Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Présentation

Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement :

Ce qui est en jeu, en discussion, en gestation, c’est la situation de millions de femmes et d’hommes qui veulent pouvoir se loger dignement et mettre leur famille à l’abri des difficultés de l’existence. Je veux le dire ici paisiblement, mais avec solennité : nous avons un devoir de réussite.

Pour préparer ce texte, le Gouvernement a travaillé avec une ligne directrice permanente : la défense de l’intérêt général. À l’heure où ce débat s’ouvre, je n’appelle pas à l’unanimité – chacun sait ce qu’elle peut avoir parfois de stérilisant –, mais je plaide pour que l’esprit de chapelle n’entrave pas notre intelligence collective. Je sais que des spécialistes des questions du logement siègent sur tous les bancs de cette assemblée. Nous avons besoin de toutes les compétences ; nous avons besoin de toutes les vigilances.

Je l’ai dit : de la manière dont nous choisirons de répondre ou non à la crise que nous traversons dépend une part de l’avenir de notre pays. La question du logement est en effet de celles qui fondent le lien social, de celles qui, déterminant les trajectoires individuelles, influent sur notre communauté de destin, de celles qui font que la promesse républicaine conserve ou non un sens qui rassemble, qui transcende les clivages, les appartenances, les replis pour forger le sentiment de participer d’une même nation.

La violence de la crise du logement touche donc à nos fondamentaux. Si nous échouons durablement à l’endiguer, le délitement de la cohésion sociale prendra de l’ampleur, parce que les questions du logement, et plus généralement les questions résidentielles, concernent chaque habitant de notre pays.

Au coeur du pacte républicain, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, le logement occupent en effet une place particulière ; souvent, la question sociale se présente d’abord comme une question spatiale. En d’autres termes, le cadre de vie est générateur d’inégalités nouvelles. La première d’entre elles est bien souvent celle de l’accès au logement, devenu le baromètre de toutes les injustices et discriminations. Vous le savez bien, vous qui êtes interpellés chaque jour dans vos permanences : l’angoisse face aux questions de logement est aussi importante que la peur du chômage.

La réalité, c’est que notre pays est confronté à une fracture résidentielle d’une telle ampleur qu’elle constitue une bombe à retardement. Les inégalités de statuts, de revenus, les discriminations liées à l’origine ou à l’âge sont autant de facteurs qui déterminent le parcours résidentiel de chacun : c’est une réalité ancienne. Mais dans un contexte de crise économique majeure, la violence de cette fracture est telle que beaucoup ont la sensation que le progrès social en berne se double pour eux d’une assignation à résidence. Le désespoir qui en découle est un facteur de dislocation de l’idée républicaine, laquelle a besoin, pour vivre, de s’appuyer sur la réalité d’un socle de droits communs inaliénables, dont le droit au logement est l’un des éléments majeurs.

L’enjeu qui nous anime aujourd’hui est donc bien de rétablir une égalité d’accès au logement, la fracture résidentielle étant une composante majeure de la fracture sociale. Selon l’endroit où l’on habite, le type de logement où l’on réside, selon que l’on soit propriétaire ou locataire, selon que l’on ait un toit au-dessus de sa tête, tout simplement, ou que l’on ne bénéficie d’aucun abri durable, l’on ne vit pas la crise du logement de la même manière. Nous avons le devoir d’agir pour chacun.

Ce qui qualifie cette crise, c’est sa violence, et tout autant sa durée. Pour faire face à une crise qui dure, je suis convaincue qu’il est nécessaire de poser la question des responsabilités. Il ne s’agit pas de désigner un coupable, de stigmatiser une profession ou de chercher un bouc émissaire, mais bien de comprendre que le mal logement n’est pas une fatalité.

Ne cherchons pas d’échappatoire. On ne peut ici, comme le font trop facilement certains à tout sujet, critiquer l’Europe et l’imposition de nouvelles règles. On ne peut ici se borner à incriminer la mondialisation et ses conséquences économiques. La réalité, c’est que la crise du logement est une tragédie dont nous sommes les principaux acteurs. Des décennies de laisser-faire ont aggravé les difficultés rencontrées par les habitants de notre pays pour se loger.

Nous avons, en effet, une responsabilité collective. Nous ne pouvons l’ignorer. Une lame de fond, aussi insidieuse que destructrice, traverse notre pays. Les égoïsmes locaux et les logiques nauséabondes de l’entre-soi se développent. La rétention foncière, les pratiques abusives, l’oubli du destin commun dans les copropriétés sont autant de visages du péril qui vient.

À rebours de cette pente, nous devons impérativement retrouver le chemin du volontarisme : dans le domaine du logement comme dans bien d’autres, l’État peut agir, la puissance publique peut intervenir. L’État ne peut pas tout faire, mais nous ne pouvons rester sans rien faire. Il est faux de dire que rien n’est possible. L’action politique bénéficie de marges de manoeuvre. Nos décisions façonnent le réel autant qu’elles s’y adaptent. Voilà pourquoi j’espère de vous imagination, sincérité, responsabilité, vigilance – et même turbulence, au besoin. Il nous faut mobiliser les forces qui doivent l’être et bousculer les immobilismes qui nous enchaînent, plus sûrement que des entraves.

En défendant l’esprit et le détail d’un texte qui tourne le dos aux approches précédentes, je prends devant vous ma part de responsabilité. Je ne l’ai pas fait par souci de rupture ou d’originalité, mais par recherche d’efficacité. J’ai voulu que les enjeux économiques, sociaux, écologiques et, au final, civiques, soient traités de concert, dans une approche globale qui ne cède rien aux modes libérales et aux effets dévastateurs de l’illusion dérégulatrice.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion