Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

Mesdames les ministres, mesdames et messieurs les députés, madame la présidente, je voudrais tout d’abord, avec Marisol Touraine, Michèle Delaunay, Dominique Bertinotti et Marie-Arlette Carlotti, vous dire le plaisir que j’ai de pouvoir participer à ce débat qui constitue un moment fort de l’agenda parlementaire puisqu’il nous conduit à examiner tous ensemble le budget des comptes sociaux.

J’ai plaisir à le faire aux côtés de Marisol Touraine, avec laquelle nous avons préparé ce texte – avec le concours de nos cabinets et de nos administrations.

J’ai plaisir à le faire, également, en présence de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, que je salue, et du rapporteur Gérard Bapt dont je sais à quel point il a contribué à la préparation de ce projet et de ces débats.

Marisol Touraine, dans son intervention, a balayé la plupart des sujets qui seront portés à l’ordre du jour de nos échanges. Je voudrais par conséquent aller à l’essentiel sur quelques sujets budgétaires, en tentant d’être bref.

À l’instar de la ministre de la santé, j’insiste sur la nécessité d’inscrire notre débat dans une perspective à long terme. Si nous présentons avec rigueur des comptes que nous voulons rétablir, c’est parce que nous avons bien conscience que tout ce que nous faisons aujourd’hui pour diminuer les déficits de nos comptes sociaux et pour améliorer la situation des principales branches du régime général est destiné à assurer la pérennité de notre système de protection sociale.

À l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, il y a de cela quelques jours, nous avons insisté, dans nos débats, sur la nécessité de préserver le patrimoine de ceux qui n’en ont pas – je veux parler des services publics et de la protection sociale. La possibilité de préserver durablement le modèle social français, d’assurer un haut niveau de solidarité dans notre pays – les Français y tiennent – et d’assurer la performance et la montée en gamme de nos services publics sociaux dépend de notre capacité à chasser la mauvaise dépense publique au profit de la bonne ; de cette manière, nous n’aurons pas à trop solliciter les prélèvements obligatoires pour assurer l’équilibre de nos comptes et pour moderniser notre protection sociale.

Il faut que nos enfants soient assurés de bénéficier du meilleur niveau de solidarité et de protection sociale : pour cela, il faut impérativement que nous rétablissions les comptes publics, que nous avons trouvés dans une situation très dégradée. Si nous ne faisons pas aujourd’hui un effort pour assurer la pérennité du modèle social français, c’est à ce même modèle que nous porterons atteinte ; à ce modèle auquel nous tenons et pour lequel nous nous sommes battus, et que nous ne pourrons plus garantir à nos enfants.

Notre stratégie, pour y parvenir, est celle du rétablissement de nos comptes. Comme Marisol Touraine, je rappellerai quelques chiffres, relatifs à la fois à nos comptes publics et à nos comptes sociaux.

S’agissant d’abord des comptes publics, le Gouvernement a fait, depuis dix-huit mois, des efforts considérables pour engager notre pays dans une séquence continue et résolue de diminution des déficits publics. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le déficit nominal était de 5,3 % ; à la fin de l’année 2012, grâce nos mesures de redressement – mesures de gel, mais aussi d’ordre fiscal, il faut bien le reconnaître – il est descendu à 4,8 % et devrait être de 4,1 % à la fin de l’année 2013 ; quant au déficit présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, il est fixé à 3,6 %. Pour réaliser cette séquence continue de diminution des déficits nominaux, nous avons maintenu un haut niveau d’effort structurel : il était de 1,3 % en 2012 et devrait passer à 1,7 % en 2013, puis à 1 % en 2014. Nous respectons donc parfaitement les engagements que nous avons pris devant les institutions de l’Union européenne. C’est vous dire à quel point, concernant les déficits publics dans leur ensemble, nous tenons à atteindre nos objectifs et nous nous donnons les moyens de le faire !

S’agissant maintenant des comptes sociaux, lorsque nous sommes arrivés en 2012, le niveau de déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse était de 20,8 milliards d’euros. Il avait atteint – je le rappelle à Bernard Accoyer – un niveau supérieur à 28 milliards en 2010, alors que la croissance n’était pas atone à ce moment-là, puisqu’elle était de 1,5 %. Le déficit s’était creusé de 4,5 milliards et nous avons voulu, parce que nous considérions que ces déficits avaient atteint un niveau trop important, les engager, eux aussi, dans une trajectoire de réduction. Ils sont ainsi passés de 20,8 milliards en 2011 à 17,5 milliards à la fin de 2012, descendront à 16,2 milliards à la fin de 2013 et devraient se situer autour de 12,8 milliards en 2014. Cela veut dire qu’entre le déficit que nous avons trouvé lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités et celui que nous devrions constater au terme de l’année prochaine si nous atteignons les objectifs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y aura eu une baisse de 8 milliards d’euros.

L’effort que nous faisons pour réduire le déficit des comptes sociaux représente près de 60 % de l’effort global de réduction des déficits en 2014. Pour mesurer l’importance de cet effort, il suffit de se reporter aux prévisions de la Cour des comptes. Pour le régime vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, celle-ci prévoyait, entre 2011 et 2018, un niveau de déficit de l’ordre de 70 milliards d’euros ; or, compte tenu des efforts déjà réalisés, ce déficit devrait en réalité être de l’ordre de 37 milliards au cours de la même période. Pour la famille et la maladie, la Cour prévoyait un déficit de 72 milliards et nous devrions nous situer autour de 45 milliards. C’est dire si nous sommes engagés dans une trajectoire résolue ! Si celle-ci devait aller à son terme – et c’est pour cela que nous nous mobilisons – elle devrait nous permettre de diviser par quatre le niveau des déficits des comptes sociaux entre 2012 et 2017.

Je ne comprends pas sur quels éléments statistiques, ni sur quelles sources, s’appuient les commentateurs qui prétendent que la politique que nous menons contribuerait à l’aggravation du déficit des comptes sociaux. Comme la ministre de la santé et moi-même venons de le rappeler, nous sommes résolument inscrits dans une trajectoire de diminution des déficits, qui correspond exactement aux chiffres que je viens de vous indiquer.

Le deuxième point sur lequel je voulais insister, c’est le fait que cette stratégie pour 2014, qui est appelée à se poursuivre, s’inscrit dans une volonté absolue de réaliser des économies significatives, que nous entendons réaliser au titre de la branche maladie. Alors qu’au cours des dix dernières années, pendant les deux quinquennats de la droite, les dépenses d’assurance maladie ont connu une hausse de l’ordre de 4 %, nous affichons pour 2014 un objectif de 2,4 % d’augmentation de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, ce qui devrait permettre de réaliser 2,5 milliards d’euros d’économies.

Si l’on intègre à cela les 500 millions de sous-exécution des dépenses maladie pour 2013, qui font suite à près de 900 millions d’exécution sous norme, c’est-à-dire sous l’objectif que vous vous étiez fixé au cours de la précédente législature pour 2012, le niveau global d’économies attendu au titre de la branche maladie pour 2014 est de l’ordre de 3 milliards d’euros, ce qui est très significatif. Si l’on ajoute encore les économies résultant des différés d’indexation des pensions, qui représenteront environ 800 millions en 2014, et les 500 millions d’économies réalisées au titre des conventions de gestion, on arrive à un total de l’ordre de 4,5 milliards d’euros d’économies, ce qui n’est absolument pas négligeable, au regard des résultats obtenus au cours des années précédentes.

L’opposition serait fondée à me dire que je ne parle que des économies, et non des prélèvements, qui ont pourtant leur place dans le dispositif que nous vous présentons. Puisqu’il est important de toujours tout dire lorsqu’on présente un dispositif, je veux évoquer les prélèvements et exposer les raisons pour lesquelles nous avons été amenés à les mobiliser.

Oui, il y a bien une mesure touchant le quotient familial, qui permet de dégager un rendement de l’ordre d’un milliard d’euros, intégralement affecté à la branche famille, et qui sera d’abord destiné à accompagner le rétablissement des comptes de cette branche, dont le déficit, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, s’élevait à 2,5 milliards d’euros. Nous n’aurions pas eu à prendre ces dispositions si nous n’avions pas eu à faire face à un tel niveau de déficits.

Nous ne nous contentons pas de ce dispositif fiscal pour rétablir les comptes ; nous faisons aussi des économies : 200 millions en 2014, qui doivent monter en puissance pour atteindre 800 millions d’ici 2016 ou 2017. Cette somme contribuera, elle aussi, au rétablissement des comptes de la branche famille. Mais nous voulons également, au titre de la politique familiale, financer des dépenses qui répondent à une ambition de solidarité et de modernisation du service public de la famille, qu’il s’agisse des 270 000 places d’accueil offertes par la politique que nous mettons en oeuvre, ou de l’augmentation d’un certain nombre d’allocations, décidée dans le cadre du plan de lutte contre la grande pauvreté – je pense à l’augmentation de l’allocation de soutien familial et du complément familial.

Oui, il y a bien une augmentation des cotisations de retraite, destinée, dans le cadre de la réforme des retraites, à rétablir l’équilibre des comptes ; cette réforme structurelle est extrêmement ambitieuse, puisqu’elle prend en compte un certain nombre de problèmes qui n’avaient pas été traités lors des précédentes réformes – je pense notamment à la question de la pénibilité.

Il y a bien, au titre de la fiscalisation de la contribution des entreprises aux complémentaires santé dans le cadre de contrats collectifs, une recette de l’ordre d’un milliard d’euros, destinée à accompagner la généralisation de ces complémentaires dans le cadre de la généralisation des contrats responsables, d’où la mesure proposée par votre rapporteur, consistant à alourdir la fiscalité pesant sur les autres contrats, de manière à augmenter le différentiel entre les contrats responsables et ceux qui ne le sont pas. Il faut également rappeler que, dans le cadre de cette politique, nous avons été amenés à augmenter le plafond de la couverture maladie universelle et de l’aide à la complémentaire santé, qui permet à 750 000 Français de plus d’avoir accès à cette couverture.

Enfin, je veux dire un mot des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui concernent les dispositifs relatifs à la taxation de certains produits d’épargne. Vous savez que certains produits d’épargne étaient taxés à partir de la reconstitution, année après année, des taux historiques. Ce dispositif était illisible et injuste. Il était illisible, parce qu’on procédait à la reconstitution des taux historiques pour tous les placements qui avaient été réalisés préalablement à la date du 27 avril 1997 et que l’on appliquait le taux de 15,5 % aux placements effectués après cette date. Sur le même type de placement pouvait donc s’appliquer, selon les périodes considérées, le taux de droit commun fixé à 15,5 % ou la reconstitution des taux historiques.

Surtout, il existait un dispositif qui, pour des produits finalement assez similaires, n’appliquait pas le même mode de taxation. Une personne disposant d’une action en propre se la voyait taxer au titre des prélèvements sociaux à 15,5 % lorsque des plus-values étaient constatées, alors que, dans le cadre de plans d’épargne en action, elle pouvait se voir appliquer la reconstitution des taux historiques. Nous avons donc pris une mesure de clarification, qui est aussi une mesure de simplification, de justice et de lisibilité. Ce n’est pas une mesure rétroactive, puisqu’elle ne s’appliquera que pour la sortie des contrats, après que le nouveau dispositif aura été voté ; prétendre que cette mesure est rétroactive n’a pas de sens en droit. Cette mesure permettra, bien entendu, d’avoir un rendement.

Je voudrais, pour finir, dire quelques mots sur la politique des personnes âgées et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. Comme Mme Touraine vient de l’indiquer à l’instant, le Premier ministre a annoncé un plan très ambitieux…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion