Intervention de Thierry Benoit

Séance en hémicycle du 1er octobre 2013 à 15h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

ce symbole ne doit pas occulter les nombreuses fermetures d’usine auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires. Le désespoir et la colère qui en résultent doivent nous amener à adopter les outils législatifs les plus adaptés pour concilier la préservation de l’emploi et le dynamisme industriel de notre pays.

Dans ce domaine, force est de constater que nous avons collectivement échoué, puisque la désindustrialisation de notre pays est une réalité objective, avec 3 millions d’emplois détruits dans le secteur depuis 1980.

Pourtant, cette désindustrialisation n’est pas une fatalité. Personne ici ne peut se résoudre à une France sans usines et sans ouvriers, à un pays privé de la diversité des savoir-faire industriels qui a fait hier sa force et qui la fera encore demain.

Ce qui nous oppose aujourd’hui ne porte donc pas sur l’objectif, mais sur les moyens de relancer l’activité industrielle dans notre pays. Or, à l’évidence, ce texte ne permettra pas d’inverser la courbe de l’emploi dans nos usines, tant ce qu’il en reste est essentiellement symbolique, comme n’ont d’ailleurs cessé de le répéter ses auteurs.

Au-delà de l’affichage, ce texte pose plusieurs difficultés. La procédure retenue n’est pas le fruit du hasard. En recourant à une proposition de loi, vous vous exonérez de deux exigences majeures aux yeux du groupe UDI.

La première, c’est la production d’une étude d’impact permettant au législateur d’avoir une vision des conséquences de votre texte en termes de sauvegarde de l’emploi et de pérennisation des sites industriels. Or, à aucun moment, le Gouvernement n’a été en mesure de nous fournir des éléments sur ces points.

La seconde exigence pour nous, c’est l’obligation de consulter les partenaires sociaux sur tous les projets de loi traitant des relations du travail. Face à un gouvernement qui envisageait d’inscrire le dialogue social dans le marbre constitutionnel, nous avouons notre perplexité, d’autant plus que nous avons déjà légiféré sur le sujet dans le cadre du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, devenu loi de la République le 14 juin dernier.

Sur le fond, votre dispositif consiste à alourdir considérablement les contraintes pesant sur les entreprises qui envisagent de fermer un établissement et à fixer des pénalités exorbitantes en cas de refus par l’employeur d’une offre sérieuse de reprise.

S’il est légitime de concentrer nos efforts pour sauvegarder l’emploi dans nos entreprises, votre dispositif nous semble particulièrement fragile sur le plan juridique, comme l’a montré le Conseil d’État qui vous a obligé à revoir complètement votre copie, à tel point que vous avez supprimé l’un de ses principaux articles.

Une telle impréparation, s’agissant d’un texte annoncé depuis plus d’un an et demi, nous laisse à penser que, s’il doit créer des emplois, ce sera davantage dans les tribunaux et les cabinets d’avocats que dans nos usines. Je pense en particulier à la notion d’offre sérieuse, qui deviendra un véritable nid à contentieux ; je pense aussi aux sanctions disproportionnées prévues dans le texte, même si vous avez bien voulu accepter notre amendement permettant d’en plafonner précisément le montant.

Ensuite, ces nouvelles contraintes pourraient avoir des conséquences contre-productives car la lourdeur de l’ensemble des procédures risquent de dissuader d’éventuels repreneurs.

Enfin, elles seront dangereuses sur le plan macroéconomique par leurs effets dissuasifs sur le volume des investissements tant nationaux qu’étrangers.

Cette loi d’affichage est donc une fausse réponse à un vrai problème. L’ambition de son intitulé est d’ailleurs inversement proportionnelle à l’efficacité du dispositif.

Si le Gouvernement veut véritablement redonner des perspectives à notre industrie, qu’il suive donc le plan d’action proposé par le groupe UDI : baissez massivement le coût du travail à travers un transfert des charges de la production vers la consommation ; penchez-vous sur la question des normes qui entravent le développement de nos entreprises et compromettent leur compétitivité ; ouvrez une discussion sur le temps de travail à travers un véritable dialogue social à l’allemande ; enfin, recherchez l’harmonisation européenne dans le droit du travail – il n’est plus possible que notre pays se distingue systématiquement par l’ultra-rigidité de sa législation sociale.

Si vous ne prenez pas à bras-le-corps ces sujets majeurs, vous ne parviendrez pas à redonner le souffle de la compétitivité à une industrie qui se débat chaque jour pour gagner des parts de marché dans une compétition internationale de plus en plus rude.

Nous aurions pu vous suivre dans la recherche de solutions pour accompagner les grandes mutations industrielles, pour mettre en oeuvre les outils nécessaires à la revitalisation et à la reconversion de l’outil industriel dans le cadre des licenciements collectifs pour motif économique afin de privilégier la viabilité des sites concernés, ou encore pour renouer avec une véritable stratégie de valorisation des filières. Mais vous préférez l’affichage au pragmatisme, le symbole à l’efficacité économique. Aussi, le groupe UDI votera contre ce texte destiné à sauver un site déjà condamné par l’inaction du Gouvernement.

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