La séance est ouverte.
La séance est ouverte à 9 heures 30.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la de la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (no 1358).
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Il y avait donc un accord sur tout, sauf sur le point de savoir s’il fallait que les programmes de soins restent encadrés par un décret en Conseil d’État, ce qui est actuellement prévu par la loi du 5 juillet 2011 intégrée au code de la santé publique.
Le Sénat pensait qu’il n’y avait pas lieu de maintenir cette référence à un décret au Conseil d’État, au motif que le programme de soins était un document médical et qu’il n’appartenait pas au règlement d’encadrer un tel document.
Nous étions d’un avis contraire car, si le programme de soins a évidemment une dimension médicale, il a aussi une dimension juridique puisqu’il fait obligation au patient de suivre ce programme et qu’il prévoit une sanction ou du moins des conséquences juridiques quand le patient ne le suit pas : si le psychiatre l’estime nécessaire, il peut demander que le patient fasse l’objet d’une hospitalisation complète, donc qu’un arrêté soit pris en ce sens.
C’est pourquoi il nous semblait nécessaire de maintenir un encadrement. Il a été maintenu. Je rappelle simplement sa nature, pour bien montrer qu’il ne s’agit pas de prescription médicale : on n’encadre pas le contenu des soins, on encadre uniquement la procédure et l’information donnée. Ainsi, l’article R. 3211-1 du code de la santé publique indique que le programme de soins doit préciser s’il y a lieu « la forme que revêt l’hospitalisation partielle en établissement de santé ou la fréquence des consultations ou des visites en ambulatoire ou à domicile », ou, si elle est prévisible, la durée pendant laquelle ces soins sont dispensés.
L’article suivant comporte également des précisions importantes sur ce que ne doit pas contenir le programme de soins et notamment les informations susceptibles d’entrer dans le champ du secret médical, dans la mesure où ce document n’est pas réservé aux seuls médecins.
Ainsi, lorsque le programme de soins mentionne l’existence d’un traitement médicamenteux, il ne doit pas expliciter la nature ou le détail de ce traitement : c’est fait par des ordonnances qui ne relèvent pas du programme de soins.
Enfin, le même article 3211-1 précise la procédure d’élaboration et de modification du programme de soins : transmission au directeur d’établissement et au préfet, information de ces derniers en cas de modification substantielle, information des équipes soignantes.
Voilà des précisions aussi utiles que nécessaires et qui ne nous semblaient pas devoir être supprimées, même si elles relèvent du règlement et pas de la loi.
Les autres modifications, ainsi que je vous l’indiquais, étaient consensuelles. Vous savez que nous avons rétabli les sorties d’essai et qu’il y a deux types de sortie : celles qui sont accompagnées et celles qui ne le sont pas. Le Sénat a pensé utile de préciser que les sorties, quand elles étaient accompagnées, pouvaient être groupées et qu’elles pouvaient par ailleurs être accompagnées par plusieurs personnes. Cela nous semblait aller de soi, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant : par conséquent, cet amendement a été maintenu.
Il y a eu ensuite un amendement sur les transports, ceux-ci représentant une véritable difficulté dans la prise en charge des patients, quand ils font l’objet d’une première hospitalisation sous contrainte, quand il y a rupture d’un programme de soins qui est transformé en hospitalisation complète, ou alors quand il faut envisager un transport alors que la personne est déjà hospitalisée.
Le Sénat souhaitait préciser que le transport aurait lieu « selon des modalités et avec des moyens de contrainte nécessités par leur état de santé ». Il nous semblait – le rapporteur puis la commission en ont été d’accord – qu’il était préférable d’en rester à la rédaction : « lorsque cela est strictement nécessaire et par des moyens adaptés à leur état ». Pourquoi cette rédaction est-elle meilleure ? Parce que la « stricte nécessité » est protectrice pour le patient et qu’il peut y avoir des cas où ce ne sont pas des moyens de contention qu’il faut employer, mais des moyens non liés à la santé mentale ou à un état d’agitation.
Nous avons ensuite réécrit une partie des articles 4, 5 et 8 de la loi. Il s’agit du traitement des conditions de levée par le préfet ou de main-levée par le juge d’une mesure d’hospitalisation complète relative à un irresponsable pénal – une personne hospitalisée sous contrainte après avoir été déclarée irresponsable.
Je ne reviens pas sur le détail, sinon j’épuiserais le temps qui m’est imparti, compte tenu de la complexité du dispositif. Au terme de la réécriture de ces articles, qui est intervenue pratiquement à droit constant, deux points sont modifiés : le délai de soixante-douze heures qui est d’une application quasiment généralisée – sauf dans le cas où c’est le juge qui ordonne l’expertise – et le recours au juge qui est clairement réaffirmé, y compris dans le cas où deux avis ou deux expertises concluent identiquement à la non-levée du placement. La garantie juridictionnelle, qui nous semble d’ordre constitutionnel, a été clairement affirmée dans la nouvelle rédaction des articles du code de la santé publique.
Autre disposition à avoir suscité des discussions entre l’Assemblée nationale et le Sénat : la mutualisation des salles. Vous vous souvenez qu’un des points de la réforme est de permettre que les audiences du juge des libertés et de la détention puissent avoir lieu non plus au palais de justice, ce qui est encore la réalité dans deux tiers des cas, mais à l’hôpital. Dans un souci de souplesse, de pragmatisme, nous avions pensé qu’il était nécessaire que des salles puissent être mutualisées quand il y a plusieurs établissements dans le ressort d’un même tribunal de grande instance.
Le Sénat avait purement et simplement supprimé la possibilité de mutualisation, au motif qu’il était important que l’audience ait lieu dans l’établissement d’hospitalisation du patient. Cela nous a paru peut-être trop radical, parce qu’il faut tenir compte des réalités locales. Simplement, entre la nécessité que nous avions affirmée et sa déclinaison locale, nous n’avions pas trouvé la bonne façon de l’écrire. Dans la réflexion commune entre les deux rapporteurs, nous avons abouti à un amendement commun aux termes duquel la mutualisation fera l’objet d’une convention entre le tribunal de grande instance et l’Agence régionale de santé, de façon que l’application concrète de la loi et du principe selon lequel les audiences auront désormais lieu en milieu hospitalier tienne compte des réalités territoriales.
Dernière modification importante : la suppression de la visioconférence par le Sénat, sur laquelle nous sommes restés. Il n’y a pas eu d’amendement en CMP sur ce point. Les visioconférences, nous étions contre sur le principe, parce que, compte tenu de la complexité de la relation avec un malade mental, une audience doit être une relation humaine entre un magistrat, un avocat et un patient. Il nous paraissait important que, dans la mesure du possible, cette relation puisse être maintenue. C’est la raison pour laquelle, dès la loi du 5 juillet 2011, les conditions de recours à la visioconférence étaient strictement encadrées, de manière très limitative. Il fallait un avis médical qui attestait que l’état mental de la personne ne faisait pas obstacle au procédé. Il fallait que le directeur de l’établissement d’accueil se soit assuré de l’accord exprès du patient ; mais un patient qui est en situation difficile est-il en mesure de donner en toute connaissance de cause son accord exprès ? Il y avait en outre une lourdeur administrative, puisqu’un procès-verbal devait être dressé dans chacune des deux salles d’audience.
Le Sénat, devant l’amoncellement de difficultés dressé à juste titre, a préféré supprimer la possibilité de recourir aux visioconférences, ce qui me paraît plutôt une bonne solution.
Voilà l’ensemble des améliorations votées par la CMP. C’est l’occasion de dire que la collaboration entre les deux chambres a été extrêmement sereine et a enrichi le texte. C’est aussi l’occasion de remercier les services du ministère de la santé et ceux du ministère de la justice, pour la collaboration qui a été la leur depuis la rédaction de la proposition de loi. Mon principal regret, au terme de ce processus législatif, est que je ne vais plus les revoir pendant un certain nombre de mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis là pour vous répondre à la place de Marisol Touraine, retenue par des rencontres qu’elle n’a pu déplacer sur le sujet complexe des retraites. Je suis d’autant plus heureuse de venir auprès de vous que vous examinez un thème sur lequel, en d’autres temps, j’avais eu l’occasion de travailler et je m’étais particulièrement impliquée.
Je vais donc vous faire lecture de l’intervention de Mme la ministre des affaires sociales.
Les débats parlementaires qui ont conduit à l’élaboration de cette proposition de loi correspondent à l’idée que je me fais de notre démocratie. Malgré les difficultés posées par un calendrier contraint, dont chacun a parfaitement conscience, vous avez su mener, avec les sénateurs, un travail de grande qualité.
Ce texte permet non seulement de rendre la loi conforme à notre Constitution, mais aussi, en replaçant le patient au coeur du processus thérapeutique, d’en finir avec l’inspiration sécuritaire qui a marqué la loi du 5 juillet 2011. Cette ambition, le Gouvernement la soutient pleinement. Elle répond également aux attentes des malades, des familles et des professionnels.
En premier lieu, vous avez profité de la révision des deux dispositions qui ont été jugées contraires à la Constitution pour replacer le patient au coeur de la démarche de soins, vous l’avez dit, et je crois que c’est là un point particulièrement important.
Cette proposition de loi vise d’abord, en effet, à limiter l’application du régime plus strict de levée des soins sans consentement. Désormais, celui-ci ne devra concerner que les irresponsables pénaux encourant un certain niveau de peine.
Ensuite, elle tend à replacer les patients hospitalisés en unité pour malades difficiles – UMD – dans le droit commun.
Dans un second temps, la proposition de loi améliore considérablement le déroulement de l’audience et répond aussi à des attentes très fortes.
Les personnes victimes de troubles psychiques ne sont pas des justiciables comme les autres. Que l’établissement de santé devienne le lieu de l’audience du juge constitue de ce point de vue-là un progrès. Vos travaux avec le Sénat ont renforcé cette volonté et permettront d’améliorer les conditions de l’audience pour le patient tout en assurant le bon fonctionnement et la bonne organisation des établissements et des juridictions.
Le texte prévoit ainsi d’autoriser la mutualisation de salles entre les établissements dans des conditions strictes, que vous avez rappelées. La possibilité de recours à la visioconférence, dont chacun sait qu’elle est inadaptée aux malades psychiques, a également été supprimée au cours du débat parlementaire.
Vous avez aussi rendu obligatoire la présence de l’avocat ainsi que la possibilité pour la personne de demander que son audience ne soit pas publique.
Enfin, un compromis a été trouvé quant au délai d’intervention du juge : celui-ci a été fixé à douze jours. Le délai actuel, de quinze jours, sera donc réduit. Le temps nécessaire au recueil des avis médicaux ainsi qu’à l’organisation satisfaisante de la procédure sera ainsi assuré.
Le dernier pilier de ce texte, c’est l’amélioration de la procédure de soins.
Chacun pensera, notamment, à la réintroduction des sorties de courte durée qui, lorsque l’état de santé le permet, sont partie intégrante du processus thérapeutique. Je rappelle que la loi du 5 juillet 2011 les avait rendues impossibles.
Par ailleurs, le nombre de certificats médicaux a été réduit puisque le certificat du huitième jour a été supprimé. En parallèle, l’avis conjoint, jusque là nécessaire pour saisir le juge, deviendra un avis simple.
Les sénateurs avaient proposé de supprimer la double expertise psychiatrique exigée pour la levée des mesures de soins sans consentement des irresponsables pénaux. Il convient de se satisfaire de sa réintroduction au cours de vos travaux en commission mixte paritaire, ces expertises extérieures étant indispensables pour les autorités qui ont la responsabilité de contrôler et de lever les mesures. L’analyse des psychiatres, réalisée en qualité d’experts, ne saurait être assimilée à celle du collège, qui a une tout autre vocation.
Dans le même temps, vos travaux conjoints ont permis de clarifier la loi. Ils prévoient ainsi une procédure de règlement des différends entre les psychiatres et le préfet : lorsque leurs avis divergent, le juge peut intervenir. Cette clarification améliorera encore, assurément, les droits des personnes.
Mesdames et messieurs les députés, dans quelques instants, vous serez amenés à vous prononcer les uns et les autres sur un texte dont nous pouvons être fiers et qui est décisif pour améliorer encore les soins sans consentement et pour faire progresser les droits des malades.
Un merci particulier à chacun d’entre vous pour le travail réalisé afin d’aboutir à ce projet équilibré et consensuel que j’ai été heureuse de vous présenter au nom de Mme Touraine.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, RRDP, écologiste et UDI.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, ce texte demeure abonné aux derniers jours de sessions extraordinaires puisque, après avoir clos, en urgence, celle du mois de juillet, nous voilà aujourd’hui – toujours en urgence – en train de mettre un terme à son parcours parlementaire avec la fin de la session extraordinaire du mois de septembre, ce que nous déplorons.
Je salue bien sûr le travail du rapporteur, avec lequel j’ai le plaisir de réfléchir sur ce sujet complexe des soins psychiatriques dans le cadre d’une mission d’information de la commission des affaires sociales et qui a dû, comme nous tous, s’adapter à ces délais contraints.
Je regrette cependant, une fois encore et comme nos collègues sénateurs l’ont dit lors de la CMP, que le Gouvernement n’ait pas jugé utile de déposer à temps un texte que nous aurions pu discuter dans les délais raisonnables d’une procédure normale. L’obligation faite par le Conseil constitutionnel de légiférer avant le 1er octobre 2013 n’est pas une excuse puisqu’elle date de plus d’un an et demi. Mais avec les différentes lois votées, les « lois Cahuzac », la réforme des modes de scrutin, etc., le Gouvernement avait d’autres priorités…
Revenons à ce sujet si délicat pour les législateurs que nous sommes.
La loi de 2011 relative aux droits et à la protection des patients faisant l’objet de soins psychiatriques a constitué un réel progrès dans la réponse au difficile et douloureux problème de la prise en charge des malades psychiatriques. La limiter à son aspect sécuritaire me paraît tout de même très réducteur.
Elle a fait évoluer les pratiques pour les soins sans consentement et apporté des améliorations globales, parfois très importantes, plus efficaces aussi, en soulageant les souffrances des patients et en facilitant leur meilleure réinsertion dans la vie sociale et, même, professionnelle.
L’ampleur des avancées avait conduit le législateur de 2011 à prévoir l’évaluation de leur mise en oeuvre afin d’améliorer les dispositions du texte. Tel était le souhait des deux auteurs du rapport sur l’application de la loi, Guy Lefrand et Serge Blisko.
Il était nécessaire de revenir sur ce sujet pour corriger les difficultés qui avaient été identifiées dans l’application de la loi, nous ne le nions pas. Cela aurait d’ailleurs pu nous rassembler.
Je veux citer, à titre d’exemple, les ajustements nécessaires autour du contrôle du juge : délai dans lequel le juge doit statuer, généralisation des audiences au sein de salles aménagées dans les hôpitaux – beaucoup moins traumatisantes que les tribunaux –, rationalisation du nombre de certificats médicaux.
Mais, alors que les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte ne permettent pas un débat approfondi, vous avez choisi de revenir sur une disposition majeure de la loi de 2011 qui en constituait d’ailleurs un des points d’équilibre : l’encadrement légal des unités pour malades difficiles.
En effet, cette loi avait élargi les modalités de soins sans consentement en substituant à la seule notion d’hospitalisation sous contrainte une forme moins contraignante de prise en charge, celle du programme de soins.
Face à cet élargissement, elle avait prévu une possibilité de suivi spécifique, y compris en ambulatoire, pour des patients considérés comme particulièrement dangereux – pour les autres et, surtout, pour eux-mêmes. Cela répondait à un réel besoin identifié par la communauté médicale : une prise en charge s’effectuant dans des conditions de sécurité renforcées autour d’un personnel médical en nombre suffisant.
Cette prise en charge spécifique, par sa forme, appelait un encadrement juridique précis prenant en compte les droits des patients, en l’occurrence, l’article L. 3222-3 du code de la santé.
Le Conseil constitutionnel – puisque c’est sur ce point que porte sa censure – n’a jamais considéré que le législateur ne pouvait pas prévoir pour certaines catégories de patients particulièrement dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres des mesures dérogatoires plus strictes entourant les mainlevées ou des mesures de soins sous contrainte. Il a simplement précisé que si le législateur choisissait de le faire, il devait par ailleurs prévoir des garanties suffisantes pour ces malades.
En cela, l’article L. 3222-3 du code de la santé publique, qui définissait les UMD, n’était donc pas assez précis.
Nous avions compris en lisant votre deuxième préconisation que vous comptiez lier l’encadrement renforcé aux seuls malades déjà reconnus irresponsables pénalement. La réflexion autour d’une nouvelle rédaction de l’article L. 3222-3 qui semble, je le rappelle, de bon sens aurait pu constituer au moins un point d’équilibre autour duquel nous aurions pu discuter.
Mais vous en avez tiré une conséquence qui n’était pas contenue dans le rapport d’information de la mission que nous menons conjointement…
…il s’agit de la suppression pure et simple de cet article et de tout encadrement légal des UMD.
Comme de nombreux professionnels, nous en sommes inquiets. Au cours du débat, nous n’avons obtenu aucune réponse quant aux conséquences de la loi que nous sommes en train d’adopter sur la partie réglementaire du code relatives aux UMD. Que va-t-il en advenir ?
Au-delà, vous réservez la procédure renforcée, que vous maintenez en partie, à des malades passés à l’acte et, de surcroît, ayant commis des actes graves. Cette procédure ne s’appliquera donc que très rarement puisque, fort heureusement, de telles situations sont rarissimes. Mais, surtout, vous videz de toute portée préventive l’accès au dispositif des UMD puisque l’évaluation médicale ne pourra plus établir la dangerosité de certains malades pour eux-mêmes et pour autrui.
Il n’est pas raisonnable de revenir sur l’équilibre d’un texte qui touche à des sujets aussi essentiels que les libertés individuelles, la protection des personnes et la sécurité publique au détour d’une simple proposition de loi passée discrètement au coeur de l’été.
C’est la raison pour laquelle, comme nous l’avons fait en première lecture, nous nous y opposerons.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un travail parlementaire sur les conditions relatives aux droits et à la protection des citoyens faisant l’objet de soins psychiatriques, lequel a abouti dans un délai court – trop court, ont jugé certains – à un texte équilibré puisqu’il fallait répondre aux lacunes relatives au droit des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, telles que définies dans la loi du 5 juillet 2011.
Dans un premier temps, je tiens à saluer le travail des rapporteurs, M. Denys Robillard pour l’Assemblée nationale et M. Jacky Le Menn pour le Sénat qui, l’un et l’autre, en bonne intelligence, ont porté haut le débat d’une initiative parlementaire salutaire.
Il s’agit tout d’abord de répondre aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel nous a alertés sur la nécessité de créer un « triangle vertueux » entre la protection des libertés, le maintien de la sécurité publique, mais aussi l’impérieuse nécessité d’apporter des soins aux personnes souffrant de pathologie mentale. N’oublions pas que ces dernières sont avant tout des malades et bien plus souvent encore des victimes plutôt que des délinquants, ce que la loi précédente avait eu parfois tendance à oublier.
Il était donc nécessaire de rééquilibrer un paradigme qui ne recueillait pas l’assentiment des professionnels de la psychiatrie, stigmatisait la maladie mentale et donnait aux hôpitaux une teinte très carcérale.
Au terme d’une commission mixte paritaire fructueuse, le groupe écologiste se réjouit de l’esprit du texte et de son contenu. Nous soutenons ainsi le rétablissement de la possibilité de sorties de courtes durées qui avait été supprimée par la loi de 2011, l’organisation d’audiences plus adaptées aux personnes souffrant de troubles mentaux, la limitation puis la suppression par le Sénat – validée par la CMP – du recours à la visioconférence que nous avions d’ailleurs déjà fortement encadré dans nos propres travaux.
De même, nous nous félicitons de l’adoption de notre proposition visant à accorder la possibilité pour les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen de visiter tout établissement de soin habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement et, ce, au même titre que d’autres lieux de privation de liberté tels que les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue ou les centres de rétention. Nous considérons en effet qu’en matière de libertés publiques il ne peut y avoir de zone d’ombre ou de lieux qui échapperaient au contrôle démocratique. Au-delà, j’espère que cette réflexion sera l’occasion pour les parlementaires de se pencher davantage sur ce qui se passe dans le milieu psychiatrique et que nous aurons l’occasion de mener un travail plus approfondi en la matière.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012, signalait des restrictions des droits de la personne, s’agissant du régime dérogatoire applicable à la sortie de personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou déclarées pénalement irresponsables. Sans remettre en cause le principe d’un régime de soins plus strict pour ces deux catégories de personnes, le Conseil a néanmoins estimé que les garanties qui entourent ce régime devaient relever du pouvoir du législateur, et non du cadre réglementaire. Nous saluons donc le retour dans le droit commun des patients admis en UMD, dans la mesure où il n’y avait aucune raison de leur imposer un régime dérogatoire particulier. Nous saluons la décision de la CMP, qui répond ainsi aux exigences du Conseil constitutionnel plutôt que de s’en tenir au régime général des soins psychiatriques sans consentement. Elle permettra de satisfaire aux exigences de sécurité et d’ordre public pour les patients jugés pénalement irresponsables, lorsque cela est justifié.
S’agissant de l’article 4, la CMP a proposé un retour au texte voté à l’Assemblée nationale, qui précise que le juge des libertés et de la détention ne peut décider la mainlevée de la mesure qu’après avoir recueilli deux expertises établies par des psychiatres. Cette mesure, qui a été portée par notre assemblée, réaffirme d’abord un souci de collégialité dans la prise de décision ainsi que l’apport précieux de l’expertise médicale, mais elle garantit aussi, aux yeux de l’opinion publique – le rapporteur y a fortement insisté – que les conditions de remise en liberté respecteront toutes les précautions nécessaires.
Par ailleurs, la proposition de loi proposait de ramener de quinze à dix jours le délai permettant de déterminer si le maintien de l’hospitalisation sous contrainte était nécessaire ou non. Notre rapporteur, Denys Robiliard, signalait en effet dans ses conclusions que les experts psychiatres sont en mesure de déterminer rapidement l’opportunité du maintien de l’hospitalisation sous contrainte ou de sa levée. Le groupe écologiste avait proposé de ramener ce délai à cinq jours, mais il a entendu les arguments en faveur d’un délai un peu plus long, à la fois pour laisser au patient la capacité d’organiser sa défense et pour que les psychiatres puissent voir la situation du malade se stabiliser. C’est finalement un délai de douze jours qui a prévalu, à l’Assemblée comme au Sénat.
Enfin, je forme le voeu, avec nombre de nos collègues, que la santé mentale figure en bonne place dans la prochaine grande loi de santé publique annoncée pour 2014, car il importe de travailler à une redéfinition des missions de la psychiatrie publique, et aux moyens nécessaires à leur réalisation. Nous veillerons à ce que l’accent soit mis sur la prévention, à travers la mise en place de conseils locaux de santé mentale, d’équipes mobiles chargées du suivi des patients, mais nous réaffirmerons aussi notre volonté de voir réhabiliter la formation des infirmières et des infirmiers, pour lesquels une formation spécifique en psychiatrie n’existe plus depuis 1992.
Le groupe écologiste soutient donc sans réserve les travaux issus de la CMP et salue l’esprit qui a présidé à ses échanges.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui de nous prononcer sur la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, telle que modifiée par la commission mixte paritaire.
Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte particulier, puisqu’elle fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité et vise à répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Celui-ci a en effet jugé, dans sa décision du 20 avril 2012, que certaines dispositions de la loi actuelle n’étaient pas conformes à la Constitution, en matière de respect des droits de la personne. Cette proposition de loi a donc pour objet de réformer la loi du 5 juillet 2011. Pour les radicaux de gauche, il est essentiel que ce vide juridique soit rapidement comblé.
Les dispositions qui concernent le régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en unités pour malades difficiles ou déclarées pénalement irresponsables seront abrogées. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste note dès lors avec satisfaction le maintien d’un régime juridique spécifique pour les personnes pénalement irresponsables, qui ne sortiront de l’hôpital qu’après une étude approfondie de leur situation psychiatrique. De plus, le fait que certaines dispositions soient limitées aux crimes et aux faits d’une certaine gravité nous semble correct.
Concernant l’article 2 élaboré par la CMP, il est important de relever que le texte améliore le régime juridique applicable aux soins sans consentement, en précisant le régime de la prise en charge des personnes et en mettant en place un dispositif de sortie non-accompagnée de courte durée pour quarante-huit heures ; il permet également aux malades d’être accompagnés par des membres de leur famille ou par leur personne de confiance pour une durée de douze heures.
L’article 6, qui dispose que des auditions devant le juge des libertés et de la détention se tiendront par principe dans une salle d’audience au sein de l’établissement de santé, et en présence d’un avocat, satisfait également notre groupe, car cela correspond aux besoins des patients. Nous constatons également que la possibilité de recours à la visioconférence a été supprimée : si l’idée de départ était intéressante, le fait que l’avocat ne soit pas forcément présent avec son client pour l’audience a été jugé par la CMP contraire à la protection des droits de la personne malade, et nous ne pouvons que souscrire à cette décision.
Enfin, les mesures contenues dans l’article 8, élaboré par la commission mixte paritaire, qui introduisent une simplification, notamment en matière de procédure et de délivrance de certificats, afin d’assurer une meilleure adéquation aux exigences administratives, marquent une avancée significative.
Les modifications apportées par cette proposition de loi permettent de réorienter la loi en direction du patient et de son parcours de soins et de donner la priorité à la dimension thérapeutique, alors que la loi de 2011, avec son approche sécuritaire, considérait le malade comme une personne potentiellement dangereuse pour la société. Les troubles psychiques recouvrent des réalités complexes et diverses, et ceux qui en souffrent doivent avant tout être considérés comme des personnes malades. Notre devoir est de prendre en compte leur vulnérabilité et de les accompagner. Le malade peut évidemment représenter un danger, pour lui-même et pour les autres, et il est de notre responsabilité de trouver un juste équilibre entre les libertés individuelles, les soins et l’ordre public.
Comme je l’ai dit en juillet dernier, il importe, d’un point de vue éthique, que la psychiatrie préserve la singularité et l’originalité des personnes qui se confient à elles ou qui lui sont confiées. Elle ne doit se concevoir qu’en relation avec les personnes en souffrance, leurs familles et amis, ainsi qu’avec les acteurs du champ médico-social et social. Les soins psychiques doivent s’appuyer sur la confiance, et non sur la défiance. Ils nécessitent du temps, afin que la relation soit au coeur du processus de soin. Il faut donc faire la distinction entre un criminel ayant des troubles psychiatriques et un citoyen qui ne constitue pas une menace pour la société, mais qui est en souffrance psychique avec lui-même, dans un rapport personnel à sa propre identité.
Toutes les modifications apportées par cette proposition de loi vont dans le bon sens, dans le respect des droits de chacun. Les modifications apportées sont en rupture avec la loi précédente et nous ne pouvons que nous en féliciter. Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, même si elles constituent un phénomène somme toute marginal dans le champ de la psychiatrie, les hospitalisations sans consentement sont une véritable épine dans le pied des gouvernements. Cette situation dure depuis qu’une décision du Conseil constitutionnel de novembre 2010 – voilà presque trois ans – a jugé non conformes à la Constitution certaines dispositions de la loi de juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.
Le Conseil critiquait essentiellement l’absence du juge dans la décision et le contrôle des hospitalisations d’office ou à la demande d’un tiers. Partant de cette injonction incontournable du Conseil constitutionnel, un fonctionnement apaisé de notre démocratie aurait voulu que l’on réunisse autour d’une table les différents acteurs de la psychiatrie pour que nous réfléchissions ensemble aux finalités de l’hospitalisation sous contrainte et à la meilleure façon de concilier les droits des malades et la sécurité de ceux qui les entourent. Nous aurions pu, dans le même mouvement, réfléchir à ce qu’il convient de changer et d’améliorer dans la psychiatrie en général.
Mais c’était sans compter sur l’omniscience du précédent Président de la République qui, contre l’avis quasi unanime des psychiatres, a vu dans la réforme de l’hospitalisation sans consentement l’occasion de faire un coup politique en dénonçant, après les étrangers, les Roms, les « anarcho-autonomes » et les jeunes, les malades mentaux comme fauteurs de troubles et facteurs d’insécurité, les désignant moins comme des malades en souffrance que comme des personnes dangereuses contre lesquelles il conviendrait d’abord de protéger la société en érigeant des murs autour des hôpitaux psychiatriques et en rendant plus difficiles les sorties des malades qui n’ont pas décidé d’y être.
La majorité des psychiatres a dénoncé l’inanité médicale de cette politique, l’élection présidentielle de 2012 en a montré les limites électorales et une nouvelle décision du Conseil constitutionnel en a souligné l’inconstitutionnalité, ce qui fait beaucoup pour une seule loi… C’est ce cheminement qui nous amène finalement aujourd’hui à traiter pour la cinquième fois dans cet hémicycle de l’hospitalisation sans consentement, phénomène marginal – je le répète –, qui mérite certes l’attention qu’on lui prête, mais qui nous amène à ne considérer la psychiatrie que par le petit bout de la lorgnette.
Ce n’est pas non plus une raison – je veux le souligner – pour travailler au pas de charge comme nous le faisons : le texte nous revient en effet neuf jours à peine après avoir été adopté par le Sénat et deux jours après son examen en commission mixte paritaire, à tel point que le rapport de la CMP n’était toujours pas disponible hier en fin de journée. Je ne sais pas s’il l’a été dans la soirée, auquel cas les députés insomniaques auront pu en prendre connaissance. En tout cas, s’il n’est toujours pas consultable ce matin, je crains qu’il n’intéresse plus que les historiens et les archivistes…
Ces observations étant faites, j’en viens au fond. Je ne m’attarderai pas longuement sur le contenu du texte, ni sur les raisons pour lesquelles les députés du Front de gauche l’ont voté en première lecture et renouvelleront ce vote aujourd’hui – nous les avons déjà développées à plusieurs reprises – d’autant que le texte de la CMP diffère peu de celui qui a été adopté en juillet dernier par l’Assemblée nationale. Les quelques modifications qui ont été apportées vont dans le bon sens, notamment la suppression de toute référence à la visioconférence, un moyen de communication certes moderne, mais inadapté à des personnes qui, compte tenu de leur pathologie, peuvent le vivre très mal.
Plus fondamentalement, ce texte ramène de quinze à douze jours le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention, réduit le nombre de certificats médicaux obligatoires, rend de nouveau possibles les sorties thérapeutiques non accompagnées et supprime la notion de soins en ambulatoire sans consentement, qui constitue une véritable aberration médicale. Sous réserve des quelques points de désaccord que j’ai avec notre rapporteur, notamment sur la place du préfet et le délai d’intervention du juge, que je trouve encore trop long, je considère qu’il s’agit d’un bon texte. J’apprécie, notamment d’y retrouver la réponse à nombre de remarques formulées au cours des auditions qui ont précédé son élaboration.
Je préfère m’attarder sur ses conséquences.
Je dénonçais, lors de la première lecture, les raisons invoquées pour justifier l’intervention tardive, au douzième jour, du juge des libertés et de la détention, à savoir la crainte d’un engorgement de la justice.
Cette raison n’est pas acceptable. D’une part parce qu’elle ne saurait légitimer la prolongation au-delà du nécessaire de la privation de liberté d’une personne, d’autre part parce qu’on ne peut pas engorger les hôpitaux psychiatriques par crainte d’engorger les tribunaux, d’autant que la situation des premiers n’a rien à envier, hélas, à celle de la justice.
Je voudrais rappeler les propos, toujours d’actualité, tenus par le professeur Philippe Batel, chef de l’unité fonctionnelle de traitement ambulatoire des maladies addictives à l’hôpital Beaujon. Lors de son audition devant le Sénat en 2010, il déclarait : « Aujourd’hui, pour avoir un rendez-vous dans l’unité dont j’ai la charge, il faut entre trois et six mois d’attente, ce qui est pour moi une souffrance majeure par rapport à l’idée que je me fais de l’engagement du service public. Ce délai d’attente sélectionne les patients qui ont le moins besoin de moi et qui sont issus des catégories socioprofessionnelles les plus élevées. » Cette observation mérite notre réflexion.
Les auditions ont montré qu’aujourd’hui, en raison de cette situation, la procédure de l’hospitalisation à la demande d’un tiers est souvent détournée de sa finalité et utilisée pour contourner ces délais d’attente. Elles ont également montré que la contention et le recours aux unités pour malades difficiles sont favorisés par le manque de personnels soignants.
Il y a donc lieu, je le répète, de dégager les moyens nécessaires à l’application correcte du texte que nous allons adopter.
Au moment de conclure, je voudrais rappeler qu’en première lecture je regrettais l’absence d’une grande loi sur la santé mentale, si souvent évoquée et promise. Un texte que les professionnels appellent, à juste titre, de leurs voeux. La ministre nous a promis que : « la santé mentale fera l’objet d’une attention particulière dans la loi qui mettra en oeuvre la stratégie nationale de santé ».
Nous serons tout particulièrement attentifs à ce que cette promesse ne rejoigne pas le cimetière de celles déjà faites à ce sujet par les gouvernements précédents.
Enfin, permettez-moi de saluer le climat constructif et la qualité des échanges qui ont eu lieu lors du travail sur ce texte, notamment sous l’impulsion de notre rapporteur, que je remercie tout particulièrement.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons à la fin d’un processus législatif mené au pas de charge et nous adopterons, je le crois, cette proposition de loi. Rappelons qu’il fallait répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, comme l’ont dit de nombreux orateurs avant moi.
L’Assemblée nationale a examiné et adopté le texte le 24 juillet et le Sénat le 13 septembre. J’observe avec malice que certains membres de la commission des affaires sociales du Sénat ont manifesté un peu de grogne face au rythme accéléré de l’examen du texte, mais je dois à la vérité de dire qu’ils se sont montrés très mobilisés et majoritairement favorables au texte. Je tiens à saluer, comme l’a fait Jean-Louis Roumegas, le travail du rapporteur du Sénat Jacky Le Menn au même titre que celui de notre collègue Denys Robiliard, qui est à l’origine de cette proposition de loi. Quand certains s’interrogent encore sur la pertinence du cumul des mandats, je suis tenté de les renvoyer au travail intense de nos assemblées.
La Commission mixte paritaire organisée avant-hier dans la foulée du passage de ce texte au Sénat a conclu positivement ses travaux. Avant de revenir très succinctement sur quelques points saillants du texte, je crois nécessaire de réaffirmer ici que nous parlons bien de malades, qui ont des droits et dont nous devons respecter la dignité tout comme nous devons considérer leurs familles.
À tout moment, un fait divers dramatique peut s’inviter dans le débat. Je peux en témoigner : cet été, dans mon département du Val-d’Oise, une adolescente a été blessée par un malade dont la contrainte avait été levée en juillet au profit d’une hospitalisation libre. Si toute notre attention et notre empathie vont aux victimes et à leurs familles, nous avons le devoir de résister en permanence aux boute-feu de tout poil qui prospèrent sur ces drames. Nous ne devons en aucun cas accréditer la supposée dangerosité supérieure des malades atteints de troubles mentaux dans la cité, ni jamais céder à la tentation d’une loi d’opportunité médiatique.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter rétablit les sorties d’essai non accompagnées et supprime le statut particulier des UMD, qui ne se justifiait pas, sans remettre en cause les dix unités médicales existantes qui fonctionnent comme des unités de soins intensifs. Ces mesures font consensus, je crois, parmi les soignants. Le choix a toutefois été fait de maintenir dans cette proposition de loi des restrictions pour certains irresponsables pénaux lourdement condamnés.
Cette proposition améliore et précise les procédures, réduit le délai de réponse du juge des libertés, organise l’audience de ce même JLD dans l’établissement qui accueille le malade – sauf cas particulier –, impose la présence de l’avocat et fait droit à l’hospitalisation des détenus faisant l’objet de soins sans consentement en UHSA.
Le texte dont nous débattons a également confirmé la suppression du recours à la visioconférence voulue par le Sénat, dans le droit fil des préconisations du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Il accorde par ailleurs un droit de visite aux parlementaires, point sur lequel j’avais émis quelques réticences à titre personnel en commission, mais je fais désormais mienne cette disposition.
Depuis, j’ai lu et entendu ici ou là quelques regrets car ce texte n’irait pas assez loin. C’est peut être le cas, mais il convient de rappeler que la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie poursuit ses travaux et qu’elle pourra utilement nourrir la future loi de santé publique.
Madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, le groupe SRC, convaincu de participer à l’amélioration de notre droit et à la défense de nos libertés, votera la proposition de loi issue de la commission mixte paritaire qui répond au Conseil constitutionnel et améliore significativement la loi de 2011.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, ce sujet des soins dits sans consentement pointe un des carrefours de notre pacte républicain, où se rencontrent la liberté individuelle, la santé, l’ordre public, la sécurité individuelle et qui associe monde médical et monde judiciaire.
Les soins psychiatriques sans consentement s’articulent en effet autour de trois exigences fortes liées à des enjeux majeurs : soigner les malades, garantir la sécurité des citoyens face à des comportements potentiellement dangereux, protéger les droits et libertés fondamentaux des patients hospitalisés sous contrainte.
Il s’agit donc de penser le juste équilibre de ce triptyque pour éviter les risques de dérives en tous genres. De ce point de vue, la proposition de loi examinée aujourd’hui et dont le dépôt a été rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 semble aller dans le bon sens, d’autant que les travaux de nos collègues sénateurs ont permis une amélioration du texte, notamment en reprenant des recommandations figurant dans le rapport d’étape de la mission d’information sénatoriale « santé mentale et avenir de la psychiatrie ».
En estimant que la loi ne pouvait poser, pour les personnes relevant de ces deux catégories, des règles plus rigoureuses que celles prévues pour des personnes en situation comparable, le juge constitutionnel a incontestablement joué son rôle de défenseur des libertés publiques.
Mais nous avons deux réserves fondamentales à formuler sur ce texte qui, je le répète, renvoie à des données fondamentales de notre pacte républicain appliquées à des situations très particulières, où les solutions évidentes et simples sont rares, où le sens passe par les détails.
Notre première réserve concerne la méthode et plus spécialement le temps laissé au Parlement pour traiter de ce sujet. En différant sa décision au 1er octobre 2013, le Conseil constitutionnel a laissé dix-huit mois au Gouvernement pour modifier les dispositions censurées. Nous disposions potentiellement du temps nécessaire à un travail serein et en profondeur sur ce sujet, qui concernait quelque 70 000 personnes en 2011.
Malheureusement, le Gouvernement n’a pas profité de ce délai. Le texte a été déposé à l’Assemblée nationale le 3 juillet, n’a été débattu en séance que le 25 juillet, puis le 13 septembre au Sénat, et une CMP a été convoquée quelques jours après. Ce faisant, le Parlement se trouve privé d’un vrai débat sur la santé mentale et la session extraordinaire en cours trouve là une mauvaise raison d’exister.
Le Gouvernement se devait de réagir plus rapidement. Cette manière de procéder n’est pas acceptable, car la question des soins psychiatriques est un sujet trop important pour le traiter à la légère. Or, c’est le risque qui pèse sur toute discussion contrainte par l’urgence, chose malheureusement trop fréquente.
Notre seconde réserve est de fond. Certes, la loi de 2011 appelait incontestablement des améliorations, notamment relatives à des procédures complexes, voire contradictoires, qui accordaient la prépondérance aux décisions administratives. Et au-delà, il est évident que la réflexion n’était pas aboutie sur l’étendue du contrôle judiciaire et la gestion de la contrainte à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique.
Eh puis l’on se souvient du reproche sécuritaire qui était adressé à cette loi, dont l’élaboration avait d’ailleurs abouti à la démission de la rapporteure au Sénat, notre collègue et amie Muguette Dini.
D’ailleurs, en 2008, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait déploré que la question de la maladie mentale ait été évoquée dans le débat public à l’occasion de la discussion de textes dont la nature alimentait une confusion avec la délinquance, la violence et la dangerosité.
En instaurant une sorte de « garde à vue psychiatrique », période de soixante-douze heures au cours de laquelle les patients sont privés de tous droits, et un « casier psychiatrique » pour certains d’entre eux, la loi de 2011 paraissait suivre une pente qui appelait donc quelques améliorations.
Mais en réalité, les quelques améliorations apportées au texte ne règlent pas en profondeur les problèmes posés par la santé mentale. Depuis de nombreuses années, on nous promet une vraie loi complète pour mieux prendre en charge les malades psychiatriques. On l’attend toujours.
Mais paradoxalement, le texte qui nous est proposé aujourd’hui va bien plus loin que les modifications requises par la décision du Conseil constitutionnel.
Je pense notamment à la simplification des démarches administratives à la charge des professionnels de santé, à la création de sorties thérapeutiques de courtes durées pour les patients hospitalisés ou encore à la tenue à l’hôpital des audiences devant le juge.
Et il est indéniable que ce texte rompt avec des aspects essentiels de la réforme de 2011, par exemple en supprimant purement et simplement le suivi médical spécifique des patients placés dans des unités pour malades difficiles que permettait le régime dérogatoire de mainlevée des soins.
Or le Conseil constitutionnel n’a jamais considéré que le législateur ne pouvait pas prévoir de dispositions spécifiques, plus strictes, en matière de sortie de soins pour certaines catégories de patients psychiatriques jugés dangereux pour eux et pour les autres. Il s’est contenté d’affirmer que certaines dispositions de la loi du 5 juillet 2011, en l’état actuel, n’encadraient pas avec une précision suffisante les conditions d’hospitalisation.
Autre exemple : la présente proposition de loi supprime la définition légale, donnée par l’article L. 3222-3 du code de la santé publique, des unités pour malades difficiles, établissements s’occupant des patients aux troubles mentaux particulièrement lourds et aux comportements les plus violents. Cette suppression s’accompagne d’une limitation du régime applicable aux patients déclarés pénalement irresponsables aux seules personnes dont les infractions sont passibles d’au moins cinq ans d’emprisonnement pour les atteintes à la personne et de dix ans pour les atteintes aux biens. Si la logique est parfaitement claire, le résultat peut laisser planer l’inquiétude puisque ce dispositif ne s’appliquera donc qu’aux patients ayant commis des infractions particulièrement lourdes.
Pour résumer notre point de vue, nous considérons que ce texte va dans le bon sens en renforçant les droits des patients et les garanties judiciaires entourant les mesures d’hospitalisation sous contrainte. Lorsqu’il nous a été présenté en juillet dernier, nous avions espéré certaines évolutions : c’est la raison pour laquelle nous avions souhaité donner d’emblée un signe positif en votant en faveur de ce texte. Toutefois, au regard de l’absence de réponses à nos légitimes questions, des débats ultérieurs, des éclairages apportés notamment par la discussion au Sénat et des perspectives possibles que nos collègues ont su montrer, il nous apparaît a posteriori que la discussion parlementaire n’est pas allée jusqu’à son terme. Nous avons abouti à un entre-deux ; faute d’être creusées, certaines idées risquent, à l’usage, de montrer leurs limites. C’est pourquoi le groupe UDI s’abstiendra sur le texte issu des travaux par la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens à rappeler les enjeux et l’importance de la question de la santé mentale au travers de quelques données chiffrées déjà citées au cours de nos travaux. L’encadrement légal des soins psychiatriques concerne aujourd’hui plus de 60 000 personnes dans notre pays. Le nombre de placements sous contrainte a augmenté de plus de 40 % entre 2006 et 2011.
Aussi, élaborée dans la précipitation et en réponse à des faits divers dramatiques, la loi du 5 juillet 2011, fondée essentiellement sur le concept de dangerosité, a subi à juste titre les critiques de nombreux professionnels de la santé et de la justice, ainsi que des familles des patients. Après deux ans d’application et en raison de l’inconstitutionnalité de plusieurs de ses dispositions, des correctifs s’imposaient. La présente proposition de loi répond largement à cette exigence.
La mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie a commencé dès février – je le rappelle à son président qui se plaignait de la rapidité de l’exercice, mais qui n’est plus là pour entendre mon intervention – un travail approfondi, sérieux et pluraliste. Ce travail, ainsi que l’examen de cette proposition de loi par les deux chambres du Parlement et par la commission mixte paritaire, ont abouti au texte qui nous est présenté aujourd’hui.
Ce texte rompt avec la politique et la vision sécuritaires qui stigmatisent les malades psychiatriques, lesquels peuvent être – il faut le reconnaître – exceptionnellement voire rarement dangereux, et plus souvent victimes de violences et de maltraitances. Cette proposition de loi traduit de réels progrès pour les libertés individuelles, tout en préservant la protection des personnes. J’insiste sur le mot « personnes », car notre société a malheureusement souvent tendance à considérer que les malades souffrant de troubles mentaux ne sont plus des hommes et des femmes à part entière ; or il s’agit d’abord de personnes malades, qui doivent donc être traitées comme telles et non uniquement comme des fauteurs de troubles à l’ordre public ou de menaces envers la société.
Les avancées de ce texte sont nombreuses : suppression du statut légal des UMD, régime spécifique de levée des mesures de soins sans consentement, place du préfet et du juge, assistance du malade par un avocat accessible à tous – je me souviens encore des promesses de notre ministre, qui nous avait rassurés à ce sujet –, révision du régime judiciaire de contrôle des soins psychiatriques sans consentement. Le délai de contrôle et d’intervention du juge des libertés et de la détention est ramené à douze jours. Quant au lieu de l’audience, ce texte privilégie un emplacement dédié, préservant l’indépendance de la justice au sein de l’hôpital. Particulièrement attachée à la protection de la vie privée des patients et à la garantie d’un traitement digne, je me réjouis de toutes ces mesures qui évitent la confusion entre patient et délinquant.
Enfin, les attentes des patients, de leur famille et de l’ensemble des professionnels concernés sont encore nombreuses. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors du premier examen de cette proposition de loi par notre assemblée, la question de la santé mentale devra trouver toute sa place dans une grande réforme de la santé, avec une loi sanitaire qui garantisse à la fois la qualité des soins et les libertés individuelles, qui réponde aux besoins des patients et aux attentes des professionnels, qui soit digne d’un pays comme la France, en conformité avec les pratiques européennes et l’évolution de la médecine.
À mon tour, j’adresse mes félicitations à notre rapporteur, Denys Robiliard, pour la qualité du travail qu’il a effectué sans ménagement.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à adopter définitivement cette proposition de loi élaborée par la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, que nous écoutons attentivement.
Je n’en doute pas, monsieur le président ! (Sourires.)
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis assez étonnée des propos de M. Barbier, président de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie dont notre collègue Denys Robiliard est rapporteur. Je regrette que M. Barbier ait quitté l’hémicycle, mais je ne doute pas que M. Morel-A-L’Huissier lui fera part de mes remarques.
Je souhaite faire à M. Barbier une leçon d’institutions, et lui rappeler qu’une proposition de loi est souvent discutée dans le cadre des niches parlementaires. Il a remis en cause l’action du Gouvernement qui n’aurait pas avancé assez vite. Or, du fait de la séparation des pouvoirs, ce sont les groupes politiques et les députés qui déposent les propositions de loi : le Gouvernement n’est donc absolument pas en cause dans cette affaire.
Il a fallu faire très vite à cause de la date couperet du 1er octobre. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en juin 2012, nous avions des chantiers à reprendre : j’en veux pour preuve la proposition de loi sur la biologie médicale, qui avait été laissée en jachère par l’ancienne majorité et que nous avons dû reprendre.
Cette proposition de loi est d’ailleurs tout à fait pertinente, puisque la Cour des comptes a dénoncé un retard en matière de biologie médicale, retard dont nous n’étions pas responsables.
Quand on sait que chaque groupe politique ne dispose que de quelques jours pour mettre à l’ordre du jour des propositions de loi, on ne peut pas dénoncer la rapidité de l’examen de ce texte : il a été discuté dans l’urgence, mais nous n’avions pas le choix.
Je félicite le rapporteur pour son travail, qui continue, d’ailleurs. Je félicite également M. Barbier pour sa constance en tant que président de la mission d’information,
Sourires
bien que je regrette ce genre de polémiques autour d’un sujet crucial pour nos concitoyens : dans le domaine de la psychiatrie, nous avons affaire à des malades difficiles et à des familles souvent dans le désarroi.
Voilà ce que je tenais à dire sur la forme. Sur le fond, je laisse le rapporteur répondre aux orateurs de la discussion générale.
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Je commencerai par quelques mots sur la méthode, à l’intention de M. Barbier – il n’est plus là mais je lui transmettrai. Son intervention comportait l’idée sous-jacente qu’une proposition de loi serait nécessairement de moins bonne qualité qu’un projet de loi. Non ! Dans la Constitution, le projet et la proposition de loi sont à égalité : il est vrai que les moyens dont dispose le Gouvernement ne sont pas nécessairement mobilisés dans le cadre d’une proposition de loi, mais ils n’en sont pas toujours absents – en tout cas, ils ne le sont pas dans la présente proposition.
Par ailleurs, la réflexion qui préside à la rédaction d’une proposition peut être tout autant approfondie – dans ce cas particulier, elle l’a été. En effet, cette proposition de loi est l’aboutissement d’un travail commencé par une mission d’information dont la création a été décidée en novembre et qui a débuté ses travaux en février. Son travail a duré quatre mois et a abouti à un rapport assez complet, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une approbation à l’unanimité.
Je ne considère pas que le débat a été bâclé ; au contraire, il a été approfondi. Il est vrai que certains points ont été clairement réservés – je pense au rôle du préfet, madame Fraysse –, parce qu’ils sont extrêmement complexes et qu’ils supposeraient des déplacements de moyens ; or, le but de ce texte étant l’amélioration concrète de la situation des patients, il ne s’agissait pas seulement de se faire plaisir.
Sur la méthode, je récuse donc les observations de M. Barbier. Je conviens en revanche que le Sénat a manqué de temps et qu’il a dû travailler dans des délais extrêmement contraints ; je comprends que M. Le Menn s’en soit plaint, à juste titre. Ceci étant, ces délais resserrés n’ont pas empêché le Sénat de travailler profondément le texte, au point qu’il y a apporté des améliorations très significatives.
Sur le fond, j’ai noté l’appel de la quasi-totalité des intervenants à une grande loi de santé publique dont une partie importante serait consacrée à la santé mentale. Il est évident que nous continuons à travailler dans ce domaine et que l’hospitalisation sous contrainte n’est pas l’alpha et l’oméga de la psychiatrie. Par conséquent, dans le cadre de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie dont je suis le rapporteur, nous continuons à réfléchir sur ce sujet et à mener des auditions. Je vous avoue que le sujet est peut-être beaucoup plus compliqué que la seule réforme de la loi du 5 juillet 2011 et que la réflexion sur l’hospitalisation sous contrainte. Cela supposera que nous poursuivions ensemble une réflexion difficile, qui nécessitera évidemment que soient dégagés des moyens.
Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Pour le reste, il me semble qu’un seul point fasse l’objet d’un désaccord. Je regrette que la position de l’UDI ait évolué entre le 25 juillet et aujourd’hui.
Le groupe UDI avait voté la proposition de loi en première lecture, mais j’entends aujourd’hui qu’il va s’abstenir.
Je regrette également que la position des centristes soit différente à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mme Muguette Dini, que j’ai rencontrée mardi à l’occasion de la commission mixte paritaire, est extrêmement favorable à cette proposition de loi, dont elle estime qu’elle revient sur les dispositions les plus contestables de la loi du 5 juillet 2011 – je rappelle que Mme Dini, qui était rapporteure de ce texte, avait démissionné de sa fonction compte tenu de son désaccord majeur avec l’orientation ou l’évolution du projet de loi qui a abouti à la loi du 5 juillet 2011.
S’agissant des unités pour malades difficiles, M. Barbier affirme que la proposition de loi ne serait pas cohérente avec le rapport de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, au motif que nous n’avions pas proposé la suppression du statut légal. C’est vrai, mais uniquement sur la forme…
Non, ce n’est pas un aveu : laissez-moi aller au bout de mon explication !
Une recommandation doit se lire dans le contexte d’un rapport : il s’agit souvent de la synthèse de ce rapport. Comme je l’ai déjà dit à M. Barbier en commission et à M. Accoyer en séance publique – je ne citerai donc pas à nouveau les passages concernés –, le rapport affirme très clairement qu’une UMD est une unité de soins intensifs en matière psychiatrique, dotée d’un dispositif sécuritaire, mais qu’il s’agit fondamentalement d’un dispositif thérapeutique. Le passage par un dispositif thérapeutique n’a pas à produire d’effets juridiques. Si une personne reste un an dans une unité médicale déterminée – même si celle-ci s’appelle « unité pour malades difficiles » –, cette situation ne doit pas produire d’effets discriminatoires sur les conditions de levée de l’admission en soins à la demande du préfet. C’est ce que nous avons affirmé dans le rapport de façon très claire. Voilà pourquoi nous supprimons le dispositif légal de l’UMD : pour aller vite, celui-ci n’avait d’intérêt que dès lors que le passage en UMD emportait une modification du régime de mainlevée de l’hospitalisation complète.
J’en viens maintenant aux inquiétudes qui ont été exprimées sur le maintien des UMD et la capacité à apprécier pleinement la situation médicale du patient, dès lors que nous abandonnions le système antérieur.
S’agissant de la situation médicale du patient, il n’y a aucune difficulté. Le dossier médical reste. Les conditions de mainlevée de l’hospitalisation à la demande du préfet sont maintenues et le contrôle s’exercera. Simplement, il n’y a plus de discrimination. L’information continue d’exister et la responsabilité du psychiatre est la même : il aura connaissance du parcours médical de son patient et pourra apprécier l’évolution de son état.
Quant aux UMD, elles existaient avant la loi du 5 juillet 2011 et elles existeront après la réforme que nous faisons. Nous procédons à une simple modification du niveau réglementaire : le dispositif réglementaire qui se situait dans la partie réglementaire du code de la santé publique va désormais relever d’un arrêté, comme c’était le cas avant la loi de 2011. Nous ne touchons pas au dispositif soignant.
Dernier point : j’ai été alerté cet été sur les problèmes de personnels dans les UMD, en particulier à Villejuif et à Sarreguemines. Il est évident que des moyens doivent être octroyés.
Pour conclure, je dirai que cette réforme mérite vraiment d’être votée.
À titre personnel, je suis très heureuse d’avoir pu participer à ces débats. C’est un sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé, comme je l’ai dit, et j’ai souvent rencontré des situations de cette nature dans les hôpitaux psychiatriques. Je sais les problèmes auxquels ont été confrontés les présidents de tribunaux de grande instance.
Vous avez effectué ensemble un travail constructif qui porte aujourd’hui ses fruits même si certains ont pu s’inquiéter des délais et de certaines dispositions.
Ce qui me paraît essentiel dans les solutions que vous avez apportées, c’est qu’elles remettent le patient et sa famille au coeur du dispositif, avec tout le respect dû aux individus. C’est là un travail d’humanité.
Je vous en remercie et ne manquerai pas de dire à Mme Touraine la qualité de nos débats ce matin.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, RRDP, écologiste et UDI.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble de la proposition de loi est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, s’il est un domaine que nos assemblées parlementaires affectionnent particulièrement, c’est bien celui des normes. Elles l’affectionnent à double titre : pour les créer et pour les supprimer.
Pour les créer, puisqu’il faut bien admettre que le poids excessif des normes – il n’y a pas eu de mots assez forts sur vos bancs et sur ceux du Sénat – tient pour une part à l’entrain, à la propension inextinguible du législateur à imaginer des contraintes, le plus souvent, il faut l’admettre, protectrices, souvent coûteuses, parfois superfétatoires, voire inutiles.
Pour les supprimer aussi, tant il est vrai que de nombreuses tentatives de rationalisation des normes sont intervenues, tentatives qui ont suivi la voie de la raison et de l’équilibre, mais qui, jusqu’ici, n’ont pas abouti ou imparfaitement abouti. Quel qu’en ait été le résultat, je veux saluer les initiatives de modération, de limitation des flux, de régulation des stocks : des initiatives de bon sens qui ont ouvert la voie au texte que nous examinons aujourd’hui.
Sans vouloir être trop longue, permettez-moi de revenir sur la genèse de cette proposition de loi et sur les éléments les plus récents.
De nombreux rapports et expertises confiés tant aux députés qu’aux sénateurs – je ne peux manquer de citer ici le travail fourni de vos collègues Pierre Morel-A-L’Huissier, Etienne Blanc et Daniel Fasquelle – ; la décision du Président de la République, formulée lors des états généraux de la démocratie territoriale, le 5 octobre 2012, de mettre un coup d’arrêt à l’inflation normative ; le rapport sur la lutte contre cette même inflation normative confié à Alain Lambert et Jean-Claude Boulard et remis au Premier ministre le 26 dernier ; l’ensemble des mesures et préconisations arrêtées ces derniers mois pour simplifier notre droit, faciliter l’accès aux démarches administratives – je vous renvoie au comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2012 : voici autant de démarches qui, toutes, convergent vers le même objectif, celui d’assouplir et d’améliorer un dispositif devenu insupportable, tout en garantissant le respect des règles inscrites dans la Constitution, protectrices du citoyen autant que de nos collectivités territoriales.
Or il existe un organe régulateur, la Commission consultative d’évaluation des normes, instance aujourd’hui intégrée au Comité des finances locales, dont l’objet est justement d’être le veilleur, le guetteur, le régulateur du bon emploi des normes.
À l’initiative des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, une proposition de loi réformant la composition et le rôle de cette commission a été adoptée, à l’unanimité moins une abstention, le 28 janvier 2013.
Elle aurait dû cheminer normalement jusqu’à vous – ce qu’elle fait aujourd’hui –, si ne s’était présentée l’opportunité d’en intégrer les dispositions – toutes les dispositions – dans un véhicule législatif spécifique aux collectivités territoriales, venant en première lecture dans votre assemblée selon un calendrier raccourci – puisque c’était lors de la dernière semaine du mois de juillet – et créant le Haut conseil des territoires dont la commission des normes serait une composante, une formation spécialisée.
J’ai entendu votre surprise à voir venir aujourd’hui dans votre hémicycle la proposition de loi portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics : quelle utilité ? pourquoi reprendre un texte que vous avez déjà adopté sous une autre forme, dans un autre véhicule législatif ? quel intérêt ?
Je veux répondre tout simplement et nettement à vos observations. L’objectif du Gouvernement est double et sans ambiguïté : efficacité et rapidité.
Efficacité tout d’abord. Il s’agit d’un texte clairement dédié aux normes, seulement aux normes, dont je n’ai pas besoin de dire ou de rappeler combien il s’agit d’un domaine qui intéresse nos concitoyens dans leur vie quotidienne et les collectivités territoriales dans l’exercice permanent de leurs responsabilités. Ce texte spécifique consacre l’importance que vous-mêmes, mesdames, messieurs les députés, accordez à ce domaine particulier de l’action publique dans lequel vous entendez vous impliquer avec détermination.
Rapidité ensuite. Il s’agit là d’un engagement fort du Président de la République, je l’ai rappelé, de la volonté même du Premier ministre, de notre conviction partagée, je n’en doute pas, qu’il nous faut arrêter le plus vite possible des dispositifs de nature à freiner les envolées normatives, et par là parvenir à réduire des contraintes techniques et financières dénoncées par tous.
Efficacité et rapidité, tels sont donc les objectifs du texte que votre commission des lois et votre excellent rapporteur se sont attachés à porter devant vous. À leurs côtés, autant qu’ils l’ont souhaité, le Gouvernement a entendu répondre à leur démarche de clarification, de simplification, de mise en cohérence par rapport aux réflexions déjà conduites à l’occasion du projet de loi sur la décentralisation examiné en juillet dernier.
C’est un texte équilibré qui corrige les imperfections vécues dans le fonctionnement de l’actuelle commission consultative d’évaluation des normes, s’agissant notamment de sa composition, de son rôle et de son fonctionnement.
Sa composition est marquée par un nouvel équilibre entre la représentation parlementaire, celle des élus locaux de chacun des niveaux de collectivités territoriales dont la moitié au moins exerce des fonctions exécutives, et la représentation de l’État. Le nombre et la qualité des membres du nouveau conseil sont le garant d’un fonctionnement facilité et harmonieux de la nouvelle instance. En outre, celle-ci intègre les principes d’égale répartition entre hommes et femmes représentant tous les territoires dans la diversité de notre géographie.
Pour ce qui est de son rôle, soulignons que si le conseil est obligatoirement consulté au sujet des projets de règlement, projets de loi, projets d’actes de l’Union européenne dès lors qu’ils ont une incidence, un impact sur les normes, il peut aussi répondre à des initiatives parlementaires ou gouvernementales ou encore s’auto-saisir. Il s’agit là d’un élargissement de ses compétences qui répond à ce besoin d’avoir un organisme-vigie tant pour le flux que pour le stock des normes, dont on a pu mesurer parfois l’obsolescence, l’incohérence, voire l’inutilité.
Venons-en à son fonctionnement : encadrement des délais pour imposer une durée compatible avec un exercice raisonné des nouvelles responsabilités du conseil, publicité des avis rendus dans un souci de transparence par rapport aux citoyens ou au Parlement lorsqu’il est initiateur de la demande d’avis, possibilité en cas d’avis défavorable de retirer le texte, de le modifier ou d’apporter tous éléments d’information de nature à éclairer le conseil pour une nouvelle délibération.
Autant de dispositions concrètes, facilitatrices de l’exercice des responsabilités confiées au Conseil national d’évaluation des normes, sur lesquelles le Gouvernement ne peut que s’accorder.
Votre commission a souhaité en outre améliorer dans ce texte les dispositions réclamées avec insistance par toutes celles et tous ceux qui ont été confrontés à la complexité des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs. Ces dispositions ont été rendues nécessaires pour répondre à un double problème : d’une part, l’imprécision du texte issu du Sénat concernant la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs – la CERFRES – qui ne disait pas explicitement son positionnement, ni au regard du Conseil national d’évaluation des normes, ni au regard des modalités de désignation de ses membres ; d’autre part, la non-prise en compte du décret no 2013-289 du 4 avril 2013 portant création du Conseil national du sport et faisant de la CERFRES une formation restreinte de ce dernier.
Votre commission a choisi de reprendre le dispositif proposé en faisant de la CERFRES une formation restreinte du Conseil national d’évaluation des normes, en équilibrant de façon paritaire la représentation des élus locaux à côté des représentants du monde sportif et en fixant à quatre mois le délai dans lequel l’avis doit être remis.
Fort de vos observations, le Gouvernement vous proposera de reprendre ce dispositif, comme il s’y était engagé auprès de votre commission il y a quelques jours, pour y intégrer les dispositions fixées par le décret du 4 avril dernier. Celui-ci a en effet profondément modifié les règles d’organisation et de fonctionnement de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs – la CERFRES – afin de répondre aux préoccupations légitimes des élus concernant le maintien d’une instance dédiée au sport, avec la création d’une commission restreinte au sein du Conseil national du sport et le renforcement du poids des élus.
La commission, désormais présidée par un élu, est composée d’un collège d’élus désignés par les associations d’élus, représentant un tiers de ses membres, et dont deux membres, désignés par son président, siègent à la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN.
En outre, afin que l’impact des normes sportives sur les collectivités locales soit efficacement pris en compte, la commission peut surseoir à statuer et saisir la CCEN d’un projet de règlement fédéral. En effet, le collège des élus dispose à lui seul des conditions de majorité requises pour la saisir ; le président dispose également de cette faculté.
Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, le Gouvernement se satisfait, sous réserve des avis qui pourraient être portés sur les amendements nouveaux soumis à votre assemblée, d’un texte attendu impatiemment et répondant dans son ensemble aux objectifs qui, ici comme au Sénat, ont été défendus avec conviction.
Je suis confiante dans la raison et la sagesse de votre assemblée, qui n’aura pas manqué de rejoindre le Gouvernement dans son ambition d’aller vers une vraie solution, rapide et efficace,…
…solution que vous avez construite avec compétence et talent.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Favennec va donc écouter M. Dussopt !
Sourires.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, déposée au Sénat à l’issue des travaux des états généraux de la démocratie territoriale, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise avant tout à apporter une réponse pratique aux inquiétudes fortes et anciennes des élus locaux devant l’amoncellement des normes qu’ils doivent appliquer.
Nos débats trouvent aujourd’hui une résonance particulière dans un texte de référence qui, 212 ans après avoir été prononcé, décrit toujours les limites et les risques du pouvoir normatif : le discours préliminaire du premier projet de code civil.
Dans ce texte, Portalis et ses collègues dénonçaient une idée encore répandue de nos jours, qui veut que quelques grands principes suffiraient à régir une société complexe : « Nous avons été frappés de l’opinion, si généralement répandue, que, dans la rédaction d’un code civil, quelques textes bien précis sur chaque matière peuvent suffire, et que le grand art est de tout simplifier en prévoyant tout. Tout simplifier, est une opération sur laquelle on a besoin de s’entendre. Tout prévoir, est un but qu’il est impossible d’atteindre. »
En tant que législateur, Portalis nous mettait ainsi en garde tant contre l’inflation des normes – « Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires » – que contre l’ambition que la norme puisse, par sa seule édiction, résoudre tous les problèmes existants.
Plusieurs rapports récents ont remis en exergue ce constat : si l’édiction de règles répond à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique, la surproduction normative est à l’origine de vraies difficultés pour les collectivités territoriales. C’est du reste la conclusion du récent rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative, qui insiste à juste titre sur la nécessité que cette lutte passe par une limitation du flux comme par un réexamen généralisé du stock des normes applicables dans notre pays.
C’est donc en poursuivant cet objectif que nos collègues sénateurs, Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, ont élaboré la présente proposition de loi.
L’esprit de leur texte n’est pas de balayer les progrès significatifs qui ont été réalisés ces dernières années grâce au commissaire à la simplification, à la commission consultative d’évaluation des normes ou à la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs. Au contraire, leur objectif est d’offrir à ces organes des compétences et des moyens renforcés pour étendre leur action, notamment en ouvrant la faculté de leur confier un réexamen intelligent du stock de normes.
C’est en reconnaissant le bien-fondé de la démarche engagée par le Sénat qu’en juillet dernier, Mme la ministre l’a rappelé, nous avons intégré les dispositions adoptées par le Sénat avec cette proposition de loi dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en faisant de ce nouveau conseil national d’évaluation des normes une formation spécialisée du Haut conseil des territoires.
Cependant, et Mme la ministre l’a souligné, le sujet de la maîtrise de la production normative nécessite évidemment un examen spécifique, plus rapide et plus approfondi. Pour cette raison, les améliorations et les amendements adoptés par la commission des lois vont au-delà des modifications apportées en juillet dernier.
Je ne reviendrai que brièvement sur un constat partagé sur tous les bancs de notre hémicycle : la contrainte normative pèse sur les collectivités territoriales. Les chiffres en sont connus, tout comme les aspects qualitatifs et quantitatifs : nous évoquons régulièrement les 8 000 lois applicables ainsi que les 400 000 normes de toute nature, législative ou réglementaire, que les collectivités doivent respecter.
Une telle prolifération est d’abord facteur de complexité, de difficulté d’application des normes et, partant, d’inapplicabilité, au moins partielle, de celles-ci. Pour reprendre une citation connue du rapport du Conseil d’État de 1991, « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. »
Par ailleurs, la prolifération normative a un coût. Selon le rapport de M. Claude Belot intitulé La maladie de la norme, quelque 2,3 milliards d’euros étaient engagés fin 2011 par les collectivités pour les seules mises aux normes imposées entre 2009 et 2011.
L’identification des causes de la prolifération des normes n’est pas aisée. Cette prolifération serait due, premièrement, au comportement, voire à la culture, des autorités susceptibles d’édicter des normes. Elle serait également le reflet d’une incompréhension grandissante entre l’échelon central et le niveau local.
La volonté de réformer, d’améliorer, de répondre à l’urgence médiatique pousse en effet le législateur et les administrations centrales à élaborer constamment de nouvelles règles, avec une croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme, dans sa capacité à améliorer l’intérêt général, qui favorise un certain zèle normatif.
La culture des autorités productrices de normes n’est, du reste, souvent pas sans lien avec l’état d’esprit de la société envisagée dans son ensemble. Le rapport de Claude Belot le rappelait à juste titre : « Dans une société inquiète, voire angoissée, à la recherche du "zéro risque absolu", la norme a vite colonisé tous les secteurs de la sphère publique ».
Cette prolifération tiendrait, deuxièmement, à la diversité des autorités susceptibles d’édicter des normes : l’État, comme législateur et comme autorité exerçant le pouvoir réglementaire au niveau central comme dans les services déconcentrés, les autorités européennes, les organismes de droit privé détenteurs d’un pouvoir réglementaire, ou les collectivités territoriales elles-mêmes, lorsqu’elles édictent des clauses techniques qui doivent être respectées pour l’attribution de subventions à d’autres collectivités.
Une troisième raison explique cette prolifération : l’étendue des domaines susceptibles d’être concernés par l’inflation normative. Je ne citerai en exemple que la question des normes applicables aux équipements sportifs : selon Alain Richard, rapporteur de ce texte au Sénat, 80 % des infrastructures sportives en France sont gérées par les communes et leurs établissements publics. En conséquence, les règlements pris par les fédérations sportives affectent directement la gestion des équipements sportifs locaux, et donc le budget des collectivités territoriales.
Ainsi, les collectivités, très impliquées dans le développement des clubs sportifs, se sentent bien souvent prises en otage par les exigences des fédérations nationales imposant régulièrement des améliorations des équipements.
Face à ce constat, des réponses de nature organisationnelle ou législative ont été apportées, comme le développement progressif des études d’impact – désormais consacrées par la révision constitutionnelle de 2008 –, la création de la commission consultative d’évaluation des normes en 2008 – qui doit être consultée préalablement à l’adoption des seules mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics –, ou encore le moratoire édicté par le Premier ministre en 2010 sur l’adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités, qui a rapidement montré ses limites. Ce moratoire a été remplacé par une nouvelle circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à un gel de la réglementation, précisant que, depuis le 1er septembre 2013, pour toute nouvelle norme, une norme ancienne devra être supprimée ou allégée.
Au-delà de l’institution de ce gel, le Premier ministre a proposé d’améliorer l’évaluation par l’administration de l’impact juridique et financier des projets de textes réglementaires qu’elle élabore. Ainsi, l’administration devra être attentive à ce que les projets de textes ne créent pas des normes plus exigeantes en « surtransposant », si vous me permettez cette expression, les directives européennes.
Par ailleurs, le pouvoir réglementaire devra respecter un principe de proportionnalité, en s’efforçant de laisser des marges de manoeuvre pour la mise en oeuvre ou prévoir des modalités d’adaptation aux situations particulières.
Cela répond, je crois, aux attentes de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, qui avait déposé une proposition de loi allant en ce sens il y a quelques mois.
Sa proposition s’était heurtée à quelques difficultés d’ordre juridique, mais nous en partagions la philosophie, ainsi que nous avions eu l’occasion de le dire. Tout comme Mme la ministre, je salue donc son engagement et sa persévérance, ainsi que ceux de plusieurs de ses collègues, sur ce sujet.
Enfin, le Premier ministre a précisé que le coût des normes sera rendu public tous les six mois. Un premier bilan en sera fait au 1er janvier 2014.
Mais le Parlement a également pris des initiatives législatives en faveur de la simplification du droit, avec quatre propositions de loi en ce sens étudiées sous la législature précédente, avec la proposition de loi Doligé en cours de navette parlementaire, ou encore avec le récent projet de loi destiné à habiliter le Gouvernement à adopter par ordonnance différentes dispositions relatives au droit de l’urbanisme, à la simplification des relations avec les usagers de l’administration et, bientôt, à la simplification des normes applicables aux entreprises.
Chers collègues, la présente proposition de loi vise à renforcer l’évaluation préalablea posteriori de la production législative. Elle transforme l’actuelle Commission consultative d’évaluation des normes en conseil national et lui adosse la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs.
La composition du futur conseil national reposera sur celle de la CCEN, associant représentants des collectivités territoriales, du Parlement et de l’administration, avec toutefois un nombre de membres plus élevé pour la nouvelle autorité – trente-cinq membres contre vingt-deux pour la CCEN aujourd’hui.
La proposition de loi prévoit un champ de compétence plus large que celui aujourd’hui exercé par la commission consultative. Le futur conseil national sera désormais obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier des projets de textes réglementaires, des projets de loi et des projets d’acte européen créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Par ailleurs, cette proposition de loi étend également les possibilités de saisine du conseil national à d’autres autorités : ainsi, les présidents des deux assemblées pourront le saisir de l’examen d’une proposition de loi déposée par un de leurs membres, sauf si son auteur s’y oppose.
Le conseil national pourra aussi se saisir de toute norme technique résultant d’activités de normalisation et de certification de type AFNOR ou ISO, qui s’imposent souvent de facto aux collectivités.
Alors que la CCEN est aujourd’hui compétente sur le flux de normes, la nouvelle autorité pourra, soit sur auto-saisine, soit sur saisine du Gouvernement, des commissions parlementaires ou des collectivités, évaluer toute norme réglementaire aujourd’hui en vigueur et ayant un impact technique ou financier. De plus, la proposition de loi adosse, je l’ai dit, la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, en reprenant dans une très large mesure les dispositions réglementaires régissant cette commission, aujourd’hui rattachée au Conseil national du sport.
Lors de son examen, la commission des lois s’est efforcée de préciser l’architecture adoptée par le Sénat, en corrigeant quelques dispositions mais sans en modifier les grandes lignes.
Elle a ainsi supprimé la compétence du Conseil national d’évaluation des normes pour examiner les amendements – de manière systématique concernant les amendements déposés par le Gouvernement, ou sur saisine du président d’une des deux chambres pour les amendements déposés par l’un de ses membres – car la mise en oeuvre de cette disposition apparaît incompatible avec les délais encadrant la procédure parlementaire.
À l’initiative du Gouvernement, il a été précisé que la seconde délibération d’un projet de norme réglementaire ayant fait l’objet d’un premier avis défavorable rendu par le conseil national pourra porter sur un projet modifié ou sur le même texte, accompagné d’informations complémentaires présentées par le Gouvernement.
En outre, le mandat des membres du conseil national a été ramené de six ans à trois ans ; la moitié de la représentation des différentes catégories de collectivités devra être composée de membres exerçant des fonctions exécutives au sein de celles-ci. Enfin, la composition de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs a été rééquilibrée entre représentants des élus locaux, qui disposeront dorénavant de la moitié des sièges au lieu du tiers, et représentants des administrations et du monde sportif. Je tiens à saluer l’ouverture de Mme la ministre et du Gouvernement qui, après discussion en commission et après l’adoption des amendements que nous aurons à examiner, aboutit à un dispositif équilibré, permettant tout à la fois de préserver les avancées du Conseil national du sport et de rassurer les élus locaux sur leur capacité à véritablement évaluer les normes s’imposant aux équipements sportifs.
Enfin, nous avons précisé les modalités d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi pour que l’actuelle Commission consultative d’évaluation des normes puisse poursuivre son travail en attendant l’installation du conseil national.
Nous avons également supprimé, car relevant du législateur organique, l’inclusion en annexe des études d’impact de l’avis du conseil national.
En conclusion, cette proposition que nous font nos collègues sénateurs est bien une évolution plus qu’une révolution.
Il s’agit de moderniser des outils, mais seuls les chantiers ouverts et la qualité des avis du futur conseil national pourront entraîner un changement de culture de la norme dans notre pays.
Tout comme au début de mon propos, je citerai, pour conclure, Portalis : « La science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux hypothèses privées ; d’étudier l’esprit de la loi quand la lettre tue […] ». À nous, législateurs, de montrer l’exemple, en édictant des normes claires, nécessaires et suffisantes, plutôt que de croire encore possible d’instaurer « un corps de lois qui eût d’avance pourvu à tous les cas possibles ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales a été adoptée par le Sénat en janvier 2013. Ses deux co-auteurs initiaux sont notre collègue sénatrice présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et notre collègue sénateur président de la commission des lois, tous deux appartenant à des groupes politiques différents. Ce texte fait suite aux états généraux de la démocratie territoriale, qui avaient confirmé que la régulation des normes était une préoccupation majeure des élus locaux.
Mon intervention sera centrée sur trois éléments politiques importants : tout d’abord, les motifs de ce texte et la volonté de l’adopter dans les meilleurs délais ; ensuite, le dispositif qu’il instaure et l’efficacité qui en est attendue ; enfin, l’apport de notre assemblée et les améliorations proposées par les députés du groupe socialiste, au nom duquel j’interviens.
À l’origine, les normes réglementaires, techniques et financières sont vues comme des éléments de progrès. Elles sont censées être des outils puissants au service des organisations de toutes tailles, y compris des collectivités locales, permettant théoriquement une standardisation, gage de qualité, et une performance de nature à diminuer les coûts. Ces normes sont censées également assurer une sécurité juridique et apporter une protection aux administrés et aux usagers.
Néanmoins, trop de normes et trop d’objectifs quantifiés peut créer le sentiment chez ceux qui doivent s’y conformer qu’à défaut de pouvoir tous les respecter et tous les appliquer, on ne fera que ce qui sera prioritaire, le reste étant laissé à la discrétion des agents. Il y a alors le risque que se généralise l’indétermination de ce qui est « critique » et de ce qui ne l’est pas et que des moyens soient quelquefois gâchés sans obtenir la sécurité tant espérée.
Évidemment, la production de normes réglementaires et techniques a d’autres aspects, comme la compétition entre les autorités qui produisent les normes ou le lobbying économique de ceux qui peuvent vivre des rentes que procure leur application. Mais, au-delà de ces phénomènes, les faits sont têtus. On estime en effet que les collectivités ont à appliquer environ 8 000 lois et quelque 400 000 normes réglementaires de toute nature. Ce texte important a donc pour vocation d’éviter la surcharge normative des collectivités territoriales et d’atteindre ainsi un objectif qui fait consensus depuis longtemps, comme cela a été rappelé par le rapporteur : réguler en amont, en diminuant le flux, en hiérarchisant les priorités et en ne retenant que la norme efficace et performante. Le choc de simplification qui en est attendu sera exemplaire pour l’ensemble de notre pays.
Il y a quelques semaines, un éminent sociologue des organisations, grand connaisseur des entreprises, relevait, dans un grand quotidien économique, que ces dernières seraient bien avisées de faire la chasse, en leur sein, à toutes les complexités inutiles qui génèrent tant de coûts incontrôlés et jamais évalués ; c’est également vrai pour les organisations publiques.
Ces dispositions, nous en avons déjà débattu ; nous les avions intégrées dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. L’alternative consistant à adopter le mécanisme à travers une proposition de loi distincte a le mérite, si le Sénat choisit ensuite de la voter conforme, de lui permettre d’être immédiatement effectif, sans être subordonné à l’adoption des autres dispositions du projet de loi sur la modernisation de l’action publique et l’affirmation des métropoles, projet qui soulève d’autres questions et qui est soumis à d’autres contraintes.
J’en viens maintenant à l’objet du texte : la mise en place d’une instance de régulation. L’article 1er de la proposition de loi dispose qu’il est créé un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales. L’idée est simple : il faut un régulateur. Les Anglais parlent de gatekeeper, un portier pour écluser et, pardonnez-moi l’expression, faire le tri entre ce qui est utile et efficace et de qui ne l’est pas. Ce fameux gatekeeper, aussi qualifié parfois de « concierge » – un concierge, il est vrai, particulier centralisant l’expertise – sera composé de représentants des communes, des intercommunalités, des départements, des régions et de l’État ainsi que de parlementaires, car il n’y a pas lieu d’opposer l’État aux collectivités locales ou au Parlement
Tout texte ayant pour effet de créer une norme applicable aux collectivités locales sera désormais obligatoirement soumis au préalable à cette instance, dont les avis – j’attire votre attention sur ce point – seront publics. Ainsi chacun pourra les consulter. Cette publicité des préconisations qu’il émettra sera loin d’être anodine car tous – le Gouvernement, pris collectivement, le responsable d’un département ministériel, mais aussi le Parlement, étant rappelé que nous avons prévu la possibilité pour les présidents des assemblées ou pour les présidents de groupes de saisir le nouveau Conseil – devront en tenir compte. De même qu’un rapport est rendu pour chaque texte de loi, un avis du Conseil national sera émis avant toute discussion d’un texte législatif ou réglementaire. Nous estimons que ce dispositif sera efficace.
Dans ce cadre, quel est l’apport de notre assemblée et quelles sont les améliorations proposées par les députés du groupe socialiste ? Ce dernier et le rapporteur ont soutenu plusieurs amendements significatifs en vue de renforcer la cohérence du mécanisme avec les dispositifs existants et d’améliorer son efficacité concrète.
Nous avons tenu à supprimer la consultation systématique du conseil national pour ce qui des amendements déposés par le Gouvernement ou sur saisine du président d’une assemblée parlementaire pour les amendements déposés par un de ses membres.
Nous avons proposé de créer deux postes de vice-président du CNCE dans les collèges le composant, et ce, au titre d’un mandat local.
Nous avons soutenu le principe qu’à titre exceptionnel, le délai au terme duquel le conseil rend un avis saisi par le président de l’assemblée parlementaire soit réduit à deux semaines, possibilité ouverte initialement au seul profit du Premier ministre.
Nous avons apporté notre soutien à la proposition du rapporteur que les modalités de publicité des travaux du conseil et de ceux de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs soient précisées et simplifiées, en confortant la traçabilité pour l’opinion et les citoyens mais sans le recours à la publication au Journal officiel.
Nous avons aussi soutenu la modification introduite pour que les modalités de désignation et d’élection des membres du Conseil national respectent le principe de parité entre les femmes et les hommes.
À bien des égards, cette instance nouvelle sera une instance politique au sens le plus noble du terme. Selon le mot d’Aristote, une telle instance sert normalement à exprimer le juste et l’injuste.
Ici, il s’agira de peser l’utile et l’inutile, l’efficace et l’inefficace, le bénéfice escompté mis en balance avec les inconvénients.
Je terminerai mon intervention en rappelant que si les outils sont importants pour réussir à simplifier, il convient de dire que choisir une modalité ne suffira pas à changer, d’un coup et d’un seul, la surréglementation. Il faudra abandonner certaines habitudes et l’idée selon laquelle les problèmes se règlent par le haut, par une norme descendante. L’avantage de ce texte est qu’il permet de sortir, pour la première fois, des constats et d’engager une dynamique en posant à chaque fois la question de la pertinence et de la cohérence des normes réglementaires s’imposant par un mouvement, de haut en bas, aux collectivités territoriales.
Pour paraphraser une nouvelle fois Aristote, commencer, c’est faire la moitié du chemin. L’établissement de cette nouvelle institution peut et doit nous emmener le plus loin possible dans une dynamique de l’évaluation et de la mesure a priori de l’impact des normes. Nous devons parvenir à gagner le temps que nous ont fait perdre toutes ces normes, tous ces textes qui s’imposent aux collectivités territoriales, en particulier dans le domaine du sport.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le rapporteur, tout d’abord, je tiens à vous remercier pour vos propos.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues – en particulier Yannick Favennec –,…
…il était temps que la représentation nationale se saisisse de la problématique fondamentale de la prolifération normative
Les élus locaux, et à travers eux les citoyens, administrés, contribuables, crient à l’asphyxie et attendent que le législateur engage la lutte contre l’inflation normative pour la simplification du droit. Il s’agit là de deux enjeux cruciaux, car les normes coûtent cher aux collectivités locales aujourd’hui confrontées à un contexte financier de plus en plus tendu, ce que découvre le gouvernement actuel.
Le flot de critiques dénonçant les conséquences néfastes de la prolifération normative et de l’insécurité juridique qui en résulte ne cesse de grossir.
Le constat est désormais unanimement partagé : le droit est bavard ; il est aussi instable, accentuant ainsi la paralysie des territoires et des acteurs locaux qui les animent. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, me l’a indiqué ainsi : « On légifère trop, la loi est trop bavarde et trop technique. Il faut stopper cette dérive ».
La proposition de loi d’initiative sénatoriale présentée par Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur que nous examinons aujourd’hui nous est présentée comme un remède destiné à juguler la maladie de l’inflation des normes. Elle vise à créer une institution chargée de contrôler l’ensemble des normes applicables ou susceptibles d’être appliquées aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Cela sera-t-il suffisant pour faire tomber la fièvre ?
La question cruciale de la charge grandissante, irritante, exorbitante des normes que les élus locaux sont tenus d’appliquer est récurrente depuis une vingtaine d’années. Le diagnostic posé par le Conseil d’État dans son rapport public de 1991 en mettait déjà en lumière les conséquences, tant en termes d’intelligibilité, de crédibilité et de sécurité juridique, que de coût pour les collectivités locales et les administrés chargés de les appliquer. Sa conclusion est restée fameuse : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ».
« Nul n’est censé ignorer la loi » : cet adage n’a plus aucun sens aujourd’hui.
Vingt ans après le rapport du Conseil d’État, le même constat a été dressé lors des états généraux de la démocratie locale organisés en octobre 2012 au Sénat. Est-ce à dire que rien n’a été fait, ni même tenté, pour apporter les réponses qui s’imposent ? Trois, voire quatre rapports ont récemment mis en évidence le poids de l’inflation normative pour les collectivités territoriales : le rapport Belot, le rapport Doligé, le rapport Lambert-Boulard et mon propre rapport, élaboré avec Yannick Favennec, sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. L’ensemble de ces travaux ont clairement souligné la nécessité et l’urgence d’intervenir sur toute la chaîne de production des normes.
Quelques éléments chiffrés révèlent l’ampleur du mal. Notre arsenal normatif est aujourd’hui composé, dit-on, de 8 000 lois – peut-être 9 000 – et de 400 000 textes – on est incapable d’en faire le décompte exact. Les collectivités locales sont les premières victimes de cette véritable logorrhée : à la fin de l’année 2011, elles ont engagé 2,34 milliards d’euros pour les seules mises aux normes imposées entre 2009 et 2011.
Il apparaît dès lors indispensable non seulement de réguler l’ensemble des flux de normes applicables aux collectivités territoriales, mais aussi de s’attaquer résolument au stock existant. C’est une tâche très lourde mais inévitable pour desserrer l’étau qui paralyse l’action des collectivités locales et pour améliorer les performances des politiques publiques dans les territoires. Or, les prescripteurs de normes sont toujours plus nombreux. Ainsi, l’État porte une responsabilité de premier plan dans l’augmentation du nombre de textes. Cette inflation trouve à la fois sa source dans la mission du législateur et dans l’exercice du pouvoir réglementaire.
Le Parlement adopte chaque année de nouveaux textes dont la plupart ont sans doute leur justification, mais qui font peser sur les collectivités territoriales un fardeau toujours plus lourd de charges nouvelles, que les quatre lois de simplification adoptées sous la précédente législature, sous l’impulsion du président Warsmann, excellent président de la commission des lois,…
…et de mon collègue Étienne Blanc, n’ont malheureusement que très partiellement allégé.
D’autres producteurs de normes ont émergé récemment : les institutions de l’Union européenne, bien entendu, mais aussi les organismes de droit privé investis d’un pouvoir réglementaire en vertu d’une délégation de service public, comme les fédérations sportives dont les règlements concernent aussi des personnes publiques. Peuvent être rattachées à cette catégorie les normes correspondant à de bonnes pratiques, à l’instar de celles de l’Association française de normalisation, l’AFNOR, qui, sans être juridiquement contraignantes, s’imposent souvent en pratique aux collectivités locales.
Plusieurs facteurs contribuent à aggraver cette tendance. Nous sommes victimes d’un véritable zèle normatif, lié à la croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme et dans sa capacité à servir l’intérêt général, en un mot dans son infaillibilité. Cette dérive touche aussi bien les responsables politiques que les représentants d’intérêts particuliers exerçant leur lobbying pour obtenir une loi emblématique ou encore les médias qui mettent sous pression les responsables politiques pour les inciter à légiférer souvent dans l’urgence.
Face à ce constat, trois solutions ont été proposées au cours des dernières années : la création de la Commission consultative d’évaluation des normes, le moratoire instauré en 2011 et la nomination d’un commissaire à la simplification, outre les études d’impact instituées par la révision constitutionnelle de 2008. Créée en 2008, la Commission consultative d’évaluation des normes doit obligatoirement être consultée sur les projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales, ainsi que sur les propositions de textes d’origine communautaire ayant un effet technique et financier sur les collectivités.
Elle exerce un rôle préventif et pédagogique. Désormais, les administrations centrales productrices de normes – véritable pathologie ! – doivent prendre en compte leur impact financier sur les collectivités dès leur phase d’élaboration. En 2011, elle a examiné 287 projets de texte contre 176 en 2010. Mais la tâche est immense : il faudrait, en effet, 2 000 ans à la commission pour examiner et évaluer les quelque 8 000 lois et 400 000 textes normatifs en vigueur.
Par ailleurs, en 2010, le Gouvernement a imposé par voie de circulaire un moratoire applicable à l’adoption de toute mesure réglementaire autonome, c’est-à-dire n’étant commandée ni par la mise en oeuvre d’engagements internationaux ni par l’application des lois. Les effets de ce moratoire ont été, en réalité, très limités.
En fait, le politique a beaucoup cédé le pas à l’administration centrale et aux administrations locales.
J’y reviendrai. Ni vous ni vos collègues, madame la ministre, n’avez, aujourd’hui, d’autorité sur les administrations, et nous n’en avons pas beaucoup sur le pouvoir administratif.
Enfin, le 2 novembre 2010, a été désigné un commissaire à la simplification placé auprès du secrétaire général du Gouvernement et chargé de la maîtrise du flux et de l’examen du stock des normes. Ne disposant que d’une structure très légère, son action, certes intéressante, n’a pas été déterminante.
Mes chers collègues, nous voyons très clairement que les solutions proposées contenaient en elles-mêmes leurs propres limites.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit de substituer à la Commission consultative d’évaluation des normes, formation restreinte du comité des finances locales, une autorité de régulation dotée de moyens financiers et humains conséquents qui s’attachera au contrôle du flux et du stock de normes. Ce dispositif constitue une avancée, mais ne résout qu’une infime partie du problème : il y a fort à craindre qu’il ne soit finalement qu’un cautère sur une jambe de bois. Le groupe UMP sera extrêmement vigilant quant au coût généré par le fonctionnement de cette institution,…
…dans un contexte où la réduction des dépenses publiques – je ne cesserai de l’affirmer, puisque l’actuel gouvernement ne l’a toujours pas compris – doit être la priorité absolue. Nous sommes, par ailleurs, très dubitatifs sur son efficacité à long terme. En effet, si cette énième instance consultative se voit reconnaître un pouvoir général d’évaluation et de recommandation sur le flux et le stock des lois et règlements, elle ne contribuera malheureusement pas à lutter efficacement contre les méfaits de la prolifération normative, contre la mauvaise habitude administrative française qui préfère le contrôle à l’accompagnement, ni à alimenter le nécessaire débat sur le principe d’adaptabilité des normes dont vient de parler Olivier Dussopt. Or, c’est bien là le fond de la question.
En effet, nous commettrions une grave erreur en limitant la discussion de la présente proposition de loi à la seule création de mécanismes de régulation et de contrôle. L’enjeu dépasse largement cet aspect formel. J’ai présenté, en octobre 2012 et en mars 2013, un dispositif tendant à intégrer dans le droit français un double principe d’adaptabilité et de subsidiarité.
Je vous remercie ! Le Gouvernement l’a écarté à deux reprises au motif, dit-on, qu’il serait inconstitutionnel et l’a renvoyé aux futures lois de décentralisation.
Mais je ne vois rien venir. Un petit codicille sur le principe de proportionnalité ou d’adaptabilité a même été supprimé dans un avant-projet de loi.
On a peur de faire oeuvre utile dans notre État de droit. Je tiens, pour ma part, à vous préciser que le Conseil constitutionnel – que j’ai consulté avec Yannick Favennec et Etienne Blanc – et le Conseil d’État – juge administratif un peu plus frileux, mais juge stricto sensu de la légalité administrative, que j’ai rencontré dans le cadre de ma mission – m’ont confirmé la possibilité de mettre en place des normes différenciées…
…prenant en compte les spécificités de certaines collectivités et territoires, pourvu que ce soit dans un cadre légal précis et encadré, comme je l’ai proposé. Il s’agit de faire confiance à l’intelligence des territoires…
…– si seulement ! –, de leurs élus et de leurs acteurs pour substituer aux normes réglementaires d’application uniforme des mesures adaptées à la réalité et à la diversité des situations locales.
Madame la ministre, ne me dites pas qu’en tant que préfète, puis sénatrice de l’Aveyron, vous n’avez pas dû faire face à des normes absurdes dans votre département ! Tous les jours, des élus nous disent que ce n’est pas possible.
Ma proposition vise donc à instaurer deux régimes distincts de dérogations aux normes réglementaires prises par les administrations centrales – encore elles ! – pour l’application d’une loi, tout en s’appuyant sur des critères similaires.
D’une part, en application de leurs prérogatives constitutionnelles et dans le cadre de l’exercice de leurs compétences légales, les collectivités territoriales, mais aussi les autres personnes publiques, pourraient décider d’arrêter des mesures adaptées. D’autre part, les personnes privées pourraient, quant à elles, solliciter une dérogation auprès du préfet, après avis d’une commission multipartite de médiation. Les principes juridiques d’adaptabilité et de subsidiarité doivent permettre la mise en oeuvre différenciée des normes dans les territoires ruraux comme dans les espaces périurbains.
Peut-on raisonnablement soutenir, dans le cadre d’une décentralisation arrivée à maturité, que les normes doivent être uniformément applicables dans la couronne de l’agglomération parisienne, dans une commune de la Lozère, de l’Aveyron, de l’Ardèche, de la Sarthe…
…ou de la Mayenne ? Évidemment non ! Madame la ministre, pourquoi le Gouvernement et vous-même restez-vous si hermétiques à la solution que j’ai proposée ? Allez-vous nous présenter, enfin, un dispositif permettant de maîtriser durablement la prolifération normative ?
Vous pourriez créer, sur cette question, un groupe de travail juridique très spécialisé, que je pourrais coprésider avec Olivier Dussopt. Nous ferions oeuvre utile ! En tout cas, je suis partant. Faisons du bon travail : demandons à la doyenne de la Sorbonne, Géraldine Chavrier, qui connaît bien le problème, et au professeur Verpeaux de s’associer à ces travaux ! Peut-être alors susciterons-nous, à côté du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, quelque évolution juridique dans notre État de droit très sclérosé. Vous tenez un discours d’ouverture, madame la ministre, mais vous bloquez, dans les faits, toute initiative destinée à adapter les normes aux réalités territoriales.
En résumé, ce texte ne fait qu’effleurer le vrai problème, mais il a le mérite d’en rappeler l’enjeu. Cet enjeu n’est pas d’évaluer les normes existantes, comme le suggère la présente proposition de loi, mais de les adapter aux territoires selon un principe de proportionnalité ou d’adaptabilité, peu importe le terme, afin que les collectivités puissent enfin respirer, dans le respect de l’unité de la nation. Cela étant, je voterai, à titre personnel, cette proposition de loi – et je sais que Yannick Favennec fera de même –…
…d’une part, parce qu’elle peut constituer le premier étage d’une fusée et apporter un début de réponse et, d’autre part, parce que Olivier Dussopt, mon collègue de la majorité, a su, comme souvent, trouver les mots – je le dis avec beaucoup de franchise et une certaine affection – et proposer des amendements qui enrichissent ce texte. Le groupe UMP, quant à lui, s’abstiendra.
Je sais dépasser les clivages politiques – vous le savez – et considérer l’intérêt général comme l’unique guide de mes convictions – je sais, madame la ministre, que vous serez sensible à ma position personnelle.
Pour terminer, je tiens, une nouvelle fois, à vous mettre en garde contre les administrations et contre cette addiction pathologique au normatif.
Avec leurs directives, leurs instructions, leurs circulaires, les administrations nous enserrent dans un étau.
Monsieur le président – cher Marc Le Fur –, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « quand le droit bavarde, les citoyens ne lui prêtent qu’une oreille distraite » rappelait, tout à l’heure, avec talent mon ami Pierre Morel-A-L’Huissier. Il avait raison ; je n’aurais pas dit mieux.
En 1991 déjà, le Conseil d’État établissait, en effet, un diagnostic sur lequel nous nous accordons tous aujourd’hui. Trop de normes tuent la norme, je dirai même tue l’esprit d’entreprise et d’initiative. Le constat est on ne peut plus simple, on ne peut plus évident. Et pourtant, madame la ministre, nombreux sont les obstacles auxquels nous nous heurtons lorsqu’il s’agit de remédier au mille-feuille administratif. Combattre l’inflation – je dirai même l’hystérie normative –, mettre fin à l’inadaptation de la norme applicable localement – une norme ne peut, en effet, s’appliquer de la même façon à Paris et à Rennes-en-Grenouilles, la plus petite commune de ma circonscription de la Mayenne – : voilà un chantier d’une ampleur incommensurable qui mérite toute notre attention et requiert toute notre capacité d’action.
Le recours croissant à la règle de droit pour réguler toutes les facettes du réel est devenu, à tort évidemment, une constante dans notre société, le bon sens laissant place à des situations qui n’ont plus le moindre lien direct avec la réalité du terrain. Les méfaits de la prolifération normative, l’instabilité chronique du droit et le manque de proportionnalité freinent et contraignent toujours plus le mouvement de décentralisation, son développement et son émancipation. Et, nous le savons bien, les élus locaux sont les principales victimes de l’alourdissement des procédures et de l’inflation législative qui placent nos territoires dans une véritable situation d’asphyxie. Pas moins de 400 000 normes et 9 000 lois régissent l’action des élus locaux et de leurs services pour un coût de 2,34 milliards d’euros au cours des quatre dernières années.
Mais l’effet est le même dans tous les secteurs de la vie quotidienne de nos concitoyens : artisans, commerçants, agriculteurs, patrons de PME, responsables associatifs. En cela, les normes constituent un véritable frein à la compétitivité, une entrave au développement de nos territoires que nous devons pourtant préserver et valoriser, tant ils sont une richesse pour la France.
La simplification des normes constitue donc une réelle attente de la part des élus. Les états généraux de la démocratie territoriale, dans un sondage sur la perception de la décentralisation par les élus locaux, ont d’ailleurs relevé que 68 % d’entre eux étaient en attente d’un allégement des contraintes législatives et réglementaires. Aujourd’hui, Dieu merci, la prise de conscience est générale. Mais l’heure n’est plus au diagnostic, elle est aux remèdes, madame la ministre ! Au cours des dernières années, les parlementaires – mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, notamment – ont su prendre une part active et directe à la dynamique de simplification, de modernisation et d’amélioration de l’efficience de la norme.
Le développement progressif des études d’impact, la création de la Commission consultative d’évaluation des normes et les diverses lois de simplification adoptées sous la précédente législature sont là pour en témoigner. La proposition de loi, aujourd’hui soumise à notre examen et que nous devons notamment à notre collègue sénatrice Jacqueline Gourault, s’inscrit dans la continuité des travaux engagés par nos deux assemblées. Le groupe UDI adhère, bien entendu, pleinement aux objectifs de ce texte qui comporte plusieurs avancées.
Ainsi, la nouvelle instance ne se limitera pas au flux, elle pourra s’attaquer au stock.
Elle reprend le travail réalisé par la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN. Pour autant, ne nous leurrons pas : le Grand soir de la simplification n’est malheureusement pas encore venu et la solution apportée n’est encore que partielle, j’allais dire trop partielle. En mars 2012, l’excellent rapport de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, fruit de la mission sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, a plaidé pour la défense des principes d’adaptabilité et de subsidiarité, qui doivent permettre la mise en oeuvre différenciée des normes dans nos territoires, comme l’a si bien rappelé précédemment Pierre Morel-A-L’Huissier à cette tribune.
Comme lui, je regrette que le Gouvernement n’ait pas cru bon de donner suite aux propositions concrètes et efficaces de cette mission. Au lieu de cela, le Premier ministre n’a rien trouvé de mieux que de missionner à nouveau des parlementaires pour effectuer exactement le même travail : bonjour les économies et merci l’efficacité ! L’adaptabilité et la subsidiarité, c’est bien la question centrale. Ces principes prennent le contre-pied des décisions prises jusqu’alors. Qui dit adaptabilité de la norme dit nécessairement proportionnalité, celle-là même qui fait tant défaut à notre pays, mais aussi prise de conscience des réalités locales et des spécificités de chacun de nos territoires.
N’oubliez pas ma petite commune de Rennes-en-Grenouilles, madame la ministre. Faites confiance au bon sens des territoires, à la volonté de simplification de tous les acteurs des territoires, notamment ruraux !
La loi encadre, protège, mais elle ne doit en aucun cas accabler et devenir un carcan. Le groupe UDI se prononcera toujours en faveur de propositions allant en ce sens.
Ainsi, il soutiendra cette initiative méritante, tout en soulignant que l’effort doit encore être poursuivi, car il y a urgence et il reste tant et tant à faire sur ce sujet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues rescapés d’un jeudi parlementaire,…
Sourires
C’est vrai, nous ne sommes pas nombreux pour aborder un sujet aussi important !
…nous le disons sans ambages : nous sommes favorables à la création du Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Il permettra, nous l’espérons, de résoudre un vrai problème, celui de l’inflation, la multiplication, l’enchevêtrement des normes et des règlements, qui suscitent chez nos élus locaux une certaine exaspération, parfois feinte, mais souvent très réelle.
Durant la dernière législature, le Gouvernement s’était engagé à supprimer des textes législatifs considérés comme inutiles ou obsolètes et à opérer les simplifications nécessaires dans la législation. Il semble bien que cette bonne intention n’ait guère tenu dans le temps législatif et médiatique. Comment aurait-il pu en être autrement dès lors qu’à la simple évocation d’un fait divers, l’exécutif dégainait dans la semaine un, voire plusieurs projets de loi ?
Je ne le pense pas.
La simplification, la réduction des normes – l’on parle de 8 000 lois et de 400 000 normes réglementaires applicables sur l’ensemble du territoire – doit être une priorité. L’inflation normative, d’une part, engendre un coût financier élevé, que la Commission consultative d’évaluation des normes a chiffré à 577 millions d’euros pour l’année 2010, et, d’autre part, est source d’instabilité : en dix ans, 80 % des articles du code général des collectivités territoriales ont été modifiés.
Le problème que nous aurons à affronter est également celui de la stabilité de notre ordonnancement juridique. Nous ne pouvons mettre les citoyens dans une incertitude permanente concernant l’application des normes dans le temps et leur évolution. Cette inflation et cette instabilité posent problème aux élus, aux collectivités territoriales, aux citoyens et aux citoyennes. La stabilité juridique est garante d’une sécurité juridique cohérente et fonctionnelle nécessaire également pour les entreprises. Je pense évidemment à nos élus locaux non-juristes, qui ne peuvent pas toujours s’adjoindre les services d’un conseiller juridique.
Exactement. C’est en pensant à eux que nos collègues sénateurs Gourault et Sueur ont rédigé cette proposition de loi à la demande du président Jean-Pierre Bel. Il est donc louable d’essayer de simplifier le travail des collectivités territoriales en allégeant les normes, dès lors qu’elles sont peu utiles, voire inutiles, ou redondantes. J’espère d’ailleurs que cette proposition de loi recueillera une belle unanimité, et je souligne l’action constante et déterminée de certains de nos collègues, dont Pierre Morel-A-l’Huissier.
La surabondance de règles peut d’ailleurs entraver la réalisation des projets d’investissement de nos collectivités territoriales. Nous avons tous à l’esprit des exemples d’opérations abandonnées parce que l’étude d’impact coûterait dix fois plus cher que la réalisation des travaux. Il faut noter qu’autrefois, les services de l’ex-DDE pouvaient se charger de l’étude et de la réalisation pour des sommes modiques,…
…alors que les cabinets d’étude actuels rendent des études très chères et un service pas toujours optimal. La connaissance du terrain était bien souvent un gage de simplicité et de réussite d’un projet. Bon nombre de normes ne sont pas en adéquation avec les spécificités des territoires.
Le Président de la République a déclaré qu’il fallait faire confiance aux élus locaux. L’État devrait moins s’occuper des réalisations concrètes et laisser les collectivités locales faire au mieux en fonction de leur environnement proche.
Cela revient à leur céder un peu de son pouvoir réglementaire en appliquant le principe de subsidiarité et en mettant en place, en quelque sorte, un certain fédéralisme. Peut-être, en effet, notre pays, centralisé sur le modèle de la pyramide napoléonienne, devrait-il y venir, comme d’autres en Europe. Je me dois en effet de rappeler que, dans la plupart des pays d’Europe, le pouvoir réglementaire est partagé entre l’État et les régions. Loin d’affaiblir ces pays, une telle organisation administrative les rend plus opérants, plus en adéquation avec les réalités des citoyens. La mise en place en France métropolitaine d’un tel système administratif, que j’appelle de mes voeux,…
…serait un véritable challenge, une révolution culturelle, politique, juridique, tant le législateur, obnubilé par l’égalité fantasmée intellectuellement, en oublie l’égalité réelle, c’est-à-dire l’équité.
La réalité et les besoins d’un habitant du VIIe arrondissement de Paris n’ont rien à voir avec ceux d’un Basque de Sainte-Engrâce en Soule ou d’un Breton de l’île de Sein.
Sourires.
Le Président de la République, dans son discours lors des états généraux de la démocratie territoriale, déclarait : « La confiance, ce peut être, dans des limites qui devront être bien précises, d’envisager un pouvoir d’adaptation locale de la loi et des règlements, lorsque l’intérêt général le justifie. Je ne parle pas ici simplement de l’outre-mer, qui connaît déjà cette évolution, je parle de nos régions. ».
Pour les régionalistes que je représente, l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale aurait dû être l’occasion de nous interroger sur l’échelle d’intervention et le niveau les plus pertinents pour déployer dans de bonnes conditions l’expertise nécessaire aux adaptations des normes. Pour nous, il s’agit d’aller plus loin en donnant aux régions de réels pouvoirs d’expérimentation et d’adaptation locale des normes communes, ainsi que cela se fait dans tous les pays qui nous entourent. Le dernier à s’y être converti a été le Royaume-Uni, en 1999 : l’Écosse et le Pays de Galles ont aujourd’hui des pouvoirs réglementaires permettant de faire coïncider au mieux les normes avec la spécificité de leurs territoires.
Le Conseil national d’évaluation des normes que nous nous apprêtons à créer sera-t-il en mesure d’assurer cette tâche aussi bien que ne l’auraient fait les régions ? J’en doute. Gageons également que la petite avancée comprise dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles en termes d’expérimentation-différenciation, avec l’introduction de possibilités de délégation pour les collectivités territoriales en faisant la demande, sera maintenue.
Félicitons-nous toutefois de la mise en oeuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de contrôle de l’inflation des normes et sa matérialisation par la conclusion, en juillet dernier, par le Premier ministre, du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités locales. Saluons la possibilité donnée au Conseil national de proposer des mesures d’adaptation des normes réglementaires en vigueur si l’application de ces dernières entraîne pour les collectivités territoriales des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées au regard des objectifs poursuivis.
La proposition de loi définit pour le Conseil national un champ de compétences plus large que celui qui est actuellement celui de la Commission consultative de l’évaluation des normes. Le nouvel organisme serait désormais obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l’impact financier des projets de texte réglementaire, des projets de loi et des projets d’acte européen créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Au passage, nous partageons l’avis du rapporteur, qui a souhaité exclure les amendements du contrôle du Conseil national. Cela aurait accentué le déséquilibre existant entre le droit d’initiative des parlementaires et celui de l’exécutif,…
…car les amendements du Gouvernement, non soumis aux délais de dépôt, n’auraient jamais pu être réellement contrôlés. De même, la suppression de l’obligation faite au Conseil national de proposer un texte différent en cas d’examen d’une norme réglementaire en vigueur est une bonne chose pour qui défend les pouvoirs du Parlement en estimant que le Conseil national n’a pas à se substituer au législateur.
Enfin, nous savons gré au rapporteur de notre assemblée, qui semble moins réfractaire que le Sénat sur la parité, de prévoir l’égale représentation entre hommes et femmes au sein du Conseil national,…
…sujet qui nous tient à coeur et pour lequel nous avions déposé un amendement en commission.
Au final, mes chers collègues, en dépit de reproches sur le fond, nous voterons avec résolution cette proposition de loi, qui va dans le sens d’un contrôle accru de l’inflation des normes, à laquelle il est devenu urgent de s’attaquer au nom du bon fonctionnement de nos collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le constat, unanimement partagé sur les bancs tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, des conséquences néfastes du stock impressionnant de normes applicables aux collectivités territoriales. C’est ce constat qui a motivé le dépôt par nos collègues sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui après son adoption par la Haute assemblée.
Ce dépôt faisait suite aux états généraux de la démocratie territoriale organisés sous l’égide du président du Sénat en octobre 2012, états généraux qui répondaient aux souhaits exprimés par le Président de la République d’une nouvelle étape dans la décentralisation.
En effet, le caractère tatillon d’un grand nombre de normes réglementaires, le « zèle normatif » – pour reprendre l’expression de notre collègue sénateur Éric Doligé dans son excellent rapport – qui caractérise certaines administrations centrales et déconcentrées, est évidemment un frein à la liberté d’action des collectivités territoriales et la manifestation d’une incapacité de l’État central à assumer pleinement la décentralisation, qui figure pourtant à l’article 1er de notre Constitution depuis 2003, article qui dispose que l’organisation de la France est décentralisée.
Cette tutelle réglementaire serait un moindre mal, notamment pour les petites collectivités n’ayant ni les moyens humains ni les moyens logistiques d’assumer seules les compétences qui sont les leurs, si elle n’entravait pas la mise en oeuvre de politiques locales.
Cet empilage incroyable de normes, loin de constituer un secours pour ces collectivités, est devenu un boulet qui les freine dans leur action et entrave leur dynamisme,…
…d’autant plus que la complexité toujours croissante des procédures entraîne un coût élevé. Il faut donc y remédier.
Pour autant, il ne faut pas céder aux vieilles sirènes de la dérégulation telle que les États-Unis l’ont pratiquée dans les années 1980, en supprimant abruptement des pans entiers du droit fédéral. Cette politique, inspirée par les esprits libéraux les plus obtus, s’est soldée par une multiplication des recours juridictionnels devant les tribunaux compétents en matière de conflits de compétences. On ne supprime pas le droit, on ne fait que le déplacer. Cette politique n’a jamais été suivie en France, où le terme de déréglementation n’a rien à voir avec la dérégulation anglo-saxonne, n’en déplaise à certains.
Déplacer le droit ou plutôt, dans le cas qui nous préoccupe, le nôtre, le simplifier, l’alléger, le rendre plus cohérent, plus efficient : tel est l’objectif poursuivi par la mission de lutte contre l’inflation normative confiée à Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, qui proposait de s’attaquer autant au stock de normes qu’à leur flux.
Pour simplifier, il faut déjà ne pas complexifier davantage.
J’en viens maintenant au texte qui nous est soumis. Je ne reprendrai pas l’argument qui a été utilisé en commission des lois selon lequel ce texte serait redondant avec les dispositions figurant dans le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Autant le découpage des différents volets de la réforme de la décentralisation en autant de projets de loi est discutable – cela rappelle le précédent de la réforme territoriale de 2010, restée inachevée, même en ce qui concernait le régime de feu les conseillers territoriaux –, autant les dispositions du texte tel qu’il vient en discussion ont été sensiblement enrichies.
Je fais miennes les observations de notre excellent rapporteur : « Ce nouvel examen démontre bien, s’il le fallait encore, qu’un travail attentif et refusant toute précipitation reste la meilleure garantie d’une production normative de qualité, qui reste nécessaire pour réformer et faire avancer notre pays. »
Le Gouvernement aurait d’ailleurs été bien inspiré de méditer ces sages propos avant de mettre en oeuvre d’autres réformes, comme ma collègue Annick Girardin l’a rappelé à la fin de son intervention à la tribune de cet hémicycle hier à propos de la lutte contre la fraude fiscale et, surtout, de la création du procureur de la République financier.
Comme les initiatives précédentes méritaient d’être prolongées et complétées – les différentes circulaires décrétant un moratoire puis un gel des normes applicables aux collectivités territoriales, comme celles précisant les missions du commissaire à la simplification, ne constituant qu’une étape dans l’oeuvre de simplification et d’allégement des normes –, la présente proposition de loi devait traduire les orientations définies par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, la fameuse MAP, venant remplacer la non moins fameuse révision générale des politiques publiques de la précédente majorité. Il s’agit, avec la nouvelle instance d’évaluation des normes, de renforcer l’appréciation, a priori et a posteriori, par les élus locaux de la production normative applicable aux collectivités
Le Conseil national d’évaluation des normes, autonome budgétairement, dont la saisine constituerait une formalité substantielle du processus législatif, aurait un champ de compétence large. La commission des lois n’a toutefois pas suivi le Sénat, qui avait étendu la saisine obligatoire du Conseil aux projets d’amendement du Gouvernement ainsi qu’aux projets d’amendement émanant des parlementaires sur demande du président de l’assemblée concernée et avec l’accord des intéressés. Nous partageons les observations émises par notre rapporteur : cette procédure risque d’entraver le travail législatif, ce qui n’est jamais souhaitable.
Dans le même ordre d’idées, le pouvoir réglementaire, qui appartient au seul Premier ministre en vertu de l’article 21 de la Constitution, semble avoir été préservé par rapport à la prise en compte de l’éventuel avis défavorable du Conseil sur un projet de norme. En revanche, le président d’une assemblée parlementaire pourra soumettre à l’avis du Conseil une proposition de loi dont l’objet concerne le champ de compétence du Conseil, sur le modèle de ce qui est déjà prévu par l’article 39, alinéa 5, de la Constitution concernant la saisine du Conseil d’État.
Au final, tant les dispositions relatives aux attributions et à la composition du Conseil, qui accordent une meilleure place aux élus locaux, premiers concernés par l’impact technique et financier des normes applicables aux collectivités dont ils ont la charge, que celles assurant une publicité adéquate des travaux du Conseil, devraient permettre à cette nouvelle instance de placer l’objectif d’allégement, de simplification et de rationalisation des normes au coeur de notre législation, au même titre que leur impact financier ou social.
Cet objectif devra être poursuivi systématiquement, conformément à un but ultime : assurer une meilleure administration de nos territoires et ainsi servir au mieux les intérêts de la population. Cette recherche, qui doit être constante, fait également l’objet d’une partie du champ d’habilitation demandé par le Gouvernement au législateur pour procéder par voie d’ordonnance à l’adoption de la partie législative d’un nouveau code relatif aux relations entre les administrations et le public, c’est-à-dire les administrés. Nous serons vigilants lors de l’étude de cette nouvelle codification.
Telles sont, mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le rapporteur, les raisons qui conduiront le groupe RRDP à approuver sans hésitation, et même avec détermination, ce beau texte.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a déjà plus de vingt ans, en 1991, dans son rapport public annuel, le Conseil d’État avait fait part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme. Depuis lors, ces préoccupations ont été relayées par de nombreux rapports s’alarmant de la surproduction normative et relevant la situation particulièrement préoccupante des collectivités territoriales.
Le poids des normes dans les collectivités est en effet considérable puisque leur stock est évalué aujourd’hui à 400 000 par l’Association des maires de France. Le désarroi des élus locaux est à cet égard bien réel. Il a d’ailleurs été très clairement exprimé lors des états généraux de la démocratie territoriale l’an dernier, même si, bien sûr, les difficultés des élus sont aussi et surtout liées au désengagement de l’État et à la diminution de leurs moyens financiers.
La prolifération des normes est à la fois source de complexité, d’insécurité juridique et de coûts importants supportés par les budgets locaux : 2,3 milliards d’euros pour les seules mises aux normes imposées entre 2009 et 2011. C’est pourquoi le groupe GDR soutient la démarche traduite par cette proposition de loi. La création d’une nouvelle instance, le Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes, appelé à remplacer la Commission consultative d’évaluation des normes et doté de pouvoirs et de moyens renforcés, nous paraît indispensable pour agir sur le stock et le flux de normes, même si, évidemment, ce nouveau mécanisme de régulation et de contrôle ne pourra, à lui seul, enrayer la surproduction normative.
L’objectif principal reste de renforcer le contrôle et l’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales, et, nous nous en félicitons, les compétences du Conseil national sont sensiblement étendues. Tout d’abord, celui-ci pourra évaluer toute norme réglementaire aujourd’hui en vigueur ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs groupements. C’est une avancée notable, comme l’est également sa saisine obligatoire, et non plus facultative, par le Gouvernement sur l’impact financier des projets de loi créant ou modifiant des normes. De même, le Conseil national pourra émettre un avis sur les projets d’acte de l’Union européenne ayant un impact technique et financier sur les collectivités, et les présidents des deux assemblées pourront le saisir pour l’examen d’une proposition de loi, sauf si son auteur s’y oppose.
Nous sommes ensuite favorables à l’allongement et à l’encadrement des délais d’examen. En cas d’avis défavorable rendu par le Conseil national sur un projet de norme réglementaire, la commission des lois a utilement précisé que la nouvelle délibération du projet pourrait porter sur un projet modifié par le Gouvernement, afin de prendre en compte l’avis du Conseil national, ou sur le même texte accompagné d’informations complémentaires présentées par le Gouvernement.
Les mesures de publicité renforcée qui sont prévues – avis publiés au Journal officiel et avis sur les projets de loi annexés à l’étude d’impact – nous paraissent de nature à responsabiliser davantage les administrations centrales dans leurs travaux d’élaboration des projets réglementaires ou législatifs.
Enfin, nous sommes satisfaits du rééquilibrage de la composition de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs entre représentants des élus locaux et représentants des administrations et du monde sportif. Les élus locaux qui ont en charge d’appliquer les normes sportives pourront donc faire part de leurs observations techniques et partager leurs connaissances du terrain en amont. Ici aussi, nous sommes favorables à l’allongement du délai dont disposera cette commission pour rendre ses avis, ainsi qu’à la publicité renforcée de ces derniers.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche voteront cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Je remercie chacun des orateurs pour la qualité de leurs interventions, qui ont montré, s’il en était besoin, le sérieux du travail accompli par les uns et les autres. Vous êtes entrés, mesdames et messieurs les députés, dans le détail de ce texte, à un niveau que je tiens à saluer. Des critiques ont certes été exprimées mais, globalement, chacun est tombé d’accord sur l’intérêt du texte, qui, même s’il ne va pas aussi loin que certains l’auraient souhaité, apporte de vraies solutions.
Madame Karamanli, vous avez clairement souligné l’objectif consensuel que nous avons recherché ainsi que la nécessité d’établir le partage entre l’utile et l’inutile, deux mots qu’il était important d’entendre.
Je me tourne à présent vers M. Morel-A-L’Huissier, du département limitrophe du mien, que j’ai rencontré à plusieurs reprises et qui est notamment venu, avec d’autres, travailler sur les normes dans le monde rural. J’ai en mémoire l’ensemble des arguments que nous avions développés pour essayer de lui faire entendre la difficulté, pour des raisons de constitutionnalité, de mettre en oeuvre sa proposition de loi, en dépit de son intérêt.
Vous venez, monsieur Morel-A-L’Huissier, de faire une proposition, à laquelle je ne me rallierai pas directement, car je n’en ai pas le pouvoir, mais au sujet de laquelle je solliciterai l’avis du Premier ministre – je crois que M. le rapporteur ne s’y opposera pas –, s’agissant de la constitution d’un groupe de travail tel que vous l’imaginez, qui examinerait les conditions dans lesquelles nous pourrions tendre vers l’adaptabilité et le principe de subsidiarité,…
…dans le respect de la Constitution et en connaissant les marges de manoeuvre très étroites qui sont les nôtres. Si ce groupe de travail était constitué de juristes éminents, cela nous permettrait sans doute d’avancer et d’aller dans le sens souhaité par la loi sur la décentralisation.
Monsieur Favennec, vous avez, avec humour, noté combien il importait de mettre un terme aux freins à la compétitivité, et je suis sensible à l’argument que vous avez développé. Il faut en effet que nous puissions laisser toutes les marges de manoeuvre possibles à nos collectivités locales. Même si la solution proposée vous paraît partielle, elle est déjà une belle amorce, ce qui n’avait pas été fait depuis plusieurs gouvernements successifs.
M. Molac, qui a dû s’absenter, a souligné avec beaucoup de talent la diversité des territoires et la nécessité de répondre à cette spécificité.
Monsieur Falorni, merci de vos propos, et de votre volonté, qui est aussi celle de votre groupe, d’aller dans le sens de cette proposition de loi pour améliorer l’administration de notre territoire.
Monsieur Dolez, j’ai bien entendu vos mots, des mots forts, lorsque vous avez parlé du désarroi des élus locaux. J’ai constaté ce désarroi : il faut y apporter une solution.
Mesdames, messieurs les députés, vous avez, chacun de vous, fait avancer ce débat. Je crois, monsieur le rapporteur, qu’après votre excellent rapport et le travail que vous avez conduit en commission, nous pouvons passer à l’examen des amendements.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 19 rectifié .
Il s’agit d’un amendement rédactionnel, de même que l’amendement no 20 rectifié .
Les amendements nos 19 rectifié et 20 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
Je crois que, sur le point en question, nous partageons tous le même objectif.
Il s’agit en effet de simplifier l’ensemble des règlements proposés par les fédérations sportives. Les élus locaux ont eu l’occasion de nous dire, à l’appui de nombreux exemples, combien certaines dispositions pouvaient alourdir et compliquer leur mission et combien le coût représenté était insupportable. Cet amendement vise donc à soumettre l’examen des projets des règlements fédéraux renvoyés par la CERFRES au régime d’examen par le Conseil national des autres normes, afin de rentrer dans le droit commun et de faciliter l’examen de ces dispositions. Un décret du 4 avril dernier a institué la CERFRES, qui est une instance rattachée, auprès du Conseil national du sport. L’objectif aujourd’hui est de faire en sorte que notre Conseil national d’évaluation des normes puisse être saisi par la CERFRES dans le cas d’avis divergents ou de dispositions à examiner.
Je veux insister sur le fait que c’est avec la même volonté que nous avons travaillé avec le rapporteur sur la nécessité d’avoir une représentation ouverte des élus locaux qui leur permette de disposer d’une forme de minorité de blocage leur offrant la possibilité d’intervenir et de demander à ce que le Conseil national puisse être saisi puis statuer avant que la CERFRES elle-même n’arrête sa décision. Le texte initial en effet ne tenait qu’insuffisamment compte de l’existence de ce décret qui s’applique depuis le mois d’avril.
La parole est M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement et présenter le sous-amendement no 24 .
Le texte adopté par le Sénat ne pouvait en effet tenir compte du décret mettant en place le Conseil national du sport dans la mesure où les discussions relatives à celui-ci sont intervenues après le débat initial au Sénat. Nous avons travaillé en commission, de manière coordonnée avec le Gouvernement, pour faire en sorte que l’équilibre satisfaisant prévu par le Conseil national du sport – grâce notamment au décret pris sur l’initiative de Mme la ministre des sports – puisse être trouvé dans la proposition de loi qui nous est soumise. Cela nous a conduits dans un premier temps à refuser la suppression des alinéas concernés pour aller vers un autre dispositif. L’amendement présenté par le Gouvernement va dans le bon sens et le sous-amendement, adopté comme l’amendement du Gouvernement par la commission ce matin, vise simplement à préciser que les dispositions de l’article R.142-10 du code du sport soient reprises de manière explicite dans le texte de la proposition de loi. Il n’est là aucune volonté d’écrire une loi bavarde, mais en matière de normes sur les équipements sportifs, auxquels ils sont extrêmement attentifs, les élus ont souvent le sentiment d’être pris en otage. Or citer ce nouveau décret dans le texte, et partant fixer un lien explicite entre cette proposition de loi et le décret du Conseil national du sport, sera de nature à les rassurer puisque le dispositif est opérant.
Favorable. Comme l’a dit M. le rapporteur, il s’agit d’un travail mené ensemble qui vient clarifier le dispositif.
Le sous-amendement no 24 est adopté.
L’amendement no 16 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 17 .
J’aurais souhaité que nous puissions étendre la saisine du Conseil national d’évaluation des normes à un groupe de dix députés ou de dix sénateurs. Cela me semble une bonne mesure afin de permettre la résorption du stock des normes.
D’ores et déjà, les quinze commissions parlementaires peuvent saisir le Conseil national d’évaluation des normes et nous craignons qu’une telle disposition soit de nature, au moins dans les premiers temps d’existence de ce Conseil, à multiplier le nombre de saisines et donc à ralentir son travail, vu le stock de normes qu’il y a à réexaminer. Je ne doute pas qu’aucun des présidents de commission ne s’opposera à l’examen d’une demande de transmission au Conseil.
Je souscris volontiers aux observations du rapporteur, tout en voulant vous préciser, monsieur Morel-A-L’Huissier, pour les mêmes raisons, qu’il n’y a aucune volonté de réduire le rôle des députés. Toutefois, aujourd’hui, le texte prévoit déjà un élargissement des conditions de saisine et d’avis. C’est pourquoi je ne suis pas certaine que votre dispositif puisse apporter une amélioration à notre volonté commune de travailler à la fois sur le stock et sur le flux. Je souhaiterais que vous acceptiez de retirer cet amendement.
Au nom du groupe UDI, je soutiens cet amendement. J’éprouve quelque difficulté à comprendre l’argumentation du Gouvernement, puisqu’il me semblait qu’il y avait là une possibilité pertinente pour le Parlement de s’autocensurer et de pouvoir, de l’intérieur, faire le ménage, si je puis le dire ainsi. Je regrette donc la position du Gouvernement.
Je remercie M. Favennec pour son soutien et celui du groupe UDI et je suis sensible aux propos du rapporteur. Peut-être en effet ne faut-il pas offrir cette possibilité de saisine tout de suite. Je suis d’accord pour attendre un peu et voir comment fonctionnera ce conseil national. Nous verrons par la suite si la nécessité d’élargir se fera sentir.
Madame la ministre, concernant le groupe de travail, il s’agit de construire avec des spécialistes du droit une vision très globale de l’apparition, en droit français, de nouveaux principes juridiques, l’adaptabilité ou la proportionnalité, dont l’application serait encadrée par des critères dits objectifs. Cette réflexion pourrait être menée dans le cadre d’un groupe de travail ou d’une mission parlementaire ; j’y serais en tout cas très favorable, car cela permettrait d’aboutir à une vision consensuelle, partagée par la gauche et par la droite, sur cette problématique – et vous connaissez mon souci de consensus sur ce type de sujets.
Je retire mon amendement.
L’amendement no 17 est retiré.
Retirez-vous également l’amendement no 3 , monsieur Morel-A-L’Huissier ?
L’amendement no 3 est retiré.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 5 .
L’amendement no 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 4 .
Le texte tel qu’il est rédigé, à l’alinéa 34, exigerait une précision sur ce qui est entendu par « disproportionnées ». On a souvent invoqué ce concept au sujet de l’apparition d’un nouveau principe de proportionnalité et d’adaptabilité. Il me semblerait utile qu’un décret en Conseil d’État définisse des critères en la matière.
Défavorable, pour deux raisons. Tout d’abord, la question de la proportionnalité et de l’adaptabilité des normes est assez pointue pour mériter un travail plus approfondi. Le caractère disproportionné évoqué dans la loi renvoie aussi à cette thématique, mais en confiant au Conseil national d’évaluation des normes la possibilité de le dire au cas par cas. Ensuite, si un décret doit définir le concept de disproportion d’une norme, cela signifierait au vu du champ de compétence du Conseil, que le décret risque lui-même d’être disproportionné, dans la mesure où il devrait aborder l’intégralité des normes concernées par son travail. Nous proposons donc, au-delà des suggestions de notre collègue d’aller plus loin dans le travail sur l’adaptabilité et la proportionnalité, que dans un premier temps le Conseil conserve la possibilité de juger au cas par cas de la proportion ou la disproportion des normes qui lui sont soumises. Je demande donc le retrait de l’amendement.
Je soutiens, au nom du groupe UDI, l’amendement de mon collègue. Il faut en effet un décret en Conseil d’État pour bien définir ces critères. Par exemple, comment allons-nous définir l’application de ces normes aux territoires ruraux ? Qu’entend-on par ce terme de « ruralité » ? Il faut pouvoir l’écrire et le définir concrètement.
J’entends ce que le rapporteur vient de dire, mais si vous laisser le Conseil juger de cette question, il va créer une jurisprudence. Si, par la suite, le Conseil d’État n’est pas d’accord sur tel ou tel critère, nous allons entrer dans un jeu impossible entre ce nouvel organe et le Conseil d’État, qui constitue l’organe suprême.
J’ai entendu avec beaucoup d’intérêt les arguments présentés, mais je viens d’accepter le principe d’un groupe de travail formé de spécialistes du droit qui va s’interroger, sous un angle juridique, sur les concepts de proportionnalité, d’adaptabilité et de subsidiarité. Il me semble, monsieur Morel-A-L’Huissier, qu’il serait opportun de voir, dans ce cadre, comment nous pouvons définir plus finement ces notions de façon à les intégrer dans une réflexion ultérieure. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer votre amendement.
Sourires.
L’amendement no 4 est retiré.
L’amendement no 21 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 22 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 23 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
L’article 2 est adopté.
Suppression maintenue.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, j’indique à l’Assemblée que la commission a ainsi rédigé son titre : « Proposition de loi portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ».
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Je veux redire tout l’intérêt que je porte à cette proposition de loi à laquelle je suis personnellement très favorable. Le groupe UMP préférait, quant à lui, s’abstenir, s’interrogeant sur le coût du Conseil. Étant le seul représentant du groupe, je voterai aujourd’hui pour la proposition de loi.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, le groupe UDI votera cette proposition de loi, même si nous estimons qu’il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l’inflation normative. Ce texte représente une étape et constitue une avancée supplémentaire. Chaque avancée étant à considérer, nous voterons cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Je remercie le rapporteur pour son excellent travail et pour la façon dont nous avons pu avancer ensemble pour obtenir un texte de consensus. À cet égard, je remercie aussi l’UMP et l’UDI de s’y rallier. On a bien compris, les uns et les autres, l’intérêt de la démarche : une démarche qui initialise un nouveau processus, qui met en oeuvre des dispositions qui, jusqu’ici, n’avaient jamais pu prendre corps.
J’ai bien entendu que vous souhaitiez, mesdames, messieurs les députés, que l’administration soit vigilante sur ses propres écritures et sur ses propres réflexions. Je ne manquerai pas de transmettre vos remarques au Premier ministre et donc d’insister auprès de lui pour que ce groupe de travail, sur la création duquel je me suis presque engagée, soit opérationnel et qu’ensemble, encore une fois avec votre concours, monsieur le rapporteur, nous trouvions les solutions les meilleures pour aller vers des normes cohérentes, et surtout pour réduire les dépenses de nos collectivités territoriales.
Nous leur permettrons ainsi de continuer à s’intégrer dans des dispositifs d’investissement. À la veille de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 par votre assemblée, c’est un argument auquel je tiens particulièrement.
Je remercie encore chacun et chacune d’entre vous.
Applaudissements sur tous les bancs.
L’Assemblée a achevé l’examen de l’ordre du jour de notre dernière séance de la session extraordinaire. Il me revient donc de la clore.
Le président de l’Assemblée nationale prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.
Prochaine séance, mardi 1er octobre, à neuf heures trente :
Ouverture de la session ordinaire ;
Nomination du Bureau.
La séance est levée.
La séance est levée à midi trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron