Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 1er octobre 2013 à 15h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous avons à nous prononcer prolonge la loi dite « de sécurisation de l’emploi », transcription législative de l’accord national interprofessionnel conclu entre le MEDEF et trois syndicats minoritaires. Nous savons aujourd’hui d’expérience – car le patronat s’en est immédiatement emparé – que cette loi facilite les suppressions d’emplois, les liquidations d’entreprises, et fragilise les salariés dans la défense de leurs droits – j’en ai donné plusieurs exemples au cours de nos débats. Elle a inséré dans le code du travail un nouvel article obligeant les entreprises rentables qui décident néanmoins de fermer des sites et de licencier à rechercher un repreneur. La présente proposition de loi définit le contenu juridique de cette disposition.

Ce texte est l’expression de l’impuissance publique et du renoncement politique dans lesquels la France est plongée. Il part en effet du postulat selon lequel il serait impossible de s’opposer à la fermeture d’un site rentable au prétexte que nous violerions alors le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, principes constitutionnels. Ce choix de la démission politique, qui vaut reconnaissance de la supériorité des intérêts privés sur l’intérêt général, est d’autant plus contestable qu’il signifie que l’État renoncerait désormais à toute nationalisation et même à toute participation publique, quand bien même l’intérêt national l’exigerait.

Cette soudaine et hypothétique jurisprudence constitutionnelle dissimule, en réalité, l’absence de volonté politique d’affronter les géants de l’économie et de la finance, les groupes licencieurs et les patrons voyous.

Le rapport sur cette proposition de loi en montre d’ailleurs l’impact limité, puisque le dispositif ne porterait que sur 15 % des plans de sauvegarde de l’emploi et sur 30 % seulement des salariés touchés par ces plans.

Quelle dérision, face aux 750 000 emplois industriels disparus en dix ans et au rythme de 1 000 emplois supprimés par jour ! Ce qui nous est proposé n’est pas de nature à stopper cette hécatombe. Tout est organisé, en effet, pour que les entreprises se dérobent aux timides obligations auxquelles elles sont censées être soumises.

Elles devront « rechercher » un repreneur, ce qui ne leur fait pas obligation de le trouver. Elles ne manqueront pas d’opposer un « avoir voulu, avoir pas pu ».

Le tribunal de commerce pourra être saisi en cas de conflit entre les employeurs et les salariés. Même s’il établit la mauvaise foi de l’entreprise dans la recherche du repreneur, il n’aura aucun moyen d’imposer une offre sérieuse et crédible qui aurait été injustement repoussée.

Quant aux sanctions, dont le montant pourrait être le double de celui d’un plan de sauvegarde de l’emploi, soit l’équivalent de vingt fois le SMIC par emploi supprimé, je rappelle que Continental, pour fermer son usine de Clairoix, a dépensé 50 millions d’euros, soit quarante SMIC par emploi supprimé. Les groupes paieront et parviendront à leurs fins.

Le second volet du texte a pour objet de contrer les prises de contrôle d’entreprises par des groupes prédateurs. Ces dispositions ne sont évidemment pas inutiles mais pas à la mesure de l’ampleur des ravages financiers et spéculatifs.

La lutte contre la financiarisation de l’économie afin que l’argent se reconnecte à l’économie réelle exige une tout autre volonté politique par laquelle l’intérêt général doit reprendre ses droits sur les intérêts privés. Tel était le sens de notre proposition de loi visant à interdire les licenciements sans motif économique que la majorité n’a pas votée.

Ce texte en est à mille lieues. Nous nous abstiendrons donc.

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