La dernière fois que nous avons eu le plaisir de vous voir sur ce banc, madame la ministre, vous présentiez le projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour accélérer les projets de construction.
Je vous avais alors apporté mon soutien, tant sur la méthode du recours aux ordonnances pour laquelle je plaidais déjà lors de la précédente législature que sur votre volonté de simplifier les normes et les procédures qui freinent les projets de construction.
Hélas, les textes se suivent et ne se ressemblent guère puisque vous revenez devant nous avec un ensemble législatif, et le mot est faible, de 108 articles et plus de 250 pages. Où est le « choc de simplification » ?
Lors de nos précédents échanges, j’avais attiré votre attention sur cette irrésistible propension de l’administration française à l’inflation normative, maladie technocratique qui nourrit la bureaucratie et s’épanouit au nom de ce que j’appellerais les « délires de la raison ».
Chacun sait combien, dans un pays centralisé comme le nôtre, il est extraordinairement compliqué de simplifier ! Plus précisément, dans le secteur du logement, les difficultés tiennent notamment à l’empiétement continu du champ législatif sur le domaine réglementaire. Je regrette ainsi qu’un nombre considérable de détails figure dans ce projet de loi sur autant de sujets qui devraient relever du décret ou de la circulaire.
Je ne saurais cependant vous jeter la pierre, madame la ministre, car si le texte est passé de 84 à 108 articles en commission, ce n’est évidemment pas du seul fait du Gouvernement. Quand je vois que nous nous apprêtons à discuter pas loin de 1 300 amendements, je reconnais volontiers que la créativité parlementaire n’est pas exempte de responsabilité en la matière.
Cette remarque liminaire pourra vous sembler purement formelle, mais elle ne l’est pas : l’empilement de normes – handicap, RT 2012, 2020, normes environnementales… – pèse de plus en plus lourd sur les délais et les coûts de construction. Ces douze dernières années, études à l’appui, si les coûts de construction ont augmenté de 50 %, les deux tiers de cette hausse sont imputables aux normes supplémentaires.
Il s’agit d’un véritable problème qu’il convient de poser à nouveau, car de sa résolution dépend certainement une partie de la réponse à la crise du logement. La crise du logement et de la construction est toujours bien présente malgré les chiffres de la période avril-juin qui avaient pu laisser entrevoir une éclaircie avec une augmentation de 9 % des mises en chantier.
Les derniers chiffres communiqués par le ministère le 27 août le confirment : si le nombre de mises en chantier enregistrées durant cette période progresse légèrement par rapport à la même période l’année précédente – plus 5,9 % –, il continue toutefois de dévisser lorsque l’on considère les douze derniers mois écoulés. Avec quelque 301 626 constructions de logements neufs entamées depuis août 2012, c’est une baisse - significative - de 13,4 % qu’il convient de souligner.
Il en va de même du volume de permis de construire recensés qui enregistre une nouvelle dégradation. Au cours des mois de mai, juin et juillet 2013, les permis déposés – 89 218 unités – accuseraient ainsi un repli de 22 % par rapport à la même période en 2012, en baisse de 11,8 % sur douze mois.
Avec une estimation proche de 330 000 logements construits en 2013 – 300 000 selon ce que l’on prend en compte –, nous restons très loin des 500 000 unités promises par le Président de la République. L’urgence reste la même pour ce secteur et pour l’emploi.
La crise ne date certes pas d’aujourd’hui et plusieurs facteurs expliquent le ralentissement de l’activité, mais certaines décisions que vous avez prises en ce début de quinquennat ont eu des effets dramatiques sur l’ensemble du secteur.
La principale, c’est évidemment l’augmentation du taux de TVA de 7 à 10 % au 1er janvier 2014, qui faisait suite, reconnaissons-le, à la hausse de deux points déjà intervenue en 2011.
La simple annonce de cette augmentation – un doublement en deux ans ! –a totalement déstabilisé le monde de la construction, qui affronte déjà difficilement la crise économique depuis cinq ans.
Au groupe UDI, nous n’avons cessé de vous demander de revenir sur cette mesure délétère pour les 4 millions de travailleurs du secteur du bâtiment et de la construction.
Vous avez consenti un premier effort sur le logement social, mais nous vous appelons à aller plus loin en abaissant à 5 % le taux de TVA pour les travaux de rénovation et d’efficacité énergétique, et à 10 % le taux de TVA sur le locatif intermédiaire et les logements conventionnés pendant deux ou trois ans.
Seul un soutien massif du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 serait de nature à apporter un peu d’air à court terme à ce secteur déterminant.
Vous le savez en effet, madame la ministre, la crise du logement porte atteinte au pouvoir d’achat des Français, à leur mobilité professionnelle, à l’épanouissement de leurs enfants, voire à leur santé. C’est aussi un levier majeur en termes de sécurisation et de lutte contre l’exclusion. Vous l’avez d’ailleurs dit : il s’agit là d’un véritable enjeu de société.
La réponse que vous y apportez à travers ce projet de loi ne nous semble pas adaptée à la virulence de la crise : ce sera la principale critique que nous porterons contre votre texte. Je peux à mon tour citer Sénèque, monsieur le rapporteur : « Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va ».