Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 19 septembre 2013 à 9h30
Soins sans consentement en psychiatrie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Il y avait donc un accord sur tout, sauf sur le point de savoir s’il fallait que les programmes de soins restent encadrés par un décret en Conseil d’État, ce qui est actuellement prévu par la loi du 5 juillet 2011 intégrée au code de la santé publique.

Le Sénat pensait qu’il n’y avait pas lieu de maintenir cette référence à un décret au Conseil d’État, au motif que le programme de soins était un document médical et qu’il n’appartenait pas au règlement d’encadrer un tel document.

Nous étions d’un avis contraire car, si le programme de soins a évidemment une dimension médicale, il a aussi une dimension juridique puisqu’il fait obligation au patient de suivre ce programme et qu’il prévoit une sanction ou du moins des conséquences juridiques quand le patient ne le suit pas : si le psychiatre l’estime nécessaire, il peut demander que le patient fasse l’objet d’une hospitalisation complète, donc qu’un arrêté soit pris en ce sens.

C’est pourquoi il nous semblait nécessaire de maintenir un encadrement. Il a été maintenu. Je rappelle simplement sa nature, pour bien montrer qu’il ne s’agit pas de prescription médicale : on n’encadre pas le contenu des soins, on encadre uniquement la procédure et l’information donnée. Ainsi, l’article R. 3211-1 du code de la santé publique indique que le programme de soins doit préciser s’il y a lieu « la forme que revêt l’hospitalisation partielle en établissement de santé ou la fréquence des consultations ou des visites en ambulatoire ou à domicile », ou, si elle est prévisible, la durée pendant laquelle ces soins sont dispensés.

L’article suivant comporte également des précisions importantes sur ce que ne doit pas contenir le programme de soins et notamment les informations susceptibles d’entrer dans le champ du secret médical, dans la mesure où ce document n’est pas réservé aux seuls médecins.

Ainsi, lorsque le programme de soins mentionne l’existence d’un traitement médicamenteux, il ne doit pas expliciter la nature ou le détail de ce traitement : c’est fait par des ordonnances qui ne relèvent pas du programme de soins.

Enfin, le même article 3211-1 précise la procédure d’élaboration et de modification du programme de soins : transmission au directeur d’établissement et au préfet, information de ces derniers en cas de modification substantielle, information des équipes soignantes.

Voilà des précisions aussi utiles que nécessaires et qui ne nous semblaient pas devoir être supprimées, même si elles relèvent du règlement et pas de la loi.

Les autres modifications, ainsi que je vous l’indiquais, étaient consensuelles. Vous savez que nous avons rétabli les sorties d’essai et qu’il y a deux types de sortie : celles qui sont accompagnées et celles qui ne le sont pas. Le Sénat a pensé utile de préciser que les sorties, quand elles étaient accompagnées, pouvaient être groupées et qu’elles pouvaient par ailleurs être accompagnées par plusieurs personnes. Cela nous semblait aller de soi, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant : par conséquent, cet amendement a été maintenu.

Il y a eu ensuite un amendement sur les transports, ceux-ci représentant une véritable difficulté dans la prise en charge des patients, quand ils font l’objet d’une première hospitalisation sous contrainte, quand il y a rupture d’un programme de soins qui est transformé en hospitalisation complète, ou alors quand il faut envisager un transport alors que la personne est déjà hospitalisée.

Le Sénat souhaitait préciser que le transport aurait lieu « selon des modalités et avec des moyens de contrainte nécessités par leur état de santé ». Il nous semblait – le rapporteur puis la commission en ont été d’accord – qu’il était préférable d’en rester à la rédaction : « lorsque cela est strictement nécessaire et par des moyens adaptés à leur état ». Pourquoi cette rédaction est-elle meilleure ? Parce que la « stricte nécessité » est protectrice pour le patient et qu’il peut y avoir des cas où ce ne sont pas des moyens de contention qu’il faut employer, mais des moyens non liés à la santé mentale ou à un état d’agitation.

Nous avons ensuite réécrit une partie des articles 4, 5 et 8 de la loi. Il s’agit du traitement des conditions de levée par le préfet ou de main-levée par le juge d’une mesure d’hospitalisation complète relative à un irresponsable pénal – une personne hospitalisée sous contrainte après avoir été déclarée irresponsable.

Je ne reviens pas sur le détail, sinon j’épuiserais le temps qui m’est imparti, compte tenu de la complexité du dispositif. Au terme de la réécriture de ces articles, qui est intervenue pratiquement à droit constant, deux points sont modifiés : le délai de soixante-douze heures qui est d’une application quasiment généralisée – sauf dans le cas où c’est le juge qui ordonne l’expertise – et le recours au juge qui est clairement réaffirmé, y compris dans le cas où deux avis ou deux expertises concluent identiquement à la non-levée du placement. La garantie juridictionnelle, qui nous semble d’ordre constitutionnel, a été clairement affirmée dans la nouvelle rédaction des articles du code de la santé publique.

Autre disposition à avoir suscité des discussions entre l’Assemblée nationale et le Sénat : la mutualisation des salles. Vous vous souvenez qu’un des points de la réforme est de permettre que les audiences du juge des libertés et de la détention puissent avoir lieu non plus au palais de justice, ce qui est encore la réalité dans deux tiers des cas, mais à l’hôpital. Dans un souci de souplesse, de pragmatisme, nous avions pensé qu’il était nécessaire que des salles puissent être mutualisées quand il y a plusieurs établissements dans le ressort d’un même tribunal de grande instance.

Le Sénat avait purement et simplement supprimé la possibilité de mutualisation, au motif qu’il était important que l’audience ait lieu dans l’établissement d’hospitalisation du patient. Cela nous a paru peut-être trop radical, parce qu’il faut tenir compte des réalités locales. Simplement, entre la nécessité que nous avions affirmée et sa déclinaison locale, nous n’avions pas trouvé la bonne façon de l’écrire. Dans la réflexion commune entre les deux rapporteurs, nous avons abouti à un amendement commun aux termes duquel la mutualisation fera l’objet d’une convention entre le tribunal de grande instance et l’Agence régionale de santé, de façon que l’application concrète de la loi et du principe selon lequel les audiences auront désormais lieu en milieu hospitalier tienne compte des réalités territoriales.

Dernière modification importante : la suppression de la visioconférence par le Sénat, sur laquelle nous sommes restés. Il n’y a pas eu d’amendement en CMP sur ce point. Les visioconférences, nous étions contre sur le principe, parce que, compte tenu de la complexité de la relation avec un malade mental, une audience doit être une relation humaine entre un magistrat, un avocat et un patient. Il nous paraissait important que, dans la mesure du possible, cette relation puisse être maintenue. C’est la raison pour laquelle, dès la loi du 5 juillet 2011, les conditions de recours à la visioconférence étaient strictement encadrées, de manière très limitative. Il fallait un avis médical qui attestait que l’état mental de la personne ne faisait pas obstacle au procédé. Il fallait que le directeur de l’établissement d’accueil se soit assuré de l’accord exprès du patient ; mais un patient qui est en situation difficile est-il en mesure de donner en toute connaissance de cause son accord exprès ? Il y avait en outre une lourdeur administrative, puisqu’un procès-verbal devait être dressé dans chacune des deux salles d’audience.

Le Sénat, devant l’amoncellement de difficultés dressé à juste titre, a préféré supprimer la possibilité de recourir aux visioconférences, ce qui me paraît plutôt une bonne solution.

Voilà l’ensemble des améliorations votées par la CMP. C’est l’occasion de dire que la collaboration entre les deux chambres a été extrêmement sereine et a enrichi le texte. C’est aussi l’occasion de remercier les services du ministère de la santé et ceux du ministère de la justice, pour la collaboration qui a été la leur depuis la rédaction de la proposition de loi. Mon principal regret, au terme de ce processus législatif, est que je ne vais plus les revoir pendant un certain nombre de mois.

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