Je confirme que les enjeux ultramarins se situent à différentes échelles – locale, nationale, régionale, mondiale. En ce qui concerne les scientifiques, qui conçoivent toujours leurs actions dans le cadre de réseaux internationaux, c'est naturellement une vision large qui s'impose. Toutefois, les moyens à notre disposition limitent fortement nos travaux : quand on fait l'inventaire des mammifères marins dans les eaux sous juridictions françaises, observer seulement les eaux sous juridiction française n'a aucun sens. Aux Antilles, il aurait fallu embrasser toutes les Caraïbes pour produire une synthèse cohérente. Ce fut possible jadis dans l'océan Indien – Seychelles, Maurice, Comores, etc. – mais nous étions alors dans les premiers temps de l'Agence et le budget était à la hauteur des ambitions.
Au-delà des inventaires, il faut savoir valoriser l'information collectée. La démarche de l'Agence marie protection du patrimoine naturel et usage des ressources. Pour cela, les discussions avec les parties prenantes enrichissent les synthèses qui formulent des choix. Là aussi, il convient de se placer à l'échelle des mers régionales. Notre succès dans l'appel à projets BEST de la Commission européenne nous permettra, à l'échelle du Pacifique sud et en lien avec le Forum des îles du Pacifique, de pratiquer cette analyse stratégique. Nous aimerions pouvoir faire de même dans tous les espaces régionaux qui abritent un territoire français.
Les modèles économiques d'exploitation constituent un autre enjeu. Je prends l'exemple de Mayotte, où le parc naturel marin a reçu l'objectif de développer la petite pêche : c'est clairement un outil pour les pêcheurs mahorais contre les thoniers venus de métropole et d'Espagne.
L'organisation territoriale attribue déjà aux régions d'outre-mer des compétences marines qu'elles n'utilisent pas, car le matériel et les compétences scientifiques de pointe leur font défaut. L'Agence des aires marines protégées a joué un rôle important en dressant les premières cartes de la zone économique exclusive mentionnant les enjeux socio-économiques. Les informations dont nous disposons nous ont permis de le faire en Guyane ; c'est impossible en Martinique où nos connaissances se limitent aux secteurs côtiers. Les régions pourraient mieux employer leurs compétences dans un cadre qui englobe les trois aspects du développement durable : à Mayotte, le parc naturel s'est doublé d'un conseil de gestion de la zone économique exclusive qui se saisit aussi bien des récifs coralliens que de la pêche, du tourisme et de l'aquaculture. Le système de suivi des ressources halieutiques de l'Ifremer à Mayotte s'appuie ainsi grandement sur le parc naturel marin.
J'en termine avec les questions de ressources génétiques. Les difficultés rencontrées en mer sont identiques à celles qui se manifestent sur terre, mais elles se compliquent du silence de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer à propos de la biodiversité. Sans attendre la révision hypothétique de cette convention de Montego Bay, la loi française devrait permettre d'en interpréter les stipulations sur toutes les questions nouvelles.
Quant aux forages pétroliers en Guyane, il existe un enjeu national et des retombées locales importantes. L'étude d'impact et le suivi environnemental sont à la charge de la société opératrice ; l'Agence n'est pas en mesure de lui fournir un inventaire biologique sur le plateau continental, faute de moyens.