Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la force de notre pays, ce sont nos territoires, qui sont capables de se mettre en mouvement pour amorcer le redressement économique et relever les défis de la compétition mondiale. Confiance, clarté, cohérence et démocratie sont les objectifs fixés par le Président de la République pour cette grande réforme de la décentralisation et de la modernisation de l’action publique portée par la majorité.
Dans ce contexte de crise économique, les territoires sont les maîtres d’oeuvre de la croissance et de la solidarité. La clarification des compétences entre l’État et les collectivités territoriales est de nature à permettre une action publique simplifiée, plus proche des citoyens et donc moins coûteuse.
La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie du titre Ier du projet de loi, consacré à la clarification des compétences des collectivités et à la coordination des acteurs. Sa principale disposition est le rétablissement de la clause de compétence générale. Elle revêt une importance particulière pour notre commission, tant il est vrai que cette clause est à l’origine du développement de politiques locales ambitieuses et d’un véritable foisonnement dans les domaines culturels et sportifs, deux domaines qui nous tiennent particulièrement à coeur.
Dans le domaine culturel, la décentralisation a moins répondu à une logique de blocs de compétences ou de spécialisation des compétences qu’à une logique d’exercice conjoint d’une compétence générale par chacun des niveaux de collectivités publiques. D’ailleurs, la loi fondatrice du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État était relativement timide s’agissant des transferts de compétences culturelles, mais elle a accompagné le dynamisme de l’action culturelle des collectivités territoriales grâce à la clause de compétence générale.
Bien sûr, certaines compétences relèvent de manière privilégiée d’un niveau de collectivités. Ainsi en est-il notamment de la compétence des départements en matière d’archives. Mais chaque niveau de collectivités territoriales reste compétent pour intervenir dans l’ensemble des fonctions culturelles, l’État restant, dans tous les cas, le garant de la cohérence nationale, par l’édiction de règles et l’exercice du contrôle scientifique.
Les résultats de la dernière enquête sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales menée par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture confirment que les communes, départements et régions, ainsi que, désormais, les groupements de communes, sont des acteurs majeurs du financement public de la culture en France. Les collectivités territoriales engagent dans ce domaine des crédits plus de deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture.
Ce sont ainsi près de 7 milliards d’euros que les collectivités territoriales ont mobilisés pour la culture en 2006, dont 4,4 milliards pour les seules communes de plus de 10 000 habitants. Départements et régions ont engagé respectivement 1,3 milliard et 556 millions d’euros pour la culture cette même année. Le partage des compétences culturelles qu’a permis la clause de compétence générale se traduit par l’importance des financements croisés : les subventions versées entre collectivités représentent 231 millions d’euros en 2006, soit 3,4 % des dépenses culturelles nettes locales.
Dans le domaine du sport, les collectivités, au premier rang desquelles les communes, assurent depuis longtemps la plus grande partie de l’effort financier public pour l’organisation de la pratique du sport. Cet effort des communes s’élevait, en 2007, à 8,95 milliards d’euros, soit près des deux tiers de l’ensemble des dépenses finançant les projets sportifs. Les régions et les départements investissent respectivement à hauteur de 0,5 et 0,8 milliard d’euros. D’après la Cour des comptes, la dépense sportive en France avoisine les 33 milliards d’euros. Les collectivités interviennent à la fois à travers l’octroi de subventions aux associations et aux sociétés sportives, et pour le financement de la construction et de l’entretien des équipements sportifs. D’après un recensement réalisé en 2006 par le ministère des sports, on dénombre 144 000 installations sportives, comprenant plus de 311 000 équipements sportifs, les collectivités étant propriétaires de plus de 83 % de ces équipements.
Dans ce contexte, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités a suscité une grande inquiétude, non seulement des collectivités territoriales, mais de l’ensemble du mouvement sportif et des acteurs culturels, en particulier sur deux points. Le premier concernait la répartition des compétences : la loi supprimait en effet la clause de compétence générale des départements et des régions et consacrait le principe des compétences exclusives. Le deuxième sujet d’inquiétude concernait les financements croisés, qui subissaient de sérieuses limitations. Grâce à la mobilisation des élus et des acteurs concernés, ces principes avaient été assouplis dans un certain nombre de domaines, pour lesquels toute attribution d’une compétence exclusive à un niveau de collectivité aurait semblé arbitraire et inadaptée. Ainsi le sport, la culture et le tourisme avaient-ils été reconnus comme des compétences partagées. De même, les limites apportées au cumul de subventions ne s’appliquaient pas aux subventions de fonctionnement accordées aux projets sportifs, culturels et en matière de tourisme. Il n’en reste pas moins que le dynamisme des collectivités en ressortait fortement corseté.
Le présent projet de loi procède d’une tout autre logique, bien sûr. Il repose d’abord sur la confiance : confiance dans les collectivités et leurs acteurs pour exercer leurs compétences au plus près des territoires et confiance dans leur capacité de dialogue pour coordonner leurs interventions.
Première observation, le présent projet de loi n’est pas un texte qui procède à de nouveaux transferts de compétences. Cette perspective est particulièrement adaptée aux domaines du sport et de la culture ; je pense en particulier que, dans le domaine de la culture, nous avons atteint un régime de croisière et les collectivités n’expriment d’ailleurs pas le souhait de nouveaux transferts. En effet, même si le transfert de l’inventaire aux régions, dans la loi de 2004, fait l’objet d’une appréciation globalement positive, je pense que le rétablissement d’un dialogue serein avec l’État constitue le préalable nécessaire à tout transfert supplémentaire.