La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, je tiens à faire part de l’émotion de la représentation nationale après la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. En votre nom à tous, j’adresse mes condoléances aux familles des victimes et mes voeux de prompt rétablissement aux nombreux blessés.
Je souhaite également rendre hommage à Philippe Verdon, notre compatriote enlevé au Mali en novembre 2011, et dont la mort vient d’être confirmée. J’adresse les condoléances de la représentation nationale à sa famille, et j’ai une pensée pour tous ceux qui sont encore retenus.
Je vous invite à observer une minute de silence.
MM. et Mmes les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne le projet de loi de modernisation de l’action publique, et plus particulièrement la création de la métropole de Lyon.
En premier lieu, permettez-moi de relever que votre Gouvernement abroge toutes les mesures qui visaient à mettre un peu d’ordre dans le millefeuille territorial. Vous supprimez le conseiller territorial, vous remettez de la clause de compétence générale à tous les étages, et vous complexifiez encore les choses avec ce projet de loi, où le Gouvernement amende lui-même son texte…
S’agissant de la métropole de Lyon, il est proposé de créer une collectivité à statut particulier comptant plus de 1 200 000 habitants, avec un budget s’élevant potentiellement à 3,5 milliards d’euros, et près de 10 000 agents. Et cela sans évaluation préalable, précise et objective ! Lors des débats au Sénat, cette évaluation a été demandée et, semble-t-il, promise. Les parlementaires sont concernés, même dans cette situation ubuesque qui leur interdira bientôt de siéger dans un exécutif local. Qu’en est-il d’une information générale des parlementaires appelés à se prononcer sur cette création ?
Les parlementaires UMP du Rhône ont saisi le Gouvernement au début du mois de juin, pour exprimer cette demande. Ils n’ont reçu aucune réponse, pas même un accusé réception.
La plupart d’entre eux soutiennent le principe de la création de cette nouvelle collectivité, mais ils ne peuvent le faire sans connaître les données financières essentielles. La métropole de Lyon n’a de sens et d’intérêt – et les citoyens nous le rappellent – que si l’action publique est plus lisible, plus réactive, et surtout plus économe.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi n’y a-t-il pas d’étude d’impact et d’évaluations financières, notamment en termes de fiscalité locale et de dotations de l’État ? Pensez-vous qu’il soit responsable de se prononcer, sans ces données financières et objectives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Dominique Nachury, dès seize heures trente va débuter ici l’examen du texte que vous évoquez. Et dans quelques heures, nous travaillerons sur la partie de ce texte qui concerne la métropole lyonnaise. Je voudrais, en préambule, vous dire que l’ensemble du texte s’attache à clarifier, à simplifier…
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…et à faire en sorte que l’ensemble des dépenses puisse être maîtrisé. Toutes ces questions ont fait l’objet, depuis plusieurs mois, d’un dialogue très nourri et très fourni, auquel chacun a pris part. Je voudrais ajouter, au sujet de la métropole lyonnaise, qu’il s’agit d’une démarche exceptionnelle et exemplaire…
…où les élus ont cherché à trouver des solutions de simplification et de maîtrise des dépenses, entre la collectivité, la communauté urbaine de Lyon et le département lyonnais. Dans ce contexte, je suis persuadée qu’avec la bonne volonté et l’écoute des uns et des autres, nous arriverons à trouver la voie d’un consensus et de dispositions harmonieuses pour Lyon.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Michel Pouzol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, M. Frédéric Cuvillier.
Vendredi soir, à 17 heures 14, en gare de Brétigny-sur-Orge, le déraillement du train Paris-Limoges provoquait la plus grande catastrophe ferroviaire de notre pays depuis vingt-cinq ans. Arrivé sur place quelques minutes après l’accident, nous avons découvert avec Bernard Decaux, le maire de la ville, une scène apocalyptique.
Vous le savez, le bilan de cette catastrophe est très lourd : six personnes décédées, douze blessés graves, deux cent vingt-sept personnes prises en charge pour des blessures et des traumatismes plus ou moins importants.
En ce moment même, notre collègue de l’UMP Franck Marlin est auprès de la famille de l’une de ces victimes, un jeune homme de vingt-trois ans fauché sur le quai alors qu’il attendait son RER.
Je veux saluer ici le dévouement et le professionnalisme de ceux qui sont intervenus très rapidement
Applaudissements sur tous les bancs
sauveteurs, SAMU, bénévoles, forces de l’ordre, cheminots et, bien entendu, en tout premier lieu, les pompiers des services d’incendie et de secours de l’Essonne et des départements voisins, qui ont été en tous points admirables. Les pompiers de Brétigny sont arrivés sur place trois minutes seulement après la catastrophe, ce qui a permis une prise en charge rapide des blessés et des passagers.
Le Président de la République est venu nous apporter son soutien, tout comme le Premier ministre et bon nombre de membres du Gouvernement, et nous les en remercions du fond du coeur. Vous-même, monsieur le ministre, avez pu constater l’étendue de la catastrophe et partager les visions d’horreur qui ont été les nôtres durant une bonne partie de la nuit de vendredi à samedi.
Si nous ne connaissons pas aujourd’hui les causes exactes de ce déraillement, et s’il faut se garder de tout amalgame, la nécessité de renforcer la sécurité sur les réseaux locaux et les réseaux classiques de ville à ville apparaît comme une évidence.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour renforcer la sécurité sur ces réseaux, et plus particulièrement sur le réseau francilien. Comment comptez-vous assurer la modernisation de ces lignes ? Avez-vous l’intention de tourner le dos à la politique du tout-TGV qui, si elle a pu faire plaisir à bon nombre d’élus locaux, s’est largement construite au détriment des usagers ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, cher Michel Pouzol, nous ressentons encore l’émotion issue des images effroyables de cette catastrophe ferroviaire, de ce drame au bilan insoutenable.
Je tiens à renouveler l’hommage aux victimes et, comme l’a fait le Président de la République dans les premières heures, à assurer toute la solidarité de la nation. Le Premier ministre s’est également rendu sur place pour s’assurer de la bonne organisation des services de secours et de santé. Ces moments demeurent extrêmement éprouvants.
Quoi qu’il en soit, je tiens à vous assurer que nous saurons ce qui s’est passé. Vous avez raison de souligner qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions qui vaillent, et les trois enquêtes qui sont engagées permettront de connaître les éléments explicatifs de cette situation.
La sécurité est un impératif absolu. La sécurité est la priorité. J’ai entendu bon nombre de commentaires ; il est évident que nous ne devons en aucun cas négliger la qualité des infrastructures, ni leur nécessaire modernisation.
Nous sommes malheureusement rattrapés par la cruauté de l’actualité. Il y a quelques jours, en effet, le Premier ministre a annoncé un grand plan de modernisation et de remise à niveau des infrastructures du réseau classique. Dans quelques jours, il signera avec le président de la région Île-de-France un plan d’investissement de six milliards d’euros, et RFF engagera cinq autres milliards pour la remise à niveau des infrastructures, afin que la sécurité et la sûreté soient assurées.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au Premier ministre et concerne la situation humaine, économique et sociale catastrophique des territoires d’outre-mer.
Monsieur le Premier ministre, en 2012, j’ai voté pour François Hollande.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’ai voté la confiance au Gouvernement sur la base d’un discours qui prônait justice et équité, qui promettait d’agir en faveur de ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés ! Bien que nos territoires soient au bord de l’explosion sociale, vous avez mis fin à des dispositifs comme le RSTA, le revenu supplémentaire temporaire d’activité, qui permettait d’injecter directement 50 millions d’euros dans l’économie réunionnaise ! Pour protester contre la suppression de ce dispositif, un citoyen vient d’entamer une grève de la faim devant les grilles de la préfecture.
D’autre part, l’incertitude qui pèse sur la défiscalisation outre-mer est en train de tuer notre économie alors même que les dettes sociales et fiscales des entreprises avoisinent le milliard d’euros. La défiscalisation est un dispositif qui crée de l’emploi, qui crée de l’activité, elle ne doit pas être considérée comme une niche fiscale qui ne profiterait qu’à certains.
« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Chaque fois qu’un dispositif fait ses preuves, il est cassé par Paris. Nicolas Sarkozy, en son temps, avait mis fin sans sommation à la défiscalisation des énergies photovoltaïques. Le bon sens n’est donc ni de droite ni de gauche. Il ne ressort que de la volonté politique de considérer l’outre-mer, non plus comme des sous-départements, mais comme des départements français à part entière.
Une récente étude de l’INSEE a démontré que la pauvreté y est trois fois plus importante qu’en métropole, que le chômage y est de 30 % et atteint 65 % chez les jeunes. Plus de 20 000 foyers y sont en attente d’un logement social. Les produits de première nécessité coûtent 40 % plus cher. Et il n’y a pas de continuité territoriale.
Autre exemple concret : une énième mort à cause d’un requin. Que font les pouvoirs publics, à part empêcher les élus d’agir ?
Où sont la justice et l’équité ? Accepteriez-vous une situation sociale et économique aussi dégradée dans un département métropolitain ? Je ne le pense pas.
Monsieur le Premier ministre, je vous demande solennellement ce que vous comptez faire pour enfin accompagner l’outre-mer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP et UDI.
Monsieur le député, vous me permettrez, avant de vous répondre, d’adresser au nom du Gouvernement et de la représentation nationale des condoléances sincères et émues à la famille de la jeune victime d’une attaque de requin.
Une fois de plus, un requin a tué. Un plan d’action est à l’oeuvre, qui comprend diverses mesures. Nous aurons bientôt l’occasion de renforcer ce plan d’action, notamment par un prélèvement ciblé de requins.
Monsieur le député, vous êtes un élu d’expérience et ne pouvez être frappé d’amnésie. Vous savez très bien qu’entre 2002 et 2012 le chômage a explosé dans les outre-mers !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il est de 39 % et atteint même 49 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Vous ne pouvez non plus ignorer qu’entre 2002 et 2012 les crédits de la mission « Outre-mer » ont diminué de plus de 20 %. Vous ne pouvez pas ignorer que les crédits des emplois aidés ont été divisés par dix.
Aujourd’hui, vous n’avez plus à aller vous agenouiller devant la préfecture ni à installer des camps devant elle, vous le savez.
Et vous qui êtes un homme d’observation, vous savez que depuis 2012 les outre-mer sont revenus au coeur de l’action du Gouvernement et de l’action de l’État.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ont augmenté de plus de 5 % en 2013, de 12,9 % sur le budget triennal. Le Premier ministre vient d’arbitrer, et j’espère que vous pourrez une fois de plus faire confiance au Gouvernement de Jean-Marc Ayrault et voter ce budget. La loi relative à la régulation économique outre-mer, première loi votée au début de la législature, s’attaquait aux causes structurelles. Gardez votre confiance en le Président de la République et le Gouvernement, vous n’aurez pas à être déçu.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, le projet de loi sur les métropoles est un coup de force au coeur de l’été.
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Ce que vous qualifiez de nouvelle décentralisation masque une attaque sans précédent contre la démocratie locale. (Mêmes mouvements.)
Après Marseille, c’est au tour de Paris. Sans aucune concertation, après trois jours seulement de débat, vous tentez d’imposer la création d’un monstre technocratique métropolitain qui confisquerait les pouvoirs des collectivités.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Dans cette recentralisation réactionnaire qui rappelle plus Delouvrier que Defferre, à quoi serviront les maires dépouillés de leurs compétences ?
La région sera marginalisée. Les départements de petite couronne auront vécu. Les intercommunalités seront balayées et, avec elles, leurs projets novateurs et solidaires.
« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Comme au temps du baron Haussmann, Paris annexera les villes et départements de la petite couronne dans cette métropole, sans la légitimité du suffrage universel.
Les habitants doivent être consultés sur un tel big bang institutionnel.
« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je vous demande d’organiser un référendum, comme le prévoit la Constitution en cas de création d’une collectivité.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
En créant la métropole, le Parti socialiste veut imposer sa loi sur l’Île-de-France
Mêmes mouvements
et étendre son hégémonie sur les institutions. Mais où est l’ambition au service de la population ? La région parisienne est malade des injustices et des inégalités territoriales. Pourtant, rien n’est fait dans ce texte pour partager les richesses, augmenter les péréquations, réformer de fond en comble la fiscalité locale.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous retirer ce texte partisan pour rebâtir avec les élus et les habitants une métropole véritablement solidaire, démocratique, durable et compétitive ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Asensi, la lecture à laquelle vous allez procéder vous démontrera de façon claire
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
que ce nouveau texte contient ce que vous recherchez et attendez aujourd’hui de cette nouvelle étape de la décentralisation.
Nous trouvons ici les règles du jeu que les uns et les autres voulions atteindre. Depuis des mois, nous travaillons ensemble…
Mais le texte que nous allons examiner n’a rien à voir avec le texte d’origine !
Les débats ont été ouverts...
Exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Le dialogue a été conforté. Aujourd’hui, nous arrivons avec un texte qui a été débattu longuement et largement…
Il va l’être encore et il permettra, avec le bon sens et la raison, de trouver des solutions pour la métropole parisienne qui seront des éléments importants de solidarité entre les différents types de collectivités.
Je peux vous assurer que le Gouvernement a cette volonté très claire…
…et une grande détermination pour trouver, dans tous les cas, les meilleures solutions avec l’ensemble des députés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« Fier que la chaise à mon nom reste vide au défilé de bottes des Champs-Élysées » : tels sont les propos exprimés dimanche matin par Xavier Cantat, militant actif des Verts et invité à la tribune officielle en tant que compagnon du ministre du logement Cécile Duflot. Ces propos ne sont pas acceptables.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes responsable de la défense nationale, votre Gouvernement dispose de la force armée et le Président de la République est le chef des armées. Il serait donc important, à l’avenir, d’inviter à la tribune officielle des personnalités qui ont la décence de respecter l’engagement de nos hommes, notamment au Mali et sur l’ensemble des théâtres d’opération extérieures au péril de leur vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
En 2011, déjà, Eva Joly avait clairement exprimé son désir d’abolir la fête du 14 juillet, reflet selon elle d’une « nostalgie guerrière nauséabonde ».
Nucléaire, gaz de schiste, forces armées, métropoles : les Français ont bien compris que vous n’êtes d’accord sur rien, sauf lorsqu’il s’agit de vous faire élire. Tout cela pourrait éventuellement être risible s’il ne s’agissait pas de la France et du respect dû à nos soldats au service de la République.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous, avec le Président de la République, remettre un peu de cohérence dans cette majorité qui n’en est plus une ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Meunier, tous les membres du Gouvernement, sauf obligation internationale, étaient présents à la cérémonie et au défilé du 14 juillet.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je dois dire, monsieur le député, que vous ne faites pas honneur à la France par vos propos particulièrement minables et polémiques.
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
S’il vous plaît, écoutez le Premier ministre ! Retrouvez votre calme, mes chers collègues !
Je ne commenterai pas davantage vos propos. Tous ceux qui étaient là et les millions de Français qui ont suivi à la télévision publique, pendant cinq heures, les manifestations du 14 juillet ont vu que ce qui nous rassemblait, au-dessus des polémiques et des mesquineries, c’étaient les valeurs de la France, les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque les soldats de l’armée malienne ont défilé devant nous et devant le président par intérim Traoré,…
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP
…nous étions fiers de nos armées et de nos soldats qui ont mené, au nom de la France, au nom de la liberté, contre le terrorisme, un combat exemplaire. Nous étions fiers que défilent aux côtés des soldats français les soldats d’Afrique et de l’armée malienne. Voilà ce que j’aurais aimé entendre, mais vous n’en avez rien dit !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous n’avez que la polémique à l’esprit. Mais moi, j’ai la France au coeur et à l’esprit, et rien d’autre, monsieur le député ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, je crois que ce jour-là, les Français étaient fiers de dire : « Vive la République et vive la France ! ».
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Plusieurs députés du groupe SRC se lèvent. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Béatrice Santais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du redressement productif, j’ai eu l’honneur de vous accueillir ce samedi sur le site de l’usine Rio Tinto Alcan à Saint Jean-de-Maurienne. Vous apportiez, avec M. le Premier ministre et Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes, la bonne nouvelle de la reprise par l’industriel allemand Trimet allié à EDF, de cette usine et de l’unité de Castelsarrasin.
De cette usine mauriennaise, qui a vu naître la technologie de l’aluminium moderne et industriel et dans laquelle 80 % des cuves à électrolyse fonctionnant dans le monde ont été conçues, d’aucuns annonçaient, il y a peu de temps encore, la fermeture définitive, condamnant ainsi 450 emplois directs et 2 000 emplois induits.
Après de longs mois de négociations intenses, engagées depuis votre première venue dans la vallée le 15 mars 2012, monsieur le ministre, c’est aujourd’hui une victoire pour la filière aluminium en Europe. C’est une victoire pour l’industrie nationale. C’est une victoire pour la vallée de la Maurienne, si durement éprouvée par la déprise industrielle. C’est une victoire pour notre Gouvernement.
Au nom des salariés de l’usine et des habitants de la Maurienne et de la Savoie, je souhaite exprimer, notre profond soulagement, notre sincère reconnaissance et notre immense joie de voir aboutir ce dossier. Nous savons le travail effectué par le Gouvernement qui, en lien avec les parlementaires savoyards, les élus locaux, et les organisations syndicales, a permis de concrétiser cette réussite.
Patience, responsabilité, ténacité ont été les mots d’ordre de cette négociation qui nous a tenus en haleine. J’en veux pour preuve ces mots de Jacynthe Côté, chef de la direction de Rio Tinto Alcan, vous félicitant d’avoir « déplacé des planètes » et affirmant n’avoir « jamais vu, en vingt-cinq ans dans l’aluminium, autant de courage, de persévérance et de détermination » de la part d’un gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Madame la députée, c’est, il est vrai, un événement important pour votre région, la Savoie, mais aussi pour la France et l’Europe, que la préservation de cet outil industriel de haute modernité qu’est l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne.
Rappelons qu’en l’espace de vingt ans dix-neuf sites d’aluminium ont disparu du territoire européen. La fatalité commençait de s’emparer des esprits : on s’imaginait que ce serait au tour de cette vallée où a été créé l’aluminium de voir disparaître cet outil industriel. Au lieu de cela, ce sont 500 emplois directs et 2 000 emplois induits qui seront préservés dans cette vallée. Au ministère où je me trouve, je vois beaucoup de vallées qui n’ont pas connu de tels résultats : la désindustrialisation y a encore progressé. Nous sommes donc heureux que l’outil industriel ait été préservé en Savoie, dans cette vallée en particulier.
Pourquoi est-ce un événement important ? D’abord parce qu’il est né de l’alliance de capitaux français et de ceux d’une famille d’industriels allemands, qui ont décidé de relancer le modèle économique européen dans l’aluminium.
Ensuite parce que, pour la première fois, nous avons allié EDF, qui apporte l’énergie électrique nécessaire à la production de l’aluminium, les capitaux de la Banque publique d’investissement, que vous avez créée ici-même, mesdames et messieurs les députés,,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP
et ceux du groupe Trimet.
Enfin, parce que nous avons là la démonstration qu’il est possible de défendre notre outil industriel. Partout en France, il y a des « mini-Rio Tinto », qui sont peu visibles parce qu’il s’agit de petites entreprises, et je veux saluer ici l’action des vingt-deux commissaires au redressement productif, qui ont sauvé, dans 714 dossiers, 88 000 emplois sur 103 000. (Mêmes mouvements.)
La lutte continue et nous nous battrons jusqu’au dernier souffle. Merci, madame la députée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, vous vous défilez : vous ne répondez pas aux questions de votre opposition.Tout n’est pas rose, n’oubliez pas que nous sommes tous pour la liberté, l’égalité et la fraternité. N’oubliez pas non plus que le public, le 14 juillet, a sifflé le Président de la République. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. –- « Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Au plus bas dans les sondages, le Président de la République a affiché un optimisme insouciant lors de son allocution élyséenne du 14 juillet. Passons sur le reniement que constitue cette prise de parole depuis l’Elysée. « Moi, Président… », avait-il dit : les temps ont bien changé ! Aujourd’hui, il faut que M. Hollande quitte son bureau de l’Élysée pour entendre la détresse des Français et ressentir ce qu’est leur vraie vie, qu’ils soient retraités, employés, artisans, agriculteurs ou entrepreneurs.
« La reprise, elle est là ! » a-t-il déclaré. Mais alors, pourquoi annoncer une nouvelle hausse des impôts ? Les économistes sont unanimes pour considérer que votre politique ne permet pas de stimuler l’emploi et l’investissement.
Aujourd’hui, l’image de la France est dégradée. Ce n’est pas seulement notre triple A que nous avons perdu, c’est aussi la confiance de nos forces actives. Le chômage augmente, les carnets de commandes des entreprises ne se remplissent pas et les ménages constatent tristement une érosion de leur pouvoir d’achat. Vous démoralisez les familles en remettant en cause la politique familiale qui a pourtant fait ses preuves !
Le Gouvernement, que vous tentez en vain de contrôler à défaut de le coordonner, fonctionne cahin-caha selon la technique de la méthode Coué. Mais ce n’est pas en invoquant benoîtement la croissance que celle-ci va revenir ! C’est en baissant les dépenses publiques de fonctionnement, en faisant des réformes structurelles, en diminuant les charges qui pèsent sur les entreprises.
Alors, de grâce, monsieur le Premier ministre, arrêtez d’augmenter les impôts, libérez l’économie et répondez à nos questions !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, le Président de la République, le 14 juillet, a délivré aux Français un message qui est un message de mobilisation et de confiance dans le pays.
Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.
Ce que nous pourrions attendre de l’opposition qui a tant échoué, ce n’est pas qu’elle nous prodigue des conseils ou qu’elle nous donne des leçons, c’est qu’elle soit aux côtés des Français.
Le Président de la République a raison. Bien sûr, la situation de la France est compliquée. Bien sûr, nous avons à redresser des comptes publics que vous avez laissés dégradés comme jamais, une dette publique qui a explosé durant les années où vous étiez aux responsabilités. Bien sûr, nous avons à améliorer une compétitivité qui a beaucoup diminué, et nous voyons, entreprise par entreprise, à quel point l’effort à faire est grand.
Mais c’est vrai : la France est en train de sortir de la récession.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Tant l’INSEE que la Banque de France prévoient pour le deuxième trimestre de 2013 une croissance positive, de l’ordre de 0,2 %. Au lieu de vous réjouir de nos difficultés, observez les signaux qui apparaissent ici et là : je pense à l’investissement industriel qui repart plus qu’en Allemagne, je pense à la consommation des ménages, je pense au pouvoir d’achat, je pense aux embauches.
Tout cela, mesdames et messieurs les députés, ne fait évidemment pas une croissance au niveau que nous souhaitons. Mais c’est la concrétisation de l’effort que nous faisons pour réformer notre pays, pour le redresser, à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, à travers les réformes structurelles que nous entreprenons.
Je dis à mon tour aux Français que l’effort était nécessaire, mais que cet effort aboutit aujourd’hui à des résultats et vous devriez plutôt, mesdames et messieurs de l’opposition, être à nos côtés pour les accompagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, après avoir augmenté de 14 milliards les impôts des entreprises l’an passé, et de 13 milliards les impôts des ménages, votre Gouvernement avait pris l’engagement solennel devant les Français de ne plus toucher à la fiscalité.
L’UDI avait pris acte de la déclaration du ministre du budget le 30 septembre : « C’est la stabilité fiscale qui est la politique du Gouvernement pendant la mandature », engagement confirmé par le ministre de l’économie, par vous-même, monsieur le Premier ministre, et par le Président de la République au mois de mai lors de sa conférence de presse.
Seulement voilà : le 14 juillet, le Président de la République nous annonce qu’une promesse de plus ne sera pas tenue, et que les impôts augmenteront à nouveau : augmentation de la TVA, abaissement du quotient familial, prélèvements sur les retraités, taxe à 75 %, taxation de l’assurance-vie, maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu, du gel du point d’indice des fonctionnaires, fin de la défiscalisation des heures supplémentaires pour 9 millions de familles !
Vous rendez-vous compte, monsieur le Premier ministre, que toutes ces mesures déjà votées ou annoncées augmenteront mécaniquement le prélèvement sur les Français de 20 milliards de plus en 2014 ?
Nous vous demandons de mettre un coup d’arrêt à cette politique de dérive fiscale.
Tous les voyants sont au rouge, contrairement à ce qu’affirme le ministre de l’économie : le déficit public s’envole, les recettes fiscales s’effondrent, le déficit commercial se creuse, la croissance est en berne, et enfin le chômage – combat des combats – explose. On est loin, bien loin évidemment, de la reprise annoncée en fanfare le 14 juillet.
Monsieur le Premier ministre, le pays a besoin de savoir. Ma question est donc simple : au-delà des mesures déjà annoncées ou votées, prendrez-vous le risque d’un nouveau coup de gourdin fiscal dont notre pays ne se relèverait pas, ou tiendrez-vous enfin votre promesse de ne plus augmenter les impôts des Français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le député Jégo, je souhaite répondre de façon extrêmement précise à votre question, qui laisse à penser que les impôts auraient été inventés par nous lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilités, et qu’ils n’existaient pas lorsque vous étiez ministre d’un Gouvernement et député d’une majorité que vous souteniez…
Je veux simplement rappeler quelques chiffres et vous dire ce que nous allons faire en matière de politique fiscale. En 2011, le prélèvement effectué sur les Français a augmenté de 20 milliards d’euros ; en 2012, la loi de finance votée par le Gouvernement que vous souteniez proposait de prélever 13 milliards d’euros supplémentaires sur les Français.
Autrement dit, alors que vous étiez en situation de responsabilités depuis près de dix ans et que vous auriez pu engager des réformes structurelles et maîtriser les dépenses publiques, vous avez décidé, en deux ans, d’augmenter de 33 milliards les prélèvements sur les Français ! Moyennant quoi, vous vous estimez autorisé aujourd’hui à nous donner, à grand renfort de polémiques et de discours incantatoires, des leçons. Je ne trouve pas cela très juste, monsieur Jégo !
Laissez-moi vous dire ce que nous allons faire en matière fiscale. Pour commencer, nous avons pris des engagements, dont vous avez d’ailleurs eu à débattre dans le cadre du programme de stabilité, qui nous conduiront en 2014 à augmenter – c’est vrai – la pression fiscale de 0,3 %.
Au-delà de 2014, et ces engagements ont été débattus devant la représentation nationale, nous souhaitons nous engager dans une stratégie de stabilité des prélèvements fiscaux. Comment allons-nous le faire ? En faisant d’une part ce que vous n’avez pas fait, c’est-à-dire en diminuant la dépense publique, qui a augmenté de 170 milliards au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, et qui augmente aujourd’hui de 0,5 % là où, en moyenne, pendant le précédent quinquennat, elle augmentait de 2 % ; et en engageant d’autre part des réformes structurelles, le crédit d’impôt compétitivité emploi, la réforme du marché du travail, la réforme du financement des entreprises, qui sont autant de chances pour nos entreprises de se moderniser et pour notre pays de connaître la croissance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je voudrais tout d’abord dire à M. le Premier ministre, qui semble-t-il donne des leçons de patriotisme à certains députés de l’opposition, qu’il ferait bien de donner des leçons à certains ministres de sa majorité !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
J’en viens à ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, il me tient à coeur de vous faire savoir que des incidents très graves se sont déroulés il y a quelques jours à peine, lundi dernier à Marseille, sur la plage des Catalans. À la suite d’une altercation entre une famille et un groupe de jeunes, un petit bébé – un nourrisson – a reçu du sable dans les yeux. Un policier de la police nationale est venu s’interposer entre un groupe de jeunes sauvages et cette famille.
Mouvements sur les bancs du groupe SRC.
Le dispositif « sécurité plages », comme vous le savez, monsieur le ministre, est un dispositif unique ville-État, qui fonctionne plutôt bien depuis plus de dix ans. Toutefois, cette année, vous avez décidé, sous prétexte de réorienter les effectifs dans la ville, de moins mobiliser sur le littoral et les plages.
Il s’est rapidement trouvé entouré par une vingtaine de jeunes qui l’ont roué de coups, l’ont précipité sous l’eau et ont tenté de le noyer. Si ce policier sauvagement agressé a quitté l’hôpital, il souffre aujourd’hui d’étourdissements et de paralysie faciale
Il n’y a plus que deux policiers au lieu de quatre, et plus aucun CRS l’après-midi alors qu’un car était présent jusque-là – dont je crois toutefois qu’il a été remis en place depuis mardi.
Je comprends les difficultés budgétaires auxquelles vous êtes confronté : la mobilisation des CRS pour l’Europride coûtera 500 000 euros pour la seule journée du 20 juillet…
Monsieur le ministre, j’avoue ma perplexité face à tant d’incohérences concernant la sécurité des Français.
Je vous remercie de préciser à la représentation nationale les dispositions concrètes que vous comptez mettre en oeuvre afin d’éviter que de tels incidents ne se reproduisent.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député Teissier, les faits qui se sont déroulés sur la plage des Catalans à Marseille sont inadmissibles. Je les ai condamnés ; nous les avons tous condamnés avec la plus grande fermeté.
J’ai eu au téléphone, à deux reprises, ce policier courageux, dont l’état physique et psychologique est particulièrement inquiétant : du fait des coups qu’il a reçus, il a vu la mort de très près. Nous lui devons soutien et solidarité, ainsi que vous l’avez exprimé. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Ces faits sont inadmissibles, d’autant plus qu’il s’agit de très jeunes et de mineurs. La justice, je n’en doute pas un seul instant – elle a déjà pris des dispositions les concernant (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP) – prendra ses responsabilités pour que la punition, la sanction adaptée leur soit appliquée…
…car notre société ne peut pas tolérer ce type de comportement.
Vous l’avez dit, une convention existe entre la police nationale et la ville. De nombreux événements ont eu lieu à Marseille, et c’est tant mieux, ces dernières semaines. Depuis déjà plusieurs mois, un an même, Marseille dispose de moyens supplémentaires en matière de police, notamment de compagnies républicaines de sécurité.
Le travail entamé prendra du temps, mais il est indispensable. La plage des Catalans bénéficie à nouveau de la présence de compagnies républicaines de sécurité, qui doivent permettre à chacun de passer un moment ou des vacances les plus paisibles possible.
Je le répète encore une fois à l’élu marseillais que vous êtes, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires et au maire de la ville : c’est ensemble, unis, État et ville, que nous ferons baisser l’insécurité et que nous convaincrons les Marseillais qu’ils habitent une belle ville, qui a un avenir. La sécurité, maintenant et désormais, est la priorité de l’État, à Marseille comme partout.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Luc Belot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, en janvier dernier, lors des questions au Gouvernement, je vous avais interrogé sur les traductions législatives de la grande concertation engagée pendant l’été 2012. Depuis, notre Assemblée a fait passer la refondation du statut de projet à celui de loi et nous souhaitons tous qu’elle prenne sa pleine mesure le plus tôt possible.
Nous avons élaboré, avec vous, une loi qui commence par le commencement : l’école primaire est donc revenue une priorité dans notre pays, notamment avec la création de 60 000 postes. La création de ces postes, parfois critiquée sur un certain nombre de bancs de cet hémicycle (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), est aussi réclamée par les mêmes lorsqu’ils quittent Paris et retournent dans leurs communes.
Plus importants sont, comme vient de le titrer un grand quotidien du soir, les résultats aux concours enseignants qui marquent un vrai regain d’intérêt pour le métier. Le nouveau modèle français de l’école devient donc une réalité. Les premiers bénéficiaires en seront, bien sûr, les élèves, mais aussi l’ensemble de la communauté éducative, avec un seul objectif : favoriser l’accès aux deux réussites essentielles que sont la réussite scolaire et la réussite éducative.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, et alors que se prépare la rentrée 2013, je vous poserai trois questions. Premièrement, pouvez-vous nous dire comment le retour à une véritable formation des enseignants du primaire, que nous avons voté, tant dans la loi sur la refondation de l’école que dans la loi sur l’enseignement supérieur, favorisera la réussite de tous ? Deuxièmement, les mesures d’accompagnement des enfants de moins de trois ans, c’est-à-dire le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et les dispositifs d’aide aux fonctions de directeur, pourront-elles prendre place en septembre sur l’ensemble du territoire ? Enfin, l’ampleur des besoins nécessitant de nombreuses réformes, pouvez-vous nous donner votre feuille de route pour les mois à venir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, la loi de refondation de l’école de la République a été en effet promulguée et publiée le 8 juillet au Journal officiel. Les priorités que nous avions fixées à la nation ont été respectées, au premier rang desquelles, après 80 000 suppressions de postes en cinq ans, le retour d’enseignants devant les élèves. Ce sont 6 770 postes qui seront créés sur l’ensemble du territoire à la rentrée, en même temps que nous rétablissons la formation des enseignants.
Comme vous l’avez dit, et comme il faut le saluer, c’est effectivement sur le seul concours 2013, alors que nous avons organisé deux concours cette année, que 5 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés, avec une sélection accrue. Par ailleurs, c’est à la rentrée prochaine que seront ouvertes les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Voilà le facteur le plus important pour la réussite des élèves : une formation professionnalisante et progressive pour les enseignants, avec le retour de l’année de stage. Enfin, nous poursuivrons, bien entendu, la réforme du temps scolaire, car nous ne pouvons demeurer le seul pays du monde où les élèves n’ont que 144 jours de classe par an.
À partir de là, en poursuivant et en améliorant ces réformes de structure et de long terme, j’ouvrirai à la rentrée de nouveaux chantiers.
« Non ! Stop ! » sur les bancs du groupe UMP.
D’abord, la réforme de l’éducation prioritaire qui concerne 20 % d’enfants et qui fait que nous sommes partout stigmatisés en raison de l’augmentation des injustices. Ensuite, la réforme du collège. Enfin, la réforme du métier d’enseignant.
Pendant dix ans, la droite a abandonné le service public de l’éducation,
Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
accru les inégalités, enlevé du temps scolaire aux enfants, supprimé la formation des enseignants. Nous allons rebâtir une France moderne, refonder l’école de la République. Nous sommes en mouvement et je regrette, mesdames et messieurs de l’opposition, que vous n’ayez pas voté cette loi : la France s’en souviendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Hier, des militants de Greenpeace ont courageusement mis en évidence une fois de plus le risque nucléaire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Comme souvent, certains cherchent à détourner le débat vers le mode d’action choisi plutôt que d’écouter le message qu’il s’agissait de faire passer car, mes chers collègues, ce n’est pas Greenpeace qui est dangereux, mais le nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
C’est aussi ce que dit l’Autorité de sûreté nucléaire quand elle déclare depuis Fukushima qu’un risque d’accident nucléaire majeur est possible en France.
C’est pourquoi il est indispensable de réduire d’un tiers, comme nous nous y sommes engagés, le parc nucléaire à l’horizon 2025. C’est d’autant plus nécessaire que ce parc nucléaire vétuste coûte de plus en plus cher. Avec les augmentations tarifaires qui ont été proposées par le Gouvernement, un mythe s’est écroulé : celui d’un nucléaire bon marché. Au contraire, il est extrêmement coûteux, de plus en plus coûteux, et les consommateurs en seront les premières victimes. Ce ne sont pas les millions de précaires énergétiques qui nous démentiront. Ils sont les premiers touchés par une énergie de plus en plus chère.
Notre majorité a commencé à agir, avec l’extension des tarifs sociaux. Nous sommes d’accord pour aller plus loin, avec un véritable bouclier énergétique. Pour les autres usagers, l’équation est claire : comment réduire la facture quand le tarif augmente ?
La réponse est connue : en faisant de l’efficacité énergétique. C’est un enjeu majeur de la transition énergétique, à laquelle est consacré un débat public qui s’achève cette semaine.
L’un des outils de cette politique, c’est la mise en place de compteurs véritablement « communicants », c’est-à-dire des compteurs qui, loin de communiquer seulement en direction des fournisseurs, soient vraiment des outils pour les consommateurs.
Pouvez-vous nous confirmer que les nouveaux compteurs que le Gouvernement compte déployer seront bien définis en vue de l’efficacité énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de Philippe Martin, retenu à Vilnius par le conseil des ministres européens de l’environnement.
Je tiens à réaffirmer devant vous la ligne politique du Gouvernement, qui traduit un engagement du Président de la République : la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.
Cet engagement du Président de la République sera tenu par le Gouvernement. Pour cela, nous avons décidé de développer massivement le recours à des énergies renouvelables, de réduire la demande énergétique.
Vous l’avez signalé vous-même : les conclusions, dans deux jours, du débat sur la transition énergétique donneront lieu à des recommandations, notamment dans le cadre de la conférence environnementale qui sera présidée par le Premier ministre en septembre prochain.
D’ores et déjà, et comme vous l’avez indiqué, un certain nombre de mesures ont permis d’éviter que la précarité énergétique ne touche les plus faibles d’entre nous, notamment la réduction du prix de l’abonnement de faible puissance qui concerne 4 millions de ménages, ainsi qu’un plan de rénovation thermique des logements. À cet égard, je salue l’action de Cécile Duflot et ce d’autant plus qu’elle a été injustement attaquée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Nous souhaitons également, à la suite de la loi Brottes, faire reculer la précarité énergétique, par des décrets qui permettront à 8 millions de personnes d’accéder à une consommation électrique à bas coût. Là encore, la volonté du Gouvernement est affichée. Si des augmentations de prix ont été décidées, c’est précisément parce que la Commission de régulation de l’électricité a pointé du doigt la responsabilité de ceux qui ont laissé les factures impayées.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne la situation des buralistes, situation déjà difficile, que votre politique va aggraver. Il ne s’agit pas de remettre en cause la lutte contre le tabagisme, que nous soutenons, mais d’assurer la survie de cette profession.
Le récent rapport Queyranne sur les aides aux entreprises suggère en effet de remettre en cause le contrat d’avenir 2012-2016 que l’État a conclu avec cette profession. Ce rapport propose de diminuer de 210 millions d’euros qui avait été octroyée l’aide aux buralistes en contrepartie des hausses de taxes sur le tabac.
Cette mesure provoquerait une baisse de revenu inacceptable. En outre, les hausses répétées du prix du tabac, le développement des marchés parallèles, la hausse des achats à l’étranger qui va s’accentuer avec la suppression de leur plafond, provoquent légitimement l’inquiétude et l’exaspération des buralistes.
La pérennité de ce réseau est donc menacée, alors que les buralistes jouent un rôle indéniable de service de proximité, dans les territoires ruraux notamment.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous rassurer cette profession ? Respectez la parole de l’État et donc le contrat d’avenir signé avec elle. Les buralistes, comme toutes les entreprises, comme les Français, ont besoin de stabilité fiscale, de stabilité normative.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, vous avez raison d’insister sur la situation particulièrement difficile à laquelle les buralistes se trouvent confrontés aujourd’hui, pour des raisons qui tiennent à la situation économique et au fait que, au nom de la santé publique, nous avons décidé de prendre, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des dispositions que les professionnels ont décidé de répercuter sur les prix du tabac, ce qui occasionne une hausse à compter du 14 juillet dernier.
Par ailleurs, les buralistes s’inquiètent, c’est vrai, sur la façon dont vont évoluer les contrats d’avenir qui constituent une aide pour cette profession qui remplit des missions de service public, qui est partout présente sur le territoire et dont nous avons besoin pour assurer dans de bonnes conditions l’écoulement des produits du tabac et éviter la contrebande.
J’ai donc reçu, à leur demande, les buralistes il y a quelques jours, notamment le président de la Fédération nationale M. Montredon ; nous sommes convenus de prochains rendez-vous, d’une méthode de travail et d’un calendrier.
Au cours des prochaines semaines, nous allons d’abord débattre des conditions dans lesquelles la concertation devra s’instaurer avec la profession au moment où les hausses du prix du tabac interviennent pour des raisons de santé publique que le Gouvernement, dans son ensemble, approuve.
J’ai également tenu à rassurer le président de la Fédération nationale des buralistes sur les contrats d’avenir et les aides dont bénéficient cette profession : ces contrats ont été signés ; lorsque l’État prend des engagements à travers la signature de contrats prévoyant des financements, il doit les respecter. Pour l’avenir, je lui ai indiqué qu’aucune décision ne serait prise sans que la concertation avec les buralistes aille à son terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, il y a deux ans, en juin 2011, notre Assemblée votait à la quasi-unanimité une résolution européenne sur la taxation de l’ensemble des transactions financières. Cette résolution a été défendue le même jour dans notre assemblée par le groupe socialiste et son président, Jean-Marc Ayrault, et au Bundestag par le SPD.
François Hollande a fait de la mise en place de cette taxe sur l’ensemble des transactions financières un engagement fort de sa campagne.
Dès son premier Conseil européen, en juin 2012, le Président de la République faisait adopter l’initiative d’une coopération renforcée, autour de la France et de l’Allemagne, sur cette taxation.
Et vous avez oeuvré, monsieur le ministre, pour que cette coopération, qui rassemble aujourd’hui onze pays, voie le jour rapidement.
Le groupe socialiste souhaite une taxe large…
…incluant notamment les produits les plus spéculatifs, car une telle taxe apporte un triple dividende : elle réduit la spéculation, elle contribue à la régulation financière, elle dégage des ressources importantes. C’est toute la différence avec l’impôt de bourse que la droite avait rétabli après l’avoir supprimé, en le baptisant pompeusement « taxe sur les transactions financières ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous préciser la position du Gouvernement sur la mise en oeuvre de cette taxe, qui mettra fin à cette aberration : les seuls produits qui ne fassent l’objet d’aucune taxation sont les produits financiers ! Cette mesure doit être une réponse politique majeure à la crise née de trois décennies de mondialisation libérale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.
Monsieur le député, en effet, le projet de taxation sur les transactions financières constitue un engagement fort du Président de la République, autour duquel le Gouvernement tout entier et moi-même sommes mobilisés.
Je veux rappeler que nous avons été à l’initiative d’une coopération renforcée rassemblant onze États-membres. Ce sera d’ailleurs la première coopération renforcée et la première taxe d’ampleur sur les transactions financières.
J’ajoute que nous avons agi avec force : nous avons doublé le taux de ce qui n’était pas tout à fait une taxe et qui ne rapportait que la moitié de ce qui était prévu. Nous avons agi en Europe, en obtenant cette coopération, à l’initiative de la France et de l’Allemagne, par une lettre que j’ai cosignée avec mon homologue Wolfgang Schäuble.
Nous souhaitons sans ambiguïté une taxe ambitieuse, avec une assiette large, plus large que ce que veut la Commission _ je pense en particulier à la taxation des transactions sur devises.
Maintenant, dans le cadre d’une coopération renforcée, la Commission présente ses propositions. J’ai eu l’occasion de dire que celles-ci pouvaient être discutées et améliorées. Sûrement pas sabotées, en aucun cas déstabilisées : améliorées, en particulier sur deux points.
Premièrement, je ne crois pas pertinent de créer une taxe qui induirait la délocalisation d’activités financières. Nous avons la chance d’avoir en France une place financière importante.
Et s’il fallait absolument qu’un produit qui quitte la zone de coopération renforcée ne soit plus taxable, nous verrions toutes les activités financières se transférer à Londres ou à Genève : je ne le souhaite pas et vous non plus, j’en suis sûr.
D’autre part, il faudra taxer les produits les plus spéculatifs, ce qui vaut notamment pour ce qu’on appelle les produits dérivés. Je peux vous assurer que nous poursuivrons cet objectif, en échangeant et en dialoguant, avec le Parlement, les associations, les ONG. Notre engagement est intact.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, votre majorité est beaucoup plus homogène qu’on ne le craignait : pendant qu’un vice-président de l’Assemblée nationale soutient ceux qui portent atteinte à la sûreté de l’État, le compagnon d’une ministre insulte l’armée française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
En attendant, pour ce qui vous concerne, monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré, à propos de l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen : « La France a toujours été ouverte à cette question et a soutenu votre démarche. Cette adhésion, dans notre esprit, devra se faire en deux étapes : d’abord l’ouverture des frontières aériennes, ensuite l’ouverture des frontières terrestres. »
Pourquoi voulez-vous élargir un espace qui est malade ? Le chef de l’unité d’analyse d’Europol, lors d’une conférence en juin 2011, avait déclaré que l’accession possible de la Roumanie à la zone Schengen risquait d’augmenter la pression migratoire sur la frontière gréco-turque, déjà responsable aux trois quarts de l’immigration illégale en Europe du fait de la perméabilité de cette frontière.
Accessoirement, l’accession de la Roumanie à la zone Schengen va faciliter l’immigration des Roms en France. Je sais bien que votre seule réponse, quand on prononce le mot « Rom », est de crier au racisme ; mais comment voulez-vous régler un problème si vous interdisez qu’on en formule l’énoncé ? Niez-vous donc ce problème ? Niez-vous l’existence de bidonvilles qui n’ont rien à envier aux banlieues de Calcutta ou de Rio ? Niez-vous que des cabines téléphoniques soient transformées en maisons de fortune ? Niez-vous que des enfants soient déscolarisés et utilisés pour mendier ? Niez-vous la délinquance rom qui s’appuie sur l’instrumentalisation de jeunes mineurs et qui a fini par provoquer la fermeture du Louvre en avril 2013 ?
La population, monsieur le Premier ministre, se révolte. Je pourrais évoquer ce qui s’est passé dans la banlieue de Marseille avec l’incendie d’un camp de Roms installé illégalement avec l’appui et la compréhension de Samia Ghali. Ma question est simple. Expliquez-moi cette folie : pourquoi voulez-vous élargir l’espace Schengen alors que celui-ci est malade ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, quel mélange des genres, quelle confusion, que d’amalgames à chaque fois !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Vous croyez un seul instant, monsieur le député de l’UMP, que vous allez pouvoir continuer à « surfer » sur ces questions alors que votre majorité a gouverné pendant dix ans, qu’elle a conduit une politique au niveau européen, qu’elle a dû prendre des engagements concernant l’espace Schengen ?
À l’occasion de mon premier conseil des ministres européens de l’intérieur, j’ai dit que la France tiendrait ses engagements, que nous ne ferions pas de Schengen un débat interne, car nous pensons que la France a des responsabilités au niveau européen.
J’ai alors vu le soulagement de mes homologues, car mon prédécesseur avait, d’une certaine manière, nié la parole de la France, n’avait pas fait en sorte que la France tienne sa place sur ces questions essentielles qui méritent qu’on les traite avec discernement, avec des règles, des critères.
Et ce sera le cas pour la Roumanie comme pour la Bulgarie.
Une négociation est ouverte ; elle n’est pas terminée. Elle devra aboutir mais sur le fondement de critères précis devant permettre à chacun d’avancer, le Premier ministre l’a rappelé à Bucarest. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
N’utilisez pas ce sujet, n’utilisez pas des populations qui sont en grande détresse, pour des raisons qui ne vous serviront à rien, car en tenant ce type de langage vous ne faites que faciliter la montée de l’extrême droite et des populismes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Vous n’avez pas encore compris, monsieur le député, qu’il faut s’attaquer aux problèmes à la racine, apporter des solutions, faire en sorte que la droite retrouve ses esprits pour être enfin républicaine !
Mêmes mouvements. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, après le limogeage de Delphine Batho, laquelle, comme le chantait Guy Béart, a osé dire la vérité et a donc été exécutée,
Sourires
vous nous avez présenté la semaine dernière un plan d’investissement d’avenir de 12 milliards d’euros sur dix ans, assorti pour moitié de critères d’éco-conditionnalité. Vous citez pêle-mêle 2,3 milliards d’euros sur la transition énergétique alors que l’indispensable éco-prêt à taux zéro, budgété annuellement à hauteur de 850 millions d’euros, n’est toujours pas mobilisé et que le secteur du bâtiment est en lambeaux. Vous fixez de nouvelles missions à l’ADEME alors qu’il manque annuellement 200 millions d’euros au fond chaleur et vous ciblez 1,7 milliard sur dix ans pour l’industrie durable, ce qui est dérisoire par rapport aux plans de relance précédents que vous aviez vertement critiqués.
Pour tenter de faire bonne mesure, vous annoncez un plan de relance des transports alors que vous arbitrez pour la non-réaffectation d’une partie très importante de la taxe poids lourds ; ainsi, tous les grands projets financés par l’Union européenne disparaissent.
Enfin, pensant avoir découvert la pierre philosophale, vous affirmez avoir débloqué 5 milliards d’euros sur les fonds d’ERDF pour généraliser les compteurs « Linky », dont personne ne croit une seule seconde qu’ils contribueront à créer 10 000 emplois sans en détruire au moins autant, qui ne régleront pas la question de la transition énergétique, et qui seront financés par l’usager via l’augmentation du prix de l’électricité. Tout le monde se demande d’ailleurs pourquoi vous n’avez pas apporté directement ces financements à votre ministre du logement, qui n’atteindra jamais les objectifs irréalistes fixés par le Président de la République lors de la conférence environnementale.
Monsieur le Premier ministre, quand prendrez-vous vraiment conscience du caractère vital pour nos entreprises et nos concitoyens du développement de l’économie verte ? Et, plus précisément, pour reprendre la question du porte-parole de la fondation Nicolas-Hulot, quel montant net sera consacré à la transition écologique ? Car, comme le rappelait le directeur du réseau pour la transition énergétique, le CLER, nous avons vraiment l’impression qu’il s’agit d’un plan qui existait déjà et sur lequel on a mis un bon coup de peinture verte.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, vous êtes trop fin connaisseur de ces questions pour ne pas remarquer, non seulement l’implication du Gouvernement, mais encore les grandes avancées obtenues. Répondant à l’instant à Denis Baupin, j’indiquais combien la mobilisation et l’engagement du Gouvernement en faveur des énergies renouvelables trouvaient une traduction dans les faits.
Seront définies, dans le cadre de la conférence environnementale, un certain nombre de préconisations qui nous permettront de répondre à l’objectif de la transition énergétique. Nous sommes loin des engagements non tenus du Grenelle de l’environnement, loin des six cents propositions du Grenelle de la mer, loin des effets d’annonce que j’évoquais à propos de l’isolation thermique : un euro de charges économisé pour les plus faibles représente un euro de pouvoir d’achat supplémentaire. Voilà comment nous faisons rimer ambition environnementale, transition énergétique et justice sociale.
Pour le reste, vous semblez méconnaître la réalité : le Gouvernement a eu le courage de mettre en place l’écotaxe pour les poids lourds, premier élément de la fiscalité écologique, alors que, sur ce terrain, vous aviez reculé, année après année, par électoralisme sous prétexte de réalisme. Vous avez même eu le culot, après avoir voté le Grenelle de l’environnement, de saisir le Conseil constitutionnel de la première loi instaurant une fiscalité environnementale.
Monsieur le député, renouez avec votre discours environnemental, abandonnez celui de la posture politicienne et faites que ce grand enjeu de l’environnement soit un enjeu partagé par les générations à venir. Nous le leur devons !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à modifier la loi no 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (nos 473, 825).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l’article unique de la proposition de loi à l’exclusion de tous les amendements.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicatin, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, ce débat touche aux convictions intimes de chacun. Il doit donc se dérouler dans la sérénité, sans affrontements stéréotypés, sans antagonismes artificiels. Sur de telles questions, personne ne détient seul la vérité. Chacun doit la rechercher avec mesure, scrupule et écoute d’autrui.
L’enjeu, c’est la médecine régénératrice. Ce sont les thérapies cellulaires, qui visent à remplacer des cellules déficientes ou en nombre insuffisant.
À terme, ces recherches peuvent ouvrir la voie au traitement d’affections graves et souvent incurables aujourd’hui : maladies neurodégénératives comme Alzheimer, Parkinson ou la sclérose en plaques, cardiopathies, diabète insulo-dépendant, dégénérescence maculaire liée à l’âge, lésions de la moelle épinière, etc.
Début 2002, alors ministre de la recherche du gouvernement Jospin, j’avais présenté à l’Assemblée nationale, avec l’accord du Comité consultatif national d’éthique, un nouveau projet de loi de bioéthique, qui autorisait notamment les recherches sur les cellules souches embryonnaires, en les accompagnant d’un strict dispositif d’encadrement.
Le 22 janvier 2002, ce projet de loi de bioéthique avait été adopté par l’Assemblée nationale à une très large majorité – 325 voix pour, 21 contre –, qui dépassait les frontières partisanes. Ainsi, des élus UDF, comme M. Borloo, et cinquante et un députés RPR avaient voté en sa faveur, dont MM. Sarkozy, Fillon, Juppé, Accoyer, Christian Jacob.
Cependant, après l’élection présidentielle de mai 2002, le nouveau gouvernement a profondément modifié ce projet de loi. Résultat : alors que le texte voté par les députés en janvier 2002 posait en principe l’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, celui promulgué le 6 août 2004 retient la position contraire. Il prohibe ces recherches, en admettant seulement qu’elles soient menées « à titre exceptionnel » et « par dérogation ».
Ce principe général d’interdiction sauf dérogation a été maintenu dans la nouvelle loi de bioéthique du 7 juillet 2011. D’où, pour mettre fin à ce statu quo, cette proposition de loi, déjà adoptée au Sénat en décembre 2012, qui est conforme aux avis rendus par toutes les instances qualifiées :…
…Comité consultatif national d’éthique et Académie des sciences dès 2001, Agence de la biomédecine en 2008, Conseil d’État en 2009, Académie nationale de médecine en juin et décembre 2010, etc.
Tout comme le projet de loi présenté en janvier 2002 au nom du gouvernement Jospin, cette proposition de loi pose en principe l’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, car les nouvelles cellules IPS du professeur Yamanaka, cellules adultes reprogrammées, paraissent ne pas présenter le même potentiel thérapeutique, et leurs processus de reprogrammation pourraient induire un risque oncogène.
Ce texte remplace donc l’actuel régime d’interdiction sauf dérogation par un régime d’autorisation encadrée : consentement écrit préalable du couple concerné, autorisation des protocoles de recherche par l’Agence de la biomédecine, vérification de la pertinence scientifique de la recherche, de sa finalité médicale, de son respect des règles éthiques et de l’impossibilité de la mener sans recourir à des cellules souches embryonnaires.
L’objectif est donc de mettre fin à la législation ambiguë et contradictoire d’aujourd’hui, qui est source d’incertitudes juridiques et de recours contentieux d’associations. Nos chercheurs ne peuvent rester ainsi entravés, voire stigmatisés, alors que de telles recherches sont menées activement dans la plupart des pays européens, dont la Grande-Bretagne, qui les autorise depuis 1990, ainsi qu’aux États-Unis, au Japon et dans de nombreux autres pays.
Pour leur part, les chercheurs français risquent d’être distancés dans la compétition scientifique internationale. Maintenir cette législation, c’est donc handicaper nos chercheurs, mais c’est surtout pénaliser les malades. Ceux-ci aspirent à voir progresser les recherches et développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de leur apporter des chances de guérison.
Mes chers collègues, dans quelques instants vous allez vous prononcer. Au moment de voter, je vous demande de penser à ceux de nos concitoyens, malades, qui attendent, qui espèrent des thérapies nouvelles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pensez aux 1 300 000 malvoyants atteints par une dégénérescence de la rétine, aux 850 000 personnes frappées par la maladie d’Alzheimer, aux nombreuses victimes d’affections cardiaques, et à tant d’autres.
La grandeur de la recherche médicale, c’est de faire reculer la souffrance et la mort. C’est de donner plus de chances à la vie face à la maladie. C’est de rendre l’espoir à ceux qui l’ont perdu. Une partie de cet espoir se joue ici, aujourd’hui, dans cet hémicycle, qui a été si souvent un lieu de progrès et de fraternité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les 30 et 31 mai derniers, se déroulaient les troisièmes journées de l’Agence de la biomédecine. À cette occasion, sa directrice a fait état d’avancées considérables grâce à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, comme la réparation du muscle cardiaque après un infarctus, la régénération de la peau dans certains cas d’ulcères ou de nombreux autres exemples que je ne détaille pas.
Ces exemples illustrent les formidables perspectives ouvertes par cette recherche, faisant naître une immense espérance pour des millions de malades dans le monde. Ce sont bien cette espérance et ces champs du possible qui nous obligent aujourd’hui.
Depuis trop longtemps, le régime d’interdiction assorti de dérogations constitue un frein à la recherche médicale française et un obstacle inacceptable car contraire à l’intérêt des malades. Je rappelle que, si la découverte des cellules IPS, obtenues à partir de cellules adultes génétiquement modifiées, a constitué une indéniable avancée, elles ne sont pas en tout point superposables aux cellules souches embryonnaires, qui gardent des caractéristiques propres et restent donc, de ce fait, indispensables à la recherche.
La communauté scientifique française dans son ensemble déplore ces freins et cette hypocrisie qui ont conduit notre pays, pourtant mondialement reconnu pour sa recherche médicale, à accumuler un important retard.
Plus grave, les multiples procès intentés, notamment par la fondation Lejeune, outre les dépenses qu’ils occasionnent, gênent le fonctionnement de l’Agence de la biomédecine et entravent le travail des chercheurs, dont je tiens à saluer le travail dans de telles conditions.
Il s’agit pourtant là d’une chance pour notre recherche publique, laquelle représente 93 % des protocoles ayant obtenu une dérogation. Mais surtout, c’est de l’intérêt des malades qu’il s’agit ici. Combien de milliers de vies pourra-t-on sauver grâce à ces recherches ? Notre rôle de législateur, quels que soient nos bancs, n’est-il pas de faire tout ce qui est en notre pouvoir, dans le strict respect des règles éthiques, pour améliorer la vie de nos concitoyens ?
Bien entendu, nous nous accordons tous pour considérer que le sujet qui nous réunit aujourd’hui est à la fois trop important et trop complexe pour être traité avec désinvolture, car l’embryon et les cellules souches embryonnaires ne constituent pas, et ne constitueront jamais, un matériau banal. Il est indispensable que ces recherches soient conduites dans un cadre précis et strictement respecté. De ce point de vue, je tiens à souligner que le texte dont nous débattons ne modifie en rien l’encadrement actuel. Les conditions nécessaires à l’autorisation d’un protocole de recherche restent absolument inchangées.
Notre approche doit être équilibrée : ni béatitude scientifique, ni rigidité normative. La production scientifique doit s’inscrire en permanence dans les valeurs que nous voulons imprimer à notre société. C’est là tout le sens de l’éthique en général et, dans le cas qui nous occupe, de la bioéthique.
Je voudrais dire à mes collègues qui s’opposent à ce texte qu’ils n’ont pas le monopole des préoccupations éthiques.
Certes, personne ne l’a. Donc, vous ne l’avez pas. Vous l’avez d’autant moins que votre attitude en ce domaine est à géométrie variable puisque, en d’autres temps, nombre d’entre vous ont défendu l’autorisation de recherche sur l’embryon.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Calmez-vous, mes chers collègues. Je vous vois bien agités.
Comme le signifie, à juste titre, le Comité consultatif national d’éthique, « la question éthique première est celle de la destruction de l’embryon et non la décision de réaliser des recherches sur les cellules après sa destruction. »
Il faut en effet être cohérent. Dès lors que la fécondation in vitro est autorisée, conduisant éventuellement à la destruction d’embryons surnuméraires, l’interdiction de la recherche sur des cellules embryonnaires en tout état de cause vouées à la destruction n’a pas de sens. J’ajoute, et ce point est essentiel, que ce qui donne la vie, c’est avant tout le projet parental, l’amour et l’éducation, car l’embryon seul n’est que potentialité de vie.
Ces implications éthiques, que personne ici ne conteste, exigent que nous veillions à ce que l’Agence de la biomédecine dispose pleinement de tous les moyens nécessaires pour mener à bien l’ensemble de ses missions, y compris le contrôle, car il ne saurait être question de laisser se développer, et encore moins de cautionner, de quelconques dérives.
En tout état de cause, je tiens à saluer ce texte de progrès et d’intelligence, porteur d’avancées et d’espoirs considérables non seulement pour nos concitoyens mais également pour des millions de personnes partout dans le monde.
Après tant d’années de débats et un chemin parlementaire pour le moins sinueux, tout est enfin prêt. Je me réjouis de voir cet engagement de campagne du Président être mené à bien, et c’est avec une grande satisfaction que les députés du Front de gauche voteront ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, quel grand jour pour la bioéthique, pour l’humanisme, pour la recherche génératrice de progrès. Permettez-moi d’exprimer une émotion personnelle pour une avancée qu’avec de nombreux médecins, chercheurs et malades nous attendons depuis trente-cinq ans.
Il est vrai qu’à l’époque, avant les comités d’éthique, avant les explications et la réflexion générale, la population française était peut-être moins prête à saluer ce progrès. Puis, sont venus les premiers comités d’éthique, d’abord celui de l’université Claude-Bernard, puis le Comité national d’éthique, dont les premiers avis ont porté sur l’utilisation de tissus embryonnaires et foetaux et ont donné un avis favorable, dans des conditions précisément définies et encadrées, dès le début des années 80.
À ceux qui réclament encore et toujours de nouvelles concertations, je réponds qu’aucun sujet n’a suscité autant de réflexions et de débats pendant aussi longtemps. Qu’on en juge ! Il y eut plusieurs avis favorables des comités d’éthique, du Conseil d’État, de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, de l’Académie de médecine, du Conseil de l’ordre, ainsi que deux votes favorables du Sénat et même un vote de l’Assemblée nationale en première lecture en 2002. Ce fut aussi, il y a trois ans, la tenue d’états généraux aboutissant à un point de vue globalement positif,…
Ce fut enfin l’engagement pris devant les Français par le Président de la République lors de sa visite du génopole d’Évry, en février 2012.
Oser dire que l’on profite de la torpeur de l’été pour faire passer cette loi est pure calomnie
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP
quand on sait que le débat a duré trente ans et que le texte actuel a été analysé et voté au Sénat il y a de très nombreux mois et est en examen dans notre assemblée depuis le mois de mars dernier.
Au Sénat, le texte a recueilli 203 voix pour et 74 voix contre. D’ailleurs, sur un texte semblable, en 2002, ce progrès avait été approuvé en première lecture ici même par 325 députés contre 21. Nombreux étaient alors les députés de droite qui avaient exprimé un point de vue favorable. Laissez-moi à nouveau citer, entre autres, Mmes Bachelot et Alliot-Marie, ainsi que MM. Séguin, Sarkozy, Borloo, Debré, Juppé, Jacob, Fillon, Baroin et Accoyer.
Ces mêmes élus peuvent-ils aujourd’hui justifier une inversion de vote,…
…renier leur choix de 2002 ? Un tel revirement ne peut pas s’expliquer par l’évolution des connaissances. À l’époque, il s’agissait de recherches fondamentales. Aujourd’hui, nous sommes à l’aube des premiers essais thérapeutiques, et un refus apparaît encore moins compréhensible.
De plus, nous savons maintenant qu’aucune alternative – je répète : aucune alternative – ne peut offrir une substitution totale aux cellules souches embryonnaires.
Ni les cellules IPS, ni les cellules souches adultes, ni les transferts nucléaires ne possèdent l’intégralité des propriétés des cellules embryonnaires. Celles-ci sont et resteront l’étalon-or, oui, l’étalon-or de cette voie de recherche et de traitement. Ces cellules offrent des conditions de sécurité, y compris de sécurité éthique, souvent supérieures à de nombreuses autres variétés de cellules d’un type voisin.
Que des personnes hier opposées s’inclinent devant l’évolution des connaissances et rejoignent le camp du « oui » est compréhensible. Le contraire – passer d’un point de vue favorable à un refus – est absurde. C’est ce qu’ont compris tous les autres pays européens.
S’il reste deux pays qui n’acceptent l’usage des cellules souches embryonnaires que lorsque celles-ci sont importées, et non lorsqu’elles sont produites dans leur pays, ce n’est certainement pas l’exemple qu’entend suivre la France.
Je peux comprendre l’antagonisme des députés qui portent le fardeau de l’héritage des opposants à la contraception, des opposants à l’IVG,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
des opposants au PACS, des opposants au mariage pour tous, en résumé des opposants au progrès et à l’avancée de l’aventure humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.
Ils ont même proposé un amendement, heureusement repoussé, préconisant un inquiétant retour en arrière : l’interdiction pure et simple de toute recherche, sans aucune possibilité de dérogation. Parce que le progrès est oeuvre de l’homme et non oeuvre de Dieu, parce que le refus et l’immobilisme rassurent les peureux davantage que le débat et la réflexion bioéthiques, qui engagent l’homme et l’obligent à définir l’encadrement des nouvelles recherches et des nouvelles thérapeutiques, notre République laïque fera le choix de la foi en l’homme, de la non-muséification de l’embryon dénué de projet parental, de son insertion dans la noble chaîne de vie, le choix de la dignité, je dis bien de la dignité, humaine, du début jusqu’à la fin de la vie, le choix du progrès, de l’espoir et de la confiance dans les chercheurs, en bref, de l’autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon et les cellules souches humaines.
Dans quelques instants, le résultat du vote se prêtera à divers commentaires. Il montrera si les députés hier favorables renient leur engagement et n’éprouvent plus le besoin d’être responsables dès lors qu’ils ne sont plus dans la majorité et dans la proximité de l’exécutif. Ce vote nous indiquera également si, à côté des ultra-conservateurs, il demeure un groupe significatif de députés d’une droite républicaine, libre de son vote et sensible aux valeurs de l’humanisme.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous l’avez compris, notre groupe exprimera avec enthousiasme son adhésion à ce projet, à ce progrès, à cette grande avancée humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, que d’arrogance !
Que de mépris ! Que de clivages ! Qu’est-ce que le débat bioéthique ? N’est-ce pas le doute ? N’est-ce pas le respect ? Dans le débat tronqué que nous avons eu, une nuit, en été, en session extraordinaire,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
par le biais d’une proposition de loi, nous avons bâclé une discussion qui méritait que nous ayons entre nous un respect mutuel, que nous nous parlions, sur un sujet complexe, davantage avec la tonalité de Roger-Gérard Schwarzenberg qu’avec celle de Jean-Louis Touraine.
Dans cette discussion, nous aurions dû conduire une réflexion sur l’équilibre à trouver entre la science et la dignité de la personne.
Il n’y a pas eu de débat public. Le précédent avait énoncé, dès la première ligne, que les citoyens consultés en jurys souhaitaient le maintien de l’interdiction ; il ne fallait donc surtout pas leur redemander leur avis ! Pas non plus d’avis du Comité consultatif national d’éthique, alors que celui-ci en avait pourtant donné un extrêmement étayé et très partagé, sur lequel nous aurions pu demander quelques précisions. Pas non plus de commission spéciale : il aurait fallu en donner la présidence à un membre de l’opposition, comme nous l’avions fait antérieurement,…
…ce qui ne vous a pas effleuré l’esprit un seul instant car cela aurait exigé la pluralité et le respect de l’autre. Non, vous avez décidé d’avoir moralement raison parce que vous êtes momentanément majoritaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien, vous êtes en rupture avec l’idée de la bioéthique. Faudra-t-il que l’éthique change chaque fois que la majorité change ?
Si nous revenons un jour au pouvoir, nous ne procéderons pas au passage en force auquel vous venez de procéder, et nous reprendrons la consultation du Comité d’éthique et des citoyens, car nous ne sommes pas, nous, persuadés d’avoir raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La recherche est-elle entravée ? Non, elle ne l’est pas, et d’autres voies de recherche, nous l’avons évoqué, s’ouvrent. Mais peut-être est-ce plutôt, comme l’ont dit les chercheurs, l’attractivité industrielle de la France qui est en question, plutôt les financements par les laboratoires privés, qui nous pressent et demandent que nous légiférions vite, parce qu’il est urgent de produire des batteries de cellules embryonnaires pour tester les médicaments.
Vous dites penser aux malades. Je vous demande de ne pas susciter d’espoirs qui ne pourront qu’être déçus ; vous savez très bien que la recherche d’aujourd’hui n’aura d’effets que dans vingt ou trente ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ne laissez pas croire que les gens qui attendent seront guéris parce que nous votons aujourd’hui une loi qui bafoue la dignité de la personne. La recherche n’est pas entravée, les chercheurs le disent eux-mêmes. Ils ont simplement des difficultés à obtenir des financements privés.
Qu’est-ce que l’embryon ? Ce n’est pas, monsieur Touraine, comme vous l’avez dit au cours du débat, un simple amas de cellules, un matériel à utiliser pour le laboratoire.
Le Comité d’éthique devrait vous inspirer : il affirme que c’est une « personne humaine potentielle ». Il ne s’agit pas de déifier l’embryon, mais il ne s’agit pas non plus de le chosifier.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La preuve, c’est que tous les pays du monde, et vous-mêmes aujourd’hui, essaient de trouver des manoeuvres de protection. Notre loi aussi nous demande de respecter la vie dès sa conception : c’est l’article 16 du code civil. Cela ne doit-il pas aussi nous inspirer ?
J’ai entendu vos arguments, madame la ministre. Vous avez parlé pour les chercheurs. Je respecte profondément les chercheurs, pour avoir moi aussi traduit un peu d’anglais – vous avez laissé croire que nous ne connaissions pas cette langue – et fait quelques études scientifiques. Les compétences sont autant d’un côté que de l’autre. Mais il convient aussi de rappeler que l’indispensable recherche fondamentale n’est pas entravée par la législation actuelle. Il existe simplement un interdit ; c’est le même qui rend possible la loi sur l’avortement de Simone Veil et qui protège la vie humaine tout en permettant, par dérogation, de réaliser les expérimentations nécessaires dans l’intérêt de la médecine et de l’humanité.
Enfin, cessez de faire cette dissociation manichéenne, selon laquelle il y aurait, d’un côté, les chercheurs et les malades et, de l’autre, la morale établie, d’un côté la science et de l’autre la morale, d’un côté le bien et de l’autre le mal. Non, le débat bioéthique, c’est le bien contre le bien : c’est un conflit de valeurs. Ce conflit, ce dilemme incessant crée normalement une inquiétude, il implique de sortir de la tranquillité d’esprit de celui qui considère qu’il a raison. Je ne suis pas sûr d’avoir raison, mais je suis sûr que vous avez tort d’être sûrs d’avoir raison.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
L’humanisme, ce n’est pas de dire : « Je suis le plus fort, donc je vous impose ma vérité. » Ce n’est pas de mépriser l’autre parce qu’il est démocratiquement minoritaire. L’humanisme, c’est de considérer qu’il est à la fois nécessaire d’avancer, avec clairvoyance, dans les voies du progrès et en même temps de respecter la dignité de la personne, même dans l’infinitésimal.
Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler une dernière fois l’image d’humanisme que présente Ulysse, dans Homère. Ulysse passe, sur son bateau, devant les sirènes, qui ont pour habitude d’attirer les navires vers les rochers. Il sait que leur chant peut provoquer sa perte. Il se fait donc attacher au mât du navire et mettre de la cire dans les oreilles.
Comme, visiblement, vous ne suivez pas, je tâche de faire preuve de pédagogie et de patience pour vous apprendre les éléments dont vous devriez vous imprégner.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Monsieur Leonetti, il faut conclure. Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
Ulysse considère que les hommes qui mènent le bateau ne sont pas des citoyens. En revanche, il pense que lui ne doit pas écouter le chant des sirènes, parce que l’homme, l’homme moderne comme l’homme ancien, doit approcher la vérité et n’avoir aucune entrave dans sa recherche. Cela signifie bien que nous devons approcher de la vérité scientifique sans entrave. Mais il se fait attacher au mât…
Merci.
La parole est à M. Jean-Claude Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
Nous n’avons pas eu de débat, que l’on puisse au moins donner des explications de vote !
On applique la règle. Mes chers collègues, nous voterons contre ce texte et nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel, car nous souhaitons à la fois la lucidité de la recherche scientifique et la dignité de la personne humaine.
Les membres du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, ces quelques minutes, ou quelques secondes, de discussion montrent à quel point, dans un débat tel que celui-ci, le temps ne devrait pas être compté. Le temps du débat devrait être à la hauteur des enjeux qui caractérisent un sujet comme celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le temps du débat, c’est ce qui nous a manqué, comme si, sur un sujet si complexe, pouvait suffire un temps compté, limité, imparti. Je crois au contraire que ce n’est pas un sujet anodin ; c’est l’un des sujets qui donnent à notre assemblée une hauteur, une perspective, et à chacun d’entre nous, quelle que soit notre position, un sens.
Vous avez présenté, madame la ministre, un texte sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, qui touche la recherche, un texte important, sensible, avec trois éléments. Il prévoit tout d’abord le passage d’un régime d’interdiction avec dérogation à un régime d’autorisation, un régime ouvert – pourquoi pas ? Il prévoit ensuite une évolution des critères, qui seront désormais beaucoup plus flous, puisque c’est la seule finalité médicale qui devra guider les recherches. Enfin, plus surprenant, ce texte comporte l’abandon de la responsabilité politique. Le politique s’affranchit ; il confie à l’Agence de la biomédecine le soin de décider, comme si ce sujet n’était pas un sujet politique et éthique mais simplement un sujet scientifique et technique. Non, chers collègues, le politique a son mot à dire sur un sujet comme celui-ci, parce que c’est justement un sujet éthique, parce que c’est justement un sujet politique.
Je ferai trois remarques pour expliquer l’orientation de notre vote. La première concerne l’équilibre de ce texte, et de ses différentes notions. Nous aurions pu accepter un système plus ouvert, à condition qu’il soit également plus encadré. Ce n’est pas le cas. Le système est ouvert et n’est plus encadré,…
…puisque les critères sont extrêmement flous. Pour que nous acceptions un système plus ouvert, il aurait fallu prévoir dans ce texte davantage de responsabilité politique. Autrement dit, le présent texte n’est pas assumé politiquement. Je le regrette, puisque jusqu’à présent les membres du Gouvernement avaient leur mot à dire et leur veto à opposer, dans le cadre des objectifs de la recherche. Désormais, ils ne l’ont plus. C’est un texte par lequel le politique démissionne.
C’est aussi un texte dans lequel il n’y a plus d’exigences. Or ce qui fait l’ambition de notre recherche, c’est de ne pas céder à la facilité. Nous avons entendu au cours du débat qu’il fallait faire comme les autres pays européens, c’est-à-dire suivre la facilité . Certains d’entre nous ont proposé d’aller dans cette direction, mais en revendiquant l’ambition de travailler sur les cellules souches adultes, les cellules IPS, afin d’essayer de corréler cette nécessité de la recherche sur l’embryon avec une exigence, une ambition, un avenir. On leur a répondu que ce n’était pas le sujet et on ne leur a donné aucune garantie sur l’exigence de recherches dans le domaine des cellules souches adultes dites IPS.
Enfin, je crois que nous avions probablement dans les décisions ou dans les débats du Comité national d’éthique des éléments dont nous aurions pu tirer parti, puisque celui-ci a introduit dans ses échanges deux principes dont la direction aurait pu nous inspirer. Le premier principe est celui de l’énigme de la personne humaine, du mystère lié à la décision que l’on doit prendre : la cellule souche embryonnaire est-elle un amas de cellules ou un être humain ? Le Comité national d’éthique dit que c’est une « personne humaine potentielle ». Qui est capable de dire quel est le sort que l’on doit réserver à une personne humaine potentielle ? Quelles sont les certitudes qui donnent aux uns et aux autres de l’assurance pour voter ce texte sans hésitation ?
Le deuxième principe, qui mérite d’entrer dans notre réflexion, a été introduit par le Comité dès 1986 : celui du « moindre mal ». Cette notion n’est-elle pas celle qui devrait nous guider ? C’est celle de la précaution, de la prudence, celle qui consiste à dire : « Essayons, quand nous n’avons pas d’autres solutions ». Il me semble que la loi respectait jusqu’à présent ce principe du moindre mal, compte tenu du mystère de la personne humaine potentielle telle qu’elle a été évoquée à plusieurs reprises par le Comité national d’éthique. C’est pourquoi, chers collègues, si l’on accepte que l’embryon est une énigme, si le moindre mal est un compromis acceptable, alors le texte aurait dû rester dans ce régime de l’interdiction avec dérogation ou, pour le moins, on aurait dû veiller à ce que les critères d’encadrement soient plus précis.
C’est l’intérêt du plus faible qui était en cause. Vous l’avez malheureusement refusé. C’est pourquoi le groupe UDI votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, trois mois et demi après le début de son examen, treize ans après un avis favorable du Conseil national consultatif d’éthique sur le principe de la recherche embryonnaire, nous pouvons enfin voter la proposition de loi de nos collègues radicaux : une proposition qui autorisera, sous certaines conditions, la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.
Que n’avons-nous pas entendu durant tous ces débats ? D’arguments fallacieux en fantasmes, nous n’avons, à certains moments, pas pu échapper aux caricatures.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je comprends que l’on puisse avoir des opinions différentes et en débattre : cet hémicycle est d’ailleurs le lieu parfait pour cela. Mais alors, que l’on débatte du fond, sans s’agiter, sans brandir des peurs irrationnelles. Certains collègues de l’opposition ont d’ailleurs su prendre de la hauteur et je les en remercie. Je les remercie, car lorsque l’on sombre dans la caricature, le risque – plus ou moins voulu par certains, peut-être – est de faire de la désinformation auprès de nos concitoyens.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Et cela donne des messages aux arguments pour le moins surprenants. Je pense notamment à un courrier que j’ai reçu et qui disait que « le risque inhérent à cette loi est la destruction massive d’embryons destinés à la destruction ». Allez comprendre !
Bien évidemment, la question de l’embryon et de son caractère humain a réveillé de vieux démons. Ne le cachons pas : ce débat a montré à quel point la lutte contre l’avortement demeurait, pour certains, un objectif sinon avoué, du moins permanent. Mais ce n’est pas le sujet ; ce n’est plus le sujet. En réalité, de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une proposition de loi qui a pour but d’améliorer la situation des chercheurs de notre pays. En raison d’un cadre restrictif avec la législation en vigueur actuellement, il est parfois difficile de se hisser au niveau d’excellence mondial, dont la France pourrait pourtant faire partie.
Le régime actuel d’interdiction avec dérogation, comme le rappelait très justement Mme la rapporteure Dominique Orliac, instaure un climat moral délétère. Tous les fantasmes sont brandis : fins mercantiles pour les plus mesurés, eugénisme pour les plus décomplexés, scénarios dignes de grands films de science-fiction pour les plus imaginatifs. Je ne cesse de le répéter : sortons de toutes ces fariboles, nous pouvons être en désaccord mais sans pour autant agiter des peurs. Envisager de rétablir l’excellence de la recherche dans les laboratoires français est une bonne chose, d’autant plus qu’elle reste encadrée. Tous les avis rendus par les états généraux de la bioéthique vont dans le sens de cette proposition de loi.
Allons à l’essentiel : si la recherche embryonnaire permet d’avancer dans la lutte contre certaines maladies, ceux qui se targuent d’être des « pro-vie » devraient plutôt se montrer satisfaits. Comment ne pas comprendre, évidemment, les angoisses qui peuvent naître de l’agitation irrationnelle de ce terme de « recherche embryonnaire » ? Nous parlons d’embryons surnuméraires, c’est-à-dire d’embryons in vitro. Créés dans le cadre d’une procréation médicalement assistée, ils ne seront finalement pas utilisés pour donner la vie. Ils ne rentrent plus dans le cadre d’un projet parental. Ils sont destinés à la destruction. Ces embryons ne sont pas des humains en devenir.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’ajoute que pour la dignité de l’être humain, dès le commencement de sa vie, tel que le définit l’article 16 du code civil, il n’est pas question d’embryon in vitro, puisque le Conseil constitutionnel a statué sur cette question dès 1994 et qu’il a considéré qu’il s’agissait d’une exception.
C’est pourquoi, au moment du vote, ce n’est pas sur le sort de ces embryons promis à la destruction que je veux me concentrer, mais sur ces femmes et ces hommes atteints de maladies aujourd’hui non curables, pour lesquels des chercheurs se battent et travaillent. Ces chercheurs attendent cette loi. Ces malades attendent des thérapies. Voilà ce qui guide le vote du groupe écologiste, et nous serons donc bien évidemment favorables à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 540 Nombre de suffrages exprimés: 537 Majorité absolue: 269 Pour l’adoption: 314 contre: 223 (L’article unique de la proposition de loi est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi.)
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (nos 1216, 1207, 1177, 1205, 1178).
La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures. Chaque groupe dispose des temps de parole suivant : le groupe SRC de 8 heures 20, le groupe UMP de 12 heures 25, le groupe UDI de 3 heures 35, le groupe écologiste de 1 heure 55, le groupe RRDP de 1 heure 55, le groupe GDR de 1 heure 50. Les députés non inscrits disposent de 40 minutes.
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, qui avez tant travaillé, mesdames et messieurs les rapporteurs des commissions saisies pour avis, mesdames, messieurs les députés, le Sénat, après un travail acharné, vous a laissé un énorme chantier législatif. Je tiens d’abord à vous remercier. J’ai vu, monsieur le président de la commission des lois, l’agenda que nous vous avons imposé, avec l’ensemble des projets de loi et des propositions de loi qu’il vous a été demandé d’examiner. Avec vous, je remercie l’ensemble des commissaires, qui ont su, malgré tout, faire face à l’arrivée d’un texte revu par le Sénat ainsi qu’à un très grand nombre d’amendements, lesquels ont été traités les uns après les autres avec beaucoup de sérieux. À travers vous, je remercie donc l’ensemble des parlementaires de tous les bancs qui ont affronté ce travail.
Pierre Mauroy disait que « nos institutions locales s’enracinent dans l’histoire du pays ». « La commune et le département, ajoutait-il, ont une existence séculaire. La région, dans son découpage, aussi insatisfaisant soit-il, est désormais connue et appréciée de l’ensemble de nos concitoyens. Cette organisation a certes l’inconvénient d’une superposition de niveaux. Mais elle a aussi pour contrepartie des légitimités et un enracinement démocratique qu’il serait vain de bousculer au nom de l’efficacité. » C’est en relisant ces mots de Pierre Mauroy, qui nous a récemment quittés, qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons travaillé, sous l’autorité du Premier ministre, à l’écriture du projet de loi remanié par le Sénat. Treize ans nous séparent de ces mots qui, sous la plume de Pierre Mauroy, dessinaient sa France territoriale de 2015.
Je ne résiste pas à l’envie de vous faire part de la fin de sa citation : « La France est bâtie autour d’un pouvoir régional fort, apte à engager la compétition économique avec ses partenaires européens, dépassant l’exception française liée à l’éparpillement communal par le jeu d’une coopération inter-communale qu’il convient peut-être – et je lis ces mots en souriant – de doter par l’élection au suffrage universel direct d’une légitimité démocratique nouvelle. » Nous avons donc d’autres chantiers qui nous attendent peut-être. Il ajoutait également que ces intercommunalités, étant dotées d’un conseil départemental aussi, à côté d’elles – dont le mode d’élection est fortement modernisé –, des compétences sont, en application du principe de subsidiarité, transférées au niveau où elles peuvent être le mieux exercées. Nous avons essayé de répondre à ce challenge-là.
Le Sénat aussi, avant vous, a mené un travail acharné. Au cours de plusieurs séances, qui ont montré à quel point ce besoin de changement est un besoin qui ne s’arrête pas aux strictes frontières des familles politiques, nous avons eu des débats intéressants mais très transpartisans. Je suis certaine que nous allons retrouver les mêmes. La philosophie du Gouvernement a été simple : il faut écrire l’action publique du XXIe siècle et prendre en compte les conséquences d’une crise majeure commencée en 2008, mais surtout prendre en compte l’absolue nécessité de dessiner une France juste, solidaire, dynamique et compétitive.
Chaque enfant de France doit être assuré de pouvoir choisir son avenir malgré les contraintes liées à sa naissance. J’ai envie de dire : à égalité de chances, on perd l’égalité des possibles selon que l’on naît ici ou que l’on naît là. Aujourd’hui, les inégalités territoriales s’ajoutent aux inégalités sociales. Le Gouvernement s’engage à ce que chaque enfant de France ait égalité d’accès à ses droits et à son avenir.
De même, chaque jeune de France devrait pouvoir regarder son avenir avec confiance. Pourtant, nous en sommes loin. Une intercommunalité en difficulté, un département dont les comptes ne permettent plus de financer l’accompagnement, une région qui ne peut plus assurer au mieux la construction des lycées ou l’entrée dans l’économie de la connaissance, c’est-à-dire le droit à la connaissance, ne peut plus dire à chaque jeune de France qu’il a le droit à l’égalité des possibles. C’est pourquoi nous allons ensemble, mesdames, messieurs les députés, parler à nouveau de formation professionnelle, d’apprentissage et de moyens pour les enfants de France.
Chaque citoyen de France doit aussi avoir, là où il vit, là où il travaille, les moyens de se loger, les moyens de se déplacer. Aujourd’hui, les inégalités de logement comme de transport sont violentes.
Chaque entreprise, chaque agriculteur doit trouver un interlocuteur attentif à toutes les étapes de la création de son activité et tout au long de la vie de celle-ci, et je n’oublie pas l’engagement des grandes villes portuaires, des départements ou des régions qui ont su, « parfois même sans l’État », disent-ils, répondre aux grands chantiers des transports maritimes ou de la pêche.
Chaque famille de France doit savoir qu’elle importe à l’action publique et que, compétence après compétence, il s’agit avant tout d’améliorer sa vie.
L’État s’engage sur tous ces sujets. Mais l’action publique, si elle est une en tant qu’exercée par l’État, est aussi et pour beaucoup exercée par les collectivités territoriales. Le choix fait par le Gouvernement est simple : faire confiance aux élus, arrêter les discours rampants, parfois bruyants, à propos d’élus trop nombreux, d’élus laxistes laissant filer les dépenses, d’élus gabegiques et inefficaces. En effet, qu’ils soient dans les communes, dans les départements ou dans les régions, les élus ont au contraire permis, et nous devons en être tous convaincus, de mieux résister à la crise majeure que nous connaissons.
En revanche, après les observations formulées par les élus eux-mêmes, les gouvernements successifs ont décidé de conduire des évaluations de politique publique, celui-ci a fortiori en tenant compte du rapport de la Cour des comptes ou encore du rapport Rebière-Weiss sur l’administration territoriale de l’État. Ainsi, ce matin, au cours d’une longue réunion, nous avons scellé dans le marbre le pacte de confiance et de stabilité avec l’ensemble des représentants des associations d’élus, et Anne-Marie Escoffier et moi-même avons dit, sous l’autorité du Premier ministre, à quel point nous sommes non seulement attachées à mieux définir les compétences mais aussi, à chaque pas de cette définition, à mieux évaluer avec eux nos politiques publiques.
Je pense que nous sommes unanimes à vouloir éviter ce qu’on a nommé « les doublons ». Le Gouvernement, après la lecture au Sénat, veut définir avec vous un cadre clair de l’exercice des compétences. Il s’agit donc de préciser la notion de chef de file, inscrite dans la Constitution depuis 2003 mais restée trop floue. Des propositions vont dans ce sens et je sais que nos débats seront riches et précis. Nul ne doit pouvoir affirmer désormais que l’action publique est complexe, opaque et inefficace.
Chaque chef de file, chaque région, chaque département, chaque bloc communal aura à porter la compétitivité, l’innovation, les solidarités, la transition énergétique et les conditions de vie de nos concitoyens. Au-delà des chefs de filât – expression certes dénuée de toute forme de poésie –, le Gouvernement veut prendre acte de la diversité des territoires de France. L’unité de la République est là. Nous la voulons, nous la portons, nous l’assumons, dans le respect de notre loi fondamentale. Mais c’est à partir, par exemple, de l’égalité d’accès aux droits, que nous prenons acte des inégalités territoriales comme de leur diversité.
Ajoutons que le monde change vite, que les technologies interfèrent sur les échanges, les services, l’industrie et la connaissance. Nous devons éviter à tout prix qu’un nouveau projet de loi tous les deux ou trois ans déconcerte les collectivités, crée du doute pendant les débats, ralentisse l’investissement et les décisions, c’est-à-dire leur engagement. C’est pourquoi je propose, avec Anne-Marie Escoffier, de faire du XXIe siècle celui du contrat entre nos collectivités, avec le double but de gouverner avec lisibilité et avec efficacité les compétences transférées. Ainsi, sur chaque territoire de France, sur chaque territoire des régions de France, et sans débats trop longs, je sais que régions, départements, agglomérations, communautés de communes rurales sont capables de passer accord de gouvernance avec rendez-vous de revoyure et évaluation partagée des politiques mises en oeuvre.
La Conférence territoriale d’action publique a eu un cheminement complexe. Mais elle est un nouveau paradigme qui érige la confiance et l’évaluation partagée comme déterminants de l’action publique des collectivités. J’ajoute que l’État reconnaît, comme je le disais au début de mon propos, le droit à la diversité en permettant aux collectivités, non par l’expérimentation – malheureusement trop encadrée dans la Constitution –, mais par de nouvelles délégations de compétences, de choisir celles qui seront le mieux exercées au plus près des citoyens.
J’entends parler du système à la carte. En fait, plus sérieusement, il s’agit de reconnaître qu’en raison de la présence d’une ou deux métropoles, ou bien d’un littoral développé ou encore de zones de montagne, les territoires de nos régions ne sont pas les mêmes et qu’une délégation demandée ici peut avoir peu de sens ailleurs. De plus, le Gouvernement doit aussi, c’est notre engagement et notre contrat, respecter les libertés de choix de nos collectivités locales.
Reste l’architecture de la France urbaine. Je ne crois pas aux métropoles versus la stratégie de Lisbonne, mais aux métropoles têtes de réseau dans une France polycentrique qui a bâti une histoire de ses solidarités territoriales, des grands pôles urbains jusqu’aux petites villes d’équilibre. De cette architecture urbaine, nous avons voulu extraire trois cas particuliers, qui correspondent à ce qu’était la loi PLM.
Tout d’abord, Aix-Marseille-Provence. Grande porte méditerranéenne, le pôle provençal, ce grand pays de terre et de mer, a tous les atouts pour réussir au bénéfice de sa population.
Aujourd’hui, les embolies de circulation le matin et le soir, les déséquilibres entre telle et telle partie de l’aire urbaine sont générateurs non seulement de frustration pour les habitants, mais aussi de difficultés pour les entreprises, celles-ci étant même obligées de créer leur propre système de transport.
Les déséquilibres de cette aire urbaine créent désarroi dans les populations, mais également une absence forte pour la France, celle d’une porte vers les autres pays du bassin méditerranéen. Le Gouvernement n’avait pas le droit de laisser des populations dans un tel désarroi et des élus devant une telle complexité. Il faut en effet rendre hommage à ces derniers : ils ont essayé de travailler ensemble, bâti des intercommunalités, tenté de trouver des accords pour des moyens de transport satisfaisants, souvent prolongé des axes difficiles mais aussi su protéger leur territoire, leur terre et leur environnement – ceux en tout cas qui ont su résister. Il faut les encourager. Si aujourd’hui – vous voyez que je ne vous cache rien –, ils ne sont pas tout à fait d’accord avec le projet, je pense qu’au terme de la préfiguration et avec le temps,…
…nous réussirons avec eux à créer cette grande aire urbaine vers le sud qui se porte mieux, et une grande porte de la France vers le bassin méditerranéen.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’entends votre remarque, monsieur Chrétien. Mais vous savez, la France a réuni à Marseille, aux côtés du président du Parlement européen, quarante-deux présidents des parlements du bassin méditerranéen, et ils nous ont dit : « Nous sommes à la porte de la France, à la porte de l’Europe. » Je n’aurais pas été fière que le Gouvernement ne prenne pas à bras-le-corps le problème d’Aix-Marseille-Provence.
Il y avait aussi Lyon. Le Grand Lyon, dans la même logique, a fait proposition d’un accord entre l’agglomération lyonnaise et le département.
Il ne faut pas oublier qu’il y a un autre département à côté, de 440 000 habitants, avec des populations rurales, et qu’il faudra y être extrêmement attentifs. Mais à partir du moment où le Gouvernement voulait réécrire la loi PLM et que les élus lui proposaient de travailler sur la solution Grand Lyon, il l’a accepté, reprenant, comme pour Aix-Marseille-Provence, l’idée que dans ces grandes aires urbaines, il faut faire attention à gérer la proximité. Je vois ici au moins un parlementaire qui connaît les questions métropolitaines, et il est vrai que la métropole doit être un grand outil, mais tout en pouvant privilégier le travail de proximité. Le Gouvernement a proposé à cet effet la création de conseils de territoires. Beaucoup s’interrogent sur ces conseils. Ils n’existent pas encore, nous les découvrirons ensemble, mais j’ai l’assurance, à partir de l’expérience lyonnaise, que ce sera une réussite.
Dans le PLM, reste Paris. Je voudrais d’abord saluer ici ceux qui ont créé Paris Métropole, saluer l’engagement de ces élus, eux qui ont tant travaillé en commun pour trouver des solutions, conduit tant de réunions publiques que des milliers de Parisiens et de Franciliens ont pu être entendus, consultés.
Je les salue. Leur travail a été totalement transpartisan. Il a été immense.
Mais nous n’avons pas pu trouver avec Paris Métropole la solution consensuelle que nous aurions souhaitée. M’appuyant, sous l’autorité du Premier ministre, sur les quatorze points de Paris Métropole que sans doute nous reverrons au cours de nos débats, j’ai estimé, après l’échec au Sénat de la proposition de Paris Métropole de créer un syndicat mixte, qu’on ne pouvait pas laisser le Grand Paris ainsi.
Il n’y a pas beaucoup de compétences à transférer. Le travail mené avec les régions sur les transports va porter ses fruits, même si, on l’a vu lors du récent drame ferroviaire, beaucoup reste à faire. Mais il reste au moins une compétence qui n’est pas suffisamment prise en compte et qui pose problème à l’ensemble des habitants de cette zone urbaine dense : c’est le logement. À partir de cette problématique, le Gouvernement a donc proposé de créer une métropole fusionnant des établissements publics intercommunaux et qui aura comme compétences essentielles le logement, l’environnement et la qualité de l’air. Je suis persuadée qu’après le travail qu’ils ont accompli au sein de Paris Métropole, les élus de cette aire urbaine dense, et tellement remarquable puisqu’elle contient notre capitale, sauront régler les problèmes de leur population. Nous avons besoin d’eux parce que la Capitale ne peut supporter d’être en difficulté, je pense en particulier à ses nouveaux habitants.
S’agissant des zones urbaines et des métropoles de droit commun, le Gouvernement reconnaît ce fait urbain sans adopter, je l’ai dit, la ligne de la stratégie de Lisbonne, mais celle du polycentrisme. Le Gouvernement a décidé – comme le Président de la République l’avait annoncé dès le 5 octobre – de rendre aux régions et aux départements la clause générale de compétence, qui n’est pas la cause des maux de nos territoires.
Bien au contraire, cette liberté locale fondamentale, dit le Président de la République, a permis la création de services innovants essentiels dans nos villes et dans nos villages, par exemple les services à la petite enfance qui sont pensés pour les enfants mais aussi pour que les femmes accèdent à l’emploi. Dans un paysage clarifié, la clause générale de compétence retrouvera sa nature. C’est un socle de droits qui permet aux élus de donner corps à une idée, de trouver une solution pour améliorer leur action en faveur de leur population et du développement de leur territoire.
J’ajoute, parce que je l’ai trop entendu sans doute, que nous gardons les départements de France. Il paraissait simple de supprimer les départements d’Île-de-France – je l’ai lu – même si d’autres se sont mis en colère contre cette idée.
Tout cela est évidemment transpartisan. Si nous avons gardé les départements de France, c’est aussi parce qu’ils ont permis la solidarité dans le contexte de crise que nous avons connu. Nulle personne âgée ou en situation de handicap ne peut regretter que les départements, en dépit de leurs difficultés financières, que nous avons examinées ce matin, aient porté ses demandes ou sa détresse. À ce titre, les élus des départements méritent un hommage. Nous leur demandons, au-delà des solidarités qu’ils ont déjà portées envers les personnes les plus fragiles, de porter aussi les solidarités territoriales. Ce n’est pas un vain mot au moment où, comme je le rappelais au début de mon propos, il n’est pas anodin pour un enfant de naître ici ou là, compte tenu de la violence des inégalités territoriales.
Restera un bloc communal actif, auquel on demande en plus, c’est vrai, de s’occuper de transition énergétique. Ce bloc communal, que certains portent avec beaucoup d’enthousiasme sur les bancs de cette assemblée, travaille de concert avec les départements et les régions et reste attaché à ce que toute forme de contrat entre les régions et les départements n’oublie nulle commune et que dans la préparation des contrats de plan proposés ce matin par le Premier ministre, chaque commune, chaque président d’intercommunalité puisse être associé aux choix qui seront faits dès la fin de cette année.
Nous répondons au désir des maires de France – après la création de l’agence de financement qu’ils demandaient depuis tant d’années – en faisant en sorte que, pour chaque loi votée ici ou chaque décret écrit là-bas, dans tel ou tel ministère, pour chaque décret pris en Conseil d’État, tous les élus de France puissent être consultés en amont, afin de discerner l’impact de telle ou telle mesure.
C’est avec plaisir que j’accepterai donc, au nom du Gouvernement et au nom d’Anne-Marie Escoffier, la création du Haut conseil des territoires, qui permettra de discuter en amont avec les exécutifs. C’est d’autant plus important qu’il n’y aura bientôt plus, sur les bancs de cette assemblée, de représentants des exécutifs locaux.
Ce lieu de concertation est donc souhaitable et souhaité.
Ce projet de loi, nous l’espérons, va nous faire entrer dans une nouvelle ère, celle du contrat, de la confiance, de la conception des politiques publiques, de la coproduction de l’action publique entre l’État et les collectivités territoriales.
Mais aucun outil ne remplace la volonté politique. Je ne doute pas de notre volonté. Construisons donc ici l’outil qui permettra à ces milliers d’élus locaux – si souvent bénévoles, dont l’engagement doit être salué et qui font avec l’État l’unité et la force de la République – d’agir au plus près de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, mes chers collègues, dans son discours devant les états généraux de la démocratie territoriale, à Paris le 5 octobre dernier, le Président de la République a tracé les perspectives d’une nouvelle étape de la décentralisation, tout en soulignant qu’elle devrait s’accompagner d’une réforme de l’État, car les deux mouvements vont de pair.
C’est à l’aune de ce discours que le Gouvernement a préparé les trois textes qui, regroupés, constituent la réforme de l’action publique territoriale et de la décentralisation. C’est aussi en conformité avec les priorités alors fixées que sera rétablie par ce texte la clause de compétence générale et que va être engagé le chantier de la modernisation de l’action publique locale. C’est l’objet du premier des trois textes qu’a préparés le Gouvernement et dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Si l’on a parfois un peu rapidement réduit ce texte à la seule création des métropoles – ce qui est normal puisqu’elle constitue, en volume, la majeure partie de ce projet –, il semble important de rappeler le premier des deux termes qui figurent dans son intitulé : ce texte a avant tout pour objectif la modernisation et l’organisation de l’action publique au service des territoires.
Plus de trente ans après le lancement d’un processus de décentralisation par le gouvernement dirigé par Pierre Mauroy, auquel je souhaiterais moi aussi rendre hommage ici, les collectivités territoriales remplissent des missions de proximité mais aussi de stratégie de développement, avec une efficacité qui n’est plus contestable.
Cependant, au-delà de leurs compétences propres, il convient aussi de prendre en compte la complexité des nouveaux sujets et les nouvelles attentes de nos concitoyens, qui ne peuvent se satisfaire d’un éparpillement complet des initiatives locales. La théorie des blocs de compétences étanches, qui pourraient être exercés par chaque collectivité de son côté et à sa manière, a vécu. Il est devenu nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles les interventions des unes et des autres peuvent se compléter pour être plus efficaces et surtout plus lisibles.
Comment le citoyen peut-il se satisfaire lorsqu’il voit ses élus mener des opérations, décider d’investissements, proposer des aides, avec parfois – je dis bien parfois – le sentiment qu’aucune coordination ne cherche à éviter les doublons et les surcoûts et, plus souvent encore, en ayant le sentiment de ne plus savoir lequel de ces élus est responsable de quoi ? Le défi d’aujourd’hui est donc de fédérer les initiatives locales qui cherchent souvent à aller dans le même sens, par-delà les frontières administratives, sans pour autant mettre à bas les structures de proximité et la richesse démocratique que constituent nos 36 000 collectivités territoriales.
C’est ce à quoi s’emploie le présent texte. Dans un premier temps, il permet aux collectivités d’organiser une action concertée autour de chefs de file. Il offre aux collectivités un espace de liberté et de discussion, avec la mise en place de la Conférence territoriale de l’action publique au sein de laquelle les collectivités, en confiance et en toute responsabilité, pourront décider ensemble comment s’organiser et coordonner leurs interventions.
Je voudrais revenir sur un malentendu ou plutôt sur des interrogations au sujet de la notion de chef de file, qui transparaissent dans nos échanges en commission comme dans certains des amendements qui ont été déposés sur ces articles. Je le répète, la définition d’un chef de file ne peut pas être assimilée à la délégation d’une compétence partagée à un seul niveau de collectivité. Elle est simplement la reconnaissance que si tous les niveaux ont vocation à entreprendre des actions dans ce domaine, il est tout à fait indispensable qu’une coordination ait lieu et, pour reprendre la Constitution, qu’un chef de file organise les modalités de l’action commune.
En application du principe de libre administration, cette coordination ne peut être que volontaire et si une collectivité refuse de se joindre à la convention d’exercice concerté, elle pourra évidemment continuer d’avoir une action dans ce domaine, mais elle ne pourra alors compter que sur ses propres deniers pour la financer.
La notion de chef de file a été introduite dans la Constitution à l’occasion de la réforme de 2003, à l’initiative de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, mais jusqu’alors, comme Mme la ministre l’a rappelé, personne ne lui avait donné une réalité en dehors de cette affirmation constitutionnelle.
Cela étant, il faut aussi le rappeler, le Sénat a jugé que le projet initialement présenté par le Gouvernement, destiné à fournir un cadre global à une discussion d’ensemble de ces questions dans une Conférence territoriale réunie à l’échelle régionale, afin de discuter d’un ensemble de conventions réunies en un seul et même pacte, était trop compliqué et trop contraignant. Par conséquent, le Sénat a fait le choix de supprimer l’article 5 du projet gouvernemental.
Lors de l’examen du texte en commission, j’ai proposé à la commission des lois un dispositif allégé qui repose avant tout sur le consentement des collectivités concernées et ainsi sur l’intelligence territoriale. Mais je tiens aussi à dire que j’aurai encore l’occasion, au cours de nos débats, de proposer de nouvelles mesures de simplification de ce dispositif de Conférence territoriale de l’action publique et des dispositifs de coordination des politiques publiques au niveau local.
Dans un second temps, le présent projet de loi prévoit de doter le fait métropolitain de statuts qui correspondent aux besoins de cette nouvelle urbanité, tout en reconnaissant que les habitudes de travail en commun qui ont été prises territoire par territoire, les niveaux d’intégration et les solidarités locales ne sont pas équivalents dans toutes ces métropoles. Cela justifie en particulier que le projet de loi propose, pour les trois plus importantes d’entre elles, une organisation qui leur soit propre.
Pour Paris, le manque d’ambition du projet initial pouvait se justifier par la volonté affirmée et respectable du Gouvernement d’aller vers une solution de compromis. Cependant, cette proposition n’a pas résisté au manque de consensus des élus sur un dispositif précis, en particulier sur l’achèvement de la carte intercommunale. Cela a conduit le Sénat à le rejeter en bloc malgré les efforts très importants de tous les présidents successifs de Paris Métropole qui ont oeuvré et qui, je le sais, oeuvrent encore à la construction d’un langage commun et d’une culture de la coopération en Île-de-France.
Le projet initial, il faut le rappeler, ne prévoyait qu’une structure de coopération entre les intercommunalités au sein de la zone urbaine de la capitale et un dispositif spécifique pour le logement à l’échelle de l’Île-de-France. Il a été rejeté et à toute chose malheur est bon puisque ce rejet a joué un rôle d’électrochoc.
Les auditions que nous avons pu organiser, les concertations menées par le Gouvernement, montrant sa capacité d’ouverture en acceptant que sur de nombreux points la version initiale du texte puisse être remise sur le métier, l’initiative collective de parlementaires franciliens qui se sont rassemblés autour d’un même texte et au-delà des considérations relatives à leur implantation à Paris, en petite ou en grande couronne, tout cela a permis de sortir par le haut et de proposer une réponse à la hauteur de l’enjeu du Grand Paris.
À Marseille, le projet initial avait, lui, été substantiellement enrichi au Sénat, notamment grâce à la mise en place des conseils de territoires, dotés de compétences réelles et ambitieuses, faisant de la métropole d’Aix-Marseille-Provence un modèle de métropole décentralisée. Notre commission a d’ailleurs voté conformes les articles concernant Marseille et sa métropole.
À Lyon, le consensus local et les habitudes de travail en commun ont permis de mettre en place un modèle innovant, reposant sur une collectivité à statut particulier, qui cumulera sur son territoire les compétences intercommunales et départementales, avec une gouvernance dont les grandes lignes n’ont pas été modifiées au Sénat ni dans notre commission.
Dans un troisième temps, ce texte permet aux autres intercommunalités de renforcer leur intégration et de s’organiser pour agir de façon plus efficace, notamment en matière de transports individuels et collectifs. Il renforce aussi les compétences des communautés urbaines et permet aux agglomérations de 250 000 habitants d’accéder à ce modèle de gestion plus intégré. En outre, répondant à une revendication désormais ancienne des élus locaux, le Sénat a décidé de mettre en oeuvre la dépénalisation du stationnement payant. L’analyse du dispositif voté par nos collègues, éclairée par les auditions que nous avons pu organiser, a montré que s’il répondait à une vraie demande, il crée un dispositif de sanction administrative nécessitant l’organisation de son contentieux mais aussi des garanties à apporter aux droits de la défense.
En outre, ses conséquences financières sont loin d’être neutres pour l’État comme pour les collectivités concernées. Aussi, il importe que les incertitudes de ce dispositif puissent être levées et que soient prises en compte les conclusions de la mission confiée aux inspections générales et dont nous aurons bientôt le rapport.
Enfin, ce texte étend aux intercommunalités les possibilités de se fédérer entre elles pour mettre en place un projet de territoire et mener des actions communes grâce à deux structures fédératives : entre territoires urbains avec le pôle métropolitain, instance de projet permettant de mettre en réseau des agglomérations ; entre territoires ruraux avec le pôle rural d’aménagement et de coopération, permettant de regrouper des EPCI afin de mener en commun un projet de territoire.
En cela, le projet de loi fait bien confiance à l’intelligence des territoires et propose à tous des solutions innovantes pour prendre en main leur développement. Cependant, son examen par le Sénat a montré qu’il avait fait naître des inquiétudes et des critiques, notamment sur la complexité de certains dispositifs proposés par le Gouvernement, ce que j’évoquais à propos du pacte de gouvernance. À nous d’y répondre aujourd’hui.
J’en viens maintenant à l’examen du projet de loi par notre commission. Celle-ci a procédé à l’examen de ce texte au cours de cinq séances successives entre le 1er et le 3 juillet dernier. Après avoir entendu les ministres, elle a débattu de 654 amendements et en a adopté 237, dont de nombreux amendements issus des travaux de la commission des affaires culturelles, de la commission des affaires économiques, de la commission du développement durable et de la commission des finances.
En matière d’organisation de l’exercice concerté des compétences locales, la commission des lois a décidé d’instituer dès à présent le Haut conseil des territoires, appelé à devenir l’instance nationale de concertation entre l’État et les collectivités territoriales. J’aurai l’occasion de vous proposer d’aller plus loin sur la question des normes et du rôle que doit jouer l’actuelle commission consultative et d’évaluation des normes au sein du Haut conseil des territoires. La commission a également revu la composition de la Conférence territoriale de l’action publique, afin que les communes et intercommunalités des différentes strates démographiques y soient représentées dans leur diversité. Elle a modifié la répartition des compétences partagées pour lesquelles les communes et leurs groupements, les départements et les régions sont reconnus chefs de file, afin de les adapter à leurs capacités.
Elle a ensuite prévu un nouveau mécanisme d’organisation de l’action commune dans ces domaines de compétences, reposant sur l’assentiment de la conférence territoriale de l’action publique et de chaque collectivité concernée au projet de convention territoriale d’exercice concerté, tel qu’il est proposé et piloté par la collectivité chef de file.
En matière d’organisation de la région francilienne, l’examen par la commission a été l’occasion pour le Gouvernement de présenter un projet nettement plus ambitieux que le projet initial. D’une part, en grande couronne, les regroupements intercommunaux dont le siège se situe dans l’unité urbaine de Paris, devront former des ensembles d’au moins 200 000 habitants. D’autre part, un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France a été rétabli. À l’initiative de la commission des finances, a aussi été garantie la lisibilité du fonds de solidarité propre aux départements de la région d’Île-de-France. Surtout, a été prévue la création d’un EPCI dénommé « métropole du Grand Paris », au 1er janvier 2015. Il regroupera la commune de Paris, l’ensemble des communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et les communes franciliennes appartenant a un établissement public de coopération intercommunale comprenant au moins une commune de la petite couronne. D’autres EPCI des départements de grande couronne pourront être intégrés à la métropole, et celle-ci reposera sur une organisation par territoires reprenant les périmètres des EPCI existants.
Pour ce qui concerne la métropole de Lyon, qui constituera une collectivité à statut particulier, la commission a souhaité prendre date, en adoptant un amendement du groupe SRC à l’initiative, notamment, de notre collègue Pascale Crozon. Il précise que les conseillers métropolitains devront être élus au suffrage universel direct lors du renouvellement général en 2020. C’est d’ailleurs une question qui se pose pour l’ensemble des métropoles du fait de l’importance des compétences qu’elles ont et auront à exercer.
S’agissant, justement, des compétences de la métropole de Lyon, la commission a notamment, sur l’initiative des commissions des saisies pour avis, renforcé la cohérence des compétences reconnues à cette métropole avec celles des métropoles dites de droit commun. Elle a aussi adopté deux amendements du Gouvernement, le premier ayant pour objet d’instaurer un nouvel équilibre en ce qui concerne les transferts de compétences de l’État en matière de logement, le second revenant assez largement au texte initial en ce qui concerne les compétences exercées par le président du conseil de la métropole en matière de police spéciale.
Pour les métropoles de droit commun, la commission des lois a rétabli le principe d’automaticité de la transformation en métropoles des établissements publics de coopération intercommunale éligibles à ce statut. Si les EPCI susceptibles de se transformer en métropole devront former un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, la commission des lois a prévu des dispositions dérogatoires en faveur des chefs-lieux de région et des centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants au sens de l’INSEE exerçant un certain nombre de compétences stratégiques et structurantes.
Par ailleurs, la commission des lois a également précisé le champ des compétences communales susceptibles d’être transférées aux métropoles en matière d’actions de développement économique et de copilotage des pôles de compétitivité, de promotion du tourisme, de soutien et d’aides aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, mais aussi d’aménagement urbain autour des gares situées sur le territoire métropolitain et de gestion des milieux aquatiques.
Enfin, la commission n’a pas souhaité revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat donnant un caractère volontaire et conventionnel à la délégation de certaines compétences départementales ou régionales aux métropoles.
En matière d’encadrement de l’endettement des collectivités territoriales, à l’initiative de la commission des finances, la commission des lois a intégré plusieurs propositions issues du rapport rendu en 2011 par la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, afin de prévoir l’expiration des délégations consenties aux responsables exécutifs dès le début de la campagne électorale, de soumettre tous les contrats de prêt au contrôle de légalité, d’organiser un débat annuel des assemblées délibérantes sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l’endettement, d’obliger à provisionner les risques liés a la souscription de produits financiers par les collectivités territoriales et de conserver un rapport annuel sur l’endettement du secteur local.
Vous le voyez, tous les sujets ont donc été vus et revus en profondeur par la commission des lois. Ils pourront encore l’être au cours de l’examen des 1 307 amendements qui ont été déposés.
Cependant, et afin de donner la philosophie générale qui sera la mienne en abordant chacun de ces amendements, il me semble utile de rappeler que l’organisation de notre architecture locale repose sur une ligne de crête permanente, entre le choix de la responsabilité des élus – qui passe par la clause de compétence générale, rétablie par le présent texte – et la nécessite de clarifier des actions devenues parfois illisibles pour le citoyen – qui passe par la reconnaissance effective du rôle de chef de file, sans que cela aboutisse à une mise sous tutelle d’une collectivité par une autre.
Nous devons relever un défi : rester sur cette ligne de crête, répondre à la nécessité de clarifier, de dire qui fait quoi, qui reste responsable de quoi, tout en garantissant le maintien effectif de la clause de compétence générale et dans le respect du principe de libre administration qui, l’un comme l’autre, s’accommodent assez mal des entreprises de spécialisation des compétences.
Cette ligne de crête, par ailleurs, ne nous dispensera pas, j’en suis convaincu, d’évoquer aussi, tout au long de nos échanges, la question de la place de l’État dans notre organisation territoriale.
Je conclus d’un mot, mes chers collègues. Je suis convaincu que le présent texte repose sur un équilibre : entre les métropoles et les régions, entre la libre détermination des politiques locales et l’obligation d’une organisation claire et lisible de l’action publique locale. Et je suis convaincu que nos débats nous aideront à l’améliorer encore.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la force de notre pays, ce sont nos territoires, qui sont capables de se mettre en mouvement pour amorcer le redressement économique et relever les défis de la compétition mondiale. Confiance, clarté, cohérence et démocratie sont les objectifs fixés par le Président de la République pour cette grande réforme de la décentralisation et de la modernisation de l’action publique portée par la majorité.
Dans ce contexte de crise économique, les territoires sont les maîtres d’oeuvre de la croissance et de la solidarité. La clarification des compétences entre l’État et les collectivités territoriales est de nature à permettre une action publique simplifiée, plus proche des citoyens et donc moins coûteuse.
La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie du titre Ier du projet de loi, consacré à la clarification des compétences des collectivités et à la coordination des acteurs. Sa principale disposition est le rétablissement de la clause de compétence générale. Elle revêt une importance particulière pour notre commission, tant il est vrai que cette clause est à l’origine du développement de politiques locales ambitieuses et d’un véritable foisonnement dans les domaines culturels et sportifs, deux domaines qui nous tiennent particulièrement à coeur.
Dans le domaine culturel, la décentralisation a moins répondu à une logique de blocs de compétences ou de spécialisation des compétences qu’à une logique d’exercice conjoint d’une compétence générale par chacun des niveaux de collectivités publiques. D’ailleurs, la loi fondatrice du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État était relativement timide s’agissant des transferts de compétences culturelles, mais elle a accompagné le dynamisme de l’action culturelle des collectivités territoriales grâce à la clause de compétence générale.
Bien sûr, certaines compétences relèvent de manière privilégiée d’un niveau de collectivités. Ainsi en est-il notamment de la compétence des départements en matière d’archives. Mais chaque niveau de collectivités territoriales reste compétent pour intervenir dans l’ensemble des fonctions culturelles, l’État restant, dans tous les cas, le garant de la cohérence nationale, par l’édiction de règles et l’exercice du contrôle scientifique.
Les résultats de la dernière enquête sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales menée par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture confirment que les communes, départements et régions, ainsi que, désormais, les groupements de communes, sont des acteurs majeurs du financement public de la culture en France. Les collectivités territoriales engagent dans ce domaine des crédits plus de deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture.
Ce sont ainsi près de 7 milliards d’euros que les collectivités territoriales ont mobilisés pour la culture en 2006, dont 4,4 milliards pour les seules communes de plus de 10 000 habitants. Départements et régions ont engagé respectivement 1,3 milliard et 556 millions d’euros pour la culture cette même année. Le partage des compétences culturelles qu’a permis la clause de compétence générale se traduit par l’importance des financements croisés : les subventions versées entre collectivités représentent 231 millions d’euros en 2006, soit 3,4 % des dépenses culturelles nettes locales.
Dans le domaine du sport, les collectivités, au premier rang desquelles les communes, assurent depuis longtemps la plus grande partie de l’effort financier public pour l’organisation de la pratique du sport. Cet effort des communes s’élevait, en 2007, à 8,95 milliards d’euros, soit près des deux tiers de l’ensemble des dépenses finançant les projets sportifs. Les régions et les départements investissent respectivement à hauteur de 0,5 et 0,8 milliard d’euros. D’après la Cour des comptes, la dépense sportive en France avoisine les 33 milliards d’euros. Les collectivités interviennent à la fois à travers l’octroi de subventions aux associations et aux sociétés sportives, et pour le financement de la construction et de l’entretien des équipements sportifs. D’après un recensement réalisé en 2006 par le ministère des sports, on dénombre 144 000 installations sportives, comprenant plus de 311 000 équipements sportifs, les collectivités étant propriétaires de plus de 83 % de ces équipements.
Dans ce contexte, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités a suscité une grande inquiétude, non seulement des collectivités territoriales, mais de l’ensemble du mouvement sportif et des acteurs culturels, en particulier sur deux points. Le premier concernait la répartition des compétences : la loi supprimait en effet la clause de compétence générale des départements et des régions et consacrait le principe des compétences exclusives. Le deuxième sujet d’inquiétude concernait les financements croisés, qui subissaient de sérieuses limitations. Grâce à la mobilisation des élus et des acteurs concernés, ces principes avaient été assouplis dans un certain nombre de domaines, pour lesquels toute attribution d’une compétence exclusive à un niveau de collectivité aurait semblé arbitraire et inadaptée. Ainsi le sport, la culture et le tourisme avaient-ils été reconnus comme des compétences partagées. De même, les limites apportées au cumul de subventions ne s’appliquaient pas aux subventions de fonctionnement accordées aux projets sportifs, culturels et en matière de tourisme. Il n’en reste pas moins que le dynamisme des collectivités en ressortait fortement corseté.
Le présent projet de loi procède d’une tout autre logique, bien sûr. Il repose d’abord sur la confiance : confiance dans les collectivités et leurs acteurs pour exercer leurs compétences au plus près des territoires et confiance dans leur capacité de dialogue pour coordonner leurs interventions.
Première observation, le présent projet de loi n’est pas un texte qui procède à de nouveaux transferts de compétences. Cette perspective est particulièrement adaptée aux domaines du sport et de la culture ; je pense en particulier que, dans le domaine de la culture, nous avons atteint un régime de croisière et les collectivités n’expriment d’ailleurs pas le souhait de nouveaux transferts. En effet, même si le transfert de l’inventaire aux régions, dans la loi de 2004, fait l’objet d’une appréciation globalement positive, je pense que le rétablissement d’un dialogue serein avec l’État constitue le préalable nécessaire à tout transfert supplémentaire.
Sans cette condition, tout transfert nouveau ne peut qu’être entouré d’une certaine méfiance. J’en veux pour preuve le résultat mitigé des transferts de monuments historiques opérés par la loi de 2004. Ainsi, sur les 176 monuments classés ou inscrits de l’État et du Centre des monuments nationaux susceptibles d’être transférés, sur leur demande, aux collectivités territoriales, seules 73 candidatures ont été adressées aux préfets de région.
Pas de transferts supplémentaires, donc. C’est une bonne chose.
En outre, le projet de loi mise sur la responsabilité des collectivités. Le rétablissement de la clause générale de compétence est ainsi assorti de la désignation de chefs de file, chargés de coordonner les interventions des différents niveaux de collectivités, et de conférences territoriales de l’action publique, instances de dialogue et de mise en musique des compétences partagées.
La commission des lois a apporté d’importantes modifications au texte tel qu’il nous était arrivé du Sénat : le triptyque « chef de file – CTAP –- conventions territoriales d’exercice concerté des compétences » formalise davantage le processus de coordination des interventions des collectivités.
Ce processus avait, c’est vrai, été réduit à sa plus simple expression dans le texte du Sénat. Pourtant, dans la mesure où la clause de compétence générale est rétablie, le dispositif que nous propose aujourd’hui la commission des lois est sans doute plus équilibré. J’appelle toutefois l’attention sur la charge que représentera l’élaboration des conventions d’exercice concerté des compétences pour les chefs de file. C’est un exercice nécessaire, mais nos collectivités croulent déjà sous les schémas en tous genres, dont l’élaboration constitue une tâche particulièrement chronophage.
Or leur intérêt pour la transparence de l’action publique ne me paraît pas complètement démontré. J’espère que l’article 9 bis A, introduit en commission des lois, et qui prévoit un rapport sur les possibilités de rationalisation et de regroupement de ces schémas, ouvrira des perspectives de simplification.
En tout état de cause, l’amélioration de la coordination des interventions des collectivités par les collectivités elles-mêmes est de bonne méthode. S’agissant en particulier du chef de filat des régions, la commission des lois a adopté un amendement de rédaction globale de son rapporteur, que je salue car il a donné satisfaction à plusieurs des préoccupations qu’avait exprimées notre commission, en particulier s’agissant des compétences relatives au développement des réseaux de communications électroniques et de leurs usages, ainsi qu’à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je vous proposerai à ce sujet un amendement de précision, ainsi qu’un amendement désignant les régions chefs de file dans le domaine de la formation et de l’accompagnement vers l’emploi.
En outre, notre commission a exprimé le souhait d’une coordination plus étroite des interventions des collectivités et de l’État dans le domaine culturel, au niveau territorial.
Cet amendement découle de trois constats. Premièrement, du fait qu’il repose en grande partie sur le volontarisme local, le paysage institutionnel de l’action culturelle peut apparaître quelque peu confus. Ce diagnostic a été confirmé à l’occasion des Entretiens de Valois pour le spectacle vivant, engagés par le ministère de la culture sous la précédente législature. Ces entretiens ont notamment permis de relever la multiplicité des guichets auxquels les acteurs culturels doivent s’adresser pour faire vivre leur institution ou monter leurs projets.
Deuxième constat : en dépit de leur rôle incontournable pour le dynamisme culturel des territoires, les collectivités locales ont souvent le sentiment de n’être que des guichets, le dialogue et le partenariat avec l’État restant perçu comme déséquilibré voire déresponsabilisant.
À l’inverse, pour certains dossiers, il arrive que la demande d’accompagnement, d’expertise et de conseil adressée aux DRAC par les collectivités ne puisse être satisfaite. Le président de la FNCC a ainsi souligné « la nécessité de réaffirmer le rôle essentiel de l’État ».
Je vous proposerai donc de prévoir un débat annuel obligatoire, au sein de la CTAP, en présence du responsable de l’État et du développement culturel. Il ne s’agit pas là d’une tentative d’assurer l’hégémonie de l’État sur les politiques culturelles locales, mais de répondre à la demande exprimée par les collectivités d’un dialogue plus nourri et plus formalisé avec l’État, sur le fondement d’un véritable partenariat. Cela constituerait le pendant au niveau local du dialogue noué au sein du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, placé près la ministre en charge de la culture, et qui a été récemment réactivé.
J’en termine, madame la présidente.
Dans le cadre de ce conseil national, les associations de collectivités ont formé le voeu qu’une déclinaison locale de cette structure soit mise en place. C’est que je proposerai au cours du débat.
Pour conclure, l’objectif de ce texte de loi est de redonner au territoire sa légitimité de porteur de projet, et d’en faire un acteur à part entière de sa croissance et de son développement. Notre commission a donc donné un avis favorable à son adoption. Je vous remercie de votre attention.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des lois, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nul ne peut contester aujourd’hui le fait métropolitain et la nécessité de le situer le plus clairement possible dans l’action publique territoriale et dans la chaîne d’exercice de l’action publique dans son ensemble.
La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis d’un certain nombre de dispositions contenues dans ce texte car elles jouxtent de façon directe des sujets éminemment économiques, tels que la concession de la distribution d’énergie ou le développement économique.
Elle s’est aussi et avant tout saisie de ces dispositions car le fait métropolitain et la bonne coordination des services publics locaux, y compris en milieu rural, sont souvent des vecteurs puissants pour un bon développement économique.
Au-delà des fondamentaux économiques comme la fiscalité et le coût de la main d’oeuvre, de l’énergie et des matières premières, quels critères territoriaux peuvent décider un chef d’entreprise à choisir d’implanter son activité ici plutôt qu’ailleurs ? Il sera attentif à la capacité du territoire à favoriser la recherche et le développement, c’est-à-dire à mettre en réseau entreprises et universités, et à soutenir des programmes de recherches dont il pourra bénéficier. Il sera aussi attentif à la qualité de l’environnement pour ses salariés, et donc aux transports en commun, au logement, à l’offre de loisirs, aux capacités de garde et d’éducation des enfants, en un mot à tout ce qui fait la qualité du cadre de vie. Il sera attentif enfin aux ressources humaines que le territoire a la capacité de former, et dont il peut assurer l’évolution en matière d’acquisition de compétences et de formation.
Le territoire est ainsi appréhendé dans son ensemble : il se doit d’être compétitif, c’est-à-dire d’offrir la meilleure offre au meilleur coût, tant les métropoles aujourd’hui se comparent. Le fait métropolitain en soi est devenu un fait économique majeur.
La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis des dispositions relatives aux compétences pour lesquelles les collectivités chefs de file exercent une mission de coordination. Elle s’est également saisie des articles 12 et 13, relatifs à la métropole de Paris, supprimés par le Sénat ; des dispositions relatives à la création des métropoles de Lyon, d’Aix-Marseille-Provence et à l’évolution du statut des métropoles de droit commun, notamment en ce qui concerne leurs compétences dans les domaines de l’énergie, du développement économique et du logement ; de l’article 13 bis introduit par le Sénat, qui prévoit la fusion des quatre établissements publics fonciers de l’État de la région Île-de-France ; des dispositions relatives aux compétences obligatoires des communautés urbaines ; de l’article 45 relatif aux établissements publics fonciers de l’État, supprimé par le Sénat.
Lors de sa réunion du 26 juin dernier, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des articles 3, 13 bis, 20, 30, 31 et 42. Elle a adopté seize amendements sur ces articles. Bien que favorable à la création de la métropole de Paris, elle a estimé qu’il ne lui appartenait pas de rétablir les articles 12 et 13 car leur champ dépassait celui de sa saisine ; néanmoins, à titre personnel, je salue le rétablissement de ces articles par la commission des lois.
Ayant procédé à plusieurs auditions sur la question de la gouvernance du logement en Île-de-France, je tiens à souligner les avancées du projet de loi dans ce domaine, qui constitue un enjeu essentiel compte tenu de la grave crise du logement que connaît cette région. À cet égard, il faut rappeler que la loi sur le Grand Paris fixe un objectif de construction de 70 000 logements par an, ce qui suppose un quasi-doublement du rythme de construction. Le projet de schéma directeur de la région île de France définit un objectif de 30 % de logement social à l’horizon 2030. Actuellement, le nombre annuel de demandes de logement social s’élève à 500 000 pour 80 000 attributions.
Plusieurs avancées du projet de loi initial ont été rétablies par la commission des lois : la création d’un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, avec lequel les différents documents locaux d’urbanisme devront être compatibles ; la création d’un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement, élaboré par le conseil régional, qui fixe les objectifs globaux et leurs déclinaisons territoriales, notamment en matière de construction et de logements sociaux ; la possibilité pour l’État de déléguer à la métropole de Paris des compétences en matière de logement – l’attribution des aides au logement locatif social, l’attribution des aides en faveur de l’habitat privé, par délégation de l’Agence nationale de l’habitat, la gestion de la garantie du droit à un logement décent et indépendant, appelée « DALO », la gestion de tout ou partie des réservations de logements dont l’État bénéficie pour le logement des personnes prioritaires, la mise en oeuvre des procédures de réquisition, la gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement au logement.
S’agissant toujours de la gouvernance du logement, la commission a approuvé la fusion des quatre EPF de l’État en région Île-de-France, telle que l’a prévue l’article 13 bis introduit par le Sénat. Cette fusion permettra d’assurer une plus grande cohérence des actions foncières à l’échelle régionale et renforcera l’efficacité de la politique du logement.
La commission des affaires économiques a salué la création de la métropole de Lyon, qui s’est appuyée sur la forte volonté des élus locaux, déterminés à mener à bien le projet métropolitain. Je tiens à saluer particulièrement le travail de qualité, créatif et innovant qu’ont réalisé nos deux collègues sénateurs Gérard Collomb et Michel Mercier, ainsi que tous les élus de l’agglomération lyonnaise et du département du Rhône qui les entourent. Car il s’agit bien là de donner tout son sens et toute sa force à une grande métropole, en supprimant une couche du mille-feuille et en préservant le rôle essentiel de proximité qu’exercent les communes. S’agissant de ses compétences en matière de développement économique, la commission a approuvé l’ajout par le Sénat de la participation aux sociétés d’investissement et de financement, tout en précisant que celle-ci devait s’inscrire dans les orientations définies par le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
La commission des affaires économiques est également favorable à la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, car elle estime que ce projet relève de l’intérêt général. Il repose en effet sur la volonté d’encourager le développement social et économique de l’agglomération en remédiant au morcellement des lieux de décision, ainsi que de développer la solidarité financière dans des territoires qui connaissent de forts écarts de richesse. Il est donc souhaitable que les élus locaux s’approprient cette initiative.
Enfin, s’agissant de l’évolution du statut des métropoles de droit commun, la commission des affaires économiques s’est réjouie de la meilleure reconnaissance institutionnelle du fait métropolitain. Plus de 60 % de la population française réside dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants. Les métropoles jouent donc un rôle essentiel dans le développement économique du territoire, et doivent disposer des instruments nécessaires à leur action, dans un contexte de compétition croissante entre métropoles au niveau européen.
La commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements relatifs aux compétences des collectivités territoriales, notamment en matière d’énergie. Elle a estimé en particulier qu’en matière de transition énergétique – notion qui n’est d’ailleurs pas encore définie sur le plan juridique – et de concession de distribution publique d’électricité, il est nécessaire d’attendre les résultats de la concertation actuelle, lancée à l’initiative du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui seront prochainement traduits par un projet de loi. De plus, la politique énergétique s’appuie sur le principe de péréquation nationale des tarifs de l’électricité, qui ne doit pas être remis en cause : il convient donc de conserver une politique nationale cohérente en la matière.
La commission des affaires économiques a adopté des amendements afin de permettre aux métropoles de soutenir la création et l’entretien des infrastructures de charge nécessaires à l’usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. De cette manière, les possibilités d’intervention des communes seront préservées.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Madame la présidente, mesdames les ministres, madame et messieurs les rapporteurs, messieurs les présidents de commissions, mes chers collègues, notre pays entretient une relation paradoxale avec l’esprit même de la décentralisation. D’un côté, le processus de décentralisation fait désormais partie du patrimoine de la République : nul ne songerait aujourd’hui à remettre en cause la reconnaissance par la Constitution de l’organisation décentralisée de la République depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Mais, dans le même temps, notre pays ne parvient pas à dégager un compromis national sur la forme que doit prendre cette organisation décentralisée de la République. Ces derniers mois, en tant que rapporteur pour avis, j’ai vu tant de responsables publics se précipiter dans les allées du pouvoir pour réclamer le maintien du statu quo, tant d’élus qui ne conçoivent pas d’autre manière de réformer l’organisation territoriale de la République qu’à coup d’imperceptibles adaptations…
Voilà pourquoi la tâche du Gouvernement était si difficile ! Et s’il est malaisé de satisfaire toutes les revendications, surtout lorsqu’elles sont antagonistes, personne ne pourra accuser ce gouvernement et cette majorité de ne pas avoir laissé la porte ouverte à la concertation, de n’avoir pas tenté de desserrer les verrous qui bloquent l’esprit décentralisateur dans notre pays.
Il faut ajouter que les orientations prises par la précédente majorité ont, sinon abîmé, du moins infléchi l’esprit de la décentralisation. Comme je le disais encore il y a quelques instants à l’un de nos collègues, cinq ans après le lancement de la révision générale des politiques publiques, le champ des services s’est réduit dans nos territoires. Quatre ans après la suppression de la taxe professionnelle, la question de la dépendance financière des régions et des départements est plus criante que jamais. Trois ans après la réforme territoriale du 16 décembre 2010, ni la lisibilité des compétences, ni la démocratie locale, ni l’efficacité publique n’ont été renforcées.
Dans ce contexte, l’objectif du présent projet de loi est double : moderniser l’action publique et renforcer son efficacité. C’est ce que vous nous avez dit, madame la ministre ; bien entendu, M. le rapporteur est allé dans le même sens.
Pour y parvenir vous proposez, madame la ministre, une démarche simple. J’en soulignerai simplement deux aspects. Pour commencer, dans la mesure où notre pays ne parvient pas à dégager un compromis national sur son organisation territoriale et sur la redistribution des compétences locales, vous proposez d’organiser les conditions de compromis locaux au moyen des futures conférences territoriales de l’action publique.
Non, monsieur Chrétien, c’est une innovation majeure qui permettra de faire émerger des solutions locales, concertées, consensuelles, contractuelles, à l’image du projet lyonnais.
Ensuite, et c’est sans aucun doute l’axe principal de ce projet de loi,vous proposez de renforcer l’intégration intercommunale à toutes les échelles territoriales. Vous le faites tout d’abord par le phénomène de métropolisation. Certes, nous devons la reconnaissance de ce phénomène à la loi du 16 décembre 2010.
Mais, chers collègues, il faut rappeler que la loi du 16 décembre 2010 a été construite dans un climat de conflit, et même d’autoritarisme.
Parce que ce projet de loi-ci est élaboré dans un climat de parfait consensus ?
Je n’étais pas élu à l’époque, mon cher collègue, mais je l’aurais fait bien volontiers.
Près de trois ans après son adoption, une seule métropole a vu le jour en France…
Une seule : celle de Nice. J’ai d’ailleurs auditionné son président, Christian Estrosi. Toutes les autres collectivités se sont gardées d’entrer dans cette formule dont elles se méfiaient comme de la peste.
Affirmer les métropoles, c’est leur donner la vie, d’une certaine façon ; c’est leur donner de la consistance ; c’est reconnaître l’ambition de ces projets de territoires hyper-urbains. C’est aussi, et même surtout, voter une loi compréhensible, une loi qui est attendue sur le terrain…
…une loi qui ne soit pas à l’image de la précédente, une loi qui ne tombe pas de Paris sur les territoires comme le marteau sur l’enclume !
Quel est l’enjeu ? Les métropoles françaises ont l’ambition, légitime, de soutenir la comparaison avec les autres métropoles européennes et internationales par leur rayonnement. Or l’on voit bien que ce concept de rayonnement est difficile à définir, puisqu’il ne dépend pas seulement de critères démographiques et de la concentration des fonctions métropolitaines, mais qu’il implique aussi de franchir un degré supplémentaire vers une gouvernance efficace, démocratique et durable des métropoles.
Cette gouvernance peut et doit être adaptée, M. le rapporteur l’a rappelé, aux particularités des métropoles lorsque ces particularités sont historiquement – et je dirais même quantitativement – marquantes : ainsi, Paris, Lyon et Marseille doivent non seulement posséder un statut distinct du droit commun des « nouvelles métropoles », mais elles appellent aussi des solutions différenciées. En matière de rayonnement, d’attractivité et d’intégration des fonctions métropolitaines, il fallait que la loi vienne conforter les dynamiques déjà à l’oeuvre dans les faits.
Mais il faut aussi que nous veillions, dès ce premier projet de loi, et sans attendre le volet consacré aux solidarités territoriales, à ce que les grandes dynamiques urbaines que le projet de loi s’apprête à reconnaître et à consolider n’aboutissent pas à un antagonisme frontal, ou même larvé, entre les métropoles et les autres territoires. Si les métropoles sont un enjeu à part entière de la décentralisation, les territoires dont elles se démarquent ne doivent pas être laissés pour compte. Le Sénat a pris ce risque en considération et a introduit dans le texte un nouvel outil de coopération pour faire pendant aux métropoles : les pôles ruraux d’aménagement et de coopération.
Vous le savez, mesdames les ministres, le terme « rural » me gêne. Pas en tant que tel, mais parce qu’il est restrictif et qu’il traduit une conception que je crois dépassée : une conception qui rejoue sans cesse l’opposition entre le rural et l’urbain qui, dans les faits, entretiennent pourtant des relations d’influence réciproques. Les métropoles ne sont pas des enceintes fermées : ce sont des réalités mouvantes, reliées de multiples façons aux territoires qui les avoisinent. Sur ce point, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité engager un débat de fond, en préconisant d’abord un rééquilibrage du projet de loi en direction des territoires qui n’exercent pas de fonctions métropolitaines, mais qui s’incarnent dans nos villes moyennes, dans nos zones périurbaines et dans nos territoires ruraux et hyper-ruraux, qui territoires attendent beaucoup de la République ; en proposant ensuite de donner de la consistance aux pôles ruraux, sous la forme d’une sorte de coopérative d’établissements publics de coopération intercommunale, pour accentuer les coopérations locales et dégager des périmètres d’action d’intérêt commun.
Je voudrais enfin dire quelques mots sur le second champ de compétence de la commission qui m’a désigné comme son rapporteur pour avis : le développement durable. Nous sommes bien sûr dans l’attente de la clôture du débat sur la transition énergétique, et il est à cet égard heureux que les dispositions relatives à l’énergie soient placées dans le dernier des trois projets de loi. Je voudrais néanmoins souligner plusieurs avancées, à commencer par l’affirmation du rôle de chef de file de la région en matière de développement durable. Le projet de loi fixe également des ambitions nouvelles en matière de transports, à travers la mobilité durable, les modes de transport plus respectueux de l’environnement et la coordination, par la région, des actions locales en matière d’organisation des transports et d’intermodalité. Nous avons ajouté ces dispositions en commission d’aménagement du territoire et en commission des lois. Ce sont des avancées importantes ; nous nous en réjouissons et nous en approuvons bien sûr le principe.
Mes chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.
À la suite de la commission, le groupe SRC a d’ailleurs déposé plusieurs amendements qui traduisent cette ambition. Au fond, mes chers collègues, il ne s’agit de rien de moins que de trouver un nouvel équilibre des pôles : pôles métropolisés d’un côté, pôles d’équilibre de l’autre. Nous aurons l’occasion d’évoquer ces questions, lorsque viendra l’examen de l’article 45 quinquies. Vous l’avez compris, l’enjeu de nos discussions sera d’aboutir à une vision d’ensemble, celle qui consiste à donner à tous nos territoires, urbains ou pas, des armes nouvelles pour exister et s’affirmer
Il ne surmonte pas tous les blocages, vous l’avez dit, madame la ministre, ni toutes les contradictions de notre organisation territoriale. Il faudrait pour cela que se forme dans notre pays un consensus, qui n’existe pas, sur l’organisation décentralisée de la République. Nous sommes convaincus de son bien-fondé, parce qu’il est de nature à réconcilier nos élus et nos concitoyens avec la décentralisation…
…en encourageant les régulations locales et en instaurant un dialogue serein avec les collectivités locales, et parce qu’il permettra à nos territoires de franchir un nouveau saut qualitatif, dans le respect de leur diversité. Mes chers collègues, votons ce projet de loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 1906, l’un de nos plus illustres prédécesseurs, Georges Clemenceau, se prononçait en faveur d’une forte décentralisation. Le ministre de l’intérieur qu’il était alors déclarait : « Permettre aux régions diverses de développer toute l’intensité de leur propre vie, supprimer des divisions administratives surannées que ni la géographie, ni les besoins régionaux, ni l’état actuel des communications ne peuvent plus justifier ; susciter, grouper, développer en des formes nouvelles les initiatives locales, rapprocher les administrés des administrateurs, ou plutôt faire que les administrés s’administrent eux-mêmes, puisque la démocratie suppose que les hommes sont devenus majeurs : ce sont là quelques-unes des idées directrices de la réorganisation administrative en vue d’une administration meilleure, plus efficace, plus prompte, plus économique. » Clemenceau soulignait là les trois enjeux essentiels de la décentralisation : la nature des divisions administratives, la nécessité de rapprocher les administrés des administrateurs, et le besoin d’une administration plus efficace.
Avec le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, le Gouvernement nous propose de franchir une nouvelle étape. Contrairement à 1982 ou 2004, il ne s’agit toutefois pas d’un transfert massif de nouvelles compétences. Certains ont pu le regretter ; ce n’est pas mon cas. Je vois dans ce projet une opportunité rare, après plus de trente années de décentralisation : celle d’ancrer dans la loi le principe d’une coordination cohérente et simplifiée de l’action publique entre l’État et les territoires, d’une part, et les collectivités elles-mêmes, d’autre part.
Cette oeuvre de simplification entre les collectivités ne va pas s’accompagner de la disparition d’échelons de compétence et c’est une bonne chose. Une partie de l’opposition souhaite une suppression des départements et des communes ; ce n’est pas la position de notre majorité.
François Fillon indiquait en effet, dans une interview au journal Les Échos, le 23 avril dernier : « Je défends la fusion des départements et des régions, des communes et des communautés de communes ».
Mesdames et messieurs de l’opposition, ce n’est pas en supprimant les deux échelons territoriaux que sont les communes et les départements, c’est-à-dire ceux qui sont les mieux identifiés, et auxquels nos compatriotes sont le plus attachés, que vous apporterez une réponse aux difficultés qu’ils rencontrent.
Une telle mesure affaiblirait également nos territoires ruraux, qui n’ont vraiment pas besoin, après dix ans de destruction, d’être encore maltraités. Du reste, ce projet de loi doit aussi être l’occasion pour nous de réfléchir à une meilleure organisation des territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle le Sénat a introduit les pôles ruraux dans ce projet de loi, et que mon collègue Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, nous proposera une série d’amendements sur ce point essentiel pour l’aménagement et le développement de ces territoires.
L’ampleur de la tâche a toutefois justifié que le texte soit découpé en trois projets de loi distincts. Le premier porte sur la modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles : c’est celui que le Sénat a adopté le 6 juin dernier et dont notre assemblée s’apprête à débattre. Le deuxième concerne la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires. Le dernier, consacré au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, est, comme le précédent, déposé sur le bureau du Sénat depuis le 10 avril.
Comme de nombreux collègues, j’aurais préféré pour ma part un projet de loi unique, même si je sais combien nos deux ministres sont déterminées à faire aboutir chacun des trois volets. Je tiens, à cet égard, à saluer leur constance et leur pugnacité, puisqu’elles ont su rechercher et trouver des compromis pour mener à bien les projets de métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, qui avaient suscité tant de débats passionnés au Sénat. C’est notre intérêt collectif de voir émerger ces deux métropoles dont le pays a besoin dans une économie mondialisée, et c’est également l’intérêt particulier de Paris de voir enfin traité le problème du logement à l’échelle de l’ensemble de la région Île-de-France.
Cette réforme, comme chacun sait, s’inscrit dans un contexte financier difficile. Le Gouvernement a annoncé, au début de l’année, sa volonté de diminuer les dotations aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d’euros en 2014, et du même montant en 2015. Les modalités de la baisse des dotations et la répartition de l’effort entre les niveaux de collectivités sont en cours de discussion, dans le cadre plus large du « Pacte de confiance et de responsabilité » voulu par le Président de la République. Dans ces conditions, l’impact financier de l’acte III a été attentivement mesuré. Trop faibles, les bonifications des dotations, notamment celle d’intercommunalité, ne permettraient pas de faire évoluer les structures locales et d’atteindre l’objectif de cohérence de l’action publique. Trop prodigues, ces mécanismes risqueraient de reporter sur d’autres collectivités un fardeau insoutenable.
Comme l’a indiqué le chef de l’État lors des états généraux de la démocratie territoriale : « La décentralisation, c’est une chance, et non une position de principe. Elle permet à l’État de se réformer, aux territoires de se mobiliser et aux citoyens de s’impliquer ». Tel est le fil conducteur qui m’a guidée durant les travaux préparatoires en commission.
Saisie pour avis de dix-huit articles du projet de loi adopté par le Sénat, la commission des finances a examiné le projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles au cours de sa réunion du 26 juin. J’ai eu l’honneur d’en être la rapporteure. Sur mes recommandations, la commission des finances a adopté seize amendements. Tous ont été votés par la commission des lois et intégrés au texte qui vous est aujourd’hui soumis.
J’ai d’abord pris l’initiative de proposer une réécriture de l’article 14, qui permet d’avancer dans la mise sur pied d’un fonds de solidarité des départements de la région d’Ile-de-France. J’ai proposé d’en définir le volume ex ante, sur le modèle du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, et de renvoyer à la loi de finances la définition des modalités de prélèvement et de reversement. Néanmoins, je prends acte de la volonté de mes collègues franciliens de renvoyer l’ensemble des modalités de ce fonds de péréquation, ainsi que son montant, au prochain projet de loi de finances pour 2014. Je serai particulièrement vigilante, en ma qualité de rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », à l’articulation des différents fonds de péréquation des départements, car la solidarité territoriale ne doit pas s’effectuer au détriment de la solidarité entre tous les départements
Trois amendements présentés par notre collègue Jean-Louis Gagnaire ont été adoptés aux articles 20 et 31. Ils visaient à clarifier les compétences respectives de la région et de la métropole en matière de développement économique.
J’ai appuyé la dépénalisation du stationnement payant sur voirie, introduite par nos collègues sénateurs aux articles 36 bis et 36 ter. Il me semble toutefois que cette réforme risque d’achopper sur les pertes de recettes qu’elle induirait pour l’État et pour une partie des collectivités territoriales. Avec le rapporteur général Christian Eckert, nous avons d’abord entendu mettre fin à toute ambiguïté sur la possibilité d’assujettir, ou non, la redevance de post-stationnement à la TVA. Consciente de la nécessité d’assurer le bouclage financier de cette réforme à l’occasion d’une prochaine loi de finances, j’ai également fait inscrire le principe de neutralité de la réforme pour les finances de l’État dans le présent projet
D’accord avec le Gouvernement, j’ai supprimé le dispositif dérogatoire de déliaison des taux pour Lyon, introduit au Sénat à l’article 22, qui risquait d’être excessivement défavorable aux contribuables. J’ai aussi fait adopter plusieurs mesures de coordination concernant les recettes fiscales de la métropole de Lyon, aux articles 20 et 22. Les six amendements restants reprenaient les conclusions de la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, animée par MM. Claude Bartolone et Jean-Pierre Gorges, adoptées à l’unanimité en décembre 2011 et que j’ai faites miennes.
Ce sont de très bons amendements ! J’espère que le Gouvernement va les approuver !
Il est suffisamment rare que des propositions fassent consensus dans notre Assemblée – a fortiori quelques mois avant des élections nationales – pour le relever.
Le nouvel article 56 encadre la conclusion des contrats d’emprunt avant les échéances électorales en fixant l’échéance des délégations consenties à l’exécutif à l’ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement de l’assemblée délibérante des communes, départements, régions et EPCI, soit deux semaines avant la date du scrutin.
En cas de nécessité, il restera ainsi loisible à l’exécutif de la collectivité de réunir l’assemblée pour demander l’autorisation de prendre des mesures ponctuelles, telles que l’autorisation exceptionnelle de souscrire un emprunt, mais dans des conditions permettant l’exercice du contrôle démocratique jusqu’à la fin des mandats locaux en cours.
L’article 57 étend le contrôle de légalité à l’ensemble des contrats de prêt, qu’ils soient de nature publique ou privée, afin que le contrôle préfectoral puisse s’exercer sur le respect des nouvelles règles d’encadrement des emprunts des collectivités et de leurs groupements.
L’article 58 instaure un débat annuel des assemblées délibérantes sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l’endettement. Le choix fait a été de rattacher cette obligation à celle du débat d’orientation budgétaire dont l’organisation est obligatoire pour les communes et EPCI de plus de 3 500 habitants, les départements et les régions.
L’article 59 prévoit l’obligation, pour les collectivités territoriales, de provisionner les risques liés à la souscription de produits financiers à hauteur des charges financières supplémentaires potentielles, en faisant des provisions pour de tels risques une dépense obligatoire des communes, départements, régions et organismes en charge du logement social.
L’article 60 précise le contenu du rapport annuel au Parlement sur la dette locale, reprenant une partie des dispositions de l’article 108 de la loi de finances pour 2012.
Enfin, un nouveau titre IV a été créé à la fin du projet de loi pour rassembler toutes ces dispositions.
Nul doute que le très long débat qui nous attend permettra d’approfondir ces différents points. J’en termine donc avec le compte rendu des travaux de notre commission sur ce projet de loi : la commission des finances a émis un avis favorable à son adoption et je vous invite à mon tour à l’adopter.
Pour conclure, permettez-moi de remercier notre rapporteur, Olivier Dussopt, qui a su coordonner l’ensemble des commissions saisies pour avis d’une main de maître, dans un gant de velours.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, mesdames les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi, elle aussi, de se saisir pour avis de ce texte. Ce projet de loi, comme bien des textes qui traitent de décentralisation, touche en effet plusieurs domaines qui concernent directement notre commission : ainsi en est-il des dispositions relatives aux compétences des métropoles, notamment en matière d’énergie, de développement économique et de logement.
Pendant l’examen de ces dispositions en commission, nous avons en permanence été animés par le souci de conserver la cohérence d’un certain nombre de mécanismes performants existants, de législations en vigueur – y compris européennes – ou encore de respect des travaux et consultations en cours, comme le grand débat sur la transition énergétique.
C’est dans leur ensemble que nous devons aborder les projets de lois qui nous sont soumis, et celui-ci pas plus que les autres ne doit être appréhendé isolément du reste. À chaque fois que l’on légifère sur les territoires ou la décentralisation il peut être tentant de modifier la loi à l’aune de préoccupations prioritairement locales…
Car oui, chacun voit la loi en fonction des ambitions légitimes de son territoire ou des questions locales à régler de manière plus ou moins urgente. Et je l’avoue, il m’arrive à moi aussi de ne pas échapper à cette règle non écrite – je fais preuve d’humilité en la circonstance.
Si certains sujets et certaines préoccupations peuvent se prêter à des évolutions législatives que je qualifierai de rapides, il y a des domaines délicats auxquels on ne peut pas toucher sans en avoir préalablement mesuré l’impact en profondeur. Parce que ce sont des domaines qui engagent des milliards d’euros et qui ont un impact considérable sur l’économie du pays et sur la sécurité de nos concitoyens ; parce que ce sont des domaines dans lesquels les règles sont tellement contraignantes qu’on ne peut pas se permettre sans danger d’utiliser, dans la loi, des notions qui ne sont définies nulle part.
Donner une compétence en chef de filat pour exercer une mission dont la définition n’existe nulle part est extrêmement dangereux.
C’est le cas de l’énergie. L’énergie est un de ces domaines où les interventions du législateur sont subordonnées à différents types de contraintes, et où l’arsenal législatif et réglementaire est colossal.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas traiter de cette question de manière périphérique dans un texte dont l’énergie ne constitue pas le coeur sans vérifier que ce que nous projetons de faire n’entrera pas en contradiction, par exemple, avec ce que nous imposent les directives de l’Union européenne.
Les règles européennes, qui touchent le plus souvent à la concurrence, mais aussi aux missions de service public, sont très rigoureuses. Et nous payons parfois très cher nos écarts en la matière.
Nous ne pouvons pas traiter de cette question sans avoir la certitude que les termes ajoutés ne remettront pas en cause l’équilibre des réseaux. Car, vous le savez, c’est ce qui caractérise largement l’industrie de l’énergie : c’est pour l’essentiel une industrie de réseaux.
Nous ne pouvons pas traiter de cette question sans nous assurer que les changements que nous mettrions en place ne vont pas conduire à isoler des pans entiers de notre territoire – fussent-ils des pôles ruraux – par une remise en cause improvisée de la péréquation tarifaire à laquelle je crois que dans cet hémicycle, nous sommes tous très attachés, sur tous les bancs.
Décentralisation ne doit pas rimer avec exclusion des uns au bénéfice des autres. Soyons attentifs.
Dans le texte qui nous revient du Sénat, à l’occasion de son examen en commission des affaires économiques, nous avons relevé plusieurs incohérences et plusieurs dispositions à risque, notamment en ce qui concerne le service public de la distribution d’électricité et de gaz. Certaines ont pu être réparées, et d’autres le seront en séance, je l’espère.
Je tiens à remercier chaleureusement et personnellement le rapporteur de la commission saisie au fond, Olivier Dussopt, qui a fait preuve d’une écoute minutieuse, avec la complicité de Jean-Yves Le Bouillonnec que j’associe à ces remerciements.
De la même manière, pourquoi vouloir d’ores et déjà inscrire dans ce projet de loi des dispositions relatives à la transition énergétique alors que les débats publics viennent tout juste de prendre fin, que leur contenu n’a pas encore été analysé, et que le Gouvernement n’a pas encore procédé aux arbitrages ?
D’autant plus que nous savons qu’une grande loi de programmation de cette transition va arriver très prochainement à l’ordre du jour de notre assemblée. Il me semble nécessaire avant de vouloir l’organiser, d’attendre de savoir en quoi elle va consister, dans sa cohérence générale.
Je partage l’avis de nos amis sénateurs – une fois n’est pas coutume – sur la nécessité d’y associer étroitement les collectivités territoriales. Mais comment peut-on savoir aujourd’hui dans quelle mesure et sur quelles actions nous les associerons ?
Nous devons, en matière énergétique comme dans bien d’autres domaines, nous garder de prendre des décisions sans cohérence. Nous ne devons pas couper le fil de la réflexion en cours. Vous savez tous à quel point en matière d’électricité une coupure peut être source de difficultés sérieuses ; en matière de gaz, les questions d’approvisionnement sont vitales.
Le travail législatif ne peut pas se faire de manière décousue. Bien sûr, lorsqu’il s’agit de réseaux de chaleur, ou d’autres productions d’énergie renouvelable pour l’autoconsommation, ou encore de prendre le maximum d’initiatives en matière d’économies d’énergie, on peut sans délai agir localement, et il est juste que ce texte porte cette préoccupation. Mais lorsqu’il s’agit de prendre le risque de démanteler la gestion harmonieuse de nos réseaux de transport ou de distribution, il est urgent, chers collègues, de prendre le temps de la réflexion.
Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC, RRDP et UMP.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme notre rapporteur Florent Boudié l’a indiqué, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles pour deux raisons principales : premièrement, du fait de sa compétence sur l’aménagement du territoire ; deuxièmement, parce que nous ne pouvions pas rester insensibles à certains transferts de compétences.
C’est pourquoi la saisine de la commission du développement durable a porté sur l’article 3 au titre premier et sur le titre II relatif à l’affirmation des métropoles.
Nos débats en commission, mercredi 26 juillet, ainsi que les interventions de notre rapporteur pour avis devant la commission des lois ont montré quelles étaient nos préoccupations : l’organisation territoriale dans notre pays, le nécessaire équilibre entre affirmation des métropoles et prise en compte des espaces ruraux, la rationalisation des compétences entre les différents niveaux d’administration territoriale.
De plus, même si on peut le comprendre, le choix de présenter l’acte III de la décentralisation en trois textes, dont deux sont renvoyés à l’année prochaine, et la perspective des projets de loi sur la transition énergétique et sur la biodiversité ne facilitent pas la meilleure cohérence quant aux sujets qui nous tiennent à coeur.
Or, nous voyons bien que la situation actuelle reste insatisfaisante et que de réelles questions se posent, tant sur le maintien de l’ensemble de nos structures administratives que sur la nature des compétences qui pourraient leur être transférées.
Le risque existe de nuire à la lisibilité de l’action des collectivités territoriales, notamment en direction de nos concitoyens, et de rendre plus complexe leur articulation.
Je ne reviendrai pas sur les amendements que la commission a approuvés et transmis à la commission des lois, compétente au fond. Je regrette néanmoins que certains n’aient pas été retenus, en particulier sur deux sujets. D’une part, nous n’avons pas réussi à trouver un équilibre entre la métropolisation et l’architecture des intercommunalités en milieu rural. Notre rapporteur pour avis Florent Boudié vous l’a indiqué : son projet de pôle rural n’a pas pu être discuté pour des raisons de recevabilité financière alors qu’un tel obstacle n’a pas empêché nos collègues sénateurs de proposer leur solution. À cet égard, je souhaiterais indiquer que je n’avais pas fait référence à l’article 40 en commission afin de laisser libre cours au débat.
D’autre part, il est sans doute trop tôt pour légiférer sur les compétences des collectivités territoriales en matière d’énergie et de transition énergétique, comme l’a rappelé le président de la commission des affaires économiques.
Mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les questions sont posées.
La commission du développement durable s’est fortement investie en organisant des auditions et des tables rondes sur la transition écologique et énergétique. Nos travaux ont mis en avant des points d’accord et de désaccord entre les groupes politiques. Les premiers consensus ont porté sur le changement climatique, l’efficacité énergétique et le rôle des collectivités territoriales.
Dans le cadre du paquet énergie climat, notre pays s’est engagé à diminuer de 20 % sa consommation d’énergie : c’est tout à la fois un impératif politique, une nécessité économique et un enjeu climatique. Nous souhaitons tous que la France se dote d’infrastructures performantes dans le parc immobilier et dans le secteur des transports, qui sollicitent moins d’énergie pour le même résultat.
Le principe d’une réduction de la consommation d’énergie sans nuire au niveau de vie recueille bien sûr un consensus, mais nous ne réussirons pas la transition énergétique en la pilotant uniquement d’en haut, sur un modèle centralisé. La participation des élus locaux et des collectivités territoriales apparaît comme une condition sine qua non de son succès. Pour cela, nous ne devons pas nous interdire de réfléchir à une évolution de la loi de 1946 sur l’électricité et le gaz, et à une adaptation aux exigences de la modernité des monopoles publics de distribution d’énergie.
Ces monopoles ne sont d’ailleurs pas tout à fait complets. Des entreprises locales de distribution, fondées avant la Libération, perdurent aux côtés de GRDF et d’ERDF.
Aujourd’hui, posons-nous la question : ne serait-il pas pertinent, performant, d’autoriser les collectivités à se doter d’opérateurs semblables à travers le pays pour ajuster au plus finement la gestion électrique de proximité, et encourager d’autant mieux les comportements vertueux ?
C’est le sens de l’amendement adopté par la commission, demandant au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la faisabilité technique, l’opportunité politique et l’impact financier de la création d’entreprises locales de distribution par les collectivités territoriales.
L’examen pour avis effectué par la commission du développement durable nous conduira donc à approfondir notre réflexion sur ce sujet qui correspond à un véritable enjeu de société.
En conclusion, madame la ministre, j’émets le souhait que ce débat nous permette d’identifier et de préciser la politique d’aménagement du territoire portée par le Gouvernement et qui ne se résume pas, je l’espère, à reconnaître purement et simplement le fait urbain, le fait métropolitain.
Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron