Intervention de Daniel Goldberg

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Eh bien, à cet instant, au nom de la commission des affaires économiques, je me félicite que le Gouvernement, vous en particulier, madame la ministre, ayez choisi de vous attaquer résolument à un des facteurs qui minent notre cohésion sociale : je veux parler du mal-logement. En effet, pour nombre de familles de notre pays, et pas seulement les plus modestes, le droit essentiel de se loger dignement, à un coût abordable, hors d’une précarité qui est un frein à toute qualité de vie et qui, lorsque l’on est parent, compromet l’épanouissement des enfants, ce droit essentiel à valeur constitutionnelle est loin de correspondre à la réalité de leur vie.

C’est pour cela que ce Gouvernement et cette majorité ont engagé depuis près de dix-huit mois nombre de réformes afin de développer une offre de logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire, c’est-à-dire construire, là où sont les besoins, des logements abordables et adaptés à l’ensemble des ménages.

Puis, je l’ai déjà dit dans cet hémicycle, notre pays se complaît depuis trop longtemps dans l’oxymore d’une crise qui dure dans le domaine du logement alors qu’une crise, par nature, ne devrait pas durer. C’est aujourd’hui un défaut structurel qui pèse sur la compétitivité de notre pays.

Quantité de familles sont obligées de partir des centres-villes du fait de la rareté d’une offre socialement accessible. La ghettoïsation de notre pays par le haut dans certains quartiers aisés qui se replient sur eux-mêmes handicape notre équilibre social, démographique et économique. La seule loi de l’offre et de la demande entraîne certaines déviances, condamnées par les grandes organisations de professionnels de l’immobilier. Enfin, et c’est sans doute le principal, pour beaucoup, nos concitoyens engagent une partie très importante, trop importante et bien supérieure en proportion par rapport à d’autres pays européens, de leurs revenus pour se loger.

En fait, il y a sans doute deux manières d’aborder ce sujet : la première est de penser que les intérêts des différents acteurs s’opposent, ceux des locataires et des propriétaires, par exemple, ou encore ceux des copropriétaires et des syndics, voire ceux des acheteurs, des vendeurs et des professionnels de l’immobilier. Il reviendrait dans ce schéma de pensée à chacun dans cette assemblée de choisir son camp et de le défendre au mieux.

Mon sentiment n’est pas celui-là et c’est pour cela que je défends ce projet de loi qui recherche un nouvel équilibre entre les acteurs, un nouvel équilibre profitable à tous ceux qui se refusent de profiter indûment de la crise du logement.

Les titres I et II de ce texte – dont j’ai la responsabilité – revisitent en profondeur trois lois importantes de notre législation : la loi Mermaz-Malandain de juillet 1989 sur les rapports locatifs, qui reprenait d’ailleurs nombre de dispositifs engagés par Roger Quilliot en 1982 ; la loi sur la copropriété du 10 juillet 1965 qui fixe les rapports entre copropriétaires et syndics ; enfin, la loi de janvier 1970, dite « loi Hoguet », régissant l’exercice des professionnels de l’immobilier.

Trois caractéristiques se dégagent de la démarche engagée par ce projet : la protection et la prévention, la médiation et la réparation, la responsabilisation et l’innovation.

La protection et la prévention, c’est l’encadrement et la transparence sur le montant des loyers, la prévention des expulsions et l’efficacité dans le traitement des copropriétés dégradées.

Chacun le sait ici, la situation actuelle conduit parfois à des niveaux de loyers irrationnels au regard des caractéristiques des logements. Cet enrichissement sans cause de certains bailleurs doit être endigué, sans pour autant attaquer leurs droits les plus élémentaires, au premier rang desquels le droit constitutionnel de propriété.

L’objectif poursuivi est de faire reculer des loyers exagérément élevés sans justification valable.

Sur la base d’observatoires des loyers, le préfet déterminera un niveau de loyer médian de référence, ainsi qu’un loyer médian de référence majoré, dans la limite de 20 % au-dessus du loyer de référence. Le propriétaire devra justifier le montant du loyer qu’il demande par rapport à la réalité du marché.

S’agissant de la lutte contre les copropriétés dégradées, des dispositifs de protection et de prévention se sont largement inspirés des rapports du président de l’ANAH, Dominique Braye, et de mon collègue et ami Claude Dilain, sénateur.

La prévention des difficultés des copropriétés est engagée par des mesures simples et efficaces visant à améliorer l’information des futurs acquéreurs, telle que la création d’un registre d’immatriculation des copropriétés afin de mieux les connaître et mieux cibler les politiques publiques, en matière de rénovation thermique et énergétique tout particulièrement. Par ailleurs, l’instauration généralisée d’un compte séparé pour les sommes et valeurs reçues par le syndic au nom et pour le compte du syndicat de copropriétaires est engagée. Il s’agit d’une mesure importante et d’une véritable avancée, à mes yeux, en termes de transparence. Voilà pour la protection et la prévention.

La responsabilisation et l’innovation concernent principalement les professionnels. L’article 9 du projet de loi modernise plusieurs points de la loi Hoguet qui sert de cadre à la réglementation des professions immobilières. Il formule tout d’abord une exigence accrue de qualification pour l’exercice de toute profession immobilière en élargissant le champ des personnes soumises à réglementation. Il renforce ensuite la déontologie applicable à ces professionnels par la création d’instances dédiées, en particulier un conseil national de la transaction et de la gestion immobilières et des commissions de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières.

Enfin, la médiation et la réparation concernent à la fois les bailleurs, les locataires et les copropriétaires. Vous vous en doutez, mes chers collègues, je dirai un mot de la garantie universelle du logement dont on parle beaucoup ces derniers jours. Partons du constat. Sur ce sujet, il est le suivant : l’échec, au moins relatif, de la garantie des risques locatifs et l’inefficacité de la garantie des loyers impayés. À compter de 2016, une fois le projet de loi voté, une garantie universelle du logement, financée à parts égales par les locataires et les propriétaires, permettra d’assurer l’ensemble des bailleurs en cas d’impayés. Ne pas se réduire à un simple système assurantiel mais déployer en même temps des actions d’accompagnement social visant à prendre en charge le plus en amont possible les cas d’impayés, telle est la vraie nouveauté apportée par le dispositif.

Il mettra fin par ailleurs à une profonde inégalité qui sépare aujourd’hui deux candidats locataires dont les structurations de revenu sont identiques, celui qui dispose d’un parent, d’un ami ou d’une famille susceptible de se porter caution et celui qui n’en dispose pas. Ils se trouvent en effet en situation d’inégalité aussi marquée qu’inextricable, quels que soient leur niveau de revenu, leur âge ou leur implication professionnelle.

Le deuxième objectif du projet de loi sera évidemment de rassurer les propriétaires, en particulier les petits propriétaires, ceux qui ne passent pas par un professionnel de l’immobilier, louent de gré à gré et se trouvent aujourd’hui bien démunis en cas d’impayé de loyer. Bien sûr, l’article 8 sera l’occasion de discuter des modalités de mise en place d’un tel dispositif.

La lutte contre l’habitat indigne fait également l’objet d’un dispositif important formulé en termes de médiation et de réparation. Si des innovations intéressantes en la matière figurent dans le projet de loi, il existe selon moi des amendements susceptibles d’améliorer le dispositif. Mes collègues co-rapporteurs et moi-même en proposons un certain nombre. J’appelle en particulier le Gouvernement à envisager un certain retour à la centralisation des services d’hygiène et de santé afin de passer des conventions avec les villes réellement en difficulté. Prévention, réparation et médiation gouvernent aussi l’expulsion et l’hébergement. Mme la ministre en a beaucoup parlé à l’instant, aussi serai-je bref.

En consacrant juridiquement le rôle des services intégrés de l’accueil et de l’orientation, les SIAO, en fusionnant les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion avec les plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées, le projet de loi conforte des outils indispensables à la prise en compte intégrée des questions d’hébergement et d’habitat.

Par ailleurs, les efforts de mise en cohérence apparaissent également dans l’extension des compétences des comités régionaux de l’habitat aux questions d’hébergement ainsi que dans une plus grande articulation des fonds de solidarité pour le logement avec les différents dispositifs instaurés par le projet de loi.

C’est en qualité de co-rapporteur au nom de la commission des affaires économiques que je tiens à rappeler le sérieux avec lequel nous avons examiné le texte : 90 auditions, trois jours entiers d’examen en commission, plus de 1 000 amendements étudiés dont une partie non négligeable votés, en particulier les nombreux amendements que mes collègues co-rapporteurs et moi-même avons proposés afin de préciser certains éléments indispensables ou d’enrichir le texte de dispositifs nouveaux.

J’en citerai deux auxquels je tiens particulièrement : le rétablissement d’un fonds de prévoyance pour les travaux de copropriété et l’élargissement des attributions du bureau central de tarification à l’assurance habitation.

Je tiens également à remercier très sincèrement pour la qualité des débats l’ensemble des députés, de la majorité comme de l’opposition, qui ont participé avec sérieux au travail de notre commission. J’espère bien entendu qu’il en sera de même ici. Enfin, je me félicite que le Gouvernement ait accédé à ma demande d’un examen en procédure normale. Je m’adresse ici plus spécifiquement à M. le ministre des relations avec le Parlement, cher Alain Vidalies : un examen normal du projet de loi, comportant donc deux lectures dans chaque assemblée, convient à un texte aussi dense tout en laissant la possibilité d’améliorer ou de préciser certains dispositifs. Répondre à l’ensemble des préoccupations abordées par le projet de loi n’est sans doute pas aisé, madame la ministre. Ainsi vos détracteurs sont-ils bien en peine de proposer d’autres chemins à prendre !

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