Je vous prie d'excuser Pierre-Franck Chevet, retenu par un conseil d'administration exceptionnel. Je m'associe à l'orateur précédent sur la nécessité pour le développement durable de répondre aux trois exigences économique, environnementale et sociale.
Une politique de l'énergie doit maîtriser la demande, améliorer l'efficacité énergétique, maîtriser les coûts et la dépendance aux énergies fossiles. Pour cela, il faut faire preuve d'innovation. Elle doit également mobiliser l'ensemble du potentiel renouvelable des territoires, insuffisamment exploité. Il existe une véritable opportunité outre-mer, où ces sources d'énergie sont souvent moins coûteuses que les productions classiques. La politique de l'énergie doit surtout veiller à maintenir l'équilibre entre offre et demande. Cette opération est plus délicate dans les zones non interconnectées (ZNI), en termes de réseaux et de production. Face à ces défis, il est impératif, avant de déployer des moyens, de procéder à de nombreuses expérimentations.
La maîtrise de la demande est un défi particulier outre-mer compte tenu de l'augmentation rapide de la consommation électrique due à la croissance démographique et à un heureux rattrapage du niveau de vie des populations. En Guyane par exemple, la consommation d'électricité a progressé de 15 % en cinq ans. Il convient de maîtriser cette hausse eu égard à la sécurité du système de distribution, au coût du dispositif et à la dépendance aux importations. L'approvisionnement électrique des ZNI, hors Corse, a coûté 1,35 milliard d'euros en 2011, dont 971 millions couverts par la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Loin de moi l'idée de contester l'exigence de solidarité envers l'outre-mer, mais il appartient à la collectivité de forger des outils innovants pour maîtriser la demande, développer les énergies renouvelables et engager des politiques publiques efficaces.
Nous réfléchissons à la façon dont la CSPE pourrait soutenir la production d'énergies renouvelables, dès lors que leur coût serait inférieur à celui des productions habituelles, pour couvrir les hausses de la demande. Les énergies renouvelables sont déjà moins coûteuses que le fuel ou charbon, encore faut-il choisir les plus efficaces, les mieux acceptées et les plus faciles à intégrer dans le système électrique.
On peut citer à cet égard la biomasse, qui du fait de son coût peu élevé, constitue un potentiel intéressant pour la Guyane ou encore Marie-Galante, qui exploite déjà la bagasse-charbon. La bagasse présente plusieurs avantages : sa production est stable et non intermittente, et elle utilise les déchets.
La géothermie est une autre forme d'énergie stable non intermittente. Elle est compétitive, pour la chaleur comme pour l'électricité, mais elle comporte un risque dû à la faible probabilité de réussite des forages. Pour y remédier, il suffirait de mutualiser ce risque, ce que prévoit la feuille de route issue de la Conférence environnementale.
Les énergies fatales ont toute leur place, mais un système non interconnecté ne peut absorber que 30 % de sources intermittente. Des dispositifs innovants permettront sans doute de faire évoluer ce chiffre.
L'énergie éolienne est compétitive. La filière avait commencé à se développer avant d'être évincée par le photovoltaïque. Elle a besoin, pour se relancer, d'un soutien financier. Il y a quelques années, nous avons lancé un appel d'offres pour des installations éoliennes équipées de dispositifs de stockage, ce qui nous a permis de mieux connaître les coûts de production d'énergie éolienne. Nous travaillons actuellement à rendre ces coûts plus fluides, plus ouverts, et mieux adaptés au développement d'une technologie mature. Nous devons parallèlement alléger les procédures administratives. Si la législation n'évolue pas, la rigueur de la loi littoral empêchera l'éolien de se développer outre-mer.
J'en viens à l'énergie photovoltaïque. Ce dossier douloureux résulte d'une politique de niche qui s'est emballée et qui, à de nombreux égards, n'était pas soutenable sur le plan économique. Cette source d'énergie très coûteuse, même en outre-mer, a évincé des énergies intéressantes comme l'éolien. Le photovoltaïque a eu également un impact environnemental car des centaines d'hectares ont été couverts de panneaux solaires. En outre, il présente un risque pour le système électrique du fait du faible taux d'absorption de l'énergie intermittente. Enfin, son impact social apparaît négatif car le développement de sources d'énergie très subventionnées n'est pas sain. Cet épisode démontre l'importance, outre-mer plus qu'en métropole, des schémas régionaux climat air énergie.
L'exigence collective de sécurité suppose d'investir dans les outils de production. Une campagne de renouvellement des centrales thermiques est engagée ; quant à l'équilibre entre offre et demande, plus fragile dans les ZNI, il exige d'expérimenter toutes les formes de stockage. Tel est l'objet des investissements d'avenir et de différents essais lancés par les opérateurs énergétiques. Demain, l'énergie sera-t-elle stockée de manière centralisée ou localisée, voire très localisée chez les particuliers ? Je suis incapable de dire quelle est la meilleure solution, sur le plan économique et environnemental comme en termes de sécurité.
J'insisterai, pour conclure, sur la nécessité de mener des expérimentations avant de déployer massivement une technologie au détriment des autres, et sur l'intérêt d'équilibrer les politiques de soutien de la demande et de renforcement de l'offre.