Madame la présidente, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen annuel d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été institué dans le but de permettre à la représentation nationale de mesurer, derrière chacune des mesures ponctuelles et techniques, une cohérence d’ensemble destinée à pérenniser notre Sécurité sociale.
Cette cohérence, nous la trouvons désormais dans le projet de loi de financement : il s’agit du redressement dans la justice.
Redresser les comptes de la branche famille, c’est d’abord lui apporter de nouvelles ressources ; c’est ensuite réformer notre politique familiale en répondant aux besoins des familles, et montrer ainsi que la réforme n’est pas synonyme de régression.
Le projet soumis à notre examen remplit pleinement ces deux objectifs. Ce PLFSS poursuit les efforts engagés dès 2012 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour pérenniser le financement de la branche famille. Un fait simple, irréfutable, permet de mesurer le changement : pour la première fois depuis 2007, les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales seront significativement améliorés l’an prochain.
La politique familiale contribue aux mesures d’économies à hauteur de 200 millions d’euros en 2014 et de 760 millions d’euros en 2017, au terme de la montée en charge des mesures présentées ici. Parallèlement, la branche va recevoir des recettes supplémentaires d’un montant de plus d’un milliard d’euros. L’apport de nouvelles recettes provient, au premier chef, de l’affectation du produit de la baisse du plafond de l’avantage tiré du quotient familial.
Les mesures d’économie sont dictées par le souci de la justice : elles recentrent vers les familles modestes des prestations sous conditions de ressources conçues précisément pour leur bénéficier. Les mesures de recettes évitent les facilités de l’austérité aveugle, qui seraient au demeurant contre-productives : ce projet de loi de financement demande des efforts raisonnables à des familles qui continueront par ailleurs à bénéficier d’avantages importants.
Contrairement à ce que prétendent ceux qui agitent un chiffon rouge, ce ne sont pas les classes moyennes qui sont concernées par la baisse du quotient familial. L’abaissement du plafond de 2 000 euros à 1 500 euros par demi-part supplémentaire n’entraîne de perte de l’avantage fiscal qu’à partir de 5 850 euros mensuels pour un foyer avec deux enfants.
Par ailleurs, le projet de loi de financement redonne, en matière de politique familiale, tout son sens au mot de « réforme », qui doit être compris comme l’adaptation patiente et graduelle de notre modèle aux mutations que vit notre société.
La démarche du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sous la présidence de François Hollande est radicalement différente de celle des gouvernements précédents : oui, le modèle français est réformable. Il doit même être réformé pour faire face aux défis financiers, sociaux et économiques et, ainsi, préserver ses valeurs et son idéal de solidarité. Il n’y a pas de contradiction entre les réformes et ce que sont les Français. Le « nouveau modèle français » défendu par le Premier ministre ne fait donc pas table rase de notre histoire ; il retient les objectifs qui ont fondé notre pacte républicain et, surtout, il fait confiance aux talents et à l’intelligence des Français pour les actualiser.
Je prendrai pour exemple la qualité des contributions des familles elles-mêmes à l’amélioration de notre politique familiale lors de la concertation intitulée « Au tour des parents », engagée par la ministre déléguée à la famille dès sa prise de fonctions.
La politique familiale française a été inventée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un pays en ruines, mais confiant dans son avenir puisqu’il allait connaître le baby-boom. Cependant, à cette époque, la politique familiale était particulièrement matérialiste puisqu’elle se résumait à la distribution de ressources financières. En outre, on osait rarement contester la forme familiale traditionnelle, les hommes et les femmes étant assignés à des rôles sociaux bien définis : le travail pour les premiers, le foyer pour les secondes.
La réussite démographique de la France est, certes, le résultat de la grande continuité de sa politique familiale, mais elle ne s’explique pas par les seules « alloc ». En effet, les études récentes montrent que la démographie la plus dynamique est d’abord observée dans les pays qui ont mis en oeuvre une politique de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les mères. Il existe même une corrélation entre le niveau d’emploi des femmes et le nombre de naissances. À cet égard, c’est le modèle français qui fait école plutôt que le modèle allemand.
Cet héritage de la politique familiale nous engage à toujours mieux connaître les réalités des familles d’aujourd’hui, si diverses. Ainsi, des travaux sont en cours au Haut conseil de la famille sur les ruptures et les discontinuités de la vie familiale ; ils devront inspirer les prochaines réformes, notamment pour mieux aider les foyers monoparentaux.
Pour rénover notre politique familiale, nous disposons de plusieurs leviers, dont la convention d’objectifs et de gestion, ou COG, qui lie la CNAF à l’État. La nouvelle COG permettra de mener une politique d’action sociale ambitieuse. La hausse des crédits de 7,5 % par an pendant cinq ans représentera un surcroît d’investissement dans l’avenir des familles de deux milliards d’euros par an d’ici 2017. La COG permettra ainsi la mise en oeuvre d’un plan d’accueil de la petite enfance mieux ciblé sur les familles défavorisées et les territoires sous-dotés. La refondation de l’école conduite par le ministre de l’éducation nationale sera également fondamentale : le choix de renforcer la pré-scolarisation à la maternelle met un terme à la politique absurde conduite depuis dix ans, qui consistait à annuler les effets des créations de places en crèche par la fermeture de places pour enfants de moins de trois ans en école maternelle.