Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte avait été nommé « loi Florange », avant de recouvrer son intitulé initial : proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. « Loi Florange » car c’est à Florange que François Hollande avait pris l’engagement de créer les conditions pour dissuader les licenciements boursiers et donner la possibilité aux salariés de saisir la justice dans les cas où certaines décisions – plans sociaux ou fermetures de sites – pouvaient se révéler contraires à l’intérêt de la filière, voire de l’entreprise considérée.
Ce texte envoie deux signaux forts au monde économique dans son ensemble.
Premier signal : nous ne pouvons accepter l’idée que des pans entiers de l’industrie française, de l’économie française, qui ont souvent nécessité des décennies d’investissements tant matériels qu’humains, soient sacrifiés sur l’autel de la rentabilité financière immédiate. La liste serait longue des licenciements boursiers ou des fermetures de sites à visée exclusive de valorisation de titres, loin des intérêts stratégiques de l’entreprise elle-même ou de la branche industrielle dont elle relève.
Second signal : le choix de la majorité de notre assemblée est d’encourager les investissements de long terme dans l’économie, ceux dont nos entreprises ont besoin car ils leur donnent de la visibilité, leur permettent de financer les investissements d’avenir dont elles ont besoin et qui sont créateurs d’emplois.
À ceux qui ne sont intéressés que par des allers-retours lucratifs dans le capital de nos entreprises, à ceux que seule la quête du profit immédiat intéresse au détriment du projet de l’entreprise elle-même, le texte dit clairement qu’ils ne sont pas les bienvenus, que leur stratégie, pour respectable qu’elle soit, ne nous intéresse pas car elle n’encourage ni le développement de l’économie réelle, ni l’investissement, ni la création d’emplois.
Ces deux signaux, ce texte les traduits par différentes mesures. Il dispose en premier lieu que le dirigeant d’une entreprise de plus de 1 000 salariés qui désire fermer un site doit en informer le comité d’entreprise et rechercher activement un repreneur. Si le comité d’entreprise estime que les moyens mis en place ne sont pas suffisants ou si l’entreprise ne joue pas le jeu, il pourra saisir le tribunal de commerce qui devra vérifier si l’effort de recherche a été réel et déterminer si l’employeur a écarté des offres de reprise crédibles qui lui permettraient d’éliminer par avance un concurrent potentiel. Si tel n’est pas le cas, le juge de commerce pourra alors condamner l’entreprise à une pénalité d’un montant maximum de vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. Ces sommes alimenteront un fonds de revitalisation des territoires et des filières concernées.
Le second volet du texte a pour objet de favoriser la stabilité de l’actionnariat dans les entreprises, en reprenant plusieurs dispositions du rapport Gallois : confirmation du seuil de 30 % d’actions détenues entraînant automatiquement le lancement d’une OPA, afin d’éviter les prises de contrôle rampantes par des groupes qui ne veulent pas assumer les conséquences de leur influence sur le management ; généralisation du droit de vote double aux actionnaires détenant des parts d’une société depuis plus de deux ans, afin de favoriser les actionnaires s’inscrivant dans une logique de long terme, donc dans la stratégie industrielle de l’entreprise ; renforcement du rôle des comités d’entreprise en cas d’OPA hostile, afin que les salariés ne soient pas tenus à l’écart en cas de mouvement dans le capital de leur entreprise.
Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, ce texte a fait l’objet d’un travail sérieux et approfondi : un avis a été demandé au Conseil d’État, et pas moins de soixante-dix auditions ont été conduites par le rapporteur, d’interlocuteurs variés et connaisseurs des sujets.
Ce texte n’a pas vocation à faire peur à ceux qui investissent sérieusement et que l’État veut soutenir, car leurs efforts sont vertueux et leurs gains justement proportionnés à leurs résultats, mais il a vocation à tenir éloignés ceux que seuls la spéculation intéresse, les mêmes qui ont conduit la planète vers le désastre que l’on sait.
Le groupe SRC votera avec fierté ce texte, car il exprime sa vision de l’économie, vision partagée par la très grande majorité des chefs d’entreprise comme des salariés, respectueux des l’outil industriel qu’ils ont développé comme de l’outil de travail qu’ils entretiennent et font prospérer.