Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 21 octobre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Après l'article 23

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

Je remercie le rapporteur général pour cet amendement et pour les questions qu’il pose. Je voudrais répondre essentiellement à deux questions. Sur le fond, est-il opportun de mettre en place cette disposition concernant les transactions dites intra-day ? J’en profiterai pour faire le point sur l’état des discussions au sein de l’Union européenne concernant la taxe sur les transactions financières.

En ce qui concerne les transactions intra-day, vous le savez, monsieur le rapporteur général, nous avons eu l’occasion de nous en entretenir, elles représentent 40 % des transactions sur les titres des entreprises françaises sur la place de Paris. Cela inclut des transactions spéculatives – trading à haute fréquence – et des transactions utiles dites d’animation du marché. Le rendement unitaire de ces transactions étant très réduit, si elles ne bénéficiaient plus de l’exonération, elles disparaîtraient à peu près totalement et la liquidité de la place financière serait amputée de 40 % de son volume, ce qui est extrêmement préoccupant car nous sommes soucieux des intérêts de cette place, qui conditionne l’activité économique ainsi qu’un très grand nombre d’emplois sur la place financière de Paris.

Par ailleurs, l’avenir de l’entreprise Euronext serait compromis et l’accès des entreprises françaises aux capitaux serait rendu plus difficile et plus onéreux ; le financement des entreprises émettant des titres sur la place de Paris s’en trouverait entravé. En outre, la directive relative aux marchés d’instruments financiers prévoit que les autorités de régulation d’un titre sont celles du pays où les transactions sur ce titre sont les plus volumineuses. La contraction du volume sur la place de Paris risquerait donc de transférer, presque mécaniquement, pour certaines entreprises françaises, le pouvoir de régulation entre les mains d’autorités étrangères, ce que nous ne souhaitons pas. D’une manière générale, le déplacement des transactions depuis Paris vers d’autres capitales européennes serait de nature à réduire très sensiblement notre capacité de régulation, ce qui n’est pas non plus conforme à ce que nous souhaitons.

Enfin, dans la mesure où les transactions intra-day donnent lieu à livraison de titres, l’administration fiscale ne disposerait d’aucun moyen de contrôle et de recoupement pour identifier et taxer les transactions effectuées sur des places étrangères.

Adopter cet amendement est selon nous délicat, surtout unilatéralement, sans attendre les développements communautaires en vue de la mise en place d’une TTF en coopération renforcée.

Pour toutes ces raisons, qui tiennent à l’importance de ces transactions sur la place financière de Paris, aux effets collatéraux en termes de capacité de régulation, aux conséquences que cela pourrait avoir en termes de transfert, aux possibles conséquences sur nos entreprises dans l’accès aux liquidités, aux perturbations que cela pourrait occasionner sur les négociations en cours en vue de l’aboutissement d’une coopération renforcée, je vous demanderais, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer cet amendement.

J’en profite pour vous donner des indications sur l’état d’avancement de nos négociations au sein de l’Union européenne au sujet de la taxe sur les transactions financières. Si nous voulons, dans un contexte extraordinairement délicat au plan européen, car les intérêts ne sont pas nécessairement convergents, faire aboutir la taxe sur les transactions financières, pour laquelle nous avons été à l’avant-garde, il est indispensable de ne pas perturber par des initiatives unilatérales le bon déroulement des négociations.

Nous avons un désaccord avec quelques-uns de nos partenaires, certains – c’est notre cas – considérant que la taxation doit intervenir selon le principe d’émission, d’autres selon le principe de résidence. Si nous ne parvenions pas à aboutir sur ce point, cela pourrait contribuer à l’affaiblissement de la place de Paris. Par ailleurs, des discussions techniques se poursuivent sur l’assiette de la taxe. Il faut notamment éviter que l’inclusion des obligations et dérivés d’obligation ne conduise à un renchérissement du coût de la dette pour les pays les plus endettés, ce qui serait paradoxal au moment où nous essayons, avec le concours de la Banque centrale européenne, de favoriser la diminution des taux et la sortie de la crise.

Bref, s’agissant de la TTF, premièrement, nous sommes à l’avant-garde et désireux d’aboutir. Deuxièmement, il n’y a aucune raison pour que la France soit le seul pays qui soit prêt à aboutir sans se préoccuper de ses propres intérêts, d’où notre position très ferme sur le principe d’émission. Troisièmement, nous voulons que ce soit sur la base d’une assiette qui ne pénalise pas les pays les plus vulnérables, tout en souhaitant la mise en place de cette taxe dans le cadre d’une coopération renforcée. Quatrièmement, nous ne partageons pas le point de vue du Conseil européen et l’analyse juridique qu’il développe sur la non-eurocompatibilité de la taxe. Cinquièmement, je veux vous dire la détermination de la France, qui a porté cette taxe sur les fonts baptismaux avec l’Allemagne, de la voir aboutir dans le cadre d’une coopération étroite avec notre voisin, – c’est là un résultat que la configuration politique issue des dernières élections devrait permettre d’accélérer.

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