Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faire vivre dans notre société une égalité parfaite entre les hommes et les femmes, voilà qui passe aux yeux de tous comme une évidence. Pourtant, à l’heure où nous engageons ce débat, l’égalité entre hommes et femmes n’est encore qu’un idéal vers lequel on voudrait tendre. En soixante-dix ans, à savoir de l’ordonnance de 1944 accordant le droit de vote aux femmes aux dernières lois de 2011 et 2012 imposant des quotas, en passant par les lois de 1967 autorisant la contraception et de 1975 autorisant l’IVG grâce à une femme d’exception, Simone Veil, beaucoup de chemin a été parcouru.
Mais la marche vers l’égalité réelle est lente et les inégalités persistantes. Dans le champ de la vie professionnelle, dans le champ de la représentation dans la vie politique ou sociale, les inégalités sont partout. Nous ne le répéterons jamais assez, la première source d’inégalités entre les femmes et les hommes, la plus intolérable qui soit, ce sont les violences faites aux femmes. Une femme sur dix est concernée. Et que dire de la Nouvelle-Calédonie ! Avec des chiffres cinq à dix fois plus élevés qu’en France métropolitaine, elle détient de biens tristes records : une femme sur quatre y a subi au moins une agression physique ou sexuelle dans l’année écoulée.
Sur ce territoire qui est le mien, au-delà des comportements et de la responsabilité individuelle de chacun, ces chiffres révèlent un problème de société majeur aux conséquences sanitaires, éducatives, sociales, économiques et morales incalculables. Mes chers collègues, nous examinerons, dans les prochains jours, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Sachons saisir cette occasion pour nous doter de tous les moyens nécessaires afin de faire face à ce fléau.
Faisons en sorte que le dispositif facilitant la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, notamment le principe de l’éviction du conjoint violent du logement du couple, soit mieux appliqué, afin que ces femmes ne se trouvent pas doublement victimes des violences qu’elles ont subies. La lutte contre les violences faites aux femmes n’est pas un corollaire des politiques d’égalité, elle en est un préalable. Au-delà, il reste d’autres injustices contre lesquelles nous devons lutter.
Dans le domaine professionnel, un écart de rémunération de 27 % sépare encore les hommes et les femmes, à qualification et postes équivalents. Le travail des femmes reste trop rarement valorisé, notamment par des postes à responsabilités dans le secteur public comme dans le secteur privé : on compte seulement 15 % de femmes dans les instances dirigeantes des groupes du CAC 40 et 2 % de femmes PDG ; 60 % des effectifs dans la fonction publique sont des femmes, mais seulement 10 % d’entre elles sont des hauts fonctionnaires.
Il est urgent de garantir aux femmes un meilleur accès aux postes à responsabilités du secteur public et privé, de créer des mixités dans les entreprises comme dans le secteur non marchand et de leur ouvrir les nouveaux secteurs économiques, notamment ceux de la révolution écologique. Pour cela, nous devons fixer des contraintes, prévoir avec fermeté des incitations à l’égalité.
Enfin, nous sommes bien placés pour le savoir, les discriminations sont aussi politiques. Il aura fallu bien des années pour que l’accès des femmes à des responsabilités équivalentes à celles des hommes et l’idée même d’une gouvernance paritaire soient reconnus comme les conditions nécessaires à l’équilibre de notre démocratie. Aujourd’hui, avec 155 femmes sur 577 députés, l’Assemblée nationale a atteint un record historique. Mais si nous nous en tenons à ce rythme de progression, la parité au sein de cette assemblée ne sera effective que dans quinze ans. Il me semble bien l’avoir déjà dit, ici à cette tribune.
Si la marche vers une gouvernance paritaire est si longue, c’est aussi que l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas seulement affaire de législation, elle est également une question de mentalités et de comportements. Nous en avons eu l’illustration – Barbara Pompili l’a rappelé, voici quelques instants – dans cet hémicycle. Il n’y a rien qui autorise certains à se comporter comme s’ils étaient maîtres dans une basse-cour !