint la portée du texte sur certains points, au risque de le priver de toute son efficacité, que ce soit en matière de recevabilité des preuves pour l’administration fiscale et les douanes, de recours aux techniques spéciales d’enquête, ou de possibilité offerte aux associations de lutte contre la corruption de se porter partie civile, ou que ce soit, bien évidemment, par la suppression du procureur financier de la République.

Mes chers collègues, la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière doit poursuivre trois objectifs qu’il nous appartient de conjuguer de la manière la plus efficace et la plus transparente possible. Le premier, c’est bien évidemment de prévenir la fraude fiscale et la grande délinquance financière quand cela est possible et, quand ce n’est pas le cas, de se donner les moyens de les poursuivre plus efficacement. Les dispositions que les sénateurs ont supprimées portaient sur ces possibilités de poursuite, qu’il nous faudra donc réintroduire. Le deuxième objectif consiste à renforcer les sanctions applicables, pas seulement pour dissuader, mais aussi pour mieux proportionner – car il s’agit d’une exigence démocratique – la sanction au préjudice subi par la société. Je crois qu’un large consensus existe sur ce point. Le troisième objectif, enfin – les députés de la commission des finances partagent ce souci avec le ministre du budget –, est de faire rentrer le plus efficacement et le plus rapidement possible dans les caisses de l’État les sommes détournées.

Je me félicite donc que la commission des lois ait réintroduit, parfois d’ailleurs à l’initiative de la commission des finances, des dispositions votées par notre assemblée en première lecture. Comme les rapporteurs, je les juge indispensables à la cohérence, à l’équilibre et à l’efficacité de ce dispositif de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière que nous entendons renforcer.

J’estime par ailleurs que notre texte est arrivé à un bon équilibre, s’agissant des relations entre l’administration fiscale et la justice. Il se matérialise par de nombreuses dispositions, et notamment par l’obligation qui est faite à l’administration fiscale d’informer la justice des suites données aux informations transmises par cette dernière. À travers ces dispositions, introduites à l’initiative de notre collègue Sandrine Mazetier, nous améliorerons les relations entre la justice et l’administration fiscale et nous renforcerons la transparence des poursuites pénales engagées en cette matière

Continuer à opposer l’administration fiscale et la justice et évoquer, comme certains de nos collègues l’ont fait, ce qu’on appelle communément, mais injustement, le « verrou de Bercy », c’est non seulement inutile, mais même dangereux, notamment au regard du troisième objectif que j’ai rappelé, à savoir récupérer le plus vite possible, et en totalité, les sommes soustraites. Je pense que nous devrons en rester au dispositif adopté en première lecture.

Chers collègues, nous avons tous conscience des ravages que peuvent causer la fraude et l’évasion fiscales : elles constituent une difficulté dans la crise des dépenses publiques que nous connaissons, mais posent également un problème vis-à-vis de nos concitoyens. Nous savons qu’il est nécessaire de lutter plus efficacement encore contre ces pratiques qui privent les finances publiques des ressources nécessaires et minent notre cohésion sociale. Nous savons aussi la difficulté de la tâche et nous devons avoir en permanence à l’esprit cet adage de Georges Pompidou : « La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme ».

Nous ne devons pas nous priver de ce texte, qui n’est qu’un texte parmi d’autres, après ceux que nous avons adoptés dans le cadre de la loi de finances rectificative en 2012 et dans le projet de loi de finances de 2013, et avant les dispositions que nous adopterons, notamment en matière d’optimisation fiscale, dans le projet de loi de finances pour 2014, à la suite des travaux de la Mission d’information parlementaire confiée à nos collègues Pierre-Alain Muet et Éric Woerth.

Bien qu’il soit pratiquement impossible de vouloir l’éradiquer, gageons ensemble que l’adoption de ce projet de loi permettra de resserrer l’étau sur les fraudeurs et les délinquants financiers et qu’il rendra ainsi service à notre république.

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