Je réponds à M. Jean-Yves Caullet pour lui indiquer que les outre-mer sont effectivement engagés, du point de vue énergétique, dans des coopérations interrégionales avec les États voisins. C'est le cas en Martinique, où nous avons l'opportunité de développer la géothermie en collaboration avec la Dominique au moyen d'une interconnexion, mais également pour des îlots inhabités dont les ressources pourront être exploitées en commun. L'appartenance à l'Union européenne peut cependant s'avérer une contrainte du point de vue des normes, notamment en ce qui concerne les véhicules automobiles : dans certains cas, des produits pétroliers sont disponibles des tarifs inférieurs, mais ils ne satisferaient pas aux exigences de ces normes.
En matière de décentralisation, des avancées institutionnelles pourraient s'avérer bénéfiques. Elles permettraient de s'affranchir d'une logique productiviste à long terme, et de remplacer des politiques déconcentrées par des politiques territorialisées d'aménagement du territoire, d'urbanisation, de rénovation et d'efficacité énergétique du bâtiment, de transports collectifs et de mobilité. Il existe cependant un défi, tant en métropole que dans les territoires ultramarins, qui est celui de la péréquation : il peut faire naître des situations où des territoires, qui ne paient pas, décident pour d'autres qui assument l'intégralité du financement.
Pourrons-nous atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement en matière énergétique ? Oui. Avant de songer à l'autonomie, il reste préférable de viser l'indépendance énergétique en assurant la sécurité de nos approvisionnements. Cela doit se faire de façon compétitive, sécurisée, et respectueuse de l'environnement comme du climat. Toutefois, gardons à l'esprit que la France n'accèdera probablement jamais à l'autonomie énergétique, tout simplement parce qu'elle manque de ressources naturelles. Nous aurons, de toute façon, durablement besoin de pétrole pour nos déplacements. Mais le recours aux énergies renouvelables pour couvrir la moitié de la consommation d'énergie dans les outre-mer à l'horizon 2020 ne me paraît pas hors de portée – les projections en attestent. Les objectifs assignés en matière de transports risquent, eux, de ne pas être respectés.
L'éolien outre-mer concerne essentiellement des installations à terre : en lisière des côtes, les fonds marins sont très profonds, et les pales installées en mer ne peuvent être fixées qu'à un maximum de 30 à 40 mètres de fonds. Les potentialités de l'éolien en mer posé resteront dont limitées. L'éolien flottant permettra de s'affranchir de l'obstacle, mais cette technologie demeure au stade du démonstrateur. Pour développer l'éolien terrestre, un appel d'offres a été lancé mais les projets butent sur l'évolution de la jurisprudence issue des lois montagne et littoral : cette dernière impose, par exemple, l'installation des parcs en continuité de l'urbanisation, ce qui s'avère impossible pour des raisons de sécurité. Des amendements devraient assouplir cette contrainte pour les outre-mer.
La bagasse figure à raison en bonne place dans le bouquet énergétique outre-mer. Cette technologie, qui s'appuie sur de bons projets, a bénéficié d'une relance il y a deux ans grâce à une hausse sensible de ses tarifs de rachat ; elle paraît adaptée au contexte ultramarin, comme l'a rappelé le président Jean-Paul Chanteguet. Nous avons trouvé un bon équilibre, qui vise à encourager les équipements énergétiques sans transformer les dispositifs électriques en subvention pour l'agriculture.
Pourquoi des appels d'offres ne sont-ils pas lancés dans la cogénération électrique ? Ces projets sont lourds, ils impactent fortement les filières d'approvisionnement dont nous voulons préserver la sécurité, et ils sont susceptibles de créer des conflits d'usage. Il faut donc, avant de lancer des consultations, agir de manière prudente et raisonnée – d'ailleurs en métropole comme outre-mer. Une polémique existe sur les quatre derniers appels d'offres qui ont été lancés sur le territoire national, car tous les projets ont été retenus. Or la maîtrise des approvisionnements revêt une importance capitale : j'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec M. François-Michel Lambert. Je rappelle qu'il subsiste un tarif d'achat en-deçà de 12 MW, réservé donc aux petites installations, et que seuls les projets d'une puissance supérieure nécessitent un appel d'offres. Mais l'existence d'un tarif ne conditionne pas l'activité, dès lors que le coût de production est inférieur au coût standard, c'est-à-dire au prix du fuel. Dans ce cas, des structures comme EDF-Système électrique insulaire (SEI) contractent avec les porteurs de projets, sur la base du coût complet, et les rendent éligibles à la compensation de la Commission de régulation de l'électricité (CRE). Pour les projets de biomasse – je pense en particulier à un dossier de Guyane, dans un environnement isolé – c'est bien dans ce cadre que l'on s'inscrit. Le dialogue entre les investisseurs et le régulateur vérifie que les coûts envisagés sont inférieurs au coût évité. Il n'est besoin ni de tarifs ni d'appel d'offres spécifiques.
Les forages en mer nécessitent un encadrement technique fort. La question des retombées, qui est un sujet fiscal et d'accompagnement économique, mérite réflexion : une mission a été confiée à Anne Duthilleul, qui avait travaillé il y a quelques années sur l'exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie. En outre, la réforme du code minier, actuellement en préparation, permettra de moderniser les aspects spécifiques aux outre-mer.