Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 18 octobre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Après l'article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Il y est en effet prévu au II que le dispositif n’est pas applicable lorsque l’entreprise est exploitée dans l’Union sauf si l’administration parvient à démontrer que l’implantation à l’étranger constitue un montage artificiel destiné à contourner la loi française. Ceci est inspiré d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2006.

L’amendement vise à renverser la charge de la preuve : ce serait à la société française de démontrer que son implantation à l’étranger n’est pas artificielle ni guidée par la volonté d’échapper à l’impôt français. Est-ce conforme au droit de l’Union ? C’est là toute la question. L’arrêt Cadbury Schweppes n’est pas clair sur ce point. En revanche, dans un arrêt rendu en 2012, la Cour a considéré que le renversement de la charge de la preuve, s’il n’est pas en soi contraire au droit de l’Union, doit en revanche être limité aux situations caractérisées par un risque sérieux de fraude. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 12 juillet 2013 relatif à l’exit-tax, a sévèrement interprété l’arrêt de la Cour. Je préfère vous en épargner la lecture. L’adoption de cet amendement ferait naître un risque contentieux. Il est fait référence dans l’exposé sommaire à la nouvelle règle britannique, que j’évoquais tout à l’heure et qui fonctionnerait sur le même modèle que le dispositif proposé par l’amendement. En réalité, la règle britannique est d’application beaucoup moins large. Pour simplifier, la réintégration des bénéfices en application de ces règles britanniques ne concerne pas tous les revenus de l’entreprise – les profits opérationnels ne sont ainsi, en principe, pas réintégrés – et, par ailleurs, la charge de la preuve du montage artificiel peut reposer sur l’administration. Enfin, ne sont pas réintégrés au bénéfice taxable, au Royaume-Uni, les profits qui auraient été réalisés par les entreprises en situation de pleine concurrence, alors que l’article 209 B n’opère pas ce tri. Enfin, le ministre pourra vous confirmer que le régime britannique, plus complexe qu’il n’y paraît, n’est pas si éloigné, au fond, de l’actuel article 209 B.

Un certain nombre de points resteraient à préciser et nous vous proposons, éventuellement, d’examiner à nouveau cet amendement en deuxième partie, si nous parvenons à en améliorer la rédaction. Son adoption en première partie serait en effet, je l’ai déjà dit, de nature à faire naître un important contentieux.

Pardon d’être entré dans des détails si techniques mais tout est important en cas de contentieux. À ce stade, je rendrai donc un avis défavorable.

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