Madame la présidente, madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, mes chers collègues, dans son discours devant les états généraux de la démocratie territoriale, à Paris le 5 octobre dernier, le Président de la République a tracé les perspectives d’une nouvelle étape de la décentralisation, tout en soulignant qu’elle devrait s’accompagner d’une réforme de l’État, car les deux mouvements vont de pair.
C’est à l’aune de ce discours que le Gouvernement a préparé les trois textes qui, regroupés, constituent la réforme de l’action publique territoriale et de la décentralisation. C’est aussi en conformité avec les priorités alors fixées que sera rétablie par ce texte la clause de compétence générale et que va être engagé le chantier de la modernisation de l’action publique locale. C’est l’objet du premier des trois textes qu’a préparés le Gouvernement et dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Si l’on a parfois un peu rapidement réduit ce texte à la seule création des métropoles – ce qui est normal puisqu’elle constitue, en volume, la majeure partie de ce projet –, il semble important de rappeler le premier des deux termes qui figurent dans son intitulé : ce texte a avant tout pour objectif la modernisation et l’organisation de l’action publique au service des territoires.
Plus de trente ans après le lancement d’un processus de décentralisation par le gouvernement dirigé par Pierre Mauroy, auquel je souhaiterais moi aussi rendre hommage ici, les collectivités territoriales remplissent des missions de proximité mais aussi de stratégie de développement, avec une efficacité qui n’est plus contestable.
Cependant, au-delà de leurs compétences propres, il convient aussi de prendre en compte la complexité des nouveaux sujets et les nouvelles attentes de nos concitoyens, qui ne peuvent se satisfaire d’un éparpillement complet des initiatives locales. La théorie des blocs de compétences étanches, qui pourraient être exercés par chaque collectivité de son côté et à sa manière, a vécu. Il est devenu nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles les interventions des unes et des autres peuvent se compléter pour être plus efficaces et surtout plus lisibles.
Comment le citoyen peut-il se satisfaire lorsqu’il voit ses élus mener des opérations, décider d’investissements, proposer des aides, avec parfois – je dis bien parfois – le sentiment qu’aucune coordination ne cherche à éviter les doublons et les surcoûts et, plus souvent encore, en ayant le sentiment de ne plus savoir lequel de ces élus est responsable de quoi ? Le défi d’aujourd’hui est donc de fédérer les initiatives locales qui cherchent souvent à aller dans le même sens, par-delà les frontières administratives, sans pour autant mettre à bas les structures de proximité et la richesse démocratique que constituent nos 36 000 collectivités territoriales.
C’est ce à quoi s’emploie le présent texte. Dans un premier temps, il permet aux collectivités d’organiser une action concertée autour de chefs de file. Il offre aux collectivités un espace de liberté et de discussion, avec la mise en place de la Conférence territoriale de l’action publique au sein de laquelle les collectivités, en confiance et en toute responsabilité, pourront décider ensemble comment s’organiser et coordonner leurs interventions.
Je voudrais revenir sur un malentendu ou plutôt sur des interrogations au sujet de la notion de chef de file, qui transparaissent dans nos échanges en commission comme dans certains des amendements qui ont été déposés sur ces articles. Je le répète, la définition d’un chef de file ne peut pas être assimilée à la délégation d’une compétence partagée à un seul niveau de collectivité. Elle est simplement la reconnaissance que si tous les niveaux ont vocation à entreprendre des actions dans ce domaine, il est tout à fait indispensable qu’une coordination ait lieu et, pour reprendre la Constitution, qu’un chef de file organise les modalités de l’action commune.
En application du principe de libre administration, cette coordination ne peut être que volontaire et si une collectivité refuse de se joindre à la convention d’exercice concerté, elle pourra évidemment continuer d’avoir une action dans ce domaine, mais elle ne pourra alors compter que sur ses propres deniers pour la financer.
La notion de chef de file a été introduite dans la Constitution à l’occasion de la réforme de 2003, à l’initiative de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, mais jusqu’alors, comme Mme la ministre l’a rappelé, personne ne lui avait donné une réalité en dehors de cette affirmation constitutionnelle.
Cela étant, il faut aussi le rappeler, le Sénat a jugé que le projet initialement présenté par le Gouvernement, destiné à fournir un cadre global à une discussion d’ensemble de ces questions dans une Conférence territoriale réunie à l’échelle régionale, afin de discuter d’un ensemble de conventions réunies en un seul et même pacte, était trop compliqué et trop contraignant. Par conséquent, le Sénat a fait le choix de supprimer l’article 5 du projet gouvernemental.
Lors de l’examen du texte en commission, j’ai proposé à la commission des lois un dispositif allégé qui repose avant tout sur le consentement des collectivités concernées et ainsi sur l’intelligence territoriale. Mais je tiens aussi à dire que j’aurai encore l’occasion, au cours de nos débats, de proposer de nouvelles mesures de simplification de ce dispositif de Conférence territoriale de l’action publique et des dispositifs de coordination des politiques publiques au niveau local.