Madame la présidente, mes chers collègues, l’égalité entre les femmes et les hommes est un sujet évidemment politique, puisqu’il s’agit d’un changement social qui doit modifier durablement les pratiques et les mentalités en termes de progrès. Il faut une transformation majeure des représentations sexistes qui fondent notre société et ont pour conséquences des inégalités récurrentes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale et, bien sûr, les violences subies par les femmes. Ce changement social ne peut être mis en oeuvre qu’à travers une politique volontariste et transversale.
À ce titre, je suis heureuse de constater que l’ambition de mettre en oeuvre une politique intégrée d’égalité, c’est-à-dire d’inclure les questions d’égalité dans tous les domaines et pas seulement dans des projets ponctuels, a été suivie d’effets concrets. C’est ce que nous offre la lecture du document de politique transversale sur la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, annexé au projet de loi de finances. Ce document connaît, cette année, un saut qualitatif important. L’année dernière encore, seul un objectif était clairement spécifique à la politique d’égalité.
Les autres étaient des objectifs généraux qui pouvaient contribuer indirectement à l’égalité, comme la réduction de la pauvreté ou l’accès et le retour à l’emploi, ou qui, grâce à leurs indicateurs sexués, pouvaient donner une information sur la comparaison de la tenue des objectifs pour les femmes et pour les hommes. Cette année, nous constatons que les objectifs sont plus précis et concernent directement l’égalité entre les femmes et les hommes. Les indicateurs sont plus fins, ce qui devrait nous permettre de vérifier que les politiques mises en oeuvre en faveur de l’égalité donneront des résultats. La démarche transversale, peut-être la plus emblématique de l’action de la majorité, concerne l’égalité dans le domaine de l’éducation.
Les axes sont clairs : transmettre une culture de l’égalité entre les sexes, promouvoir le rôle et la place des femmes dans les programmes scolaires et veiller à la mixité dans toutes les filières professionnelles. Cinq ministères sont impliqués par ces objectifs à travers la convention interministérielle pour l’égalité entre filles et garçons. Cela passe par des actions concrètes que nous avons votées : la création d’un service public de l’orientation qui devra prendre systématiquement en compte la nécessité de promouvoir la mixité dans les filières de formation, ou encore l’inscription de la formation à l’égalité entre filles et garçons dans le cahier des charges des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.
Les mesures relatives à l’égalité sont souvent traitées de façon marginale parce que nous avons l’illusion que l’égalité entre les femmes et les hommes est acquise ou en passe de l’être. Ce n’est évidemment pas le cas, car la tâche est immense ! Pour tenter de la mesurer, je veux rappeler un projet de loi proposé en 1801 portant « défense d’apprendre à lire aux femmes », considérant que « l’art de plaire et la science du ménage ne s’apprennent pas dans les livres » !
C’est un texte d’un ancien révolutionnaire, et une étonnante mais révélatrice aberration d’une époque fondatrice de notre République au moment même où l’on rédige le code civil qui structure notre vie en société. Jean-Jacques Rousseau lui-même écrit dans De l’éducation que filles et garçons ne doivent pas recevoir la même, le rôle des femmes dans la société devant être à l’image de leur rôle dans la famille.
Ce projet de loi n’a certes jamais été adopté, mais l’infériorité supposée des femmes l’a été, leur exclusion de l’espace public aussi. Cela explique pourquoi nous avons tant à rattraper. Même au siècle des Lumières, nous avons exclu et discriminé les femmes, et ce qui n’a été remis en cause que récemment, bien que la question ait été abordée de tout temps par des femmes engagées, fonde encore d’une manière ou d’une autre nos systèmes de pensée et pèse sur nos actions, nos représentations.
Oui, l’éducation est un vecteur fondamental du progrès que nous avons toujours à accomplir pour que les femmes soient traitées à l’égal des hommes. Pour cela, il a fallu et il faudra encore refonder notre école.
Permettez-moi de terminer par une observation sur une mesure précise contenue dans cette annexe au projet de loi de finances, la création d’une action avec son budget propre, « Soutien aux actions de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains ».
Voici ce qui préfigure utilement, je l’espère, une action plus lisible et déterminée de l’État en matière de lutte contre le système de la prostitution et, avant tout, d’accompagnement social des personnes prostituées. Cette action devient ainsi visible dans le budget du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Cela doit ouvrir la voie à une démarche similaire dans les autres budgets de l’État, ceux des politiques sociales et sanitaires par exemple.
J’en appelle, et nous aurons l’occasion d’en discuter très rapidement dans l’hémicycle, à la création, au sein du budget de l’État, d’un fonds global pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social des personnes prostituées, qui rassemblerait tous les budgets concernés, fonds qui pourrait par ailleurs être abondé par la confiscation des biens et produits issus du proxénétisme.
Cette mesure est fondamentale pour que notre pays se donne enfin les moyens de mettre fin à ce qui est non pas le plus vieux métier mais la plus résistante des exploitations et des violences imposées aux femmes.