La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, l’heure est grave : la France gronde !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Oui, la France qui travaille est exaspérée par le matraquage fiscal que vous lui infligez.
Depuis juin 2012, il y aura eu plus de 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires : du jamais vu dans l’histoire de notre pays ! C’est dans ce contexte d’un ras-le-bol fiscal généralisé que s’inscrit la contestation contre l’écotaxe.
Alors certes, cette mesure date d’il y a six ans et vous l’aviez d’ailleurs votée. Mais ne vous défaussez pas de votre responsabilité : c’est votre frénésie fiscale qui pousse les entreprises et les ménages à bout ! Je pense au monde agricole, en particulier au secteur des industries agroalimentaires, dont bon nombre de nos fleurons sont fragilisés du fait de votre politique d’augmentation des charges et de renchérissement du coût du travail.
C’est vous, par votre politique fiscale délirante, qui avez condamné l’écotaxe !
Alors aujourd’hui, face à la mobilisation de nombreux secteurs de l’économie, dans le grand Ouest et en Bretagne en particulier, vous avez annoncé la suspension de l’écotaxe pour entamer un dialogue. Mais les Français ne demandent pas une simple suspension, ils vous demandent solennellement une remise à plat complète de l’écotaxe et de l’ensemble de vos mesures fiscales néfastes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L’écotaxe, c’est vous qui l’avez créée !
Alors, monsieur le Premier ministre, de reculade en reculade, l’heure de rendre des comptes aux Français a sonné.
Vous avez perdu la confiance des Français. Aujourd’hui, une question se pose : avez-vous encore une majorité et les moyens de gouverner ?
Monsieur le député, je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de ce que vous venez de dire.
Rires sur les bancs du groupe UMP.
Pour ma part, j’essaie de traiter les problèmes du pays.
Cela demande un peu de lucidité et de sincérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
L’honneur de la politique, mesdames et messieurs les députés, n’est pas de sans cesse se renier ou se cacher derrière ses décisions, c’est d’assumer ce que l’on a décidé ! Or, l’écotaxe, c’est vous qui l’avez décidée. Faites preuve d’un peu de courage et de dignité si vous voulez être respectés par les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Moi, j’assume les décisions de mon gouvernement, mais j’ai aussi dû faire face aux décisions que vous avez prises en 2009. Monsieur Borloo, qui était ministre à l’époque, je ne sais pas s’il est présent, a pris la décision de mettre en place l’écotaxe.
Certains députés ont d’ailleurs la mémoire courte. J’ai entendu récemment M. Le Fur dire qu’il ne l’avait pas votée : or il l’a votée, comme tous les députés de la droite à l’époque !
Huées sur les bancs du groupe SRC.
Il l’a votée puisqu’il a voté les lois de finances !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il a voté toutes les dispositions contenues dans la loi relative au Grenelle de l’environnement.
Mêmes mouvements.
Je rappelle que la mesure relative à l’écotaxe a été débattue au moment du Grenelle de l’environnement.
À l’époque, chacun avait considéré que demander une contribution au transport routier pour financer tant l’usage qu’il fait des routes – sauf les autoroutes, puisqu’il y a déjà les péages – que les infrastructures, la rénovation routière, les pôles d’échanges multimodaux, les infrastructures ferroviaires, était une mesure de principe juste.
Mesdames et messieurs les députés, j’ai annoncé ce matin la suspension de la mise en oeuvre de cette écotaxe parce que les conditions dans lesquelles elle avait été préparée conduisaient à l’incompréhension, en particulier en Bretagne, laquelle fait face à d’autres problèmes dans l’agroalimentaire et dans un certain nombre d’autres secteurs.
Pour se remettre autour de la table, parce qu’on ne s’en sortira pas sans dialogue, sans mobilisation des forces politiques de l’État, des collectivités territoriales et des forces économiques et sociales, parce qu’on ne s’en sortira pas sans dialogue et sans partenariat, j’ai fait le geste qui permet de reprendre ce dialogue. Ce dialogue, je vous le propose aussi : nous verrons si vous êtes au rendez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
En tout cas, lors de la réunion de ce matin étaient présents des socialistes, des écologistes et même un député UDI, mais l’UMP a préféré la boycotter, tout simplement parce qu’elle n’assume pas ce qu’elle a décidé !
Huées sur les bancs du groupe SRC.
Avec les bonnes volontés, nous allons redresser la France
Rires sur les bancs du groupe UMP
et remettre sur les rails le dialogue et la négociation. Vous viendrez si vous voulez. Je ferai avec toutes les bonnes volontés, et je sais déjà qu’elles sont nombreuses !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux membres se lèvent, et des groupes écologiste et RRDP.
Écotaxe
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, ce matin, vous avez pris la responsabilité de suspendre la taxe poids lourds créée par la droite en décembre 2008 pour poursuivre le dialogue de façon apaisée.
Arrêtez ça ! Il va y en avoir pour tout le monde, et surtout pour vous, qui avez pris la décision de créer cette taxe et de la concéder à des opérateurs privés de façon absolument scandaleuse !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Certains aujourd’hui, par commodité ou par cynisme, cherchent à faire oublier leurs responsabilités.
« Pin-pon ! » sur divers bancs du groupe UMP.
Ce sont ceux qui, au mépris de nos traditions républicaines, refusent de s’associer à une réunion pour trouver des solutions, alors qu’ils ont eux-mêmes créé les problèmes. Ce sont ceux qui attisent les tensions de manière absolument irresponsable.
Pourtant, c’est la droite, monsieur le Premier ministre, qui a lancé ce désastreux appel d’offres de 2011 qui délègue la collecte de cette taxe poids lourds à des opérateurs privés pour un montant annuel de plus de 200 millions d’euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette scandaleuse délégation, signée par MM. Fillon et Baroin et Mmes Kosciusko-Morizet et Pécresse a un prix : 800 millions d’euros si nous devions demain revenir sur la taxe poids lourds ! C’est la conséquence de vos décisions, pourquoi oubliez-vous de le dire ?
La droite a dans le même temps adopté un décret, publié le 6 mai 2012 – le jour du second tour de l’élection présidentielle ! (Huées sur les bancs du groupe SRC) – instaurant un système inapplicable, qui a été condamné par tous les transporteurs et par tous les chargeurs le lendemain même de l’élection présidentielle.
Monsieur le Premier ministre, vous avez pris une décision qui est de nature à apaiser. Vous le faites en soulignant les responsabilités. Celles de l’ancienne majorité, celles de l’UMP sont énormes ! Pour faire un cadeau à un groupe, par le biais d’un partenariat public-privé absolument scandaleux, en procédant en dépit du bon sens, en ponctionnant l’impôt, ce qui ne s’est pas passé depuis la Révolution française à ce niveau-là, elle a rompu avec ce qui constitue la tradition de notre pays. Aussi, nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, de rassurer les Français !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Monsieur le député, vous avez raison : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. François Baroin et Mme Valérie Pécresse ont signé un accord avec une société qui s’appelle Écomouv’, société privée à laquelle a été confiée la gestion de l’écotaxe. Je rappelle que la durée du contrat est de treize ans et trois mois…
…et qu’il prévoit une rémunération annuelle de 250 millions, pris sur les recettes de l’écotaxe, qui n’iront donc pas à l’Agence de financement des infrastructures de transports de France ni aux territoires. Oui, 250 millions par an pour cette société ! Cet accord a été signé le 6 mai 2012 par les responsables du précédent gouvernement : que chacun se rappelle ses responsabilités !
Huées sur les bancs du groupe SRC.
Mais je ne m’en tiens pas à cela. Je connais les difficultés de certaines régions, en particulier les plus éloignées, celles que l’on appelle les régions périphériques. Certaines sont en souffrance, je pense à la région Bretagne et notamment au Nord- Finistère.
La crise de l’agroalimentaire ne date pas d’aujourd’hui. Frappant notamment le groupe Doux, puis le groupe Gad, il s’agit de la crise profonde d’un modèle agroalimentaire qui n’a pas eu les moyens de se réorganiser suffisamment. Elle se traduit aujourd’hui par des fermetures d’abattoirs, avec des centaines de licenciements, des souffrances, des découragements et des colères que je comprends, parce que c’est le résultat d’une politique et d’un abandon !
Moi, je ne veux abandonner ni les salariés, ni les producteurs agricoles, ni ce fleuron de l’agriculture qu’est la Bretagne. C’est pourquoi j’ai annoncé le 12 septembre à Rennes, à l’occasion du Salon international de l’élevage, un plan d’urgence pour l’agriculture et l’agroalimentaire de la Bretagne, nécessitant la mobilisation de tous les acteurs. Les ministres Stéphane Le Foll et Guillaume Garot se sont rendus sur place pour mener le dialogue.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Depuis le 16 octobre, avec tous les ministres concernés, j’ai annoncé un pacte pour l’avenir de la Bretagne. Mais force est de constater que le dialogue nécessaire est aujourd’hui au point mort, parce que demeure cet obstacle symbolique que constitue l’écotaxe. De ce fait, ceux qui devaient venir dialoguer, négocier, se mobiliser, ne sont plus au rendez-vous !
Ma responsabilité n’est pas de m’obstiner, ni de dire que nous allons passer en force. Le courage, ce n’est pas cela. Le courage, c’est écouter, dialoguer, recréer les conditions de la confiance. C’est ce que j’ai fait ce matin en prenant la décision de suspendre l’écotaxe, non pas pour l’abandonner, mais pour préparer à l’échelle nationale et mettre en oeuvre à l’échelle régionale de la Bretagne le plan agroalimentaire, le pacte d’avenir pour la Bretagne. C’est cela, ma méthode !
J’appelle toutes les forces vives, toutes les bonnes volontés à se mobiliser, qu’elles soient de droite, de gauche ou du centre, qu’elles soient économiques, sociales ou territoriales : c’est cela, ma responsabilité, et je n’en changerai pas, parce que tel est mon devoir !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, donc au Gouvernement et singulièrement à M. le Premier ministre.
La crise de confiance des Français nécessite de refonder nos institutions, et non de les maltraiter pour des raisons partisanes. En Seine-Saint-Denis et dans les territoires ruraux, le futur redécoupage des cantons fait figure de chronique d’un charcutage annoncé.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Il conjugue l’opacité la plus totale avec une partialité manifeste.
Dans mon département, les parlementaires Front de gauche n’ont pas été consultés, ni même informés. Ni Marie-Georges Buffet ni moi-même.
Le préfet a prétendu qu’il ignorait tout de ce redécoupage. Mais où est le principe de neutralité de l’État quand les élus socialistes de Seine-Saint-Denis, eux, en sont informés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Avec cette méthode, tout porte à croire que les ciseaux de la place Beauvau préparent une nouvelle atteinte au pluralisme.
Un exemple éloquent : selon des fuites, la ville de Tremblay-en-France serait détachée de sa circonscription, de son intercommunalité, de son bassin de vie pour être fusionnée avec trois villes de droite, dans un canton sans aucune cohérence géographique, démographique ni historique. C’est un tripatouillage électoral grossier.
Avec le concours de M. Bartolone (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), le parti socialiste tente de renverser les maires Front de gauche de Seine-Saint-Denis plutôt que de s’opposer à la droite. Vous courtisez les communistes à Paris mais vous les combattez de l’autre côté du périphérique, en divisant la gauche.
« Oh ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.
De la loi sur les métropoles à ce redécoupage partisan, c’est la respiration de notre démocratie qui est en cause.
Aussi, je demande au Gouvernement que les futures circonscriptions cantonales garantissent le pluralisme et la concertation de l’ensemble des élus, sans exclusive.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDI se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de Manuel Valls, qui s’est rendu dans la Drôme et en Ardèche à la rencontre des populations victimes des intempéries de la semaine dernière.
Depuis le vote de la loi du 17 mai 2013 et la décision du Conseil constitutionnel qui a validé les orientations du Gouvernement, le ministère de l’intérieur prépare en effet les quatre-vingt-dix-huit décrets nécessaires au redécoupage cantonal.
Ces découpages ont été précédés d’une phase de concertation
« Non ! » sur les bancs du groupe UMP
conduite par les préfets, et tous les parlementaires qui ont souhaité formuler des propositions ont pu le faire. À ce jour, quarante projets ont été élaborés et transmis aux conseils généraux pour recueillir l’avis de l’assemblée départementale. Vingt-trois votes ont déjà eu lieu et quinze projets ont été transmis au Conseil d’État. Le découpage de la Seine-Saint-Denis est toujours en cours d’élaboration.
Il n’y a donc pas à ce jour de projet du Gouvernement concernant le département sur lequel vous nous interrogez.
Comme dans tous les départements très urbains, ce découpage sera basé sur le respect maximum de l’unité communale. Mais bien entendu, le premier des critères, celui que le Conseil constitutionnel a rappelé comme étant hiérarchiquement celui qui devrait s’imposer, sera au coeur du découpage : l’égalité devant le suffrage…
…ce principe qui fait que, partout, la voix de nos concitoyens aura désormais la même valeur.
Ce découpage se fera donc dans le respect des principes fixés par le Conseil constitutionnel. Ces principes seront respectés partout en France, y compris en Seine-Saint-Denis, conformément au principe républicain.
La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre des outre-mer, ma question peut paraître décalée par rapport à la situation économique et sociale de notre pays, mais elle est néanmoins très importante car elle implique la sécurité humaine.
La première fois que je vous ai interpellé dans cet hémicycle, ce fut au sujet des attaques de requins à La Réunion et de leurs conséquences pour notre île. Plus d’un an après, rien n’a changé. En effet, ce samedi 26 octobre, un jeune homme de 24 ans a été mutilé effroyablement alors qu’il nageait à l’Étang-Salé, à cinquante mètres de la zone autorisée, ce qui signifie que même dans les zones autorisées, des attaques sont possibles.
Depuis 2011, il y a eu plus d’une douzaine d’attaques de requins, dont cinq mortelles.
Rappelons que le Conseil d’État a récemment confirmé que la responsabilité de l’État était engagée.
Cette situation, chacun le sait, nuit au tourisme à La Réunion et donc accélère la progression du chômage, qui est déjà de l’ordre de 35 %. Je reste un fervent défenseur de notre écosystème, mais nous ne pouvons plus nous contenter d’études scientifiques sur les requins qui coûtent des centaines de milliers d’euros. Il est grand temps d’agir, plutôt que de s’attrister juste en cas d’attaque.
Cette situation, on le sait, est due principalement à une prolifération de requins, en raison de l’interdiction de vente de leur viande. Monsieur le ministre, comptez-vous autoriser enfin une régulation de l’espèce ? Plus globalement, pouvez-vous dire concrètement aux Réunionnaises et aux Réunionnais quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour enrayer la crise requin à La Réunion, et selon quel calendrier ? C’est très bien de vouloir protéger les requins, mais n’est-il pas mieux de protéger les humains ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, UMP et UDI.
Monsieur le député, votre question n’est pas décalée car une fois de plus, le requin a fait mal à l’île de La Réunion, le week-end dernier. Nous adressons des voeux de rétablissement à la victime.
Le Gouvernement a déployé des moyens importants pour gérer la crise requin dans sa globalité. En sécurisation des activités, en mesures d’accompagnement économique, en recherche scientifique, nous sommes passés de 700 000 euros en 2011 à 2 060 000 euros en 2012. L’effort est maintenu en 2013, augmenté d’initiatives nouvelles comme le projet Cap requins mené avec le comité régional des pêches.
Le préfet de région a mis en place un plan d’action ambitieux signé par les quatre ministres concernés. À court terme, il comporte des mesures d’interdiction d’une partie du littoral aux activités nautiques et à la baignade jusqu’en février 2014 ainsi que l’application d’une procédure que vous connaissez, dite post-attaque, qui consiste à faire des prélèvements de requins non protégés dans la zone concernée.
À moyen terme, un dispositif global renforcé, adopté par l’État et l’ensemble de ces partenaires depuis 2011, a pour but de mieux connaître scientifiquement les requins côtiers de l’ouest de La Réunion. Pourquoi se concentrent-ils à proximité des côtes ? À ce stade, aucun lien exclusif n’a été établi avec la réserve marine. Il vise aussi à informer davantage les populations et à mieux prévenir le risque par un effort d’équipement des communes, et à renforcer les méthodes de gestion opérationnelle de l’alerte grâce à des technologies innovantes comme le capteur de turbidité ou les sonars embarqués. Il consiste enfin à pratiquer une gestion raisonnée des stocks. Vingt-quatre requins ont déjà été prélevés dans le cadre de l’étude Ciguatera et quatre-vingt-dix autres requins bouledogue et tigre doivent l’être prochainement.
Monsieur le Premier ministre, l’honneur de la politique, c’est d’agir sans avoir à reculer.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Avec 50 milliards d’impôts supplémentaires depuis votre nomination, les Français pensaient avoir droit à la fameuse « pause fiscale ». Mais c’était compter sans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et ses 6,5 milliards de taxation supplémentaire.
Surtaxation des retraités, surtaxation des familles avec enfants, surtaxation des mutuelles et des complémentaires santé, des travailleurs frontaliers, des travailleurs indépendants, du médicament… Et aussi surtaxation rétroactive des plans épargne logement, des PEA et des assurances vie !
Ici-même, votre majorité, votre ministre sont restés sourds aux arguments de l’opposition. Ils ont pour voté la spoliation de l’épargne de 20 millions de nos compatriotes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dès le lendemain, le président du groupe socialiste appelait à revenir sur la taxation des PEL. Le surlendemain, le ministre du budget revenait sur les PEA. Et vous-même, monsieur le Premier ministre, avez ce matin reculé devant l’écotaxe.
Nous sommes dans la confusion la plus totale sur ce qui va être soumis au vote tout à l’heure. Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : ici, devant la représentation nationale, et alors que vous avez institué la reculade en méthode de gouvernement, allez-vous garantir que vous renoncez à taxer l’assurance vie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président Accoyer, je vous remercie pour votre question, qui va me permettre d’apporter toutes précisions utiles sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais pas seulement.
Premier point : vous parlez, monsieur le président Accoyer, de spoliation.
« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Mais vous êtes-vous dressé dans cet hémicycle, lorsque vous en assuriez la présidence, en 2010, lorsqu’a été décidée une augmentation de 1,1 point des prélèvements sociaux, représentant un prélèvement sur les ménages de 1,4 milliard d’euros ?
Je n’ai pas entendu, à l’époque, M. Borloo dire « Halte au feu ! »
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Avez-vous, monsieur le président Accoyer, crié à la spoliation l’année suivante, lorsque le même gouvernement, vous étiez de nouveau au perchoir, a décidé d’augmenter de 1,4 % les prélèvements sociaux, soit un prélèvement sur les Français de 1,9 milliard d’euros ? On ne vous a pas entendu, à ce moment-là, parler de « spoliation » !
Et l’année suivante, lorsque vous avez décidé d’augmenter de 2 points les prélèvements sociaux, ce qui représentait un nouveau prélèvement sur l’épargne des Français de 2,7 milliard d’euros, avez-vous parlé de spoliation ?
En l’espace de trois ans, vous avez augmenté de 5 points les prélèvements sociaux sur l’épargne des Français, dans la plus grande injustice, sans rien dire. Et aujourd’hui, parce que nous prélevons 600 millions, avec une volonté d’harmonisation et de simplification, vous osez utiliser des mots qui poussent le pays au poujadisme fiscal !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Eh bien, monsieur Accoyer, ce n’est pas digne, de faire cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Et je voudrais vous rappeler que l’impôt est consubstantiel au pacte républicain, qu’il permet de financer des services publics, qu’il permet de financer la protection sociale et que dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il permet de financer des mesures pour les familles et les retraités les plus modestes !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Alors, monsieur Accoyer, n’ayez pas la mémoire courte. Soyez capable de dire la vérité aux Français et d’assumer votre bilan.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, RRDP et GDR.
Politique fiscale
Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget. Dans quelques instants, nous allons voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est une loi de responsabilité. Nous avons le courage de faire ce que vous n’avez jamais fait : rétablir les comptes de la Sécurité sociale.
C’est aussi une loi de progrès. Notre horizon, c’est de faire du troisième âge l’âge d’une troisième vie ; c’est d’accompagner toutes les familles dans leur diversité ; c’est de permettre à chacun de bénéficier des avancées de la médecine.
C’est enfin une loi de justice. Justice pour les ouvriers, avec la prise en compte de la pénibilité. Justice pour les femmes, avec le développement des modes de garde. Justice aussi dans l’accès aux soins, avec la généralisation du tiers payant et des complémentaires santé collectives, quand à droite on rêve de privatiser la santé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La justice ? Nous la voulons aussi dans les efforts demandés aux Français. C’est le fondement de nos décisions fiscales depuis dix-huit mois. C’est dans cet esprit que vous avez proposé, monsieur le ministre, une harmonisation des prélèvements sociaux sur l’épargne.
Ces derniers jours, on a malheureusement assisté à un tsunami de démagogie, et M. Accoyer vient encore d’en être l’illustration.
Faire honneur au débat démocratique, ç’aurait été dire que les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne ont été augmentés de 9,1 % par la droite et 6,1 % par la gauche, ni plus, ni moins.
Ç’aurait été dire que nous ne proposons ni une nouvelle taxe, ni une hausse des taux, mais simplement une harmonisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ç’aurait été ne pas répéter en boucle que nous faisons les poches des Français en prélevant 600 millions d’euros alors que, comme vient de le rappeler le ministre, vous en avez prélevé 6 milliards, dans les années précédentes, sur les mêmes produits.
Monsieur le ministre, devant cette agitation, la voie de la sagesse, c’est la vôtre. C’est celle qui écoute les Français et qui ne passe pas en force. Pouvez-vous nous dire quels sont les aménagements que vous allez apporter dans la navette parlementaire sur les produits de l’épargne ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le député, le rôle d’un gouvernement, lorsqu’il faut relever un pays et redresser des comptes publics – et Dieu sait qu’ils ont été dégradés au cours des cinq dernières années – est d’être capable de le faire en apaisant les inquiétudes. Ce que certains appellent des reculades n’est rien d’autre, de la part du Gouvernement, que sa capacité à comprendre et à entendre les inquiétudes lorsqu’elles se manifestent.
Dans la situation dans laquelle se trouve notre pays, avec la nécessité de redresser les comptes, l’appareil productif, l’emploi, ce qui compte, à chaque fois qu’une inquiétude s’exprime, c’est d’être capable de l’entendre et d’y apporter la juste réponse.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il y a ceux qui cherchent à apaiser et ceux qui cherchent à faire peur. Il y a ceux qui cherchent à rassembler et ceux qui cherchent à créer une tension dangereuse. Nous, nous sommes dans une démarche de responsabilité. Nous ne sommes pas dans l’outrance, nous ne sommes pas dans la démagogie : nous sommes dans la volonté de trouver en toute chose un équilibre.
Alors, vous avez raison, nous le faisons pour réduire le déficit de la Sécurité sociale. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit était supérieur à 20 milliards. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il aura diminué de 8 milliards.
Nous le faisons aussi avec le souci de la justice. Augmentation de l’allocation de soutien familial, augmentation du complément familial, volonté de prendre en compte la pénibilité, volonté d’ouvrir de nouvelles places d’accueil pour les enfants au cours des prochaines années, volonté de faire en sorte que le modèle social français, qui est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, soit préservé : il faut pour cela de la responsabilité, pas de l’outrance, pas de la démagogie !
Applaudissements sur sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, Karl Marx a écrit qu’il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts, et toujours plus d’impôts !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Et vous connaissez l’adage : trop d’impôt tue l’impôt. Alors où allons-nous, monsieur le Premier ministre ? Qu’est devenue la pause fiscale annoncée par le Président de la République et que vous avez vous-même transformée en ralentissement fiscal ?
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Qu’avez-vous fait de cette promesse ? Certes, dans sa sagesse, le Gouvernement a réalisé qu’il n’était pas possible de taxer l’épargne de millions de Français via leurs PEL et leurs PEA, qui plus est rétroactivement, sur plus de quinze ans. Mais pourquoi maintenir cette mesure pour les contrats d’assurance multisupports ?
L’article 2 de notre code civil énonce clairement que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a pas d’effet rétroactif. C’est là une simple question d’éthique, une question ni de droite, ni de gauche. Il en va simplement du respect de la politique et de nos concitoyens.
Alors, sous couvert de l’intérêt général, il serait possible de taxer rétroactivement les économies des Français ? Mais l’intérêt général ne doit pas imposer de faire d’une exception une habitude ! Comme le chef de l’État l’a promis, les Français, qu’ils soient chefs de famille ou d’entreprises, réclament plus de stabilité fiscale.
En remettant en cause continuellement le passé, vous tuez la confiance dans l’avenir, je le répète, à la fois pour les ménages et pour les entreprises.
Référez-vous à ma proposition de loi discutée en séance publique le 6 juin dernier. L’Italie, la Suède, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas interdisent déjà l’adoption de dispositions fiscales rétroactives lorsqu’elles sont défavorables aux contribuables.
Alors, monsieur le Premier ministre, à quand l’adoption d’une telle disposition en France ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le député, vous posez une question à la fois politique et constitutionnelle, celle du principe de rétroactivité. C’est un sujet bien connu sur vos bancs puisqu’en 2006, M. Jean-François Copé étant alors ministre du budget, une disposition avait été prise consistant à taxer tous les intérêts accumulés sur les plans d’épargne logement au cours des dix dernières années et à taxer une grande partie des revenus accumulés sur ces derniers alors que cela n’avait pas été prévu au moment de leur conclusion.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Comme vous le savez, la rétroactivité était alors massive. Il ne s’agissait pas de ce que l’on appelle en droit constitutionnel la « petite rétroactivité » qui conduit à faire en sorte que la décision d’un gouvernement s’applique à partir du moment où elle a été prise pour tous les contrats dont on sort. Il s’agissait d’une rétroactivité massive sur laquelle, d’ailleurs, le Conseil constitutionnel s’est prononcé favorablement en indiquant que lorsqu’une décision fiscale est prise, elle doit être rapportée à son impact au regard de considérations d’intérêt général.
La mesure que nous avons prise, quant à elle, n’était pas rétroactive puisqu’elle s’appliquait dès lors que l’épargnant avait quitté le produit d’épargne en question. Mais comme ce point a fait l’objet d’une interrogation, ainsi que, notamment, la volonté du Gouvernement de prélever l’épargne des Français les plus modestes…
…nous avons décidé avec Pierre Moscovici, en accord avec le Premier ministre, de corriger cette mesure de manière à ce qu’elle soit totalement équitable.
Enfin, monsieur Dassault, laissez-moi vous demander, calmement mais en même temps très fermement, comment vous pouvez vous exprimer de la sorte alors qu’entre 2009 et 2012, vous avez prélevé sans vergogne sur tous les produits d’épargne des Français, y compris les plus modestes, 6 milliards d’euros !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre du budget, après une année 2013 qui a vu les Français taxés à hauteur de 27 milliards
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
, la promesse de pause fiscale du Président de la République s’est évanouie pour 2014.
Vous avez décidé de frapper les classes moyennes et, même, jusqu’à nos concitoyens les plus modestes en taxant l’épargne salariale, l’assurance vie et même l’épargne logement.
Vous voulez taxer toujours plus et toujours plus de Français pour compenser l’incapacité du Gouvernement à décider de réformes structurelles. Tout au long des débats, le Groupe UDI vous a pourtant mis en garde contre ce véritable hold-up sur l’épargne des Français et sur sa rétroactivité. Vous vous êtes pourtant obstiné, vous avez âprement défendu cette mesure et vous l’avez fait adopter.
Mais à peine était-elle votée qu’en moins de vingt-quatre heures vous avez subitement fait volte-face en découvrant ses conséquences désastreuses. Vous nous promettez maintenant de la retirer au Sénat alors que nous savons bien que vous n’y avez pas la majorité nécessaire.
Vous ne pouvez plus cacher votre impréparation sur un sujet pourtant essentiel pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Vous ne pouvez surtout plus cacher l’état de panique qui s’est installé dans vos rangs face au ras-le-bol fiscal des Français.
Sommet de l’incohérence et situation inédite : vous vous apprêtez donc, mes chers collègues de la majorité, à approuver dans quelques instants un budget dont vous rejetez pourtant l’une des principales mesures fiscales, toujours présente dans le texte, et qui n’a d’ailleurs plus l’aval du Gouvernement !
Au-delà de cette polémique, monsieur le ministre, nous vous demandons d’être honnête vis-à-vis des Français. Par quelle autre taxe allez-vous remplacer celle que vous supprimez et compenser le déséquilibre ainsi provoqué ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le député, vous reprenez à votre tour une certaine présentation de ce qu’a été l’attitude du Gouvernement. Contrairement à M. Accoyer, je pense qu’un Gouvernement s’enorgueillit à écouter, à comprendre et à répondre aux inquiétudes, à être mobile…
… à ne pas être, d’une certaine façon, « droit dans ses bottes » quand les Français font part de préoccupations légitimes.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Après M. Cazeneuve, je rappelle que la mesure qui était proposée n’était pas rétroactive puisque le fait générateur était la sortie du produit.
Je voudrais aussi rappeler que, contrairement à ce que vous avez fait, nous n’avons pas prévu une hausse de taux. Vous, vous les avez augmentés, en les passant de 11 % à 15,5 % en quatre ans, ce qui a représenté 6 milliards d’euros de prélèvements alors que le rendement de notre mesure était de 600 millions.
Nous étions animés par une volonté de simplification et d’harmonisation. Voici ce qui s’est passé. Or, un certain nombre de voix, qu’il fallait entendre, ont manifesté des inquiétudes par rapport à l’épargne populaire.
C’est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre et avec Bernard Cazeneuve…
… nous avons décidé de retirer de la mesure les plans d’épargne en actions, les plans d’épargne logement et les contrats d’épargne salariale.
Quant à l’assurance vie, nous allons faire en sorte de la compléter…
par une réforme structurelle, fondée sur le rapport de deux de vos collègues, qui permettra d’assurer un rendement élevé et une garantie pour l’assuré. C’est cela que nous voulons faire…
…en orientant de surcroît ce dispositif vers le financement de nos entreprises.
Notre approche est donc équilibrée et vous feriez mieux, quant à vous, au lieu de susciter des craintes, de vous montrer plus sereins et de participer à cette écoute des Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, je voudrais, en guise de préambule, rafraîchir la mémoire à M. Bruno Le Roux et à sa majorité : ils ne se sont pas gênés, au début de cette législature, pour supprimer sans vergogne les heures supplémentaires de 9,5 millions de Français, mais le ministre des transports n’a pas cru bon, quant à lui, de supprimer l’écotaxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, depuis bientôt deux semaines, en ma qualité de maire de Claye-Souilly, en Seine-et-Marne, je reçois des centaines de signatures apposées sur une pétition intitulée : « Quatre jours et demi par semaine : non ! » Voici son texte, qui est très court : « Les parents d’élèves et les Clayois de notre ville demandent l’annulation du décret du 24 janvier 2013 et ne veulent pas que la ville de Claye-Souilly l’applique. Nous souhaitons rester à quatre jours par semaine. » Ce message est clair, monsieur le ministre.
Que dois-je répondre à ces parents d’élèves particulièrement inquiets, qui ne veulent pas de votre réforme ?
Monsieur le ministre, ce ne sont plus les députés qui vous disent de stopper votre réforme et de discuter : ce sont les Français, ceux qui ne supportent plus votre politique et qui vous le disent par l’intermédiaire de pétitions.
Allez-vous rester encore longtemps sourd et aveugle ?
De plus, aujourd’hui remontent les critiques des maires qui ont appliqué votre réforme – et il ne s’agit pas seulement de maires de droite, mais aussi de maires de votre majorité, puisque dans le Val-de-Marne, par exemple, aucune commune n’a mis en application cette réforme : difficulté de trouver des intervenants, problèmes de transports, infrastructures souvent insuffisantes, et bien sûr limites budgétaires.
Ce sont des centaines de milliers de Français, et demain des millions de parents d’élèves, qui vous supplient de ne pas appliquer votre réforme.
Aujourd’hui, ce sont des pétitions, mais demain, quand les Français comprendront que vous ne voulez pas les entendre, comment vont-ils réagir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, j’ai bien noté que de nombreuses pétitions sont actuellement lancées, en particulier par le mouvement politique auquel vous appartenez. Je me suis interrogé, comme beaucoup de ceux qui accordent la plus grande importance à la démocratie représentative, sur le substitut dommageable que constitue, pour un élu, ce recours à la pétition.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Et j’ai bien noté que le président de l’UMP ne cesse de pétitionner.
Mêmes mouvements.
Mais la vraie question, au fond, c’est l’attention que nous devons porter aux résultats et à la scolarité des élèves de France. Est-ce que vous trouvez normal que notre pays, dont le niveau scolaire se détériore, avec une aggravation depuis dix ans, ne propose – cas unique au monde ! – que cent quarante-quatre jours de classe aux enfants, avec des journées surchargées, alors que l’on constate, dans le même temps, une absence de formation des professeurs et une absence de recrutement ?
Vous savez d’ailleurs que, dès ma nomination, je suis intervenu pour apporter des corrections, notamment dans votre département, qui avait le taux le plus bas d’encadrement des élèves en France.
Nous allons continuer, parce que nous servons l’avenir,,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
parce que nous servons l’intérêt général, et parce que nous n’avons pas de considération pour ceux qui, hier, demandaient une réforme et qui, aujourd’hui, alors que l’État assume ses responsabilités et accueille les enfants le mercredi matin dans un meilleur temps scolaire, ne veulent pas l’organiser localement, comme c’est leur responsabilité.
Cette réforme, elle est dans l’intérêt des enfants.
Nous allons la conduire, comme le recrutement des professeurs, comme la formation des enseignants, comme la titularisation des auxiliaires de vie scolaire, comme l’introduction du numérique ! Parce que la France, davantage que de pétitions, a besoin de gens qui ont un cap et qui respectent l’intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Sylvie Pichot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, les chiffres du chômage, pour le mois de septembre, ont été annoncés la semaine dernière. En raison, notamment, de la perturbation de ces chiffres par la défaillance de la relance des chômeurs au mois d’août, l’analyse de la trajectoire des demandeurs d’emploi doit se faire, n’en déplaise à certains, sur la durée.
Ainsi, si l’on y regarde de plus près, la tendance au ralentissement du chômage, observée depuis plusieurs mois, se confirme.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En Mayenne, mon département, comme dans notre pays, l’inversion de la courbe du chômage des jeunes est une réalité. En France, alors que leur nombre a progressé en moyenne de 1,1 % par mois entre janvier et avril, il a reculé de 0,5 % par mois de mai à septembre.
…comme le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui équivaut à une baisse des charges pour les entreprises, ou la mobilisation de la formation professionnelle, en partenariat avec les régions notamment, nous sommes tous mobilisés pour faire reculer le chômage. L’emploi est notre première préoccupation, la préoccupation majeure du Gouvernement.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous, sur les parlementaires, sur les élus locaux, sur leur engagement sur le terrain, au plus près de toutes celles et ceux qui vivent au quotidien la réalité du chômage ; et nous savons pouvoir compter sur vous pour résorber les difficultés que rencontrent aujourd’hui nombre de nos concitoyens.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur les mesures phare en direction de l’emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, quel que soit notre engagement politique, je crois que nous pourrions nous mettre d’accord au moins sur un point : au-delà de toutes les polémiques, de toutes les perturbations, de toutes les déclarations…
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
…la priorité des Français, c’est la lutte contre le chômage…
Il y a quelques années, on comptait 80 000 chômeurs de plus par mois ; au début de cette année, on comptait – ce qui est beaucoup trop – 30 000 chômeurs de plus par mois ; au début de cet été, on comptait – ce qui est trop – 15 000 chômeurs de plus par mois ; maintenant, on compte – ce qui est encore trop – 5 000 chômeurs de plus par mois.
On voit bien dans quelle direction nous allons. Ce n’est pas suffisant, et ce n’est pas encore ce que nous voulons. Nous, nous voulons faire reculer le chômage, le faire diminuer : c’est ce qu’on appelle l’inversion de la courbe. Mais avant de l’inverser, il faut d’abord ralentir cette courbe : c’est ce que nous sommes en train d’obtenir aujourd’hui. Voilà le coeur de notre bataille, le coeur de notre projet, le coeur de votre mobilisation, qui devrait être le coeur de la mobilisation de tous les députés dans cet hémicycle.
Il y a des outils pour cela, à commencer par le soutien à l’activité économique. Cela passe d’abord par là, par l’embauche dans les entreprises, et c’est à cela que doit servir, en particulier, le contrat de génération.
Il y a aussi les outils que vous avez votés ici, parfois largement, comme les emplois d’avenir.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Oui, les emplois d’avenir sont une réussite…
… puisque plus de 75 000 contrats ont été signés !
Ce sont 75 000 solutions, pour des jeunes qui n’en avaient plus aucune ; 75 000 possibilités pour des familles qui étaient acculées et qui retrouvent aujourd’hui une capacité d’action. Voilà comment nous agissons, voilà où nous voulons aller.
Oui, d’ici la fin de cette année, le chômage reculera, et c’est cela qui redonnera confiance aux Français et à la France !
Applaudissements sur les bancs du groupes SRC et quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.
Monsieur le Premier ministre, la suspension annoncée de la taxe poids lourds est un mauvais signe.
Cette inconstance se traduit par une perte de confiance, voire de la défiance. La taxe poids lourds a servi de détonateur à l’expression de la crise du modèle agroalimentaire breton, mais les causes, nous le savons tous, sont ailleurs. Les responsables de cette crise sociale et de la disparition d’un tiers des paysans et salariés en dix ans sont ceux-là même qui conduisent les manifestations aujourd’hui !
En 2012, 750 000 porcs étaient exportés vers l’Allemagne pour être abattus, privant la Bretagne de ces emplois, par exemple dans les abattoirs Gad. Nous ne voulons pas de mesures au coup par coup, pas de reculs.
Nous voulons que le Gouvernement mène une politique cohérente avec une ligne ferme, de long terme, accompagnant la transition pour un avenir meilleur. Vous parlez de dialogue et de partenariat, nous espérons qu’ils permettront d’avoir la sagesse de saisir l’opportunité de la reconversion écologique.
Nous, les écologistes, savons où nous voulons aller.
Nous voulons mener la politique agricole européenne et française vers une dynamique de développement rural, de maintien des agriculteurs, de valorisation par la transformation locale des productions et de lutte contre les pollutions, notamment les algues vertes.
La taxe poids lourds est un des leviers pour y arriver, permettant de donner un signal en direction de la territorialisation des productions.
Mais il est loin d’être le seul levier : les fermes économes et autonomes et le maillage du territoire par les outils de transformation sont le support d’une véritable dynamique rurale. Ce n’est pas la direction que vous semblez prendre avec l’agrandissement des ateliers d’élevage porcins ou l’autorisation de la ferme des milles vaches.
Monsieur le ministre, quels choix politiques allez-vous prendre pour restaurer la force et la durabilité sociale et environnementale de notre agriculture ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Madame la députée, vous m’avez posé une question qui concerne tant l’écotaxe que le modèle agricole et agroalimentaire de la Bretagne.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de la fin de ce modèle, mais ce modèle doit évoluer en Bretagne, en prenant une double direction. Il faut considérer que l’agriculture est une activité de production…
…et en même temps une activité qui doit tenir compte de l’environnement et de l’écologie.
Ce sont les deux objectifs qui doivent être poursuivis.
J’ai dressé le constat suivant : depuis plus de dix ans, l’Allemagne a développé la méthanisation et compte aujourd’hui plus de 7 000 méthaniseurs.
Et la France ? Nous avons fait le compte à mon arrivée : notre pays compte aujourd’hui quatre-vingts méthaniseurs Notre capacité à traiter la matière organique dépend de notre capacité à développer des énergies renouvelables. Et c’est sur cette base que nous allons construire un modèle breton capable de répondre en termes économiques, en termes de production et en termes d’emplois, tout en prenant la dimension environnementale en compte.
Dans dix ans, si nous faisons les investissements nécessaires, il n’y aura plus d’algues vertes en Bretagne.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs des groupes RRDP et GDR.
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous discutons en ce moment du budget de la défense qui est l’émanation directe du Livre blanc dévoilé au printemps dernier. Ses orientations montrent que le Gouvernement est désormais clairement engagé dans une voie qui ne peut satisfaire ceux qui sont attachés au maintien d’une armée solide et apte à répondre aux aspirations de notre pays, dans un contexte stratégique inquiétant marqué par les incertitudes sahéliennes et centrafricaines, un Moyen-Orient en ébullition, une déstabilisation de l’Asie, une piraterie maritime qui ne fléchit pas et un désengagement des États-Unis en Europe.
Assurément, Le livre blanc apporte des réponses décevantes aux défis sécuritaires de demain.
La contrainte budgétaire est désormais érigée en horizon stratégique et conduit, une fois de plus, à faire des crédits de la défense une variable d’ajustement.
Face à ce constat, l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, dénonce lui aussi le moral des armées qui atteint aujourd’hui le seuil d’alerte. Baisse des effectifs de 24 000 personnes et réduction du contrat opérationnel sont autant de coups portés à un outil militaire qui a fait ses preuves grâce aux efforts du précédent Gouvernement qui, malgré la crise économique, a maintenu un budget militaire en croissance entre 2009 et 2012.
C’est cet effort qui a permis au président Hollande d’engager au Mali nos forces, bien équipées et entraînées au meilleur niveau. Bâtie sur des hypothèses peu crédibles, la trajectoire budgétaire prévue par la prochaine loi de programmation sera difficilement tenable.
Au sein de l’UMP, nous voyons dans cette fragilité une menace pour nos forces et, à terme, un risque significatif de déclassement pour notre pays. Aussi, je serais heureux que vous puissiez dire devant la représentation nationale comment vous envisagez le respect des annuités budgétaires à venir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire, le Président de la République a choisi de maintenir un budget de la défense significatif, ce qui permettra de mettre en oeuvre un modèle d’armée ambitieux. La nation consacrera 190 milliards d’euros courants à sa défense sur la période 2014-2019.
Le budget 2014 reflète cet engagement : au total, le budget de la mission « Défense » s’élève à 31,4 milliards d’euros. Cet engagement est un effort significatif, et perçu comme tel,…
…au profit de l’activité des forces. Un effort particulier s’est porté sur la préparation opérationnelle et l’activité des armées, en particulier en termes de nouveaux investissements et en termes d’entretien.
Monsieur le député, si vous et l’opposition que vous représentez aviez le moindre respect pour nos forces armées
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP
vous n’auriez pas laissé nos bases de défense, nos personnels, nos militaires dans l’état dans lequel ils se trouvent aujourd’hui.
Huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP.
Ils se trouvent aujourd’hui dans une situation déplorable, et vous devriez vous réjouir de l’effort et de l’annonce faite par Jean-Yves Le Drian d’un plan de 30 millions d’euros pour pallier cette urgence.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)
S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutez M. Collard !
D’abord, je veux dire tout le respect que j’ai pour nos armées. Je pense qu’ici, nous avons tous le même respect pour nos armées.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères, mais je crois qu’il n’est pas là. Elle porte sur la soumission diplomatique silencieuse de la France dans le cadre de l’affaire Snowden, l’affaire des écoutes de la NSA.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à exiger des États-Unis l’adhésion à un code de bonne conduite, ou à envisager la suspension de la négociation du traité transatlantique ?
Le Président de la République a affirmé que ces écoutes étaient utiles. Utiles à qui ? À M. Obama, mais pas à la France. Nous subissons aujourd’hui un système d’espionnage qui cause du tort à nos entreprises et à la sécurité de nos armées. Que fait la France ?
L’Espagne a réagi. L’Allemagne a réagi. Que fait la France ? Êtes-vous prêt à réagir ?
Il est vrai qu’on ne peut pas s’occuper de tout. Quand plus de 70 millions de communications sont interceptées, on ne peut pas s’occuper à la fois de Leonarda et d’Obama.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Sourires.
Monsieur le député, la question à laquelle vous faites référence a été inscrite à l’ordre du jour du Conseil européen la semaine dernière, à la demande de qui ? À la demande conjointe de la France et de l’Allemagne, pour qu’une réponse appropriée puisse être apportée et qu’une position unanime soit adoptée par l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Nous attendons effectivement que les États-Unis nous apportent toutes les explications nécessaires et nous transmettent l’ensemble des informations dont pourrait disposer l’ancien consultant de la NSA, M. Snowden. Le président Obama comme le secrétaire d’État Kerry ont confirmé leur volonté de travailler avec nous pour établir les faits et la portée de ces activités de surveillance. Toute la lumière doit être faite : nous y veillerons.
À l’issue de ces discussions au Conseil européen, une déclaration commune des chefs d’État et de gouvernement a été adoptée : elle rappelle que le partenariat entre l’Europe et les États-Unis doit être fondé sur la confiance, y compris concernant l’action et la coopération des services secrets. En outre, la déclaration prend acte de l’intention de la France et de l’Allemagne de négocier directement avec les États-Unis un accord, ouvert aux autres pays de l’Union européenne qui le souhaiteraient, relatif aux relations mutuelles dans ce domaine, d’ici la fin de l’année 2013.
Par ailleurs, un règlement européen sur la protection des données est en cours d’élaboration : la semaine dernière a été pris l’engagement qu’il serait adopté au plus tard à la fin de l’année prochaine.
Vérité, rétablissement de la confiance, mise en place à l’échelle européenne d’une législation protectrice : la France ne transigera sur aucun de ces principes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du budget, après une décennie marquée par les cadeaux fiscaux aux plus riches, la majorité de gauche a souhaité rétablir le principe républicain qui est au coeur du destin français : l’égalité devant les charges publiques. Alors que notre pays fait face à d’importantes difficultés et que nous devons tout mettre en oeuvre pour sortir de la crise, François Hollande avait proposé lors de la campagne présidentielle de mettre en place une contribution exceptionnelle de 75 % pour tous les revenus supérieurs à un million d’euros.
Chers collègues, le 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel, saisi par l’UMP, a censuré la disposition adoptée par la majorité de gauche. Une nouvelle approche de cette contribution exceptionnelle a été adoptée dans la loi de finances pour 2014, et elle va s’appliquer. Payée par les entreprises dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires, la taxe à 75 % va créer une ressource nouvelle qui contribuera au rétablissement de nos comptes publics fortement mis à mal par la gestion dispendieuse de l’UMP.
Le monde du football professionnel, qui voudrait bénéficier d’une dérogation au droit commun, doit s’y faire. Les pouvoirs publics soutiennent ses initiatives : ils participent notamment à la modernisation des stades dans le cadre de l’Euro 2016. Les Français sont aussi en droit d’attendre des efforts financiers exceptionnels d’un secteur où les salaires moyens sont – personne ne me contredira sur ce point – confortables.
Monsieur le ministre, le redressement de nos finances publiques ne peut se faire si l’effort n’est pas justement partagé. Nous tenons nos engagements devant les Français. Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous décrire les modalités de mise en oeuvre de cette mesure ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député Michel Ménard, vous insistez sur l’urgence du redressement des comptes publics et sur la nécessité d’effectuer celui-ci dans un contexte de justice fiscale.
Je veux d’abord insister sur le fait que nous parvenons à obtenir des résultats significatifs en termes de réduction des déficits. Je donnerai quelques chiffres. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit public était de 5,3 %.
Au terme des mesures adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2012, nous l’avons ramené à 4,8 %. Il s’élèvera en 2013 à 4,1 %. Avec le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, notre objectif est de le ramener à 3,6 % en 2014. Nos efforts structurels sont très significatifs : 1,3 point de PIB en 2013 et 1 point en 2014.
En 2014, cet ajustement s’opère essentiellement par des économies en dépenses, qui représentent 80 % de l’effort. Notre objectif est de réduire le déficit, jusqu’à la fin du quinquennat, exclusivement par des efforts d’économies en dépenses, car il est aujourd’hui nécessaire de réformer l’État et de démontrer aux Français que cet effort est réalisé au moyen de réformes.
La taxe à 75 % s’inscrit dans notre volonté de faire en sorte que cet effort soit juste fiscalement. Cette contribution n’est pas un impôt sur la réussite : elle n’est pas une manière de dissuader la réussite au sein des entreprises. Dans une période difficile, pendant le moment de redressement des comptes, tous les revenus, notamment les plus importants, doivent être mis à contribution, sans pénalité pour les entreprises. C’est la raison pour laquelle nous avons plafonné cette taxe à 5 % du chiffre d’affaires, comme vous l’avez rappelé, monsieur Ménard. Nous souhaitons que cette mesure soit mise en oeuvre dans un contexte d’apaisement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui aurait été bien inspiré de répondre à M. Teissier sur la question posée par l’opposition concernant le respect des armées.
Voici quelques semaines, monsieur le ministre, votre Gouvernement a pris la décision d’interdire aux travailleurs frontaliers de la Suisse de recourir aux contrats d’assurance privée pour garantir leur protection sociale. Ce faisant, avez-vous bien pris conscience, monsieur le Premier ministre, des conséquences de cette décision, notamment pour un certain nombre de travailleurs frontaliers qui sont soignés dans des hôpitaux suisses pour des traitements de longue durée, essentiellement en cancérologie ? Vous allez les obliger à quitter des équipes de médecins, d’infirmiers, qui exercent dans des hôpitaux suisses, pour rejoindre des hôpitaux français. Vous ne leur en avez pas parlé, pas plus qu’à leurs familles ou à la communauté hospitalière.
De plus, vous allez imposer à 150 000 travailleurs frontaliers de trouver un médecin généraliste référent sur le territoire français, dans des zones frontière où il en manque déjà aujourd’hui et où les files d’attente sont longues. Là encore, vous n’en avez parlé ni aux agences régionales de santé, ni aux familles, ni aux médecins. Votre gouvernement, monsieur le ministre, c’est le gouvernement de la brutalité fiscale.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
En raison de votre politique, ces 150 000 travailleurs frontaliers ressentent une inquiétude profonde. Comme vous l’avez fait pour l’écotaxe, vous seriez bien inspiré, monsieur le Premier ministre, de renoncer à cette mesure et de discuter, de parler, d’échanger et d’écouter les travailleurs frontaliers de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le député Étienne Blanc, vous dites des contrevérités et je vais vous le démontrer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi d’excuser Mme Touraine qui est actuellement retenue au Sénat par le débat sur les retraites.
Vous l’avez rappelé, les travailleurs frontaliers avec la Suisse bénéficient d’un droit d’option qui leur permet de choisir entre assurance maladie et assurance privée. Ce choix étant réversible, il donne parfois lieu, et vous le savez, à une optimisation qui fait opter pour l’assurance privée tant que l’on est en bonne santé, puis retourner vers la Sécurité sociale quand on est plus âgé et malade.
Ceci va à l’encontre du principe même de notre Sécurité sociale ainsi que du droit.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je vous rappelle que c’est la droite et le gouvernement que vous souteniez qui a prévu que ce régime dérogatoire devait s’arrêter le 1er juin 2014.
Quant à nous, nous avons engagé une concertation de manière, contrairement à ce que vous dites, à préparer ce passage de l’un à l’autre.
Nous avons tiré les conclusions des rapports qui nous ont été fournis…
…décidant ainsi d’une période transitoire d’un an avant la mise en place,…
…pendant laquelle les frontaliers seront assujettis à un taux de 6 % avant de passer l’année suivante à un taux de 8 %.
Ce qui veut dire que 50 % de ces frontaliers ne paieront pas un euro de plus. Enfin, Mme Touraine s’est rigoureusement engagée sur le fait que tous les patients qui suivent des traitements longs pourraient les continuer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vous avez réuni ce matin à Matignon l’ensemble des élus territoriaux et parlementaires de Bretagne. Cette importante réunion avait trait à l’écotaxe et au pacte d’avenir pour la Bretagne. Vous avez annoncé ce matin la suspension de la mise en oeuvre de l’écotaxe. Au groupe UDI, nous approuvons cette décision et l’interprétons comme un geste d’apaisement bienvenu.
J’ai ce matin eu l’occasion, puisque j’ai participé à la réunion que vous avez organisée, monsieur le Premier ministre, de faire des propositions au nom du groupe UDI. Je souhaite les rappeler dans le cadre de la séance de questions au Gouvernement. D’abord, il faut immédiatement travailler sur le contenu du pacte d’avenir que vous avez souhaité pour la Bretagne. Premier axe, travailler à la mutation industrielle des entreprises de Bretagne, non seulement des entreprises agroalimentaires, mais de l’ensemble des entreprises industrielles. Deuxième axe, ne pas déconnecter la question de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Troisième axe, redonner de la compétitivité aux entreprises de Bretagne, notamment par le biais de l’ajustement des modalités du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui bénéficie aussi aujourd’hui à la grande distribution et qui pourrait être redéployé vers l’outil de production industrielle.
Ensuite, il serait utile de profiter de ce pacte d’avenir pour adapter nos outils, notamment de gouvernance territoriale. À l’UDI, nous proposons une expérimentation qui concerne la décentralisation avec des pouvoirs nouveaux accordés à la région Bretagne, y compris des pouvoirs en termes réglementaires et normatifs.
Enfin, monsieur le Premier ministre, je souhaiterais que vous puissiez, très rapidement, faire des propositions qui concernent la ligne Bretagne à grande vitesse pour aller jusqu’à Quimper. Telles sont nos propositions, monsieur le Premier ministre. Êtes-vous prêt à donner suite à ces mesures ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Je tiens d’abord à vous remercier, monsieur le député, Thierry Benoit. Ce matin, vous avez en effet répondu à mon invitation comme la plupart des parlementaires bretons – seuls manquaient ceux de l’UMP – la quasi-totalité des présidents des conseils généraux ainsi que le président du conseil régional – manquait un président de département appartenant à l’UMP. Vous, vous avez souhaité être présent non pas avec une étiquette politique, mais en tant représentant de tous ceux qui vous avaient élu, et même ceux qui ne l’avaient pas fait. Tel est le rôle de la représentation nationale dans un esprit républicain, pour essayer d’avancer vers des solutions.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur quelques bancs du groupe UDI.
Dès ce matin, vous avez évoqué plusieurs points. Comme je l’ai indiqué lors de cette réunion, après l’annonce de la suspension de l’écotaxe, il faut engager une réflexion…
…qui corresponde aux vrais besoins en matière de recettes, mais qui soit en même temps efficace et équitable sur l’ensemble du territoire national, notamment les territoires les plus périphériques – et c’est vrai pour la Bretagne – et qui tienne compte de la spécificité d’un certain nombre de professions. J’ai notamment cité les professions de l’agriculture et de la pêche, mais d’autres sont également concernées. Ce travail, il faut le commencer tout de suite à l’échelle nationale – et ce sera la tâche du ministre des transports Frédéric Cuvillier et du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. Quant à la singularité bretonne, il faut l’aborder dès à présent dans le dialogue. Ce dialogue, qui était interrompu pour les raisons que j’ai données, va redémarrer, j’en suis convaincu. Je l’ai observé aux premières réactions d’apaisement que j’ai notées. J’ai demandé aux préfets de région de commencer d’organiser les premières réunions dès demain et un calendrier va vous être présenté. Il sera proposé aux élus parlementaires, aux élus des collectivités territoriales, mais aussi aux représentants des forces économiques et sociales ainsi qu’aux chambres consulaires. S’agissant de l’écotaxe par exemple, je viens d’en parler.
Si vous voulez que je vous parle des autres régions, j’en parlerai aussi. Il y a peu de temps, j’ai proposé ici un pacte pour la Lorraine, région en mutation que nous avons aidée.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Il y a quelques semaines, j’ai réuni tous les présidents des conseils régionaux, puis les préfets de région pour leur dire que la négociation sur les contrats de plan État-région était engagée…
…avec un volet mobilité pour lequel il faudrait engager des moyens. L’investissement, tel est l’enjeu de l’avenir de la France. Avec qui allons-nous préparer cela ? Avec ceux, et vous avez raison, monsieur le député, qui sont sur les territoires. Les années de décentralisation, de réformes engagées depuis François Mitterrand ont porté leurs fruits : la France d’aujourd’hui est différente. La France d’aujourd’hui est une France de l’État mais aussi des collectivités territoriales.
Vous faites des propositions précises, monsieur le député. Au printemps prochain, s’ouvrira une deuxième étape du projet de loi de décentralisation.
Après celui des métropoles, viendra celui concernant les régions. Je suis ouvert à des propositions…
…y compris sur le volet expérimentation que vous avez évoqué il y a quelques instants. Soyons constructifs, donnons tous les moyens aux acteurs des territoires…
…afin qu’ils jouent pleinement leur rôle au service des territoires, de leurs habitants et des acteurs économiques et sociaux. C’est ce qu’ils attendent et c’est cela le respect de l’État, des Françaises et des Français. Il y a dans les territoires des centaines, voire des milliers d’initiatives, de volonté, d’intelligence, notamment en Bretagne. Aussi bien le plan pour l’agriculture et l’agroalimentaire que le pacte pour la Bretagne, que j’ai évoqués, il faut les mettre en oeuvre. Tout cela est sur la table.
Vous avez, à juste raison, évoqué la grande distribution. Pendant des années, la grande distribution – et ce n’est pas vrai qu’en Bretagne – dans ses rapports avec la production, les petites et moyennes entreprises, mais en particulier la production agricole, a souvent mis en grande difficulté les producteurs qui n’avaient pas leur mot à dire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous avez raison d’indiquer qu’il faut changer les règles du jeu. Ensemble, si vous le voulez bien, nous allons créer un nouveau rapport de forces, de nouvelles conditions de dialogue entre la production et la grande distribution. Nous sommes au coeur du sujet d’un nouveau modèle agroalimentaire. Tout cela va se concrétiser. Les propositions seront nombreuses. Cela se fera-t-il facilement ? Y aura-t-il des résistances ? Bien sûr, il y en aura. J’ai vu l’autre jour les représentants des grands centres de la distribution actionner les sirènes d’alarme, dans leurs établissements, par solidarité avec ceux qui s’opposaient à l’écotaxe. Moi, je leur donne rendez-vous, non pour protester contre le Gouvernement, mais pour qu’ils apportent leur contribution à la rénovation du modèle agricole et agroalimentaire et à la préparation de l’avenir de cette région et toutes les régions de France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Écotaxe
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Marc Germain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le ministre délégué chargé du budget, chers collègues, le 3 juin 1953, Pierre Mendès France concluait ainsi son discours à cette tribune : « Pensons à ce pays inquiet qui nous observe. Travaillons ensemble à lui rendre la foi, les forces, la vigueur qui assureront son redressement et sa rénovation. » Il ajoutait : « Soyez assurés qu’une fois guéri, loin de vous reprocher votre rigueur et votre courage, il vous sera reconnaissant de l’avoir éclairé et de lui avoir montré le chemin de son salut. »
C’est en pensant à ces mots que le groupe socialiste votera dans quelques instants ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Le chemin du salut pour notre protection sociale, c’est d’abord d’en rétablir les équilibres. Si nous le laissons crouler sous les dettes, notre modèle social s’effondrera. C’est à croire d’ailleurs que certains dans ce pays le souhaitent car l’histoire se répète, chers collègues de l’opposition. Déjà en 1997, vous nous aviez laissé des déficits abyssaux. Nous avons dû nous « y coller » pour les réduire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Encore et toujours l’argument de l’héritage : prenez plutôt vos responsabilités !
Nous vous avions remis les clefs avec une Sécurité sociale à l’équilibre. Dix ans de droite et c’est rebelote, en pire : cette fois, c’est une ardoise de 21 milliards que vous nous avez laissée !
Rétablir les comptes, c’est un peu notre rocher de Sisyphe. Chaque fois que nous vous succédons, il nous revient de prendre les mesures de redressement des déficits. Comme Sisyphe, nous y trouvons de la souffrance – au vingt et unième siècle, on appelle cela l’impopularité –,…
…mais, comme lui, nous y trouvons un sentiment d’accomplissement, le sentiment, tout simplement, de faire notre devoir, qui est de préserver le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas, la Sécurité sociale.
Je rappelle ces chiffres non pas pour me lamenter du passé, mais pour appeler à peu plus d’humilité sur les bancs de l’opposition. Je dois dire que j’ai trouvé vraiment indécentes les leçons que vous avez tenté de nous infliger pendant quatre jours.
Comme dirait ma grand-mère, quand on a de tels résultats, on ne les présente pas, on présente ses excuses.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La politique en serait grandie, tout comme elle le serait si vous faisiez preuve d’un peu plus d’honnêteté intellectuelle.
Où est la cohérence quand vous feignez de regretter l’insuffisance des économies, tout en refusant toutes celles que nous proposons ? Je pense à la délivrance des médicaments à l’unité ou au développement des biosimilaires. Où est la cohérence quand vous prétendez défendre la retraite par répartition, mais que vous refusez les mesures de rétablissement des comptes et que vous prônez un système par points qui n’est autre, pour vous, que le chacun pour soi ?
Où est la cohérence, enfin, quand vous fustigez une harmonisation des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne dont le fruit sera de 600 millions d’euros, alors que vous les avez, vous, augmentés de six milliards d’euros entre 2008 et 2012 ?
Faire honneur au débat démocratique, ce n’est pas agiter les peurs comme vous l’avez fait avec le PEL, c’est apaiser.
Il le fallait, vous l’avez fait, monsieur le ministre, et nous nous en réjouissons, car le fondement de notre politique fiscale c’est la justice et, précisément, la mesure sur les PEL a été perçue comme injuste. Là où d’autres nous avaient habitués à passer en force, la sagesse était ici d’entendre les inquiétudes, vous avez eu cette sagesse, vous avez fait preuve de cette écoute, et nous vous en remercions.
Oui, nous avons le courage de faire ce que vous n’avez jamais fait,…
…rétablir les comptes de la Sécurité sociale, mais le chemin que nous voulons pour la Sécurité sociale, c’est aussi celui du progrès. Il n’y a pas de réforme digne de ce nom qui ne soit synonyme de progrès. Le progrès, c’est de faire du troisième âge de la vie celui d’une troisième vie. Le progrès, c’est d’aimer et d’accompagner les familles telles qu’elles sont, dans toute leur diversité, sans jugement moral ou religieux. Le progrès, c’est de faire bénéficier chacun des avancées de la médecine. Voilà notre boussole, celle qui nous guide, celle qui guide la stratégie nationale de santé, celle qui guide la modernisation de la politique familiale, la loi sur les retraites et, demain, la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, qui trouvent dans ce PLFSS leurs premières traductions financières.
Le chemin que nous voulons pour la Sécurité sociale, c’est enfin celui de la justice. Justice pour les ouvriers avec la prise en compte de la pénibilité. Justice pour les femmes dans les familles avec le développement massif des modes de garde…
…et la compensation par les régimes de retraites des inégalités de carrières. Justice pour l’accès aux soins de tous avec la généralisation du tiers payant et des complémentaires santé collectives, quand sur les bancs de l’opposition on rêve de privatisation du système de santé.
Justice, enfin, pour compenser la perte d’autonomie avec ces 100 millions d’euros que nous avons décidés dans l’attente de la loi.
Oui, chers collègues, le groupe socialiste votera ce PLFSS en ayant le sentiment profond de contribuer ainsi, pour reprendre les mots de Pierre Mendès France que je citais en introduction,…
…à rendre à notre pays les forces et la vigueur qui assureront son redressement et sa rénovation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, je me demande si la boussole de M. Germain n’a pas perdu le nord. On essaiera de le lui retrouver tout à l’heure.
La spirale de la dette sociale est anormale et dangereuse, car son encours global devrait atteindre 189 millions d’euros. C’est le Premier président de la Cour des comptes qui vous le rappelle. Seuls la Grèce et l’Espagne, dans la zone euro, ont un déficit des administrations sociales plus élevé.
Au cours de cet examen du PLFSS pour 2014, aussi bien en commission que dans l’hémicycle, vous nous avez dénié le droit de critiquer et de s’opposer, souvent, d’ailleurs, d’un ton assez hautain.
Pourtant, tout dans ce PLFSS est en trompe-l’oeil et à mille lieues de ce que la France attend.
…dans le déni de la réalité de notre pays, et dans l’amateurisme.
Vous parlez de confiance et de justice, mais les Français refusent votre confiance. Votre politique marche en crabe. Après – premier recul –l’impôt sur l’excédent brut d’exploitation, c’est au tour du prélèvement à 15,5 %, avec rétroactivité, sur les plans d’épargne logement, les les PEA, sur les contrats d’assurance-vie de passer à la trappe. Si tempête il y a eu dans l’hexagone, je crois qu’elle a plutôt sévi sur votre Gouvernement, mesdames et monsieur les ministres.
Les grincements de dents sont du côté des parlementaires de votre majorité, et l’opposition est fière d’avoir protégé l’épargne de nos compatriotes les plus modestes. Vous faites les poches des Français avec votre matraquage fiscal : le régime social des indépendants, les exploitants agricoles, les pensions de nos retraités, le quotient familial, la prestation d’accueil du jeune enfant, les contrats complémentaires santé et un véritable hold-up sur les transfrontaliers, qui apprécieront !
Votre abandon du jour de carence et du droit de timbre pour l’aide médicale d’État, c’est tout sauf de la justice. En fait, de nouveaux prélèvements et un dérapage continu de la dépense sociale, avec un déficit encore marqué dont le montant est de 13 milliards d’euros dont la moitié pour la seule branche maladie, c’est là la colonne vertébrale de votre projet.
Où sont les réformes structurelles tant attendues ?
Celle de l’hôpital et de l’organisation des soins ? Rien, sinon l’abandon de la tarification à l’activité, si développée ailleurs en Europe, et de la convergence entre public et privé, qui signe le déclin inexorable des cliniques et la non-réforme de nos hôpitaux.
Rien, sinon le retour des centres publics de santé et l’étatisation rampante de la médecine libérale.
Ce texte fait encore peser les efforts sur les entreprises du médicament pour près d’un milliard d’euros, en contradiction avec les décisions du comité stratégique des industries de santé du mois de juillet dernier, qui avait d’ailleurs été présidé par le Premier ministre. C’est une véritable rupture du pacte de confiance, et un risque économique majeur pour les entreprises.
Vous misez aussi sur une croissance du PIB de 0,9 % et sur une croissance de la masse salariale comprise entre 3 % et 4 %. Du rêve à la réalité, il y a surtout le pari de confier votre politique au seul destin, un destin très aléatoire.
Vous signez aussi le retour scandaleux des clauses de désignation des futurs contrats complémentaires santé, en faisant ainsi un véritable pied de nez au Conseil constitutionnel,…
…mais sachez que nous le saisirons à nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce deuxième PLFSS de votre législature est déjà condamné, vous le savez, par la Mutualité française, mais aussi par le collectif des assurés et par les syndicats, de salariés comme du patronat.
Plutôt que de propositions gadgets, comme la taxe sur les boissons énergisantes ou la délivrance des médicaments à l’unité, occupez-vous des Français, car après la non-réforme des retraites, après l’absence de réformes pourtant indispensables du système de santé, le divorce est consommé entre votre majorité et les Français.
La cote de popularité du Président de la République en est un témoin.
Mes chers collègues, ce PLFSS n’est ni un projet de justice, avec une avalanche de taxes et des fonds de tiroir vidés, ni un projet responsable, puisque vous fuyez toute véritable réforme servant l’intérêt collectif. Enfin, il n’est pas sincère, avec des prévisions financières fausses depuis l’abandon des 600 millions d’euros « piqués » sur l’épargne des Français.
Pour toutes ces raisons, personne, ici, ne devrait voter ce PLFSS, qui devrait retourner en commission. Votre majorité ne devrait donc pas le voter. En tout cas, le groupe UMP ne le votera pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMPsur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nos compatriotes perçoivent clairement que la Sécurité sociale est à la croisée des chemins, le Gouvernement est passé à côté de l’inquiétude des Français pour l’avenir de la protection sociale.
En effet, l’examen de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale a permis de prendre le Gouvernement et sa majorité en double flagrant délit.
C’est, d’abord, un flagrant délit de laisser-aller. Ce budget ne fixe aucun cap, il se contente d’expédier les affaires courantes de la Sécurité sociale et de racler les fonds de tiroir. Pourtant, les axes de travail pour refonder notre système de protection sociale et de santé ne manquent pas. Le groupe UDI vous a proposé plusieurs pistes ces deux dernières semaines : assurer le financement de la protection sociale par d’autres ressources que les actuelles taxes sur la production, pour alléger le coût du travail, et, si vous avez accepté un rapport sur le sujet, c’est bien le moins que vous pouviez faire ; harmoniser les régimes de protection sociale, pour que chacun dispose de prestations similaires et qu’il existe enfin une plus grande justice entre les Français ; refonder la carte hospitalière pour assurer l’accès aux soins et répondre aux besoins des territoires ; moderniser l’organisation de l’offre de soins, pour l’inscrire dans un véritable parcours de santé et assurer des marges d’économies concrètes pour notre Sécurité sociale, avec, par exemple, le développement de la chirurgie ambulatoire. Au lieu de cela, vous vous enfermez dans cette logique que vous avez choisie l’année dernière et que vous confirmez pour 2014 : taxer toujours plus, et toujours plus large. Vous placez notre Sécurité sociale sous perfusion fiscale, en visant spécialement cette année, les indépendants, les agriculteurs et l’épargne des classes moyennes.
C’est le second flagrant délit, un flagrant délit d’incohérence, parce que ce PLFSS dément toutes les affirmations de pause dans l’augmentation des prélèvements,…
…tant et si bien qu’à peine votée la taxation des plans d’épargne logement, la déferlante fiscale a semé la panique dans la majorité. Incohérence, parce que nous avons alors assisté à un exercice de rétropédalage étonnant, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale demandant au Gouvernement de revenir sur une mesure qu’il avait lui-même défendue quelques heures auparavant et dont nous dénoncions la nocivité depuis deux semaines ! Pourquoi ne pas nous avoir entendus plus tôt,…
…lorsque nous affirmions dès le début des débats en commission, puis dans l’hémicycle, que l’augmentation des taxes sur l’épargne logement était une erreur ?
ertes, nous pourrions vous encourager à poursuivre dans cette voie et à écouter l’opposition quand elle vous dit que vous vous trompez. Ainsi, sur les services à la personne, dont vous avez alourdi les charges sociales et qui suppriment des emplois, ouvrez les yeux ! Sur le risque qui pèse sur l’emploi dans l’industrie pharmaceutique et le réseau des pharmacies, ouvrez les yeux ! Sur les conséquences de la taxation supplémentaire de l’assurance-vie qui concerne l’épargne de sept millions de Français, ouvrez les yeux ! Sur les conséquences pour l’emploi de l’augmentation des taxes ou charges visant les indépendants et les agriculteurs, ouvrez les yeux ! Sur les conséquences du report de la revalorisation des pensions de retraite, sur le pouvoir d’achat des retraités, ouvrez les yeux ! Ouvrez les yeux ! Revenez en arrière ! Le premier secrétaire du Parti socialiste ne déclarait-il pas, hier, préférer un gouvernement qui ne s’obstine pas ?
Sourires.
Nous pourrions continuer cette litanie des erreurs fiscales commises par ce gouvernement depuis un an et demi, la liste est longue.
En réalité, l’examen de ce PLFSS se termine de manière regrettable, sur une impression de bricolage et de cafouillage. Ce sentiment d’improvisation mine toute confiance dans la capacité de votre budget à traduire des politiques à la mesure des enjeux qui pèsent sur notre protection sociale. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDIsur de nombreux bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le débat auquel nous avons été conviés a été un exercice instructif, dense et parfois vif.
Avec ma collègue Véronique Massonneau et le groupe écologiste, nous avons porté une parole fidèle à nos convictions écologistes, solidaires et aussi pragmatiques.
Nous sommes face à un double défi : préserver l’ambition solidaire des pères fondateurs de notre système de protection sociale et, en même temps, apporter une vision nouvelle de la santé publique fondée sur la responsabilisation de tous et sur un indispensable changement de paradigme qui mettrait enfin la prévention au coeur de notre système.
Avec constance, nous avons proposé des amendements modestes visant à valoriser les bons comportements en luttant contre les pratiques néfastes pour la santé des générations à venir et pour le financement de la sécurité sociale. Ces propositions sont encore mal entendues. Nous saluons la taxation des boissons énergisantes proposée par notre collègue rapporteur, Gérard Bapt.
En revanche, vous avez dédaigné nos alertes sur l’huile de palme, le diesel ou l’aspartame, renvoyant ces questions à la future loi de santé publique pour laquelle nous attendons toujours un calendrier précis, une méthodologie et un débat préalable. Ces éléments sont indispensables.
Ne pas répondre à la véritable crise sanitaire que connaît notre époque aurait des conséquences humaines et financières catastrophiques. Ces conséquences aggraveraient la pandémie de maladies chroniques : diabète, troubles cardiovasculaires, asthme et allergies, ainsi que – conséquence catastrophique ! – le déficit sans fin des comptes sociaux. Le chantier est ouvert, nous y reviendrons.
Les expérimentations annoncées reçoivent notre soutien, en particulier celles qui visent à encourager un usage raisonné du médicament, comme la délivrance de certains médicaments à l’unité, la promotion des médicaments biosimilaires ainsi que la prise en charge des médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation.
Nous vous avons également proposé de commencer à combattre la gabegie et à la prolifération de médicaments sans plus-value thérapeutique. Selon la revue Prescrire, plus de la moitié des médicaments nouveaux n’apporteraient rien par rapport aux molécules déjà sur le marché. Ces réflexions de bon sens ont été accueillies dans la majorité avec scepticisme, et dans l’opposition avec des cris d’orfraie et des attaques caricaturales. On nous a accusés de chantage à l’emploi : les écologistes seraient donc les fossoyeurs de l’industrie pharmaceutique !
On nous a également accusés de mise en danger de la vie d’autrui et de diffamation. Mes chers collègues, tout ce qui est excessif est insignifiant ! Je note qu’en revanche, les 3,8 milliards d’euros d’exonérations, réductions ou abattements pour les entreprises n’ont pas suscité autant de réactions.
Nous saluons la volonté affichée par le Gouvernement de voir chacun et chacune accéder à une complémentaire santé dans de bonnes conditions. Nous pensons que les propositions d’accès aux soins pour les plus démunis formulées par notre collègue sénatrice Aline Archimbaud auraient pu être mieux prises en compte. C’est avec plaisir que nous avons vu l’une de ces propositions être reprise dans ce texte.
Les réformes structurelles avancent donc lentement, en attendant la loi-cadre de santé publique. Cependant, la mise en place d’un collège des financeurs qui émettra un avis médico-économique sur les protocoles de coopération entre professionnels de santé, tout comme la réforme de la tarification à l’activité et le renforcement de l’appui à la médecine de proximité, notamment aux maisons de santé, sont de bons signes.
S’il est un domaine qui illustre la difficulté de gouverner en temps de crise, c’est bien celui des affaires sociales. Lorsque la crise économique frappe, les besoins sociaux augmentent. Dès lors, la difficulté pour tout gouvernement réside dans la nécessité d’agir contre les déficits sans remettre en cause le système de protection sociale, tout en améliorant l’accès aux soins des plus démunis, en répondant à la crise sanitaire et en préparant l’avenir.
Aucune politique de protection sociale durable et digne ne peut s’établir sur la perpétuation de rentes de situation. L’on ne s’est pas gêné pour exprimer la logique cynique selon laquelle un citoyen en bonne santé ne rapporte rien. Nous affirmons au contraire qu’en matière de santé publique, les bons choix d’aujourd’hui sont les économies de demain. Dans un contexte complexe et tendu, nous voulons aller de l’avant. Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre constance.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Mes chers collègues, veuillez cesser ce brouhaha : on ne s’entend pas.
Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter en première lecture ce PLFSS pour 2014. Tout d’abord, permettez-moi de vous faire partager notre regret : ce PLFSS contient des mesures qui ne vont pas dans le sens de réformes structurelles que nous appelons de nos voeux depuis de très longues années.
Je le redis : il faut des réformes de fond et non des mesures conjoncturelles pour pallier le déficit de la Sécurité sociale. Toutefois, la stratégie nationale de santé que le Gouvernement a définie va dans le bon sens et a tout notre soutien. Nous souhaitons que la loi la mette fortement en oeuvre.
J’aborde à présent la question des PEA et PEL, concernés par l’article 8 de ce PLFSS. Le projet prévoyait initialement d’accroître la taxation de plusieurs produits d’épargne, dont les PEA, les PEL et l’épargne salariale. Ce n’était pas conforme à l’équité fiscale, car ces produits concernent souvent les classes moyennes, voire les catégories modestes. Par ailleurs, ce relèvement inopiné et rétroactif aurait entraîné une instabilité fiscale risquant d’être, à l’avenir, dissuasive pour les épargnants. À la demande du président de notre groupe et d’autres députés, le Gouvernement a renoncé dimanche à cette mesure. Nous saluons cette avancée positive.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est satisfait des déclarations faites à la presse dimanche dernier par le ministre du budget, qui a exprimé le souhait du Gouvernement de revenir sur ces dispositions au cours de l’examen de ce texte au Sénat.
Concernant le médicament, nous sommes partisans d’une industrie française performante, qui s’appuie sur notre marché intérieur pour améliorer l’emploi. L’industrie du médicament participe aussi à la recherche, en liaison avec la recherche publique, permettant l’obtention de brevets français – que nous perdons d’année en année – et l’augmentation des exportations.
Je vous assure, chers collègues de l’opposition, qu’il est très déstabilisant de vous entendre parler tout le temps. On ne s’entend pas parler.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Au sujet des médicaments, nous soutenons la politique exposée en juillet dernier par le Premier ministre devant le Conseil stratégique des industries de santé. Il a notamment insisté sur les possibilités importantes des industries de santé en matière de lutte contre le chômage et sur la nécessité d’une adéquation entre les politiques publiques et les politiques industrielles. En outre, nous avons insisté sur quelques points précis, comme la nécessité, pour la ministre de la Santé, de régler rapidement le dossier des médicaments contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Nous l’attendons depuis le précédent PLFSS.
Pour nous, radicaux de gauche, la politique de santé ne se limite pas à la gestion des crises sanitaires et à la surveillance des dépenses. Il ne suffit pas d’ajouter, pour la deuxième année consécutive, des taxes aux taxes qui pèsent déjà sur l’industrie pharmaceutique. Nous devons faire preuve de courage et nous diriger vers une refondation, car les paramètres classiques de la santé ont changé. Votre stratégie nationale de santé constitue la première pierre de cet édifice qui reste à construire. Il faut poursuivre ce travail dès que possible.
La vente du médicament à l’unité, quoique séduisante, ne permettra pas de mettre fin au gaspillage. Les études montrent que dans les pays où elle est pratiquée, il n’y a pas moins de gaspillage, puisque la cause n’est pas le conditionnement des médicaments mais bel et bien l’arrêt des traitements ou les prescriptions inadaptées. Il en est de même de l’article 38, dont la rédaction complexe montre toute la difficulté de réglementer des domaines émergents, comme celui des biosimilaires.
Nous avons également insisté sur la sécurité des produits de santé, qu’il s’agisse des médicaments ou des dispositifs médicaux. Nous avons évoqué la complexité et le nombre excessif d’agences qui interviennent dans ce domaine. Nous avons signalé, au cours de la discussion générale, les nombreux dossiers douloureux de ces derniers mois. Nous nous devons de rassurer nos concitoyens.
Concernant les soins primaires, des avancées sont à l’ordre du jour avec le financement des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluriprofessionnelles et l’amélioration de la couverture des praticiens et auxiliaires médicaux.
Nous sommes satisfaits de l’adoption de notre amendement concernant l’expérimentation de la télémédecine pour les pharmaciens. Nous nous réjouissons de la réforme de la tarification à l’activité. Nos hôpitaux de proximité attendent avec impatience le nouveau mécanisme de dégressivité tarifaire.
Nous avons aussi rappelé le rôle important de santé publique de premier recours que joue le maillage du territoire par les pharmacies d’officine. L’officine doit évoluer vers une véritable profession de santé et être un partenaire essentiel dans le parcours de soins. Il faut, madame la ministre, mettre en place la nouvelle rémunération à l’honoraire votée il y a deux ans.
Madame la ministre, nous n’approuvons pas certaines mesures de ce PLFSS, mais nous considérons que les orientations de votre Stratégie nationale de santé doivent être soutenues. Fidèle à la majorité gouvernementale, le groupe RRDP votera donc en première lecture le PLFSS 2014, en souhaitant qu’il évolue dans le bon sens lors de la navette.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, mesdames et monsieur le ministre, chers collègues, nos concitoyens auraient été en droit d’attendre d’un gouvernement de gauche qu’il prenne des mesures fortes et courageuses pour préserver et étendre notre modèle social. En l’occurrence, ils espéraient des mesures fortes pour améliorer l’accès aux soins, faire sortir l’hôpital public de son sous-financement chronique et garantir à tous une retraite digne et des prestations familiales universelles.
Mais pour mettre en oeuvre cette politique, il aurait fallu en finir avec l’austérité budgétaire menée tambour battant par votre gouvernement, dont le FMI lui-même souligne les effets néfastes. Il est pourtant nécessaire et possible de dégager des moyens nouveaux en mettant à contribution tous les revenus, y compris ceux du capital. Quand on sait que 40 milliards d’euros de dividendes sont distribués par les entreprises du CAC 40, on s’étonne que les ménages modestes et les classes moyennes soient mis à ce point à contribution. On s’étonne que vous ayez refusé tous nos amendements qui proposaient une plus juste répartition des richesses, permettant un financement équilibré de la protection sociale et l’ouverture de droits nouveaux et indispensables.
Faute de faire ces choix politiques justes et audacieux, vous êtes condamnés à rester dans le chemin tracé par vos prédécesseurs. On l’a vu avec le texte sur les retraites, on le voit aujourd’hui avec ce PLFSS. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les objectifs de dépenses d’assurance maladie, qui restent strictement inchangés par rapport à ceux votés sous la précédente majorité.
Il est vrai que nous avons noté avec intérêt quelques mesures positives, notamment le début de remise en cause de certaines dispositions incompatibles avec une prise en charge globale des patients, comme la modulation de la tarification à l’activité dans certains établissements de santé, l’expérimentation d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte, ou le parcours de soins pour certaines affections chroniques de longue durée. Je pense également au tiers payant pour la contraception des jeunes mineures, ou encore à la reconnaissance de la place et du rôle des centres de santé dans l’accès aux soins de proximité.
Bien sûr, nous avons voté pour ces avancées. Elles restent néanmoins très limitées, voire homéopathiques, face à la gravité des autres mesures que vous avez fait adopter, notamment la compensation pour les employeurs du coût de la réforme des retraites – qui n’est donc plus financée que par les salariés et les retraités – et la confirmation des 35 milliards d’euros d’abattements d’assiette et d’exonérations de cotisations sociales patronales sans aucun contrôle ni contrepartie.
Elles restent également limitées face à toutes les mesures de désengagement de l’assurance maladie que vous avez maintenues. Ces mesures orchestrées depuis dix ans par la droite, à coup de franchises, de déremboursements et de forfaits hospitaliers, entravent considérablement l’accès aux soins en général et particulièrement pour les plus modestes : toutes les études le montrent !
Vous poursuivez également la politique de fermeture de services et de sous-financement des hôpitaux publics. Comment comprendre que vous ayez refusé tous nos amendements à ce sujet, y compris celui qui proposait de mettre fin à la convergence tarifaire dans le secteur médico-social, et celui sur la défiscalisation des indemnités journalières en cas d’accident du travail, alors que nous avions dénoncé ensemble cette mesure profondément injuste et pénalisante pour les salariés victimes de ces accidents ?
Comment comprendre le refus pur et simple d’aborder la question de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui a pour conséquence le sous-financement de la branche AT-MP par les employeurs ? Comment comprendre le refus de mon amendement à ce sujet ? Encore un cadeau au patronat qui pèse sur la branche maladie et met en cause la santé et la sécurité des salariés.
Non, décidément, vous n’avez inclus dans ce PLFSS aucune mesure pour commencer à tenir votre promesse d’affronter les marchés financiers, aucune mesure qui permette de dégager des moyens nouveaux pour répondre à l’urgence sociale, dans le respect des valeurs d’universalité, d’égalité et d’équité qui fondent notre Sécurité sociale. C’est pourtant ce qu’attendent nos concitoyens, particulièrement celles et ceux qui en 2012 ont choisi de voter pour un changement de majorité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour ces raisons de fond, nous nous voyons contraints de voter contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 568 Nombre de suffrages exprimés: 563 Majorité absolue: 282 Pour l’adoption: 320 contre: 243 (Le projet de loi est adopté.)
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.
L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014.
Ce rappel au règlement est relatif au déroulement de nos travaux, et se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Il a trait qui vient de se passer lors du vote solennel sur le PLFSS pour 2014, que nous avons examiné la semaine dernière dans cet hémicycle.
Nous avons adopté des articles, en particulier celui concernant la taxation de l’épargne populaire. Dès le lendemain, le rapporteur a annoncé qu’il fallait revenir sur la taxation des PEL. Le surlendemain, le ministre du budget annonçait qu’il renonçait au dispositif prévu sur les PEA.
Aujourd’hui, nous sommes donc dans une situation étrange : nous venons de voter un texte dans lequel figurent ces dispositions, mais dont l’on annonce la suppression de deux taxations sur les trois prévues.
Si elles sont effectivement appliquées, comme l’a annoncé le ministre du budget, nous allons donc être confrontés à une inégalité des conditions de financement de l’entreprise, selon que les fonds proviendront d’un PEA ou d’un fonds d’assurance-vie.
Cette rupture d’égalité représente une faiblesse constitutionnelle que nous ne manquerons pas de soulever devant le Conseil constitutionnel, lors du recours que nous allons déposer.
Je voulais donc attirer l’attention de la présidence de l’Assemblée nationale sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement nous a fait voter : il a dit que le texte serait modifié, mais on ne sait pas par quelle majorité ou à quel moment. S’agissant de décisions aussi importantes, cela ne nous paraît pas acceptable.
Nous abordons le débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
La parole est à Mme Barbara Pompili.
L’égalité entre les femmes et les hommes est au coeur des préoccupations du Gouvernement et c’est une très bonne chose. Ce document transversal montre la volonté de chaque ministère de s’engager pour l’égalité.
Au niveau budgétaire, avec 200 millions d’euros, les crédits de cette politique transversale sont en augmentation de 2,4 % par rapport à 2013. Nous nous en réjouissons.
Toutefois, je ne suis pas certaine, au regard des défis à relever, que cette hausse soit suffisante, notamment en ce qui concerne le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Nous donner les moyens de nos ambitions est pourtant un impératif.
D’un point de vue général, compte tenu de la diversité des secteurs concernés et des actions présentées, il serait utile de mettre en place des mesures de suivi et nous en présenter un bilan régulier.
Peut-être faudrait-il aussi réviser certains indicateurs, car tous ne présentent pas d’approche de genre, ce qui rend difficile l’exploitation des données. Nous comptons également beaucoup sur la future loi-cadre pour donner une réelle vision d’ensemble aux politiques menées et pour dépasser l’impression de juxtapositions d’actions inhérentes à ce type de document de politique transversale.
Ma dernière remarque globale concernera la déclinaison territoriale de cette politique d’égalité, car il faut s’assurer que le tissu associatif local oeuvrant pour les droits des femmes demeure dynamique et dispose du soutien requis. Revenons, maintenant, sur les six axes déclinés à travers le document et qui rencontrent tous, vous vous en doutez, le soutien des écologistes. L’axe 1 tout d’abord : « Construire la culture de l’égalité des sexes dès le plus jeune âge ». C’est là un enjeu majeur, car les stéréotypes sont le fondement de la plupart des inégalités ainsi que des violences symboliques ou réelles qui touchent les femmes, y compris sur les bancs mêmes de cette assemblée !
C’est pourquoi les écologistes souhaitent, j’y reviendrai, que les stéréotypes de genre soient déconstruits dès l’école. Nous serons également très attentifs aux résultats de l’expérimentation du programme « ABCD de l’égalité ». L’axe 2, « Agir contre la pauvreté et l’exclusion sociale », est également fondamental. Qu’il s’agisse de l’emploi, des horaires, des salaires ou des retraites, la précarité touche plus les femmes. La précarité des familles monoparentales, composées à 85 % de mères de famille, est particulièrement préoccupante et mène trop souvent à l’exclusion sociale.
Si la revalorisation de l’allocation de soutien familial et d’autres dispositions présentées dans le document vont dans le bon sens, il reste encore de nombreux défis à relever. La réforme des retraites, par exemple, demeure porteuse d’inégalités. Avec l’allongement de la durée de cotisation, les femmes vont encore subir une décote plus importante, ce qui aggravera un peu plus la faiblesse de leurs pensions, déjà inférieures de 46 % à celle des hommes.
Autre exemple : le maintien de la majoration de 10 % des pensions pour les personnes avant eu au moins trois enfants. Ce dispositif favorise les pensions les plus élevées, c’est-à-dire celles des hommes alors que ce sont les femmes qui sont le plus touchées dans leur carrière parce qu’elles ont des enfants, et contribue à une politique en décalage avec les besoins d’aujourd’hui. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir envisagé une majoration forfaitaire, effective dès le premier enfant ?
Mener une réflexion sur la politique familiale, afin de procéder à une refonte répondant mieux aux enjeux d’aujourd’hui, paraît donc plus que nécessaire. Concernant l’axe 3 et l’égalité professionnelle, il faut imposer le changement : la présence de femmes à des postes d’encadrement, à la direction de nos institutions et de nos administrations et plus de femmes créatrices d’entreprises !
Quant à l’égalité salariale, elle ne doit plus être optionnelle ! Là aussi, s’intéresser aux choix de formations ainsi qu’aux stéréotypes qui les déterminent est une bonne chose. Nous comptons beaucoup sur la future loi-cadre pour aller plus loin. On le sait, l’égalité professionnelle dépend aussi grandement de la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance parce que ce sont les femmes qui mettent de côté leur carrière pour s’occuper des enfants.
C’est pourquoi il est prioritaire, aujourd’hui, de créer les 500 000 places d’accueil manquantes pour les tout-petits et de réformer de façon ambitieuse le congé parental. Concernant l’axe 4 et la réduction des inégalités en matière de santé, je souhaite insister sur la nécessité de garantir l’ouverture des centres IVG menacés et d’en ouvrir de nouveaux. Il s’agit, en effet, de permettre aux femmes qui le souhaitent de pouvoir faire une IVG sans devoir s’expatrier !
Concernant l’axe 5 et le combat contre les violences faites aux femmes, en attendant la future loi-cadre, j’insisterai uniquement sur l’insuffisance actuelle du nombre de places d’accueil pour les femmes victimes de violences. Enfin, bien évidemment, les écologistes soutiennent l’axe 6 consistant à affirmer la diplomatie des droits des femmes au niveau international. La politique française d’aide au développement agit déjà en ce sens et, d’ici à 2017, 50 % des projets de développement français auront comme objectif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes, ce dont nous nous réjouissons.
Madame la ministre, tout en vous renouvelant le soutien des écologistes pour les actions entreprises et d’ores et déjà financées par ce projet de loi de finances en matière d’égalité, voici les points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention et qui, je l’espère, trouveront une concrétisation dans la future loi-cadre.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Lors des questions au Gouvernement, j’ai posé une question parfaitement mesurée et sans agressivité à M. le ministre de la défense. Or j’ai obtenu une réponse de M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants, inutilement et stupidement agressive. En effet, il a cru bon d’imaginer qu’il pouvait y avoir, en quelque sorte, deux poids et deux mesures et que des parlementaires du groupe UMP, moi le premier, pourraient ne pas avoir de considération pour nos armées.
C’est tout à fait blessant et scandaleux. Cela laisse, en effet, entendre, ce qui est grave pour un ministre de la République, que M. Kader Arif a une méconnaissance des faits assez scandaleuse. En effet, j’ai présidé pendant dix ans la commission de la défense et des forces armées. Je suis, de plus, un ancien officier. Dire cela à quelqu’un qui a porté les couleurs de la France et de l’Assemblée nationale dans le monde entier et qui est allé parler aux militaires où qu’ils se trouvent est une offense scandaleuse, qui justifie des excuses de la part de ce ministre. Je vous prierai, en conséquence, madame la présidente, de transmettre cette demande à qui de droit !
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faire vivre dans notre société une égalité parfaite entre les hommes et les femmes, voilà qui passe aux yeux de tous comme une évidence. Pourtant, à l’heure où nous engageons ce débat, l’égalité entre hommes et femmes n’est encore qu’un idéal vers lequel on voudrait tendre. En soixante-dix ans, à savoir de l’ordonnance de 1944 accordant le droit de vote aux femmes aux dernières lois de 2011 et 2012 imposant des quotas, en passant par les lois de 1967 autorisant la contraception et de 1975 autorisant l’IVG grâce à une femme d’exception, Simone Veil, beaucoup de chemin a été parcouru.
Mais la marche vers l’égalité réelle est lente et les inégalités persistantes. Dans le champ de la vie professionnelle, dans le champ de la représentation dans la vie politique ou sociale, les inégalités sont partout. Nous ne le répéterons jamais assez, la première source d’inégalités entre les femmes et les hommes, la plus intolérable qui soit, ce sont les violences faites aux femmes. Une femme sur dix est concernée. Et que dire de la Nouvelle-Calédonie ! Avec des chiffres cinq à dix fois plus élevés qu’en France métropolitaine, elle détient de biens tristes records : une femme sur quatre y a subi au moins une agression physique ou sexuelle dans l’année écoulée.
Sur ce territoire qui est le mien, au-delà des comportements et de la responsabilité individuelle de chacun, ces chiffres révèlent un problème de société majeur aux conséquences sanitaires, éducatives, sociales, économiques et morales incalculables. Mes chers collègues, nous examinerons, dans les prochains jours, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Sachons saisir cette occasion pour nous doter de tous les moyens nécessaires afin de faire face à ce fléau.
Faisons en sorte que le dispositif facilitant la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, notamment le principe de l’éviction du conjoint violent du logement du couple, soit mieux appliqué, afin que ces femmes ne se trouvent pas doublement victimes des violences qu’elles ont subies. La lutte contre les violences faites aux femmes n’est pas un corollaire des politiques d’égalité, elle en est un préalable. Au-delà, il reste d’autres injustices contre lesquelles nous devons lutter.
Dans le domaine professionnel, un écart de rémunération de 27 % sépare encore les hommes et les femmes, à qualification et postes équivalents. Le travail des femmes reste trop rarement valorisé, notamment par des postes à responsabilités dans le secteur public comme dans le secteur privé : on compte seulement 15 % de femmes dans les instances dirigeantes des groupes du CAC 40 et 2 % de femmes PDG ; 60 % des effectifs dans la fonction publique sont des femmes, mais seulement 10 % d’entre elles sont des hauts fonctionnaires.
Il est urgent de garantir aux femmes un meilleur accès aux postes à responsabilités du secteur public et privé, de créer des mixités dans les entreprises comme dans le secteur non marchand et de leur ouvrir les nouveaux secteurs économiques, notamment ceux de la révolution écologique. Pour cela, nous devons fixer des contraintes, prévoir avec fermeté des incitations à l’égalité.
Enfin, nous sommes bien placés pour le savoir, les discriminations sont aussi politiques. Il aura fallu bien des années pour que l’accès des femmes à des responsabilités équivalentes à celles des hommes et l’idée même d’une gouvernance paritaire soient reconnus comme les conditions nécessaires à l’équilibre de notre démocratie. Aujourd’hui, avec 155 femmes sur 577 députés, l’Assemblée nationale a atteint un record historique. Mais si nous nous en tenons à ce rythme de progression, la parité au sein de cette assemblée ne sera effective que dans quinze ans. Il me semble bien l’avoir déjà dit, ici à cette tribune.
Si la marche vers une gouvernance paritaire est si longue, c’est aussi que l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas seulement affaire de législation, elle est également une question de mentalités et de comportements. Nous en avons eu l’illustration – Barbara Pompili l’a rappelé, voici quelques instants – dans cet hémicycle. Il n’y a rien qui autorise certains à se comporter comme s’ils étaient maîtres dans une basse-cour !
« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.
Mes chers collègues, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, nous ne pouvons nous en tenir à des déclarations de principe. Il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser. Le temps est venu de nous emparer de ces sujets dans toute leur diversité et dans toute leur complexité pour proposer, enfin, des solutions à la mesure des enjeux et définir les conditions d’une égalité véritablement concrète. Nous ne pouvons nous contenter de mesures à la portée symbolique. Ce n’est pas ce qu’attendent les femmes. Ce qu’elles veulent, c’est que le monde s’ouvre à elles sans trop d’entraves.
Ce qu’elles attendent de nous, madame la ministre, mes chers collègues, ce sont des actes forts. Veillons à ne pas les décevoir !
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Madame la présidente, mes chers collègues, l’égalité entre les femmes et les hommes est un sujet évidemment politique, puisqu’il s’agit d’un changement social qui doit modifier durablement les pratiques et les mentalités en termes de progrès. Il faut une transformation majeure des représentations sexistes qui fondent notre société et ont pour conséquences des inégalités récurrentes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale et, bien sûr, les violences subies par les femmes. Ce changement social ne peut être mis en oeuvre qu’à travers une politique volontariste et transversale.
À ce titre, je suis heureuse de constater que l’ambition de mettre en oeuvre une politique intégrée d’égalité, c’est-à-dire d’inclure les questions d’égalité dans tous les domaines et pas seulement dans des projets ponctuels, a été suivie d’effets concrets. C’est ce que nous offre la lecture du document de politique transversale sur la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, annexé au projet de loi de finances. Ce document connaît, cette année, un saut qualitatif important. L’année dernière encore, seul un objectif était clairement spécifique à la politique d’égalité.
Les autres étaient des objectifs généraux qui pouvaient contribuer indirectement à l’égalité, comme la réduction de la pauvreté ou l’accès et le retour à l’emploi, ou qui, grâce à leurs indicateurs sexués, pouvaient donner une information sur la comparaison de la tenue des objectifs pour les femmes et pour les hommes. Cette année, nous constatons que les objectifs sont plus précis et concernent directement l’égalité entre les femmes et les hommes. Les indicateurs sont plus fins, ce qui devrait nous permettre de vérifier que les politiques mises en oeuvre en faveur de l’égalité donneront des résultats. La démarche transversale, peut-être la plus emblématique de l’action de la majorité, concerne l’égalité dans le domaine de l’éducation.
Les axes sont clairs : transmettre une culture de l’égalité entre les sexes, promouvoir le rôle et la place des femmes dans les programmes scolaires et veiller à la mixité dans toutes les filières professionnelles. Cinq ministères sont impliqués par ces objectifs à travers la convention interministérielle pour l’égalité entre filles et garçons. Cela passe par des actions concrètes que nous avons votées : la création d’un service public de l’orientation qui devra prendre systématiquement en compte la nécessité de promouvoir la mixité dans les filières de formation, ou encore l’inscription de la formation à l’égalité entre filles et garçons dans le cahier des charges des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.
Les mesures relatives à l’égalité sont souvent traitées de façon marginale parce que nous avons l’illusion que l’égalité entre les femmes et les hommes est acquise ou en passe de l’être. Ce n’est évidemment pas le cas, car la tâche est immense ! Pour tenter de la mesurer, je veux rappeler un projet de loi proposé en 1801 portant « défense d’apprendre à lire aux femmes », considérant que « l’art de plaire et la science du ménage ne s’apprennent pas dans les livres » !
C’est un texte d’un ancien révolutionnaire, et une étonnante mais révélatrice aberration d’une époque fondatrice de notre République au moment même où l’on rédige le code civil qui structure notre vie en société. Jean-Jacques Rousseau lui-même écrit dans De l’éducation que filles et garçons ne doivent pas recevoir la même, le rôle des femmes dans la société devant être à l’image de leur rôle dans la famille.
Ce projet de loi n’a certes jamais été adopté, mais l’infériorité supposée des femmes l’a été, leur exclusion de l’espace public aussi. Cela explique pourquoi nous avons tant à rattraper. Même au siècle des Lumières, nous avons exclu et discriminé les femmes, et ce qui n’a été remis en cause que récemment, bien que la question ait été abordée de tout temps par des femmes engagées, fonde encore d’une manière ou d’une autre nos systèmes de pensée et pèse sur nos actions, nos représentations.
Oui, l’éducation est un vecteur fondamental du progrès que nous avons toujours à accomplir pour que les femmes soient traitées à l’égal des hommes. Pour cela, il a fallu et il faudra encore refonder notre école.
Permettez-moi de terminer par une observation sur une mesure précise contenue dans cette annexe au projet de loi de finances, la création d’une action avec son budget propre, « Soutien aux actions de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains ».
Voici ce qui préfigure utilement, je l’espère, une action plus lisible et déterminée de l’État en matière de lutte contre le système de la prostitution et, avant tout, d’accompagnement social des personnes prostituées. Cette action devient ainsi visible dans le budget du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Cela doit ouvrir la voie à une démarche similaire dans les autres budgets de l’État, ceux des politiques sociales et sanitaires par exemple.
J’en appelle, et nous aurons l’occasion d’en discuter très rapidement dans l’hémicycle, à la création, au sein du budget de l’État, d’un fonds global pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social des personnes prostituées, qui rassemblerait tous les budgets concernés, fonds qui pourrait par ailleurs être abondé par la confiscation des biens et produits issus du proxénétisme.
Cette mesure est fondamentale pour que notre pays se donne enfin les moyens de mettre fin à ce qui est non pas le plus vieux métier mais la plus résistante des exploitations et des violences imposées aux femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dès son élection, le Président de la République a marqué sa volonté d’inscrire la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes au coeur de l’action publique. La création d’un ministère de plein exercice chargé des droits des femmes ainsi que l’augmentation des crédits du programme 137 dédié à l’égalité entre les hommes et les femmes attestent de cette volonté. Nous nous félicitons que, grâce à votre engagement, madame la ministre, ce programme continue de financer les dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes.
Au coeur de l’action gouvernementale, la question des droits des femmes est devenue une priorité politique. Les crédits de l’action 11 destinés à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale sont en augmentation de 2,6 %, et s’élèvent à 1 940 000 euros.
Ces crédits permettent de jeter de nouvelles bases pour l’affirmation pratique de l’égalité professionnelle et salariale, élément indispensable à l’évolution des mentalités. Ils renforcent aussi la protection effective des femmes victimes de violences. En effet, ils participent au financement des centres d’information des droits des femmes et des familles et aident dans leurs missions les cinquante-sept bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi. Enfin, les crédits alloués aux actions de sensibilisation et de formation des acteurs pour les associations nationales et le réseau des associations locales renforcent l’aide à la formation, au suivi, à l’accompagnement et à l’accès à l’emploi des femmes dans notre pays. Il en est de même des actions menées dans le cadre de la sensibilisation de la parité, des actions facilitant l’accès des femmes aux responsabilités aussi bien politiques que syndicales ou associatives ainsi que de l’articulation des temps de vie et des actions de soutien à la création et à la reprise d’entreprises. L’implication des associations dans ces domaines est essentielle, et elle est remarquable.
Bien que de grands progrès aient été réalisés, trop de disparités sont encore prégnantes dans notre société. Les derniers chiffres sont éloquents à ce sujet, 80 % des tâches domestiques continuent d’être assurées par les femmes, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est toujours de 27 %.
L’action 11 a donc toute sa pertinence. Dynamiser les partenariats avec les ministères, les collectivités territoriales et les autres acteurs publics et privés permet d’accroître l’efficacité globale de la réponse publique en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
L’articulation de ces missions, l’accompagnement dans l’emploi, la poursuite du programme national d’expérimentation ainsi que la continuité du programme d’étude, de recherche et d’évaluation engagé en 2013 sont autant de leviers qui, combinés entre eux, ne peuvent que promouvoir et faire évoluer l’égalité dans notre société. L’évaluation des politiques publiques, le renouvellement des objectifs et indicateurs entrepris dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 sont d’ailleurs en cohérence avec la volonté du Gouvernement d’atteindre durablement l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Les mentalités doivent évoluer sur toutes ces questions. Nous ne saurions prétendre être une société démocratique moderne sans de telles avancées. Il y va de la responsabilité de tous, et les pouvoirs publics l’ont bien compris. Les évolutions législatives à venir concernant la consolidation des droits, la garantie de leur effectivité et l’ouverture de nouvelles perspectives en mobilisant tous les leviers pour la réalisation de l’égalité réelle dans toutes ses dimensions sont les objectifs communs qui nous permettront de nous retrouver très prochainement, madame la ministre, lors de l’examen de votre projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Madame la ministre, je vous remercie d’avoir inscrit ce débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du débat budgétaire. Certes, je ne suis pas pleinement satisfaite car j’aurais souhaité que celui-ci soit organisé dans le cadre de votre budget. En effet, tout ministère de plein exercice doit avoir son budget propre, donnant ainsi une perspective plus concrète à la question fondamentale qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de notre société.
En dépit de votre détermination et de votre volonté d’agir, que je salue, et j’en veux pour preuve les quelque trois cents mises en demeure que vous avez adressées aux entreprises n’ayant pas engagé les négociations sur le sujet le 15 mai 2013, l’argent reste le nerf de la guerre, et je souhaite vivement que, l’an prochain, le budget de votre ministère soit débattu au même titre que celui de la défense, de l’intérieur ou de la justice. Le fait d’être un ministère avec des prérogatives interministérielles ne justifie absolument pas que vous soyez obligée d’attendre les miettes des autres ministères.
L’égalité entre les femmes et les hommes est une question à la fois politique, économique et sociale et demande une indépendance financière. Elle dépasse en plus les clivages entre la droite et la gauche, comme le prouve le fait que ce combat a rassemblé toutes les forces politiques. Rien n’a jamais été donné aux femmes. Il a fallu conquérir pas à pas tous droits nouveaux, et ce combat a été mené par les majorités successives. Personne n’a le monopole de l’égalité entre les femmes et les hommes, ni la gauche, ni la droite. Nous avons toutes et tous contribué à notre place à cette marche vers l’égalité,…
…et c’est parce que nous avons su nous unir dans les moments les plus importants que nous avons pu progresser.
Deux réformes constitutionnelles ont été nécessaires pour nous permettre de voter de nouvelles lois afin d’améliorer la parité en politique et de conforter celles qui existaient sur l’égalité professionnelle.
La réforme de 1999, lancée par la gauche et votée à la quasi-unanimité, a permis la mise en oeuvre de la parité en politique en amendant les articles 3 et 4 de la Constitution. À la suite de cette réforme, de nombreuses lois ont jalonné le XXIe siècle : la loi de 2000, celle de 2003, imposant une parité stricte sur les scrutins de liste pour les élections régionales et européennes, et celle de janvier 2007, imposant une alternance stricte entre les hommes et les femmes sur les listes municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants et, surtout, mettant les femmes dans les lieux de décision au sein des exécutifs régionaux et municipaux.
La réforme constitutionnelle de 2008, lancée par la droite, et en particulier la partie réécrivant totalement l’article 1er de la Constitution, a été votée à l’unanimité : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Cette réforme a permis de poser les jalons des lois successives qui ont été votées ensuite.
Chacun a donc apporté sa pierre à l’édifice, la gauche en 1999 et la droite en 2008.
Face à la réalité sexiste et discriminante du monde du travail, les lois successives, celles d’Yvette Roudy en 1983, de Catherine Génisson en 2001 et de Nicole Ameline en 2006 marquent le passage de la protection des femmes à la logique d’égalité professionnelle. Chacune a posé son empreinte et je tiens à rendre hommage à toutes celles qui ont mené ce combat.
La loi de 2001, dite loi Génisson, renforce les dispositifs de la loi Roudy en créant une obligation annuelle de négocier dans la branche et l’entreprise et en instaurant des indicateurs définis par décret permettant la concrétisation des rapports de situations comparées, élément fondamental pour avoir une vue réelle de l’égalité professionnelle dans l’entreprise. La loi de 2006, relative à l’égalité salariale, dite loi Ameline, est dans la lignée de la concrétisation des lois Roudy et Génisson en demandant des sanctions financières. C’est une longue chaîne ininterrompue qui s’est mise en place, et toutes ces lois donnent des outils pour forcer le destin. À gauche comme à droite, nous avons toutes et tous oeuvré pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
C’est ainsi que, grâce à ces lois successives, des strates du droit de la négociation collective ont été instituées : l’approfondissement, par la création d’indicateurs reposant sur des éléments chiffrés au sein du rapport de situations comparées ; l’intégration, qui rend incontournable la négociation ; la sanction financière, annoncée dans la loi de l’égalité salariale de 2006 et rendue effective par la loi du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites, qui instaure à partir du 1erjanvier 2012 des pénalités pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale dans toutes les entreprises d’au moins cinquante salariés qui ne sont pas couvertes par un accord ou plan d’action conforme ; enfin, la mise en oeuvre effective du droit, notamment par les mises en demeure auxquelles vous avez procédé à partir du 1er janvier 2013, ce dont je souhaite vous rendre hommage.
Madame la ministre, je vous ai démontré que chacun, chacune à sa place avait oeuvré avec les possibilités qui étaient les siennes à cette grande cause qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est ainsi que je souhaiterais vous demander qu’il y ait une certaine objectivité dans les documents publiés par votre ministère.
Lorsqu’une loi est votée par la gauche, c’est par exemple la loi Génisson ou la loi Roudy, alors que, pour la loi de 2006, on oublie bizarrement de préciser le nom de Mme Ameline, tout comme, étrangement, ne figurent pas ceux des auteurs de la loi du 27 janvier 2011 ou de celle du 12 mars 2012. Or elles ont jeté elle aussi des bases pour l’égalité entre les femmes et les hommes, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique.
Je souhaiterais vivement que ce soit corrigé. Ce n’est pas que j’aie envie de voir égrener des noms de parlementaires ayant rédigé des propositions de loi ou de ministres ayant fait voter des projets de loi, mais il faut toujours rendre à César ce qui appartient à César. Pour être efficace, il faut respecter ses prédécesseurs et essayer, surtout pour une telle cause, de rester le plus objectif possible.
Nos deux majorités ont oeuvré depuis 2002. Toutes ces lois ont apporté des outils pour forcer le cours de l’histoire. Aujourd’hui, grâce à vous, madame la ministre, grâce au législateur, mais aussi grâce aux femmes qui veulent s’emparer de leur destin, l’égalité est possible. Votre action devra être pleine et entière pour la concrétiser.
Dans le domaine de l’éducation, il vous faut, grâce à un travail efficace avec le ministre de l’éducation nationale, insuffler un vrai principe d’égalité dans l’orientation et lutter contre les stéréotypes.
Il faut accompagner par des moyens efficaces, tant au niveau de l’accueil que de la protection des femmes victimes de violences, les lois votées sous l’ancienne majorité ainsi qu’au début de votre mandat. Je rends hommage à l’ensemble des parlementaires qui ont travaillé à l’élaboration de ces textes. N’oublions pas que, sous l’ancienne législature, il s’est souvent agi de propositions de loi.
Il convient également d’approfondir le travail sur l’articulation des temps de vie professionnelle et familiale, vie personnelle et vie professionnelle. La question de la place des pères devra être posée, avec beaucoup de tact et de psychologie, et accompagner cette politique de partage des tâches.
Enfin, et surtout, madame la ministre, je compte sur votre détermination pour compléter la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui améliore la prise en compte du temps partiel, et je souhaite vivement trouver dans votre loi-cadre de nouvelles propositions pour que le temps partiel occupé par les femmes ne soit pas oublié et vienne réduire la précarité, qui est malheureusement en progression constante.
En conclusion, les femmes, tout en ayant le droit de vote depuis soixante-dix ans, tout en représentant plus de la moitié des actifs en France, tout en étant plus diplômées en moyenne que les hommes, sont toujours confrontées à un écart de salaire de près de 27 % à leur détriment. Est-ce normal ? Non. La trilogie des 80 % est toujours d’actualité : 80 % des travailleurs précaires sont des femmes, 80 % des tâches ménagères sont réalisées par des femmes, 85 % des foyers monoparentaux sont féminins. Peut-on l’accepter ? Non.
Il nous reste à poursuivre ensemble la dynamique qui a été la vôtre et la nôtre depuis les années soixante-dix. Vous pourrez compter sur notre détermination pour faire avancer la juste représentation des femmes dans la société et pour proclamer ensemble que la première des violences faite aux femmes, c’est de ne pas la respecter. Comme le disait Olympe de Gouges, « Pensez à moi et souvenez-vous de l’action que j’ai menée en faveur des femmes ; je suis certaine que nous triompherons un jour. » Cette phrase, nous devons toutes et tous la faire nôtre.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, un constat en trois chiffres pour amorcer mon propos : 27 % d’écart de salaire environ entre les hommes et les femmes, 10 % de femmes victimes de violences conjugales, 750 000 viols ou tentatives de viol chaque année.
Face à cette réalité, le Président de la République a pris l’engagement de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité. Portée par un ministère chargé des droits des femmes, en votre personne, madame la ministre, au coeur d’un gouvernement paritaire, une action publique efficace s’est alors engagée, en commençant par le choix de placer l’égalité professionnelle au coeur de la grande conférence sociale de juillet 2012, qui a débouché sur une feuille de route commune avec les partenaires sociaux, et l’institution d’un comité interministériel permettant de franchir une nouvelle étape dans l’élaboration d’une troisième génération de droits des femmes, avec des droits d’égalité réelle.
C’est dans un travail constructif entre le Gouvernement et le Parlement que cette égalité se construit. Par exemple, les mesures adoptées récemment dans le cadre du projet de loi pour garantir l’avenir et la justice du système de retraites agiront concrètement pour l’égalité hommes-femmes, et ce de plusieurs manières : en revalorisant le minimum vieillesse, qui concernera au premier chef les femmes ; en améliorant significativement la situation des agricultrices et des femmes d’agriculteurs ; en autorisant que les trimestres de congé maternité soient tous réputés cotisés à partir du 1erjanvier prochain ; en créant un compte personnel de prévention de la pénibilité.
L’égalité sera en outre renforcée par deux exigences portées par la délégation aux droits des femmes : d’une part, la réalisation d’un rapport remis avant le 1ermars 2015 sur l’opportunité de ramener l’âge de départ à taux plein de soixante-sept à soixante-cinq ans et de réduire la décote appliquée par trimestre, et, d’autre part, la responsabilité nouvelle confiée au Conseil d’orientation des retraites de réaliser un suivi des inégalités de pensions entre les femmes et les hommes.
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, que nous venons de voter, comporte également des mesures qui auront un impact sur les femmes et les jeunes femmes, avec notamment l’instauration du tiers payant pour les consultations et examens préalables à la contraception chez les mineures d’au moins quinze ans, une majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté, qui devrait bénéficier à 400 000 familles, des mesures concernant la prestation d’accueil du jeune enfant et le complément de libre choix.
Ces dispositions permettent des avancées que le projet de loi de finances pour 2014 prolongera. Le programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », disposera en 2014 de crédits en hausse : 24 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 200 millions provenant de l’ensemble des moyens des ministères qui contribuent à l’égalité entre les femmes et les hommes pour soutenir les actions conduites au niveau national et dans les territoires. C’est le cas, par exemple, du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui consacrera 19 % de ses crédits à la prévention des violences faites aux femmes et des violences intrafamiliales.
Le programme d’expérimentations construit avec les régions et les partenaires sociaux, avec le soutien du Fonds d’expérimentation pour l’égalité, sera poursuivi. Ce fonds a permis de développer, dans neuf « territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle », de nouveaux services pour accompagner les entreprises dans leurs obligations légales.
À ces crédits se joindront ceux du Fonds social européen pour soutenir en particulier les démarches innovantes conduites pour l’égalité professionnelle des femmes et des hommes, et les actions d’accompagnement vers la formation et l’emploi des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.
Le projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, en cours de discussion, et qui comporte des mesures décisives en matière d’égalité professionnelle, de garantie contre les impayés de pension alimentaire, de protection des femmes victimes de violences et pour la généralisation de la parité, sera renforcé par ce budget. En effet, seront présentés la mise en place, dès janvier 2014, d’un numéro de référence d’accueil téléphonique et d’orientation des femmes victimes de violence, ainsi que le renforcement des actions en matière de récidive des auteurs de violence.
La prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains font l’objet d’une proposition de loi qui a été déposée tout dernièrement. Ce texte, auquel la délégation de l’Assemblée aux droits des femmes et à l’égalité des chances a beaucoup contribué, entend contribuer à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient l’ensemble de ces mesures qui remettent pas à pas les femmes à égalité avec les hommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de cette année intervient alors qu’un projet de loi ambitieux et multidimensionnel pour l’égalité entre les hommes et les femmes est en cours d’examen parlementaire. Certaines de ses dispositions trouvent d’ailleurs déjà leur traduction dans les budgets des ministères techniques. C’est donc pour une large part dans la perspective de ce texte que se situera mon intervention, avec un accent tout particulier sur la situation réunionnaise et, plus généralement, ultramarine, puisque l’étude d’impact n’y fait guère référence.
L’objectif, désormais, est de faire vivre réellement le principe d’égalité, dans tous les domaines. Dans le monde professionnel, il s’agit de supprimer les obstacles qui entravent l’accès des femmes au marché du travail. C’est un véritable défi, tant les difficultés s’accumulent et ont tendance à se renforcer les unes les autres.
À La Réunion, où le chômage atteint des sommets, les femmes – 45 % de la population active – sont très souvent, trop souvent, privées d’emplois. Plus du tiers des 62 000 Réunionnaises en âge de travailler sont au chômage, et je ne mentionne ni le travail partiel subi ni les emplois précaires.
Quand la crise actuelle déstructure un marché du travail déjà fragile, les femmes en sont les victimes les plus nombreuses et les plus vulnérables. Ce tableau s’assombrit encore un peu plus lorsqu’on se penche sur le sort des plus jeunes. Notre jeunesse, vous l’avez constaté, madame la ministre, lors de votre séjour, veut travailler. Mais elle est durement frappée par le chômage, qui atteint des niveaux inédits : 60 % ! Là encore, les femmes sont les plus touchées. Au point qu’il n’est pas rare qu’une jeune Réunionnaise soit déjà chômeuse de longue durée avant d’avoir atteint ses vingt-cinq ans.
Pourtant, depuis plusieurs décennies, elles sortent plus diplômées du système scolaire que les garçons. Aussi, il paraît urgent de se pencher sur les formations vers lesquelles les filles sont orientées, notamment au regard des perspectives d’insertion professionnelle. Cette dimension pourrait être un des volets prioritaires des expérimentations engagées par les neuf « territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle », dont celui de La Réunion. Au-delà de la mixité des orientations, des métiers et des filières, la réflexion pourrait s’élargir à la carte des formations proposées aux jeunes.
Plus diplômées, les Réunionnaises accèdent encore plus rarement aux responsabilités, dans le secteur privé comme dans la fonction publique. Elles aussi se heurtent au plafond de verre. Quel que soit le secteur d’activité, l’égalité professionnelle demeure virtuelle. J’y reviendrai lors des questions.
Nous savons désormais qu’un des puissants vecteurs de cette égalité se trouve dans le dynamisme de la politique familiale et dans des mesures volontaristes en faveur de la petite enfance. À La Réunion, en dépit des efforts entrepris ces dernières années – pas plus tard qu’hier j’ai inauguré une structure de plus de cent places à Saint-Paul –, il y a encore beaucoup à faire. Un seul chiffre pour donner une idée de notre marge de progression : le taux d’équipement en places de crèche est de 35 pour mille enfants, alors qu’il est de 63 en métropole. Ce n’est pas glorieux. Investir dans ces structures d’accueil, c’est répondre aux besoins des familles. C’est, on ne le répétera jamais assez, faciliter l’insertion professionnelle des femmes. C’est aussi créer des emplois, et des emplois non délocalisables. Pour poursuivre les investissements qu’elles ont lancés, les communes souhaiteraient connaître la déclinaison territoriale du plan crèches que le Gouvernement a annoncé en juin.
La lutte contre les violences faites aux femmes est un axe fort de cette mission. Les crédits inscrits à l’action 12 représentent plus de la moitié du budget de celle-ci. Alors que débute le quatrième plan interministériel de lutte contre les violences, la réalité est, il est vrai, toujours aussi redoutable. La violence conjugale tue encore beaucoup. La mise en place d’un dispositif cadre de protection intégrale contre les violences faites aux femmes s’impose comme une urgence politique et sociétale. Les pouvoirs publics doivent le faire résolument, au nom même du courage des femmes qui osent de plus en plus porter plainte pour briser le tabou. Nous saluons les mesures contenues dans le projet de loi et dans ce programme concernant la formation des différents professionnels, les dispositifs de prévention et de protection, la généralisation du téléphone d’alerte ou encore la lutte contre la récidive.
Il semble, par contre, que l’hébergement d’urgence n’ait pas encore trouvé la place prioritaire qui doit lui revenir. Non seulement le décalage s’accroît entre les demandes d’hébergement, en augmentation, et le nombre de places, qui stagnent, mais certains territoires en sont totalement dépourvus, comme, par exemple, l’ouest de la Réunion.
S’agissant des violences, permettez-moi, madame la ministre, de plaider une fois de plus pour que la deuxième grande enquête nationale Virage ne subisse pas, comme il y a quinze ans, de décalage dans les outre-mer. Au moment où le Gouvernement inscrit les droits des femmes au coeur de l’action publique, il serait fort regrettable que certains territoires soient moins prioritaires que d’autres. L’éloignement géographique ne protège pas contre l’obsolescence des données. Et je ne peux m’empêcher de penser que les expériences pourraient être utilement mises en commun.
Pour conclure, je souhaite que cette mission et le texte que nous allons bientôt examiner ne passent pas sous silence la situation de nos aînées. Elles vivent souvent dans des situations de grande précarité. Près de 15 % des femmes de plus de soixante-quinze ans vivent sous le seuil de pauvreté. À La Réunion, plus de la moitié des femmes d’au moins soixante-cinq ans se retrouvent dans cette situation, et ce pourcentage augmente avec l’âge. La troisième génération des droits des femmes que nous sommes en train d’élaborer doit aussi les concerner.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Depuis un an, madame la ministre, votre action dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault témoigne de la volonté de cette majorité de mettre l’égalité entre les femmes et les hommes au coeur de toutes les politiques.
De nombreux textes et mesures ont été adoptés : loi relative au harcèlement sexuel dès août 2012 ; gratuité de la contraception pour les mineures et remboursement de l’IVG à 100 % depuis cette année ; instauration de mécanismes de parité dans la gouvernance des instances de l’enseignement supérieur – loi Fioraso – ; parité renforcée par le non-cumul des mandats et les listes paritaires aux élections locales, et ce dès le seuil de mille habitants ; application – enfin !– de sanctions à l’encontre des entreprises qui ne font aucun effort pour l’égalité professionnelle grâce à votre nouveau décret de décembre 2012, pris en application de l’article 99 de la loi sur les retraites de 2010, et que nous avons défendu sur tous les bancs ; limitation des très petits temps partiels, majoritairement occupés par des femmes, dans la loi sur la sécurisation de l’emploi, même s’il s’agit d’un premier pas qui doit être complété ; correction des précédentes réformes des retraites, qui aggravaient la situation des femmes au moment de faire valoir leurs droits, grâce au projet de loi récemment voté en première lecture.
Chaque politique publique, chaque projet de loi vise aujourd’hui à l’égalité, ce dont la délégation aux droits des femmes que je préside ne peut que se réjouir.
Par la saisine des textes, par ses rapports et ses amendements, la délégation apporte l’enrichissement parlementaire qui cherche à améliorer et à évaluer les politiques publiques et l’effectivité de la loi. Je remercie les collègues qui s’investissent particulièrement et régulièrement à ce sujet. Christophe Sirugue, vice-président de la délégation, a fait devant nous une analyse détaillée et pertinente du budget solidarité – qu’il en soit remercié ! Son travail nous permet de rester exigeants et d’apprécier les avancées du programme 137, construit autour de cinq actions, qui passe de 23,5 à 24,3 millions d’euros. Ce budget est certes modeste, comme le rappelait Mme Zimmermann, mais il est efficace, car il constitue un levier destiné à des politiques transversales se déclinant sur les territoires.
J’aborderai ce soir quatre sujets primordiaux pour les droits des femmes : l’égalité professionnelle, la parité, la lutte contre les violences faites aux femmes et les moyens mis en oeuvre pour accompagner les politiques publiques – je pense notamment aux déléguées aux droits des femmes régionales et départementales ou encore aux besoins en données statistiques sexuées.
La première des préoccupations de la délégation est l’égalité professionnelle. Nous progressons ! Au moment de la publication du nouveau décret de décembre dernier, pris en application de la loi retraites de 2010, j’ai dit ma satisfaction de voir appliquer des sanctions à ceux qui bafouent la loi. Or une règle n’est vraiment efficace qui si elle s’accompagne de sanctions. Nous en avons la preuve aujourd’hui : plus de 400 entreprises ont été soit sanctionnées, soit rappelées à la loi. Qui plus est, le bruit provoqué par ces sanctions suscite un effet vertueux. Dans le même temps, madame la ministre, vous avez organisé une semaine de l’égalité, qui a permis de mettre en valeur, de façon positive, les entreprises qui progressent et qui réussissent à lutter contre les discriminations. C’est donc possible.
L’égalité professionnelle est, me semble-t-il, le domaine où l’égalité réelle est la plus attendue par les Françaises et les Français, où l’urgence est la plus forte, car c’est elle qui permettra l’autonomie des femmes et qui fera que notre devise républicaine ne reste pas lettre morte. Vous avez lancé l’an dernier une expérimentation dans neuf régions désignées comme « territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle ». Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner les premiers éléments d’évaluation de ces politiques en région et nous dire si une extension, voire une généralisation, de ces expérimentations est envisagée ?
Le Gouvernement a également souhaité que les interlocuteurs sociaux puissent dialoguer et s’investir sur le thème de l’égalité professionnelle. En juin dernier, les partenaires sociaux ont abouti à un accord, après de longues et laborieuses négociations. Lancée par le Gouvernement en même temps que la négociation relative à la sécurisation des parcours dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, cette dernière aura abouti en janvier, quand nous avons dû attendre le mois de juin ! Face à l’inquiétude de certaines et certains d’entre nous, comment s’assurer que l’accord sur la qualité de vie au travail ne sera pas oublié et qu’il conduira bien à des améliorations réelles dans les entreprises lors de leurs négociations annuelles ?
Nous savons que les inégalités salariales sont aussi dues aux aléas de carrière liés aux responsabilités familiales majoritairement assurées par les femmes. Trouver un mode d’accueil pour les enfants, dès le plus jeune âge, favorise donc l’égalité. Aussi le Gouvernement s’est-il engagé à améliorer et à développer l’accueil de la petite enfance en créant 275 000 places d’accueil. Pouvez-vous, madame la ministre, nous livrer un état des premières avancées dans ce domaine et des budgets qui y seront consacrés en 2014 ? La délégation fera des propositions sur ce thème de l’égalité professionnelle lors du débat sur votre projet loi relatif à l’égalité. Barbara Romagnan, en charge de ce sujet au sein de la délégation, réalise en ce moment de nombreuses auditions. Nous apporterons des précisions et des améliorations au texte que vous nous soumettrez, dans un esprit constructif. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour vous dire combien nous apprécions que vous soyez aussi attentive à l’importance du travail parlementaire.
Le deuxième sujet n’est pas de moindre importance, puisqu’il s’agit de la parité. Voilà une première satisfaction que de ne plus discuter de quotas, mais bien de parité. La parité en politique progressera lors des prochaines élections locales, grâce l’application du non cumul des mandats et aux listes paritaires L’action « Égalité dans la vie politique et sociale » dans le budget 2014 bénéficie d’une légère progression de crédits. J’espère que les associations aidées auront à coeur de soutenir les futures candidates aux élections dans leur préparation aux prochaines échéances – nous attendrons un bilan de leur action.
Chaque fois qu’un texte a été examiné à l’Assemblée depuis le début de cette législature, nous avons cherché, ensemble, à exiger la parité dans toutes les instances mentionnées ou créées dans les textes. Rien ou presque rien ne nous échappe, au risque, parfois, d’agacer certains collègues.
Sourires.
Notre amendement le plus récent concernait le Conseil d’orientation des retraites. De fait, quand nous débattions des retraites en 2010, une seule femme siégeait au COR ; depuis, cela s’est un peu amélioré. Toutefois, de nombreux efforts restent à faire : dans le monde syndical et patronal – nous souhaiterions que leurs délégations soient paritaires – ou dans le monde de la culture. Vous avez signé récemment avec Mme Filippetti, madame la ministre, une charte sur le cinéma ; or, dans ce monde, moins de femmes occupent des postes de responsabilité que dans l’armée, qui a fait, elle, des progrès. De même, il conviendrait de faire des efforts dans les instances dirigeantes publiques. Une évaluation de la loi dite Sauvadet de 2012 sur la parité dans la fonction publique serait à envisager, afin qu’elle soit pleinement appliquée. J’ai découvert à l’occasion d’un colloque, où vous étiez également présente, madame la ministre, qu’il n’y avait aujourd’hui aucune femme directrice d’une administration centrale en France. Notre marge de manoeuvre est grande et nous pourrions, en très peu de temps, sans attendre quinze ans, passer à une augmentation de 100 %.
Quels sont, madame la ministre, les domaines qui vous paraissent prioritaires à cause de leur retard préoccupant ?
Le troisième sujet que je souhaite aborder ici est la lutte contre les violences faites aux femmes. La délégation a travaillé sur ce sujet dès le début de l’année, dans la perspective du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes – je salue d’ailleurs le travail de Monique Orphé et d’Édith Gueugneau, pour la délégation. Je peux d’ores et déjà faire un constat : les mesures proposées par le projet de loi égalité correspondent bel et bien aux améliorations que nous avions recommandées. La question des moyens est cependant cruciale, certes comme dans de nombreux cas, mais particulièrement pour ce sujet : aussi mes questions seront-elles très concrètes. Quelle est l’évolution des crédits destinés aux associations nationales de lutte contre les violences sexistes ? Quelle est celle des crédits destinés à l’accueil et à l’hébergement d’urgence des femmes victimes de violences ? Il me semble que la loi Duflot a proposé des avancées dans ce domaine. Pouvez-vous également détailler les moyens et préciser les perspectives de la plate-forme d’écoute 3919 spécialisée pour répondre à ces situations ?
Un second aspect nous intéresse également, celui de la prostitution. Nous avons mené cette année, avec Maud Olivier, des travaux approfondis sur cette violence particulière faite aux femmes et une proposition de loi issue de ce travail de la délégation est actuellement examinée par une commission spéciale, mise en place aujourd’hui même, avec Guy Geoffroy comme président et Maud Olivier comme rapporteure. J’ose croire que ce travail aboutira bientôt à une loi protectrice pour les victimes de la prostitution et qu’il instaurera une sanction pour ceux qui contribuent à pérenniser cette violence. Nous ne croyons pas que la prostitution disparaîtra facilement, mais nous croyons que l’information et la sensibilisation des citoyennes et des citoyens ainsi que le renforcement de la lutte contre les trafics pourront conduire à une diminution de ces situations de violence. Je souligne que le budget présenté cette année commence à tenir compte des actions qu’il faudra mener pour lutter efficacement contre celles-ci. Pouvez-vous nous assurer que l’évolution des crédits permettra de mener les actions nécessaires tant au niveau national que local ?
Enfin, je veux attirer votre attention sur un point transversal : la question des informations et des moyens. Consciente du besoin crucial en la matière, vous avez appelé de vos souhaits la production systématique d’études d’impact, relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, pour chaque projet de loi. Cette exigence a mis en lumière le caractère parfois obsolète de certaines statistiques sexuées voire leur inexistence. C’est pourquoi, madame la ministre, vous avez lancé la réalisation de la grande enquête Virage II sur les violences et les rapports de genre, la première enquête remontant à l’an 2000. Ses résultats nous seront très précieux. Je sais que nos collègues de La Réunion plaident, à chaque fois, pour une extension de ces enquêtes dans les DOM-TOM. Je m’inquiète toutefois de son financement, car si votre ministère prend une part importante dans son financement, plusieurs ministères sollicités n’ont pas encore répondu. J’ai écrit à Mme la garde des sceaux, au ministre de l’intérieur, au ministre du travail et à la ministre de la santé, afin que ces grands ministères, qui sont à mon sens concernés par les violences faites aux femmes, puissent compléter la part manquante de crédits. Pourriez-vous, madame la ministre, rassurer toutes celles et tous ceux qui attendent avec impatience ces données capitales ? Nous l’avions déjà dit en 2000 : la prise de conscience, ressentie comme un choc par l’ensemble de la nation, qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint a permis qu’une loi globale sur les violence soit adoptée.
Pour finir, je voudrais saluer le travail effectué par les déléguées régionales et départementales aux droits des femmes et savoir si tous les postes sont aujourd’hui pourvus – je leur avais consacré le premier rapport annuel de la délégation, que je vous avais transmis.
Ces constats faits et ces questions posées, je conclus en relevant que, comme vous l’aviez annoncé l’année dernière, un document de politique transversale renforcée nous est présenté aujourd’hui. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir tenu votre engagement. En outre, je me réjouis de voir que votre budget progresse de 3,4 %, provoquant, du fait même de sa progression, un effet de levier vertueux : ce qui est bon pour les droits des femmes est bon pour l’égalité et l’est donc aussi pour la société. La délégation aux droits des femmes continuera de vous apporter son soutien. Comptez également sur notre force de proposition et notre exigence, lors de l’examen de votre ambitieux projet de loi. Je veux enfin m’associer à la citation de Marie-Jo Zimmermann. Nous espérons en effet toutes et tous ici – comme le souhaite une pétition qui circule actuellement – qu’Olympe de Gouges entrera au Panthéon, elle qui a dit à son procès que, puisque la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune.
Applaudissements sur l’ensemble des bancs.
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
« Les bonnes habitudes sont beaucoup plus faciles à perdre que les mauvaises », disait le dramaturge et romancier britannique Somerset Maugham. Je me réjouis donc que votre assemblée ait de nouveau inscrit à son ordre du jour la tenue d’un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, après celui de l’an dernier. J’y vois un signe très positif : celui de notre intention commune de franchir au plus vite une nouvelle étape, celle de l’égalité réelle. Pour cela, nous devons nous engager sur tous les terrains, afin de faire reculer les inégalités qui s’y trouvent.
Notre responsabilité collective, la mienne, celle du Gouvernement, mais aussi la vôtre, c’est d’accélérer le rythme de notre course pour entrevoir enfin l’horizon d’une égalité sans concession, tout simplement conforme aux valeurs de la République. Pour cela, vous le savez, je viendrai devant vous au début de l’année 2014, afin de présenter un projet de loi-cadre sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Vos commissions ont commencé à travailler et je ne crois donc pas souhaitable de mener ici un débat prématuré sur le détail de ce texte, dont j’ai voulu qu’il soit entièrement construit en collaboration avec le Parlement. Le débat d’aujourd’hui est davantage l’occasion de faire le point sur cette politique transversale de l’égalité entre les femmes et les hommes, dont je vous avais tracé les perspectives il y a tout juste un an, et de débattre de ses orientations, de ses implications budgétaires et de ses résultats.
Le défi le plus important, s’agissant d’une politique transversale, est de parvenir à l’inscrire dans la durée et à organiser des mécanismes et des relais de façon à ce qu’elle ne relève pas de la responsabilité d’un seul ministère et d’une seule ministre mais qu’elle soit au coeur de toutes les politiques publiques. Il ne s’agit pas d’ajouter aux politiques des ministères une sorte de supplément d’âme, mais bien d’obtenir des engagements et des réalisations concrètes dans l’action de chaque ministère, dans les textes qu’ils portent mais aussi au quotidien dans la gestion de leurs administrations. Ce défi-là, je pense que nous l’avons collectivement relevé. Depuis un an, 60 % des projets de lois – et pas des moindres – que vous avez examinés ont comporté des mesures qui ont un impact positif sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Je pense notamment à la loi sur la refondation de l’école.
Elle a permis de réinscrire l’égalité au coeur des valeurs de l’école républicaine. Ce ne sont pas que des mots : deux instances pivot de cette réforme, le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d’évaluation de l’école, sont désormais composées de façon strictement paritaire et les écoles supérieures du professorat, que vous avez instituées pour donner à nouveau une formation continue aux enseignants, comportent depuis cette rentrée des enseignements à l’égalité entre filles et garçons.
Avec Vincent Peillon, nous avons fait de cette année scolaire 2013-2014 l’année de la mobilisation pour l’égalité à l’école, pour prolonger cette dynamique en insistant sur la transmission des valeurs d’égalité dès l’école primaire, pour faire reculer des inégalités qui s’ancrent très tôt dans l’esprit de nos enfants et pour donner aux filles comme aux garçons confiance en eux afin qu’en particulier les premières ne se limitent pas, comme elles le font encore aujourd’hui, lors de leurs choix d’orientation ou lors de leurs premiers pas dans la vie professionnelle. Tel est le sens du programme « ABCD de l’égalité », un outil essentiel pour la réussite de toutes et de tous, expérimenté actuellement dans 600 écoles primaires.
À côté de la refondation de l’école, je pense aussi à notre loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, par laquelle vous avez permis que les instances de gouvernance de nos universités deviennent paritaires. Cela aura peut-être échappé aux observateurs, mais c’est absolument historique : depuis le XIIIe siècle, alors même que les universités sont porteuses des valeurs d’humanisme, elles n’avaient jamais inscrit au coeur même de leur fonctionnement l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est désormais chose faite. Nous sommes le premier pays au sein de l’OCDE à avoir inscrit ainsi la parité dans la gouvernance des universités.
Je pense également au débat essentiel que vous avez eu il y a quelques semaines maintenant sur l’avenir de notre système de retraites. La présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle, le sait bien : le Gouvernement a intégré la question de la réduction des inégalités de pensions de retraite dès la préparation de la réforme. De nombreuses avancées ont été obtenues grâce à cette façon de procéder, qui contribueront à réduire la précarité des femmes âgées évoquée par Mme Bello : meilleure prise en compte des trimestres d’interruption au titre du congé maternité, prise en compte du petit temps partiel, amélioration de la situation des aidants familiaux – on sait qu’il s’agit la plupart du temps d’aidantes – et des conjoints collaborateurs – surtout des conjointes collaboratrices. Et puis il y a la réforme à venir des avantages familiaux que nous avons annoncée.
Enfin, je pense à la parité dans nos institutions politiques. Avec la loi du 17 mai 2013, la parité dans nos assemblées municipales et départementales sera désormais la règle alors que nous n’avons à ce jour que 13 % de femmes parmi les conseillers généraux. Vous l’avez peut-être vu : vendredi dernier, le Forum économique mondial rendait public son classement mondial de la parité et soulignait que la France était passée, en un an, de la cinquante-septième place à la quarante-cinquième place sur 135 pays. Bien sûr, il reste encore beaucoup de progrès à faire et nous y reviendrons en janvier lorsque nous discuterons du projet de loi sur l’égalité femmes-hommes, mais c’est déjà la plus forte progression parmi les pays industrialisés.
Évidemment, et Catherine Coutelle a raison de le rappeler, la parité ne saurait se limiter à la sphère politique. Nous souhaitons l’étendre à l’ensemble des champs de la vie professionnelle et sociale. Vous avez relevé quelques nominations ces derniers jours, en particulier dans le domaine de la culture, qui vont dans le bon sens. Le projet de loi que je vous présenterai comportera des évolutions positives en la matière. Les partenaires sociaux eux-mêmes ont convenu, lors de la deuxième grande conférence sociale de juillet dernier, de se saisir de la question de la parité dans les instances représentatives du personnel et de formuler des propositions d’ici la fin de l’année. Lorsque nous nous retrouverons en janvier, nous y verrons beaucoup plus clair.
Au-delà des textes qui vous ont été présentés ces derniers mois, nous avons adopté de nouvelles méthodes de travail au sein du Gouvernement, qui sont aujourd’hui pleinement effectives et qui permettent d’aboutir aux résultats que j’ai évoqués. À la suite du premier comité interministériel consacré aux droits des femmes, qui s’est réuni le 30 novembre 2012, chaque ministre avait défini sa feuille de route pour l’égalité. Je peux témoigner qu’ils se sont personnellement investis. Je rendrai publics dans quelques jours, lors du second comité interministériel pour les droits des femmes, les résultats de cette implication. Nous avons désormais un réseau de hauts fonctionnaires dédié à l’égalité femmes-hommes dans chaque ministère et des conseillers référents dans chaque cabinet ministériel. Nous les réunissons régulièrement, ils portent notre politique et assurent notre vigilance au quotidien. Et puis surtout, nous disposons dorénavant d’études d’impact qui permettent d’examiner à l’aune de l’égalité entre les femmes et les hommes chacun des projets de loi et des projets de décret présentés en conseil des ministres.
Dans le domaine budgétaire, nous avançons aussi. Avec Bernard Cazeneuve, nous déclinons ces nouvelles méthodes de travail afin d’inscrire dans l’ensemble des programmes budgétaires des indicateurs de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous les intégrerons bien sûr au document de politique transversale, que j’ai voulu cette année enrichir pour mieux rendre compte de l’implication de tous les ministères dans la politique de l’égalité.
Nous avons évidemment encore des progrès à faire. Ainsi, j’estime que l’on pourrait mieux identifier l’effort des collectivités territoriales pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’était un des points soulevés par votre collègue Vincent Feltesse dans le rapport qu’il m’a remis cet été sur leurs compétences en matière d’égalité. Suivant plusieurs de ses préconisations, je souligne que j’ai d’ores et déjà conclu des conventions ambitieuses avec les grandes associations d’élus locaux pour encourager toutes les collectivités locales à inscrire l’égalité au coeur de leurs politiques. Je crois que nous aurions intérêt à décliner plus largement ce rapport lors de notre débat de janvier prochain car, du fait des transferts de compétences, les collectivités jouent un rôle majeur dans la mise en oeuvre effective des mesures d’égalité.
Les avancées sont attendues aussi, et j’en ai conscience, du côté des crédits mobilisés par l’État pour la politique d’égalité. Vous avez pu constater que les crédits de cette politique transversale sont en progression par rapport à 2012, de près de 10 millions d’euros puisque 200 millions lui sont directement consacrés dans le PLF pour 2014.
Le budget de mon programme, discuté ce matin même en commission élargie, traduit aussi la volonté de donner des moyens supplémentaires à cette politique prioritaire puisque 24,3 millions d’euros sont inscrits pour 2014, soit 4 millions de plus qu’en 2012. Ces moyens, certes en progression, restent cependant limités, j’en ai conscience. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de mettre l’accent sur le travail partenarial, ce qui explique en particulier les expérimentations conduites dans neuf régions où l’innovation est désormais le maître mot. Je pense que par l’innovation, nous pouvons faire progresser nos politiques d’égalité. Cette démarche partenariale constitue aussi évidemment un levier financier intéressant. Ainsi, dans ces neuf régions, les moyens que j’ai pu dégager sur mon propre budget, soit près de 2 millions d’euros, ont permis d’en mobiliser près de quatre fois plus !
Les moyens consacrés aux associations sont maintenus, et même accrus : près de 4 millions d’euros sont inscrits pour les associations nationales qui s’occupent de violences et j’ai veillé à signer avec la plupart d’entre elles des conventions pluriannuelles d’objectifs pour sécuriser leur financement et leur éviter d’être obligées de tout recommencer chaque année.
Je voudrais enfin revenir plus en détail sur les trois grandes priorités dont je vous avais fait part il y a un an et qui impliquent une action qui va parfois au-delà de la loi.
La première est l’égalité professionnelle, que nombre d’entre vous ont évidemment citée dans leurs interventions. La Gouvernement a défini les principaux axes de cette politique avec les partenaires sociaux, notamment lors des grandes conférences sociales de 2012 et de 2013. Pour réduire les écarts de rémunérations au sein des entreprises, nous avons choisi de mener une politique effective qui donne tout son sens à la législation imposant aux entreprises de réaliser l’égalité professionnelle en leur sein. Cette législation existait, mais elle était devenue quasiment vide de sens à force de n’être plus respectée, et ce malgré l’engagement d’un certain nombre d’élus de tous bords, dont Mme Zimmermann. Je veux vous dire ici, madame la députée, que je n’hésite jamais à rendre hommage à votre engagement et à votre détermination.
Nous avons donc mis en place, depuis janvier 2012, une politique de contrôle avec un dispositif de sanctions réellement effectif qui donne des résultats : depuis mon arrivée en mai 2012, nous sommes passés de deux mises en demeure à plus de quatre cents aujourd’hui. Quatre entreprises ont été sanctionnées et surtout, point le plus important, le rythme des dépôts des accords ou des plans en faveur de l’égalité professionnelle est rapide : près de 3 000 ont déjà été finalisés.
À côté de l’application effective des lois, il est important, disais-je, d’aller plus loin, grâce à des innovations. Les neuf régions pilotes que j’ai évoquées sont en train d’expérimenter des bonnes pratiques en matière notamment d’accompagnement des TPE et des PME. En effet, la législation ne couvre que les entreprises de plus de cinquante salariés, alors que nombre de Françaises et de Français travaillent dans des entreprises plus petites. Nous veillons donc dans ces régions à rendre disponibles des outils, y compris pour les entreprises qui ne sont pas concernées par la politique du bâton, afin de faire l’égalité dans une démarche vertueuse, facteur de réussite économique et de meilleure productivité. Dans ces régions, les élus locaux sont à la manoeuvre, mais aussi tous les représentants du réseau déconcentré des droits des femmes, évoqué par certains d’entre vous et que je tiens à saluer : oui, nous avons donné à ce réseau, qui était en perte de vitesse en termes de soutien par l’État, les moyens de fonctionner.
Il y a une autre démarche parallèle à celle que je viens d’indiquer : la négociation par les partenaires sociaux, qui a abouti, le 19 juin 2013, à un accord national interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. J’ai intégré par voie d’amendement au projet de loi déjà débattu devant le Sénat et portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes les principales avancées de cet ANI, notamment la simplification pour une meilleure efficacité des démarches de négociation au sein de l’entreprise.
Nous allons surtout donner suite à l’ANI en engageant un véritable travail sur la question des classifications. Celles-ci reflètent la façon dont les femmes sont aujourd’hui cantonnées dans un certain nombre de métiers sous-valorisés, sous-payés, guère reconnus. C’est ce qui explique en grande partie, avec le temps partiel, les 27 % d’écart de rémunération que l’on évoque très souvent. Ils sont moins liés à des discriminations conscientes de la part de l’employeur qu’au fait que nous vivons dans un pays qui manque cruellement de mixité professionnelle. Je rappelle fréquemment un chiffre qui frappe les esprits : seulement 12 % de la population active française travaille dans un secteur que l’on peut considérer comme mixte, c’est-à-dire où au minimum 40 % des effectifs sont de l’autre sexe.
Le cantonnement des femmes dans des métiers sous-valorisés explique donc pour une large part leur sous-rémunération. Ce travail sur la classification des métiers et sur leur plus ou moins grande valorisation va sans doute permettre, durant l’année 2014, de faire progresser considérablement les choses à un moment où les branches professionnelles s’apprêtent à revaloriser leurs classifications. Nous en reparlerons quand je présenterai mon projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mais si l’on veut continuer à avancer sur la question de l’égalité, il faut aussi savoir s’attaquer aux causes structurelles des inégalités professionnelles et parmi elles, au plafond de verre qui pèse encore aujourd’hui sur les femmes. L’une d’entre vous a évoqué le palmarès des cent plus grandes entreprises françaises classées en fonction de la féminisation de leurs instances dirigeantes, palmarès que j’ai rendu public lors de la toute première semaine de l’égalité professionnelle, il y a dix jours. C’est utile pour rendre hommage et valoriser les pratiques exemplaires de certaines grandes entreprises, mais force est de reconnaître que le constat qui en ressort, c’est qu’au sein des comités directeurs et des comités exécutifs, il n’y a en moyenne que 10 % de femmes ! Certaines entreprises font un peu mieux parce qu’elles ont une politique proactive et volontariste, mais vous voyez ainsi d’où nous partons et le chemin qu’il nous reste à parcourir…
S’attaquer aux causes structurelles de ces inégalités, c’est aussi comprendre que si les inégalités de rémunération, de promotion et d’accès aux responsabilités sont si fortes aujourd’hui encore, c’est parce que les femmes n’ont pas les mêmes carrières que les hommes. Leurs carrières sont bien plus souvent interrompues quand arrivent les enfants et c’est le plus souvent aux femmes qu’incombe la charge d’assurer cette si difficile articulation entre les temps de vie personnels et professionnels.
Les pouvoirs publics doivent apporter des réponses pour que le poids en soit plus équitablement réparti entre les épaules des femmes et celles des hommes, et ce sera notamment l’objet de la réforme du congé parental. Mais pour rendre plus aisée cette difficile articulation, l’évidence est de créer des places de crèche et des solutions d’accueil supplémentaires comme nous le faisons avec les 275 000 solutions d’accueil pour les moins de trois ans qui ont été prévues et financées dans le PLFSS.
Pour accompagner cette politique et permettre une meilleure articulation entre les temps de vie, je travaille avec les entreprises, en particulier les plus grandes, sur l’organisation du temps de travail. Les salariés, femmes ou hommes, ont des revendications et des attentes importantes, qu’ils n’osent pas toujours formuler. C’est donc aux entreprises de construire une organisation, un cadre de travail qui permette au salarié d’être aussi père ou mère.
Toujours parmi les causes structurelles des inégalités, on trouve le temps partiel, notamment le petit temps partiel, qui concerne désormais une femme active sur trois car les choses n’ont cessé de se dégrader depuis trente ans. Nous avons obtenu des avancées intéressantes grâce à l’accord sur la sécurisation professionnelle, transformé en loi. Cependant, il conviendra de rester extrêmement vigilant sur sa mise en oeuvre. Avec Michel Sapin, je suis bien décidée à en dresser un bilan au premier semestre 2014.
Sur ce sujet qui vous préoccupe particulièrement, ne regardez pas le contenu de ce seul accord car des avancées ont été obtenues dans d’autres cadres et d’autres textes : la loi sur la réforme des retraites, par exemple, permet de mieux prendre en considération le petit temps partiel. Nous sommes aussi en train de travailler à la réforme de la formation professionnelle, veillant précisément à ce que les salariés à temps partiel puissent y avoir davantage accès.
Au risque de me répéter, à chaque fois que j’interviens sur cette question de l’égalité professionnelle, je rappelle une étude de l’OCDE : si nous étions capables d’annuler l’écart de près de 9 points qui existe encore entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes en France, nous pourrions accroître le produit intérieur brut de 10 points en dix ans, soit 0,5 point de croissance en plus par an. On ne peut pas y rester indifférent.
C’est pourquoi l’emploi des femmes sera la priorité du second comité interministériel des droits des femmes, qui se tiendra à la fin du mois de novembre. Comment gagner ce demi point de croissance qui nous manque et qui est pourtant à notre portée ? Les leviers que nous pouvons mobiliser sont multiples : il faudra, par exemple, revoir les obstacles au développement de l’activité du deuxième apporteur de ressources dans un ménage. Certains d’entre vous ont déjà travaillé sur le sujet et nous reprendrons cette réflexion.
Il s’agit aussi de permettre mieux que l’on ne le fait actuellement aux femmes qui viennent d’avoir un enfant de rebondir, de se reconvertir professionnellement et notamment d’accéder à la création d’entreprise. Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux puisque nous souhaitons que le pourcentage de femmes parmi les créateurs d’entreprise passe de 30 % actuellement à 40 % en 2017, grâce au plan de soutien et de financement adopté il y a quelques mois.
Pour nous, l’égalité professionnelle et la lutte contre la précarité, notamment celle des femmes au sein des familles monoparentales, sont clairement des priorités. À cet égard, le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes que je viendrai vous présenter s’intéressera aux pensions alimentaires, qui sont trop souvent impayées dans notre pays. Il proposera la création d’un service public de garantie de la pension alimentaire. Cet acte fort va permettre à chaque enfant concerné de se voir assurer une pension mensuelle de 90 euros dans un premier temps, puis de 120 euros en 2017, quelle que soit la situation professionnelle de ses parents et surtout quel que soit le lien personnel qu’entretiennent son père et sa mère.
Je ne peux pas conclure sans dire un mot sur les violences faites aux femmes, un sujet sur lequel j’aurais beaucoup de choses à vous dire mais que vous avez bien résumé. Les semaines qui viennent vont être importantes en la matière.
D’abord, votre assemblée va examiner la proposition de loi courageuse portant sur la lutte contre la prostitution, qui a été travaillée par Maud Olivier et Catherine Coutelle, avec la contribution d’élus de tous les bancs. Je tiens à saluer ce travail collectif.
Ensuite, le 25 novembre prochain, je présenterai le nouveau plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce quatrième plan sera construit sur un petit nombre de priorités sur lesquelles nous allons nous engager en nous en donnant les moyens et en étant comptables de ces engagements tant au niveau national que local. Je suis persuadée que la meilleure façon de rendre effectives nos politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, c’est de faire en sorte que les choses fonctionnent vraiment au niveau local. Nous y travaillons actuellement.
Ce plan portera notamment sur une prise en charge sanitaire renforcée des victimes de violences, incluant l’aspect psychologique qui manquait un peu dans les dispositifs actuels, mais aussi la mise à l’abri des victimes, que vous avez évoquée, via des places d’hébergement dédiées et adaptées en nombre suffisant. Nous respectons l’engagement que nous avons pris de créer 1 500 places supplémentaires d’ici 2017.
Je n’ai pas évoqué tous les sujets mais en conclusion, je dirai simplement qu’il n’y a pas un seul secteur de l’action publique qui ne soit concerné par l’égalité entre les femmes et les hommes et par les droits des femmes. Le débat permettra justement d’aborder les secteurs que je n’ai pas évoqués.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Nous en venons en effet aux questions. La durée des questions, comme celle des réponses, madame la ministre, ne doit pas excéder deux minutes. Le Gouvernement répondra à chaque question.
Le groupe écologiste ayant aimablement cédé son tour, la parole est à Mme Huguette Bello, pour poser la première question au nom du groupe GDR.
L’égalité réelle entre les hommes et les femmes est aussi la traduction dans les faits de l’article 1erde la Constitution, selon lequel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Pour l’heure, ce principe constitutionnel a surtout été appliqué dans la sphère de la parité politique même si, en dépit de réelles avancées, la marge de progression est encore importante. Si l’on considère le nombre de femmes élues dans notre assemblée, la France se classe au trente-sixième rang mondial, entre l’Afghanistan et la Tunisie !
Nous avons voté récemment un certain nombre de textes qui permettront de continuer à progresser. L’aggravation programmée des sanctions financières devrait aussi y contribuer. L’objectif poursuivi est de généraliser la parité réelle dans tous les domaines, particulièrement dans ceux qui sont restés en retrait de cette évolution. L’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales est un nouveau chantier qui va enfin s’ouvrir. Cela signifie inscrire la parité dans toutes les instances dirigeantes : celles du sport, des chambres consulaires, des entreprises et des établissements publics ou encore des nombreuses autorités administratives indépendantes.
La réussite de cet ambitieux programme suppose de susciter des vocations, de sensibiliser tous les acteurs à la parité, de lever les dernières réticences et de mener des actions de formation spécifiques.
L’action 11 de la mission « Égalité entre les femmes et les hommes » prévoit des crédits d’un montant de 1,9 million d’euros. Pouvons-nous avoir des précisions sur les initiatives susceptibles d’être financées par cette ligne de crédit et sur leur déclinaison au niveau local ?
Il faut favoriser le développement de l’entreprenariat féminin pour que nous ayons demain plus d’entrepreneuses, d’agricultrices, de femmes qui prennent la suite d’artisans. Avec cette action 11 à laquelle vous faites référence, nous soutenons des associations comme la Fédération Pionnières, France Active ou encore 100 000 Entrepreneurs.
Ces associations vont nous permettre de sensibiliser et de former des jeunes femmes qui veulent s’engager dans des activités, que ce soit la création d’entreprise ou la prise de responsabilités dans la vie locale. Elles les informent et les accompagnent en leur offrant parfois une forme de coaching personnalisé.
Dans cette liste d’associations, peut-être connaissez-vous le réseau Elles aussi ? Depuis plus de vingt ans, ce réseau organise dans les territoires des actions d’information ouvertes aux femmes, et cherche à convaincre en particulier des élues de tout bord à accéder à des responsabilités.
Il n’y a pas que par la loi et par des mesures coercitives que nous arriverons à développer de fait l’accès aux responsabilités d’un certain nombre de femmes. Il faut aussi offrir des réseaux d’accompagnement. C’est ce à quoi sera bien utile cette action 11 et le financement qui l’accompagne.
Au passage, et vous le verrez aussi dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes dont nous viendrons débattre en janvier, j’indique que le principe de parité doit être étendu à tous les domaines. C’est pourquoi les fédérations sportives, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture et les instances d’administratives seront également concernées.
Ma deuxième question porte sur l’accès aux soins des étudiantes. Plusieurs études confirment qu’elles seraient de plus en plus nombreuses à renoncer à se soigner. Ces enquêtes révèlent toutes un moindre recours au médecin traitant et plus encore aux spécialistes.
Dans la majorité de cas, ce sont surtout des raisons financières qui expliquent la décision de ne pas consulter un médecin. Cette évolution est inquiétante. Elle est générale mais encore plus rapide chez les étudiantes qui sont deux fois plus nombreuses à renoncer aux soins faute de moyens.
La précarité est loin d’épargner les étudiants. Plus de 20 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Confrontés à l’augmentation des tarifs de restauration et à la hausse des loyers des logements universitaires, ils sont contraints à des arbitrages, lesquels se font le plus souvent au détriment de leur santé.
L’augmentation importante des tarifs des contrats de complémentaires santé complique encore un peu plus la situation et contraint un nombre toujours plus important d’étudiants à ne pas en souscrire. Ils le font d’autant moins que les critères accès à l’Aide à la complémentaire santé sont particulièrement dissuasifs.
Par ailleurs, depuis que le Conseil constitutionnel a censuré en décembre dernier l’expérimentation du tiers payant intégral pour tous les étudiants de trois villes, aucune autre disposition ne semble avoir été envisagée.
Ces difficultés d’accès aux soins se traduisent particulièrement au niveau des consultations gynécologiques, qui connaissent une baisse de plus de quatre points en l’espace de deux ans : 52,1 % des étudiantes y ont eu accès en 2011, 48 % en 2013.
C’est la raison pour laquelle je fais aussi appel à vous, madame la ministre, pour que le ministère des droits des femmes impulse des initiatives de nature à améliorer l’accès aux soins des étudiantes, notamment pour faciliter l’accès des jeunes femmes de 18 à 25 ans aux consultations gynécologiques qui ne cessent de diminuer d’années en années.
Madame Bello, nous pouvons toujours améliorer les choses et je reste à votre disposition pour y travailler, mais je veux quand même revenir sur les progrès accomplis au cours des derniers mois.
Notons d’abord qu’il est toujours possible de bénéficier d’une prise en charge de l’ensemble des frais liés à la contraception dans les centres du Planning familial et les centres de planification et d’éducation familiale. Ces centres étant parfois difficiles d’accès, notamment dans les zones rurales, il existe d’autres dispositifs comme le Pass contraception, par exemple. Ce dispositif, qui apporte des réponses intéressantes, est expérimenté dans douze régions et, depuis plusieurs mois, nous travaillons à sa généralisation à l’ensemble du territoire. Nous pourrons faire un point sur le sujet si vous le souhaitez.
En matière d’accès aux soins, l’assurance complémentaire santé est aussi un élément déterminant. Le Président de la République, vous le savez, avait formulé l’objectif de généraliser à l’horizon 2017 l’accès à une couverture complémentaire de qualité. Plusieurs mesures générales ont déjà été prises, comme la revalorisation des plafonds de ressources qui ouvrent droit à la CMU ou encore l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, également revalorisée pour tenir compte de l’inflation. Tout cela permet de couvrir 750 000 nouveaux bénéficiaires, dont une majorité de femmes, je voulais vous en informer.
En complément de ces mesures, puisque votre question portait essentiellement sur les jeunes, sachez que des mesures ciblées ont été prises, notamment dans le cadre du comité interministériel pour la jeunesse de février 2013. Il a ainsi été décidé de simplifier le recours à la CMU complémentaire ou l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé des étudiants dès lors qu’ils sont déjà bénéficiaires d’aides financières qui caractérisent leur situation de précarité.
De la même façon, l’article 45 du PLFSS pour 2014 que vous avez adopté en première lecture prévoit pour les étudiants isolés, qui bénéficient à ce titre d’une aide du Fonds national d’aide d’urgence versée par le CROUS, l’ouverture d’un droit individuel à la CMU-C. Les étudiants en rupture familiale, les étudiants en situation d’indépendance avérée, les étudiants en difficultés particulières ou ceux qui sont en reprise d’études après 28 ans, tous bénéficieront de cette mesure.
Dernier point : sachez que le plan d’action pour la jeunesse a prévu de doubler le nombre de centres de santé universitaires, dont nous avons pu constater l’utilité. Aujourd’hui, une vingtaine de centres de ce type sont déjà ouverts, et l’idée est de continuer leur développement. Plusieurs de ces centres proposent des consultations gynécologiques, spécialité qui compte parmi nos priorités.
Voilà donc un certain nombre des dispositifs déjà mis en oeuvre, mais ce sont des sujets sur lesquels nous pouvons toujours avancer.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Mon collègue Jacques Moignard étant intervenu à propos du budget, je souhaite évoquer une mesure phare de votre projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes : le congé parental, actuellement pris à 97 % par les femmes. Il est prévu, à partir du 1er juillet 2014, d’instaurer une période de partage pour inciter les pères à y recourir davantage : à partir de deux enfants, la durée du congé restera de trois ans à condition que six mois soient pris par le second parent ; sinon elle sera raccourcie à deux ans et demi. Reste à savoir si cette mesure sera suffisante face à des pesanteurs sociales très fortes.
En effet, ces pesanteurs sont ancrées dans les esprits. Il suffit de regarder les publicités à la télévision pour comprendre comment la gestion du temps avec les enfants en bas âge est considérée. Voyez ce slogan : « Blédina, du côté des mamans » ! Comme si nourrir son enfant ne concernait que les mères ! Et je vous épargne les publicités pour les couches où l’on ne voit encore une fois que des mères…
Dès lors, les hommes s’en rendent compte en regardant la gestion du temps de leur compagne : interrompre une carrière pour s’occuper de leur enfant est actuellement un risque. En outre, l’absence de l’entreprise peut être d’une durée relativement longue, ce qui pose problème. Les encouragements à ce que les hommes prennent un congé parental permettront de réduire les inégalités dont souffrent les femmes dans l’épineuse question de la discrimination à l’embauche : les recruteurs seront moins enclins à exercer cette discrimination puisque des hommes pourront eux aussi bénéficier dans les mêmes conditions d’un congé parental. Cette mesure marque donc une avancée réelle pour la société et la famille.
Aussi, madame la ministre, que comptez-vous faire pour que les pères ne voient plus cette interruption de carrière comme une difficulté, mais plutôt comme une source d’épanouissement personnel qui leur est accordée au même titre qu’elle est accordée aux femmes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.
Merci, madame la députée, pour ces propos qui démontrent que vous avez parfaitement compris l’enjeu de la réforme du congé parental que nous essayons de mener. Il s’agit tout à la fois de lutter contre l’éloignement trop important des femmes du marché du travail – pouvant atteindre trois ans, cet éloignement leur porte évidemment préjudice en termes de parcours de carrière, d’accès aux responsabilités ou de promotion – et de mieux partager les responsabilités parentales entre les femmes et les hommes, dans l’intérêt des femmes, car, ainsi que je le rappelais en introduction, une meilleure répartition entre les deux membres du couple leur permet de moins pâtir de leur interruption unique d’activité, mais aussi dans l’intérêt des hommes, car de plus en plus d’hommes revendiquent de pouvoir être des pères en même temps que des salariés. Il faut que les pouvoirs publics se placent de leur côté, car c’est une revendication progressiste : nous avons tout intérêt, pour les adultes comme pour les enfants, à permettre ce type d’épanouissement.
Cette réforme du congé parental, s’agissant du premier enfant, consiste à offrir au couple six mois de plus par rapport à aujourd’hui, dès lors que ces six mois sont pris par le deuxième membre du couple. Et à partir de deux enfants, nous prévoyons que dans les trois ans d’interruption d’activité qui existent actuellement, six mois au moins doivent être pris par le deuxième membre du couple, généralement le père.
Cette réforme est donc ferme dans ses objectifs, mais également progressive : elle se fera en douceur, pour commencer à faire évoluer les mentalités. Nous escomptons passer de 20 000 pères prenant un congé parental chaque année à 100 000 en 2017 : ce sera une façon intéressante de répondre aux inégalités professionnelles tout en modifiant le regard des enfants sur les rôles respectifs des pères et des mères – vous évoquiez à ce sujet une publicité désormais fameuse. Voir leur père passer du temps auprès d’eux leur donnera aussi un autre aperçu du rôle des femmes et des hommes dans la société, ce qui sera extrêmement vertueux. Je n’en dis pas plus car je crois que vous avez parfaitement compris le sujet. Je vous remercie de votre soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, comme vous, je pense que l’égalité entre les femmes et les hommes implique de construire une culture de l’égalité des sexes et, par conséquent, de s’attaquer aux stéréotypes dès le plus jeune âge. Cela ne peut pas être dissocié d’une approche « genrée », car c’est la construction sociale de notre identité qui est au fondement des stéréotypes.
L’origine des inégalités entre les femmes et les hommes ne réside pas dans la nature ou dans nos différences biologiques. Non, ces inégalités sont historiquement construites et socialement reproduites : c’est la douceur féminine face à la dureté masculine,…
…les poupées pour les petites filles mais les jeux d’épée pour les petits garçons, ou encore les formations littéraires pour les femmes et les carrières scientifiques pour les hommes. Ce sont ces stéréotypes « genrés », c’est-à-dire les comportements sociaux attendus en fonction de notre sexe biologique, qui sont à l’origine de nombre d’inégalités au détriment des femmes, quand ils ne servent pas de justification à des comportements plus graves.
Comme vous, madame la ministre, je pense que l’éducation est la première arme au service de l’égalité. Lors des débats sur la refondation de l’école, j’ai d’ailleurs défendu des amendements pour que des formations à l’égalité soient dispensées dans les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, et je suis contente de voir que cela se concrétise. Mais j’ai aussi indiqué combien la lutte contre les stéréotypes de genre était fondamentale : il s’agit en effet de dépasser le discours d’égalité biologique et, justement, de donner aux enfants les moyens d’avoir un esprit critique permettant de déconstruire ces stéréotypes.
Compte tenu de ces éléments, pourriez-vous m’indiquer, madame la ministre, pourquoi la culture de l’égalité de genre n’apparaît pas en tant que telle comme une priorité ?
Madame la députée, je veux saluer le rôle que vous avez joué dans les débats portant sur la refondation de l’école et sur la nécessité, que nous avons pleinement intégrée, de traiter à l’école, dans la formation des enseignants mais aussi dans les programmes, de la question de l’égalité fille-garçon.
Ainsi que je le disais tout à l’heure, cela fait désormais l’objet d’un module d’apprentissage pour les enseignants dans les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Dans le cadre des « ABCD de l’égalité », des programmes expérimentaux sont mis en oeuvre dans 600 écoles et seront généralisés l’année prochaine, nous l’espérons, à l’ensemble des écoles. C’est bien d’égalité fille-garçon que nous parlerons ainsi aux élèves.
Je partage évidemment cette ambition avec vous. Einstein disait qu’il était sans doute plus difficile de désintégrer un préjugé qu’un atome ! C’est vrai, et la meilleure façon de ne plus avoir à désintégrer des préjugés dans quelques années, c’est d’éviter qu’ils ne s’installent, au bon âge, l’âge où les enfants construisent leur perception du monde. Nous nous inscrivons donc totalement dans cette ambition de lutter contre ces préjugés et ces stéréotypes.
Nous allons même plus loin, car nous n’inscrivons pas seulement cette lutte à l’école. Je veux insister sur un point qui est passé un peu inaperçu pour l’instant dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes que je présente, portant sur la question des médias et de tout ce qui circule à la télévision ou à la radio.
Une nouvelle compétence sera ainsi confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel lui permettant de veiller, d’alerter, de lutter et le cas échéant de sanctionner lorsque des médias auront, par des images trop stéréotypées, conforté un certain nombre d’inégalités. C’est un champ énorme qui s’ouvre devant nous, et qui rejoint votre question sur ce qu’est un stéréotype. Les études portant sur le genre peuvent nous aider à définir ce qui relève du stéréotype, ce qui surcatégorise les femmes et les hommes.
Le CSA, autorité administrative indépendante, aura donc désormais compétence pour définir cela et pour sanctionner lorsqu’il y aura eu exagération de la part de certains médias. Je pense que cela permettra de répondre à ces problématiques, d’autant qu’il sera invité par ce même texte à porter un regard tout particulier sur les programmes destinés à la jeunesse. Voilà ce que je pouvais vous dire en quelques mots sur ce que nous comptons faire pour promouvoir l’égalité dès le plus jeune âge.
Madame la ministre, les inégalités professionnelles ne sont plus à démontrer : écart de rémunération de 27 %, sous-représentation des femmes aux postes de direction ou encore temps partiel majoritairement féminin. L’ombre de la maternité et des enfants en est la première cause. Seuls 6 % des hommes effectuent un changement dans leur vie professionnelle après l’arrivée d’un enfant, contre 40 % des femmes.
Temps partiel ou interruption de carrières, les conséquences pour les femmes sont connues : chômage de longue durée, carrières morcelées, faiblesse des retraites, dépendance vis-à-vis du conjoint… De plus, ce soupçon de maternité pèse sur l’ensemble des femmes, avec ou sans enfants, et qu’elles s’arrêtent ou non de travailler.
Pour remédier à cette situation, il faut certes repenser l’organisation du travail et revoir les politiques de ressources humaines, loin d’être neutres du point de vue du genre. Mais l’égalité professionnelle ne sera effective que si un service public d’accueil de la petite enfance digne de ce nom est mis en place et si le congé parental devient plus paritaire.
C’est pourquoi, pour lutter efficacement contre l’éloignement des mères du marché du travail, favoriser l’investissement des deux parents dans la sphère familiale et lutter contre les anticipations des entreprises ou leurs réticences à embaucher des femmes, la réforme du congé parental doit être ambitieuse et, surtout, s’accompagner de moyens.
Pourquoi alors, madame la ministre, ne pas proposer un congé parental à partager entre les deux parents, qui serait plus court, de 12 à 14 mois, et mieux indemnisé ? Les hommes étant mieux rémunérés que les femmes, la clef réside en effet dans l’indemnisation. En Norvège, elle est de 100 % du salaire, et en Allemagne de 67 %, avec bien entendu des plafonds. Pour notre part, nous proposons 70 % du salaire jusqu’à 1 800 euros. Qu’en pensez-vous, madame le ministre ?
Nous avons évidemment mûrement réfléchi sur la réforme du congé parental que j’évoquais tout à l’heure avant d’en définir les contours. Nous avons notamment étudié le fonctionnement d’autres systèmes, auxquels vous avez fait référence, comme la Suède ou l’Allemagne. Dans ces pays, le choix a été fait de proposer des congés parentaux beaucoup plus courts et partagés de façon strictement égalitaire entre les hommes et les femmes.
La différence entre notre pays et ces systèmes, preuve d’ailleurs qu’il est toujours difficile de copier exactement un dispositif étranger dans un pays à la tradition et à l’histoire différentes, c’est que nous ne partions pas de rien : dans notre système existait d’ores et déjà le droit à prendre, par exemple pour deux enfants et plus, jusqu’à trois ans d’interruption d’activité indemnisée.
Si nous avions fait le choix de ramener d’un seul coup ce délai de trois ans à un an, vous voyez bien la difficulté que cela aurait créé pour les ménages considérés. La nouvelle règle, dans le contexte actuel d’insuffisance de places en crèche, nous semblait assez dure. Il faut quand même se montrer relativement pragmatique et permettre aux ménages de se retourner.
J’ai donc préféré travailler de façon progressive, ainsi que je l’expliquais tout à l’heure. Nous avons ainsi pris des engagements forts sur la création de 275 000 nouvelles solutions d’accueil, qui doivent être effectives d’ici à 2017. Et avec cette première réforme du congé parental, nous répondons d’une certaine façon à nos objectifs, qui sont de limiter l’éloignement du marché du travail des femmes et de mieux partager les responsabilités parentales, mais nous le faisons en douceur, en permettant aux ménages de se retourner.
Quant à la question d’une indemnisation plus importante, comme cela est pratiqué par d’autres pays, le fait est qu’il existe précisément un lien entre la longueur du congé parental et le montant de l’indemnisation.
On peut se permettre de verser une indemnisation plus forte lorsque le congé parental est plus court, comme en Suède ou en Allemagne. À cet égard, je précise qu’il existe en France, un dispositif, le COLCA, qui permet aux parents de trois enfants et plus, s’ils le souhaitent, plutôt qu’un congé parental de trois ans faiblement indemnisé, de prendre un congé parental d’un an plus fortement indemnisé – de l’ordre de 800 euros –, donc en réalité de s’inscrire dans un dispositif un peu à la suédoise ou à l’allemande. Mais du coup, ils renoncent à un congé de trois ans.
Nous n’avons pas retenu la piste d’une meilleure indemnisation du congé parental, parce qu’en temps de finances publiques contraintes, comme c’est le cas aujourd’hui, nous devons faire des choix. J’ai préféré que les quelques millions d’euros que nous avons pu dégager soient consacrés à la création de places de crèches, d’accueil collectif qui bénéficient à tout le monde, plutôt qu’à une indemnisation proportionnelle aux salaires qui, même si elle est plafonnée pour les hauts salaires, ne sera pas très redistributive, au contraire.
Mais je suis très favorable à l’évaluation de nos politiques publiques. J’ai conscience qu’il s’agit de démarches innovantes, et nous allons donc suivre de très près les résultats de cette réforme.
Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.
Madame la ministre, dès votre arrivée au sein de votre ministère, vous avez su mettre en place une politique volontariste destinée à lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes qui demeurent trop nombreuses dans notre pays, et à lutter contre tout sexisme. Nous avons d’ailleurs pu mesurer récemment le chemin qui reste à parcourir au sein même de cet hémicycle.
C’est dès le plus jeune âge que les valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons doivent être transmises. C’est aussi à l’école qu’il faut lutter contre les pratiques ordinaires qui demeurent, souvent de manière inconsciente, et qui conduisent à maintenir des inégalités de traitement, de réussite scolaire, d’orientation et de carrière professionnelle.
Dans cette optique de lutte contre les stéréotypes sexistes, le programme ABCD de l’égalité, mené conjointement par votre ministère et celui de l’éducation nationale, sera expérimenté dès le mois de novembre dans dix académies volontaires, après une première phase de formation des formateurs et formatrices et de sensibilisation des enseignants.
Trois chantiers prioritaires ont été ciblés : l’acquisition et la transmission d’une culture de l’égalité entre les sexes, le renforcement de l’éducation au respect mutuel et à l’égalité, et l’engagement pour une plus grande mixité des filières de formation à tous les niveaux d’étude.
Aussi, afin de répondre aux interrogations suscitées par l’ABCD de l’égalité, pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser quels dispositifs innovants ont été choisis permettant la mise en oeuvre de ce programme jusqu’au mois de février 2014 ?
Madame la députée, je ne comprends pas très bien que vous fassiez référence à février 2014 puisque l’ABCD de l’égalité est mis en place dans le cadre d’une année scolaire tout entière. C’est ainsi que nous expérimentons ce programme cette année et que, s’il fonctionne bien, nous le généraliserons l’an prochain.
Nous avons souhaité construire un programme qui soit en phase avec les réalités du terrain. Nous n’avons pas voulu imposer aux enseignants quelque chose qui viendrait des ministères. Je précise que les enseignants nous ont fait connaître depuis plusieurs années leur volonté de travailler sur ces questions, sans avoir les outils adaptés. Les outils que nous avons construits leur permettent d’aborder la question de l’égalité entre les filles et les garçons de façon assez souple, en choisissant le moment de l’apprentissage. Par exemple, certains ont considéré que le cours de sport était le plus adapté pour aborder cette question – ceux qui ont lu des études de genre sur le sujet savent que la façon dont les petites filles et les petits garçons se saisissent de l’espace public, de la cour de récréation, en dit long sur l’assurance personnelle, la discipline, etc. D’autres enseignants ont choisi le cours de maths ou d’histoire.
Bref, ce programme est très souple, l’important étant de fournir aux enseignants des outils. La meilleure démarche que nous avons identifiée, c’est la démarche historique. Il s’agit, par exemple, de montrer aux enfants, à l’aide de photographies, qu’il fut une époque où les femmes ne pouvaient pas porter de pantalon. C’est extrêmement intéressant pour parler de l’autonomisation économique des femmes et de leur rôle dans la société.
Le module ABCD de l’égalité fait partie d’un dispositif plus large qui, dans l’école, travaille à ouvrir les opportunités des jeunes filles et des jeunes garçons, notamment au moment de l’orientation professionnelle puisque, vous le savez, dans un certain nombre de régions sont aussi expérimentés les nouveaux services publics d’orientation professionnelle qui mettent désormais la question de la mixité des métiers en leur coeur. À cet égard, l’année 2014 sera consacrée à la mixité professionnelle et une grande campagne sera menée sur ce sujet visant à valoriser des métiers auxquels les filles ou les garçons n’avaient pas spontanément pensé. Nous y travaillons actuellement avec des fédérations professionnelles et des conseils régionaux. Si le sujet vous intéresse, je vous y associerai avec grand plaisir.
Madame la ministre, une femme sur deux meurt tous les deux jours des coups de son compagnon ou ex-compagnon et un viol est commis toutes les sept minutes. Ces chiffres sont aussi effrayants qu’utiles. Utiles pour appréhender une réalité et pour connaître la diversité des situations et ainsi mieux y répondre. La mise en place d’une nouvelle enquête VIRAGE renforcerait évidemment la lutte contre les violences faites aux femmes, dont ce Gouvernement fait une priorité en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Oui, la lutte contre les violences est une priorité pour des raisons évidentes de sécurité et de santé publique, mais aussi parce qu’engager cette lutte permet de faciliter les autres combats à mener en matière d’égalité femmes-hommes. Lutter contre les violences faites aux femmes participe de la déconstruction des stéréotypes sexués.
Cette priorité, nous la retrouvons dans le projet de budget qui nous est présenté, un budget cette année encore en hausse et consacré aux deux tiers à la lutte contre les violences faites aux femmes et contre la traite des êtres humains.
L’année 2013 a été marquée par la création de la MIPROF ainsi que par le renforcement des sanctions contre les mariages forcés et les mutilations sexuelles. D’autres avancées sont à venir avec le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes que nous examinerons en janvier prochain. Ce budget en traduit d’ailleurs une des mesures phare en termes de violences, avec 900 000 euros consacrés à la généralisation du téléphone grand danger.
Une autre mesure me paraît primordiale : ce sont les 300 000 euros consacrés au renforcement du numéro unique, le 39 19, gratuit, accessible sept jours sur sept, et mieux articulé avec les acteurs locaux. Je suis élue d’un département rural dans lequel, aux difficultés de mobilité, s’ajoutent des réseaux d’interconnaissance forts, puissants même, autant de freins au dépôt de plainte. Le premier accueil est fondamental et l’articulation avec les acteurs locaux est le préalable nécessaire à sa réussite.
Je suis persuadée que la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut être menée qu’en articulant volonté politique nationale et acteurs de terrain,…
…en tenant compte des spécificités des territoires, et des territoires ruraux telles que je viens de les évoquer.
Madame la ministre, comment doit s’opérer cette meilleure articulation avec les acteurs locaux ? Dans le même sens, j’aimerais avoir des éléments de précision sur la diminution du budget de fonctionnement des DDF.
Madame la députée, merci de souligner l’importance de ce numéro d’appel, le 39 19, destiné aux femmes victimes de violences. J’en profite pour préciser que tout le monde peut appeler ce numéro. Si vous êtes témoin, par exemple, d’une violence conjugale ou d’une violence faite aux femmes, il ne faut pas hésiter à prendre la parole.
Le 39 19 fut à l’origine le résultat d’une mobilisation associative très forte que l’État est venu aider, mais finalement assez tardivement. Nous avons décidé de lui donner les moyens de fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et nous faisons en sorte qu’il soit gratuit et que la qualité du service soit améliorée. Je peux vous annoncer qu’à partir du 1er janvier 2014, le 39 19 sera bel et bien ouvert sept jours sur sept et qu’il sera gratuit, y compris pour les appels à partir de téléphones mobiles, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Je veux remercier la FNSF, la Fédération nationale solidarité femmes, pour tous les efforts qu’elle fournit depuis plusieurs mois pour aller dans ce sens.
L’année dernière, lors de la discussion de ce budget, Christophe Sirugue nous avait fait remarquer qu’il existe beaucoup de numéros d’appel et que les femmes ont un peu tendance à s’y perdre puisqu’il en existe un sur les mariages forcés, un autre pour les victimes de viol, un autre encore sur le harcèlement sexuel. Désormais, il n’y aura plus qu’un numéro à composer, le 39 19, numéro qui les réorientera, si besoin, vers une plate-forme d’écoute spécialisée.
Comme vous l’avez fait remarquer fort justement, madame la députée, il est important qu’un travail soit mené, certes au niveau de l’État, mais surtout au plan local, car le véritable partenariat sur les questions de violence se fait entre les déclinaisons locales de l’État, les collectivités locales et les associations concernées. J’ai demandé à tous les préfets de réunir, le 25 novembre prochain, le Conseil départemental de prévention de la délinquance qui est également compétent sur les violences faites aux femmes. Je leur demanderai d’inscrire à l’ordre du jour de cette réunion la question de la bonne articulation du 39 19 avec les acteurs locaux et les numéros d’urgence nationaux qui existent déjà.
S’agissant de la diminution du budget de fonctionnement des délégations territoriales aux droits des femmes, que vous avez évoquée à la fin de votre question, sachez que nous avons conduit un travail de rationalisation des imputations de dépenses. Concrètement, mon budget n’assume désormais plus que les dépenses de fonctionnement courantes et les autres dépenses, par exemple les frais de déplacement, ne sont plus prises en charge par mon budget mais par les programmes support. Pour ce qui me concerne, cela a permis de dégager une marge de 160 000 euros que j’ai préféré affecter à des dépenses d’intervention pour les associations qui travaillent sur la prostitution et la traite des êtres humains. Les délégations territoriales aux droits des femmes n’y perdent pas concrètement.
La parole est à Mme Monique Orphé que j’invite à respecter les deux minutes qui lui sont imparties, et j’invite Mme la ministre à faire de même.
Madame la ministre, je tiens tout d’abord à saluer l’augmentation des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », combat bien sûr loin d’être gagné, qui se mène au quotidien. Je veux également souligner votre détermination pour faire avancer ce combat à travers les différentes mesures prises depuis votre arrivée à la tête du ministère des droits des femmes, un engagement et un investissement pleins et entiers pour faire progresser l’égalité, comme le montrent encore la semaine consacrée à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a eu lieu la semaine dernière, et le projet de loi-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui sera examiné prochainement à l’Assemblée nationale.
Comme je le disais, il reste beaucoup à faire pour faciliter l’accès des femmes à l’emploi car la situation demeure préoccupante. Les chiffres sont là : quand le taux d’emploi est de 68,2 % chez les hommes, il est de 59,7 % chez les femmes. Le taux de chômage des femmes est également supérieur à celui des hommes et le différentiel entre les salaires reste important : il est de 20 % pour un poste d’égale envergure. À La Réunion, le taux de chômage est si élevé – 30 % pour la population réunionnaise – que le problème de l’égalité entre les femmes et les hommes est relayé au second plan. Je vous parle de La Réunion, mais je pourrais aussi évoquer les autres départements, la Guyane, la Martinique, Mayotte, mais aussi des départements ruraux. Et pourtant, si nous voulons faire reculer la pauvreté, la précarité et les inégalités de façon générale, nous devons relever ce défi avec une politique adaptée à chaque territoire.
Madame la ministre, les mesures prises en faveur de l’égalité professionnelle doivent s’appliquer de façon égalitaire sur tous nos territoires. Or nous constatons que certains territoires bénéficient d’associations pour accompagner ces femmes tandis que d’autres n’ont rien. Quelles mesures préconisez-vous pour encourager et faciliter l’accès des femmes à l’emploi et, de façon plus générale, l’insertion de ces femmes sur l’ensemble du territoire national, c’est-à-dire la métropole et notamment les territoires d’outre-mer ?
Madame la présidente, j’ai bien entendu votre rappel à l’ordre. Aussi, je vais essayer d’être brève.
Madame la députée, je ne reviendrai pas sur ce que nous faisons, à la fois en faveur de la mixité professionnelle et pour lutter contre le temps partiel. Pour augmenter le taux d’emploi des femmes, une réflexion est engagée aujourd’hui sur notre système fiscal qui n’incite pas nécessairement à la bi-activité, c’est-à-dire à l’activité des deux membres du couple.
Certains dispositifs comme le quotient conjugal sont même, dans certains cas, des incitations négatives pour l’activité des femmes. Pour voir comment faire évoluer les choses, nous allons missionner l’IGAS et l’Inspection générale des finances, qui vont passer en revue de manière transversale les effets des incitations fiscales à travailler ou à ne pas travailler. C’est un sujet sur lequel nous pourrons avoir des réponses intéressantes.
Le second point sur lequel nous pouvons avancer, c’est le retour à l’emploi des femmes et en particulier des mères isolées dans les familles monoparentales. Cela passe par le développement des solutions de garde, qui sont particulièrement utiles à ces personnes. Il faut examiner la situation des territoires, car il y a entre eux de véritables injustices sur le taux des places de crèche disponibles. Nous mettons donc les moyens nécessaires pour rattraper les retards.
Surtout, je pense que nous allons enregistrer les résultats de nos politiques, qui consistent à renforcer l’accompagnement professionnel des mères isolées pour soutenir leur retour vers l’emploi. Nous en reparlerons en examinant le projet de loi que je vous présenterai en janvier, puisqu’un certain nombre de mesures sont prévues en la matière. C’est sur ce sujet, notamment dans votre département, que nous enregistrerons sans doute le plus de résultats. Votre territoire fait partie des régions d’expérimentation que j’évoquais tout à l’heure. Nous allons procéder à l’évaluation de ce qui a été testé et, dès lors que les mesures seront efficaces, nous veillerons à les généraliser.
L’interruption volontaire de grossesse a été légalement reconnue par la France, non sans difficultés, à la suite de l’adoption de la loi Veil du 17 janvier 1975. L’avortement est donc accessible à toute femme en situation de détresse du fait de sa grossesse.
La gauche a renforcé l’accès à ce droit en permettant, à partir du 31 mars 2013, le remboursement intégral par l’assurance maladie des frais de soins, de surveillance et d’hospitalisation liés à une interruption volontaire de grossesse par voie instrumentale ou médicamenteuse. C’est ce que prévoit le décret du 25 mars 2013 relatif à la participation des assurés, prévue à l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale. Cette mesure met fin aux différences de taux de prise en charge par l’assurance maladie : 100 % pour les assurées mineures et 70 % en soins de ville ou 80 % en établissement de santé pour les assurées majeures.
Si l’obstacle financier est levé, il reste toutefois à lever l’obstacle territorial. En effet, de nombreux centres ont été supprimés et les femmes ne sont pas toujours bien accueillies. On estime qu’entre 150 et 170 centres ont fermé en quasiment dix ans. C’est ce que soulignaient en 2010 un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et, plus récemment, le rapport de septembre 2013 du Haut-Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Le « désert français », si visible en matière de service public, se traduit aussi par la suppression, dans les territoires ruraux, des centres d’IVG. Je vous demande alors, madame la ministre, quelles sont les mesures que vous comptez prendre afin de garantir un accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire de notre État.
Vous l’avez rappelé, nous avons veillé, depuis dix-huit mois, à prendre des mesures que nous espérons utiles pour les femmes concernées, puisque nous procédons désormais au remboursement à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse. Nous avons revalorisé le tarif de l’acte, pour mettre fin à une situation dans laquelle les tarifs étaient tellement bas que les établissements hospitaliers étaient désincités à les assurer.
Ce sont des mesures importantes pour lever les freins financiers. Il y avait aussi des freins d’ordre psychologique et nous avons veillé à nous attaquer au problème des sites Internet qui pullulent et qui, sous couvert de neutralité et d’information, en réalité exercent une pression psychologique insupportable sur les femmes pour les convaincre de ne pas procéder à des IVG.
Nous avons ouvert un site d’information public – dont je rappelle l’adresse : ivg.gouv.fr – qui permet à chaque femme de disposer des informations utiles, mais aussi d’une écoute bienveillante.
Dans le cadre du débat qui s’est engagé au Sénat sur mon projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai accepté un amendement proposé par une de vos collègues, Laurence Rossignol, pour que la protection apportée par la loi s’étende aussi aux lieux d’information : nous luttons désormais contre tous ceux qui cherchent à empêcher des femmes de s’informer sur la question de l’IVG.
Tout cela étant dit, je reconnais avec vous qu’une difficulté demeure : la nécessité d’une offre de soins structurée sur tout le territoire, qui aujourd’hui n’est plus tout à fait garantie. Selon le territoire où l’on vit, on est plus ou moins rapidement pris en charge et on a plus ou moins le choix de la méthode…
C’est une préoccupation forte pour nous. J’ai demandé au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes de me remettre des conclusions sur ce thème : ce sera début novembre. Des travaux sont en cours, grâce à Marisol Touraine, pour que cette question de l’accès à l’IVG soit posée. Nous l’avons soulevée en période estivale, sachant que c’est particulièrement difficile, et précisément nous avons vu apparaître des disparités régionales importantes. C’est un sujet sur lequel nous travaillons et nous vous associerons avec plaisir à nos travaux.
Nous en venons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Guy Geoffroy.
Je voudrais d’abord dire à notre collègue Édith Gueugneau qu’il y a eu, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, deux lois : la première en 2005 à mon initiative, sous la XIIe Législature, la seconde en 2010 à l’initiative conjointe de notre ex-collègue Joëlle Bousquet et de votre serviteur, sous la XIIIe Législature.
Je voudrais exprimer toute ma satisfaction d’avoir eu connaissance des améliorations que prévoit le projet de loi de Mme le ministre, améliorations qui était attendues et auront des effets très positifs. Il y a une continuité de l’action du Parlement et des pouvoirs publics en la matière ; je crois qu’il n’était pas inutile de le rappeler.
Madame le ministre, nous sommes en chemin, mais la route est encore longue pour que l’égalité entre les femmes et les hommes soit une réalité, en droit et en fait. Même si nous avançons, nous ne progresserons vraiment qu’à partir du moment où nous aurons réussi à gagner un certain nombre de combats dans la lutte contre les violences faites aux femmes et je voulais à ce propos vous poser une question précise, en espérant que vous pourrez y apporter la réponse la plus concrète possible.
Il y a un vrai problème qui est celui de l’hébergement. La loi précise bien que la victime doit rester de préférence à son domicile, mais on sait très bien que dans certaines situations, la victime ne le peut pas ou ne le souhaite pas. La situation aujourd’hui est dramatique : il y a l’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences avec enfants. On voit des femmes qui sont protégées pendant que les enfants sont placés, faute de lieux d’accueil pour les femmes avec enfants.
Outre le problème de l’urgence, il faut songer à cette période très intéressante qui est couverte, selon la loi de 2010, par l’ordonnance de protection : pendant un temps qui va être augmenté, grâce à la disposition que vous allez proposer et que nous allons voter, nous devons avoir les moyens d’accueillir dans de bonnes conditions ces femmes en pleine reconquête de soi et de leur avenir.
Pouvez-vous nous dire si, dans vos projets – dans les propositions que vous allez présenter pour le 25 novembre, donc très bientôt –, il y a des dispositions précises, sonnantes et trébuchantes, qui permettraient de soutenir les projets locaux ? J’en connais un personnellement, vous en êtes informée. Ces projets visent à créer de toutes pièces des lieux d’accueils d’urgence, mais aussi d’accueil temporaire des femmes victimes de violences avec leurs enfants ?
Vous mettez le doigt sur un sujet d’importance, monsieur le député. Il est vrai qu’il faut veiller, presque systématiquement, à l’éviction de l’auteur des violences hors du domicile conjugal ; d’ailleurs, le projet de loi que je vous présenterai en fait un principe gravé dans le marbre. En même temps, on sait que dans la réalité, cette éviction n’est parfois pas possible ni souhaitable, la victime ne se sentant pas en sécurité sur place, ou ne se sentant pas bien dans les lieux de son calvaire.
C’est pourquoi le Président de la République a pris un engagement l’année dernière et nous tiendrons cet engagement : nous allons créer 1 650 places d’hébergement spécifiquement réservées aux femmes victimes de violences, dont un certain nombre sera évidemment destiné à accueillir femme et enfants, puisque telle est souvent la situation. L’existence de ce type d’hébergement, mais aussi la professionnalisation des accompagnants qui doivent être à l’écoute des victimes et en mesure de faciliter leur insertion, sont des gages de succès.
On sait que le traumatisme psychologique causé par les violences est important. Lorsque je vous présenterai mon texte au mois de janvier, je vous proposerai d’ailleurs un certain nombre de mesures pour mieux traiter ces traumatismes psychologiques. Mais on sait aussi que, plus vite les victimes sont accompagnées, notamment vers un retour à une vie professionnelle et sociale, plus vite elles se remettent.
Nous avons d’ores et déjà, avec Cécile Duflot, encouragé le rapprochement entre les SIAO et les associations gestionnaires de structures pour femmes victimes de violences. Trop souvent, on se retrouvait dans une situation ubuesque : les femmes étaient envoyées par les SIAO dans des lieux d’hébergement accueillant tous types de public, de sorte qu’elles étaient davantage précarisées psychologiquement qu’aidées.
Ce rapprochement est un premier pas et la création de nouvelles places va nous aider à poursuivre ce travail.
Ma question portera spécifiquement sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Vous le savez, je suis cette question de très près, particulièrement depuis la remise de mon rapport au président Nicolas Sarkozy en mars 2011.
Vous savez que ce rapport a conduit à l’inscription, dans la loi de mars 2012, d’un certain nombre de mesures, notamment celle concernant l’obligation d’atteindre 40 % de femmes dans les postes à responsabilité d’ici 2018.
Cette loi a aussi transcrit l’obligation faite aux trois versants de la fonction publique, dans le cadre du bilan social, de produire un rapport comportant notamment des données relatives au recrutement, à la formation, au temps de travail, à la promotion professionnelle, aux conditions de travail, à la rémunération et à l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle.
Vous ne pouvez ignorer, enfin, que le Gouvernement de l’époque a lancé un travail de concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux, sur toutes les autres questions qui relèvent du dialogue social, comme la lutte contre les stéréotypes, l’accompagnement des ruptures professionnelles, le temps partiel ou encore la formation. J’étais présente à Bercy en avril 2011, au lancement de cette concertation.
En mars 2013, le Premier ministre a présenté le protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique et s’est félicité du travail accompli par son gouvernement. Ce protocole reprend bien sûr les propositions inscrites dans mon rapport publié en juin 2011, mais aussi et surtout s’inscrit dans la continuité des politiques menées depuis plus de dix ans.
Depuis de nombreuses années, toutes les mesures permettant de progresser dans ce domaine ont été prises par des gouvernements de droite comme de gauche. Je tenais à vous le rappeler, comme l’ont fait Marie-Jo Zimmermann et à l’instant Guy Geoffroy. Je pense que c’est important et c’était l’occasion de le faire ce soir.
Cela étant dit, ma question est simple : quelles sont concrètement les mesures que vous avez mises en place pour suivre l’application de la loi de mars 2012, sur l’obligation d’atteindre dès 2014 la proportion de 20 % de femmes dans les postes à responsabilité et sur la production de données chiffrées ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Merci pour cette question. J’en profite, puisque j’y étais invitée par Marie-Jo Zimmermann, pour saluer la présence du député Sauvadet, qui a joué un rôle important quant à la loi du 12 mars 2012, qui nous a permis de fixer des objectifs ambitieux dans la fonction publique.
J’entends ici que la délégation aux droits des femmes l’a bien aidée : c’est cela aussi, le travail de collaboration dans cet hémicycle. En tout cas, cette loi du 12 mars 2012 fixait un certain nombre d’objectifs, notamment celui d’atteindre les 40 % de primo-nomination de femmes à des emplois de cadres dirigeants d’ici 2018.
Je veux vous dire que lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, non seulement nous avons adhéré totalement à ces objectifs ambitieux, mais nous avons décidé d’être plus ambitieux encore en avançant d’un an la date de réalisation des 40 %, puisque nous nous sommes obligés à les atteindre d’ici 2017.
Nous n’avons pas non plus attendu 2013 pour commencer à remplir les objectifs intermédiaires énoncés par la loi.
Deuxième chose importante : nous avons voulu assurer la transparence des nominations. Désormais, une fois par an, nous réalisons un bilan en Conseil des Ministres sur celles qui ont été effectuées et les résultats sont assez encourageants. En effet nous satisfaisons déjà au seuil minimal qui a été fixé par la loi. A la fin du mois d’août 2013, les femmes représentent 31 % des primo-nominations de cadres dirigeants, soit sept points de mieux que l’année précédente. Elles représentent 34% des primo-nominations dans les emplois de direction en 2013, soit trois points de mieux qu’en 2012.
Nous sommes très attachés à cet objectif et nous sommes très vigilants. Nous avons décidé de nous montrer relativement exemplaires dans la fonction publique, et pas seulement pour répondre à des principes relativement évidents mais, aussi, parce qu’il est difficile de donner des conseils ou des leçons aux entreprises privées si, à notre tour, nous ne faisons pas le ménage dans nos rangs.
Pour accompagner tout cela, je veux saluer un important protocole d’accord conclu par les partenaires sociaux dans la fonction publique le 8 mars 2013. Au-delà de la féminisation de l’encadrement dans les fonctions publiques, il a vocation à organiser le travail pour permettre, comme je le disais tout à l’heure, une meilleure articulation, notamment, de la vie personnelle et professionnelle des fonctionnaires mais, aussi, une meilleure gestion de la mobilité dans un certain nombre d’administrations. Nous savons combien celle-ci explique le nombre insuffisant de femmes dans les corps préfectoraux, les ambassades, etc.
J’ajoute que ce protocole prévoit également la réalisation obligatoire d’un rapport de situations comparées ainsi que l’organisation de la prévention des violences faites aux agents sur leur lieu de travail. Cela va dans un très bon sens, tout comme le congé de paternité de plein droit désormais accordé aux agents de la fonction publique qui sont pères.
Enfin, nous formulerons d’autres propositions lors du deuxième comité interministériel aux droits des femmes pour la fonction publique.
La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Depuis Marie Curie, première femme docteur en physique, de nombreux progrès ont été réalisés en termes d’égalité entre les hommes et les femmes dans la société. Vous êtes présente sur ces bancs, madame la ministre, nous sommes de plus en plus nombreuses dans cet hémicycle…
… et cela ne saurait s’arrêter en si bon chemin. Mais, enfin, nous l’avons tous constaté, beaucoup reste encore à faire.
Les filières scientifiques comprennent moins de 20 % de filles, les dirigeants de fédérations sportives comptent moins de 20 % de femmes – nous en avons encore peu parlé mais cela doit être également souligné.
Pour progresser encore dans la voie de l’égalité, l’école peut et doit jouer un très grand rôle en faisant évoluer les mentalités. Les jeunes sont très sensibles, très perméables à cette question. D’ailleurs, l’année dernière, une classe d’Ostwald, dans ma circonscription, s’est rendue au Parlement des enfants et a proposé une loi permettant un accès facilité aux sports de haut niveau pour les jeunes filles. Lors du débat de l’année dernière, nous avions déjà évoqué cette question, qui est vraiment presque caricaturale en fait d’inégalités entre les hommes et les femmes.
Madame la ministre, vous avez lancé à titre expérimental le dispositif ABCD de l’égalité filles-garçons afin de lutter contre les clichés dès l’école primaire – il a d’ailleurs déjà été évoqué tout à l’heure.
Mais nous constatons combien ce sujet est difficile. L’intervention de Mme Pompili, qui vient de partir, a montré qu’il est possible d’aller très loin, peut-être même trop loin sur cette question, si l’on entend certains parents, notamment, à Pau, en introduisant la trop fameuse et polémique théorie du genre dès les bancs de la maternelle.
Je vous laisse juge de vos propos mais je me permets de relayer les interrogations, les inquiétudes, voire, les oppositions…
… des parents qui, si vous voulez parvenir à vos fins en termes d’égalité, doivent adhérer à l’acculturation et à ce que vous leur proposez dans les écoles. Ils doivent être présents et entendus ! C’est aussi mon rôle que de poser la question et je ne voudrais pas, ce faisant, être traitée de réactionnaire – sans quoi il n’y aura pas de dialogue possible.
Je pense que vous devez tout de même entendre les soucis des parents. Vous devez absolument détailler très précisément le contenu pédagogique de ce nouvel enseignement ; ce sera la seule façon de les rassurer. Quoi que vous pensiez de leurs inquiétudes, ce sont des parents. Ils ont le droit d’être inquiets, de le dire, et ils doivent absolument être entendus, sinon, vous ne parviendrez pas à vos fins mais au résultat inverse de celui qui est escompté.
Je conclus simplement en vous rappelant l’article du Monde et en vous invitant à faire preuve de pédagogie auprès de vos confrères ministres parce que, s’agissant des cabinets ministériels, vous êtes la seule à peu près méritante sur le plan de la parité. Ce n’est en effet pas le cas de vos nombreux collègues ministres qui ne la respectent absolument pas et en sont même très éloignés, le pire étant le premier d’entre eux dont le cabinet ne compte que 12 femmes sur 57 personnes.
Je crois qu’ils peuvent mieux faire. Nous comptons sur votre capacité de persuasion.
Vous n’avez pas la parole, monsieur Hetzel.
Mme Rohfritsch, vous avez la palme du dépassement du temps de parole puisque vous avez utilisé près du double du temps qui vous était imparti.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Jusqu’à présent, ce débat s’est extraordinairement bien passé, dans le calme et le respect mutuel. Je souhaiterais que cela continue jusqu’à la fin, dont nous approchons. Je vous remercie.
La parole est à Mme la ministre.
Vous parliez de théorie, madame la député, mais les inégalités que nous combattons – je suis persuadée que vous êtes à nos côtés – n’ont rien de théorique, non plus que les hommes et les femmes dont nous parlons.
J’entends bien qu’ici ou là des résistances se font jour. Pour mieux se faire entendre, ceux qui les expriment en appellent à des fantasmes mais, aussi, font état d’inquiétudes légitimes de parents, toujours soucieux de ce que l’on peut apprendre à leurs enfants ou, en tout cas, se montrant curieux et intéressés et cherchant à en savoir plus.
Mais il ne faut pas donner plus de médiatisation et de lumière que de raison à ce type de manipulations, car ce sont des manipulations. La réalité, c’est que nous introduisons à l’école un apprentissage de l’égalité entre les filles et les garçons qui, jamais, au grand jamais ne nie la réalité biologique des filles et des garçons et la différence sexuelle qui existe entre eux.
Au contraire, il s’appuie sur cette différence entre les filles et les garçons pour examiner la construction sociale des inégalités, car la plupart de celles que nous avons évoquées aujourd’hui relève de la construction sociale. Afin de mieux les déconstruire, la société doit précisément se doter d’armes et donner des explications en particulier aux enfants, dès le plus jeune âge. Ainsi, ils ne les reproduiront pas à leur tour.
Voilà ce dont il s’agit et que je vous ai déjà expliqué avec les ABCD de l’égalité, la formation des enseignants ou le travail sur l’orientation scolaire. Il n’est pas question d’indifférenciation sexuelle mais d’égalité de droit et de fait.
Vous m’avez interrogée sur la féminisation des cabinets. Je ne vous dirai pas que nous avons atteint l’idéal…
… qui serait le mien. Nous devons encore parcourir du chemin, mais je crois que ce sujet a toujours été difficile pour tous les ministres et tous les gouvernements. Nous pouvons tous convenir ensemble que le chemin est encore long mais, aussi, que des débats tel que celui que nous avons aujourd’hui permettent aussi d’avancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Vous avez souhaité donner à ce débat une tonalité que j’apprécie, madame la ministre. En effet, il n’y a pas d’un côté la vertu absolue, à gauche, et, de l’autre, l’obscurantisme. Il y a une volonté partagée par tous les responsables politiques pour faire avancer une vision de la société dans laquelle chacun a sa vraie place. C’est cela, la question, et pas seulement un débat entre les hommes et les femmes, ou entre les femmes vis-à-vis des hommes. Il s’agit d’un débat de société, raison pour laquelle j’ai tenu à y participer.
Je veux donc saluer votre engagement, qui est incontestable, comme le nôtre. Tout ce qui va dans le sens d’une égalité effective – j’insiste sur ce mot – entre les femmes et les hommes…
…va dans le bon sens. L’UDI le soutiendra et vous soutiendra.
La question d’une prise de conscience collective se pose.
Ce débat est très difficile. S’il suffisait de rédiger des textes ou de marquer une intention pour faire évoluer la société, cela se saurait. Il faut une prise de conscience collective et cela commence par l’éducation, et la famille, y compris sous sa nouvelle forme – que nous la soutenions plus ou moins –, ne peut s’exonérer de sa responsabilité. Cela commence par le partage des tâches matérielles de la famille. L’engagement de toutes les forces politiques et sociales sera nécessaire.
Un regret, madame la ministre. J’ai beaucoup regretté que dans le bilan que vous faites de l’égalité entre les femmes et les hommes vous n’ayez pas souligné une loi à laquelle je tiens beaucoup – non parce que j’en fus le co-auteur avec la délégation aux droits des femmes, Mme Zimmermann, Mme Tasca, Mme Guégot, qui a réalisé un rapport, et tous ceux qui ont participé à son élaboration puisqu’à quelques mois des élections, elle a été votée à la quasi-unanimité du Parlement. J’ai donc regretté que vous n’en fassiez pas état dans votre document…
…ou uniquement à travers une évocation d’une seule petite page, alors qu’il s’agit d’une loi extrêmement importante. Pourquoi ? Je vais en dire deux mots, si vous le permettez.
Cette loi concerne la fonction publique, laquelle doit être selon moi exemplaire quant à ce que nous demandons à l’ensemble de la société. Les fonctionnaires, ceux qui servent l’État, ceux qui servent nos collectivités territoriales, sont plus que tous les autres détenteurs de l’image que nous devons porter, celle d’une République qui fait sa place à chacun.
Alors, vous avez évidemment parlé de l’objectif très ambitieux visant à parvenir à 40 % de femmes exerçant de hautes fonctions publiques à l’horizon 2018. Vous avez noté une progression et vous avez décidé de ramener sa réalisation à 2017. Comment allez-vous vous y prendre ? Avez-vous pris des contacts effectifs dans la fonction publique, avec l’ensemble des administrations, pour vous assurer que nous disposons bien dans tous les ministères – préfètes et ambassadrices sont concernées – du nombre adéquat de femmes engagées dans ces cursus professionnels, lesquel devront être probablement accélérés pour un certain nombre d’entre elles afin qu’elles accèdent à des postes de responsabilité ?
Je serai très bref dans l’exposé de ma deuxième question.
Qu’en est-il de la féminisation des jurys ? La parité, dans ces jurys qui apprécient la qualité des uns et des autres, constitue une question extrêmement importante. Je souhaiterais que vous suiviez ces sujets, madame la ministre.
J’ajoute qu’il a fallu convaincre nos administrations elles-mêmes, car elles n’étaient pas très promptes à faire toute leur place aux femmes pour exercer des responsabilités.
Je souhaite donc que vous suiviez attentivement ce qui se passe dans la fonction publique parce que, je le répète, elle doit être exemplaire. Cela ne passe d’ailleurs pas simplement par un débat en son sein ou au sein du conseil commun de la fonction publique, la loi disposant désormais qu’un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes doit être organisé dans toutes les fonctions publiques une fois par an – je souhaite, d’ailleurs, que vous soyez attentive à son devenir.
Je souhaite, surtout, que nous puissions travailler ensemble pour que, je le répète, la fonction publique soit à l’avant-garde de ce que nous demandons à l’ensemble de nos entreprises, ce qui avait d’ailleurs été jadis demandé par Mme Zimmermann et M. Copé.
Je vous remercie et je vous prie de m’excuser pour avoir été un peu long.
Je vous en prie, monsieur Sauvadet, mais je tiens à vous préciser que vous vous êtes exprimé pendant quatre minutes et que vous avez ainsi ravi la palme à Mme Rohfritsch
Sourires
Vous devrez vous montrer extrêmement concis lors de votre prochaine question.
Sourires
Votre question me permettra, en quelque sorte, de conclure.
Je reviens sur les engagements que j’évoquais tout à l’heure dans la fonction publique. Je vous ai donné des pourcentages concernant ce qui a déjà été réalisé mais peut-être que d’autres chiffres vous frapperont davantage.
Sachez qu’entre octobre 2012 et octobre 2013, 65 femmes ont été nommées en Conseil des Ministres sur des emplois de cadres dirigeants et que 110 femmes l’ont été dans un emploi de direction de l’État depuis le 1erjanvier de cette année.
Oui, je crois sincèrement que nous pourrons tenir le pari des 40 % en 2017. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question de « foi » car nous vérifions très régulièrement ce qu’il en est. Vous savez que, chaque année, j’organise désormais des conférences de l’égalité, un peu sur le mode des conférences budgétaires préparant le budget. Elles permettent de recevoir tour à tour dans mon ministère les représentants des autres ministères afin de faire un point sur les engagements qu’ils ont pris ainsi que sur leurs réalisations.
Dans ce cadre, nous examinons notamment les questions du management et des équipes de leurs administrations.
Je peux vous dire, de ce point de vue, que la plupart des administrations et des ministères ont adopté une politique active de rénovation du management de l’encadrement dirigeant de l’État, qui permet par exemple d’encourager les hauts potentiels féminins. On peut désormais identifier le fameux vivier de hauts potentiels féminins et l’accompagner, en particulier entre 30 et 40 ans, à l’âge où les femmes s’arrêtent généralement pour avoir des enfants. Nous avons vraiment une politique proactive en la matière.
Par ailleurs, chaque nomination en conseil des ministres des emplois à la discrétion du Gouvernement fait désormais l’objet, à notre demande, de trois propositions : un candidat de chaque sexe, et au moins un candidat figurant dans ce que l’on appelle le vivier interministériel, ce qui facilite également le recrutement de femmes à un certain nombre de postes.
Sachez aussi qu’un décret a paru le 10 octobre, qui est peut-être passé inaperçu, mais qui dispose que les jurys, dont vous avez parlé, seront féminisés à hauteur de 40 % minimum d’ici le 1erjanvier 2015, dans toutes les administrations.
Certaines administrations et certains ministères ont même anticipé et décidé d’aller au-delà, en se fixant comme objectif la parité. Nous avançons sur ce sujet et je pense que nos objectifs seront pleinement atteints en 2017.
Vous savez par ailleurs, puisque vous étiez à l’origine de ce texte, qu’un dispositif de pénalité avait été envisagé pour les ministères qui ne parviendraient pas à remplir leurs objectifs de féminisation. Nous avons pris la décision avec Marylise Lebranchu, et en avons informé nos collègues, qu’aucun ministre ne pourrait avoir recours à cet artifice de la pénalité – que signifie, en effet, une pénalité dans la fonction publique ? – pour s’exonérer de ses responsabilités. Nous ne l’accepterons pas, et le Premier ministre nous accompagne dans cette démarche.
Merci à vous pour la grande qualité de ce débat, et pour votre attention…
Madame la ministre, M. Sauvadet a le droit de poser une deuxième question en quelques secondes.
Sourires
Excusez-moi ! Je croyais que le débat était clos.
Madame la présidente, je vous promets de battre le record de la concision. La pénalité avait vocation à alimenter un fonds de sensibilisation sur la place des femmes, mais je ferme la parenthèse.
J’en viens au congé parental, qui ne sera maintenu à trois ans que si le père en assume six mois. Nous sommes dans une période de crise ; souvent, à cause précisément de l’inégalité entre les femmes et les hommes, une partie importante du revenu des ménages est liée à la situation de l’homme ; les femmes vont donc se retrouver avec six mois de congé en moins.
Qu’en est-il des crèches ? Au moment où nos collectivités territoriales vont avoir 1,5 milliard d’euros en moins, je ne sais pas comment nous allons faire pour accueillir tous ces enfants, si nous réduisons encore le temps de mise à disposition. Je comprends bien l’esprit de cette mesure, mais la conséquence pratique, c’est la pénurie de crèches : où trouver une place de crèche à Paris, à Dijon, en province ou dans les territoires ruraux ?
Ma question, vous le voyez, était fort brève.
Très bien ! Vous avez parlé moins d’une minute !
La parole est à Mme la ministre.
Je ferai une réponse tout aussi brève. Je ne reviendrai pas sur les 275 000 solutions d’accueil pour la petite enfance que nous commençons à mettre en oeuvre : vous savez que nous devons progressivement atteindre cet objectif en 2017, mais nous commençons ce travail dès 2014. Or notre réforme a justement été pensée pour commencer à porter ses fruits à partir d’avril 2014 ; le temps qu’elle atteigne les familles qui comptent deux enfants et plus et qui se trouvent donc concernées par cette réduction du congé de trois ans à deux ans et demi, nous serons quasiment en 2017. D’ici là, les solutions d’accueil auront été mises en place. Je précise d’ailleurs, puisque vous évoquez le financement des collectivités locales, qu’un fonds de 750 millions d’euros a été créé pour lutter contre le déséquilibre entre territoires en matière de taux de places de crèches. Ce fonds va jouer un rôle important pour répondre aux besoins, là où ils sont les plus criants.
Je vous assure que cette réforme du congé parental, dont nous reparlerons ici même en janvier, a été pensée pour ne pas mettre les ménages en difficulté. Nous y verrons beaucoup plus clair lorsque nous aborderons ce sujet en détail.
Je vous remercie à nouveau pour ce débat. À très bientôt.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci, madame la ministre. Merci aussi à vous, mes chers collègues, car il est vrai que ce débat a été très respectueux, et donc très agréable pour la présidence, qui a parfois du mal à supporter le brouhaha et les anathèmes.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : débat sur les enjeux budgétaires européens.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron